La Bible interdit-elle de consommer des boissons alcoolisées?
La Bible interdit-elle de consommer des boissons alcoolisées?
« La Bible interdit-elle de consommer des boissons alcoolisées, et si oui, quel est le passage explicite dans lequel on trouve une telle interdiction? »
Question d’un correspondant
La réponse est : non, la Bible n’interdit nulle part de boire des boissons alcoolisées. Seuls, dans l’Ancien Testament, les hommes ou femmes qui faisaient le vœu de se consacrer d’une manière spéciale à Dieu, et qu’on appelait les Naziréens, devaient s’abstenir de toute boisson alcoolisée, et même de manger des raisins. À cette catégorie de personnes appartenaient Samson et Samuel, de même que Jean-Baptiste, qui a directement annoncé la venue du Messie et l’a identifié dans la personne de Jésus. Mais ailleurs, on ne trouve aucune interdiction de ce genre.
Au contraire, le vin fait partie de la culture d’Israël, il est même présenté comme offrande à Dieu, par exemple au chapitre 15 du livre des Nombres. Le Psaume 104 déclare : « Le vin réjouit le cœur de l’homme et fait resplendir son visage, le rendant brillant plus que l’huile » (Ps 104.15). Le Cantique des cantiques, ce chant d’amour exceptionnel, débute de la manière suivante : « Ah! que ta bouche me couvre de baisers, car ton amour est plus exaltant que le vin » (Ct 1.2).
Dans les Évangiles, nous voyons Jésus boire du vin avec ses disciples, ce qui lui attire les foudres des gens qui se croient très religieux. Il dit de lui-même dans l’Évangile selon Luc :
« Le fils de l’homme est venu, il mange et il boit, et vous vous écriez : Cet homme ne pense qu’à faire bonne chair et à boire du vin, il est l’ami des collecteurs d’impôts et des pécheurs notoires » (Lc 7.34).
Jésus participe même dans la ville de Cana à un repas de noces où, après un moment, le vin manque; il changera l’eau des outres en vin, un vin meilleur encore que celui qui avait été servi jusque-là (Jn 2.1-11). Lors du dernier repas pris avec ses disciples avant son arrestation, Jésus partage avec eux la coupe de vin, qui représente son sang prêt à être versé pour eux et pour tous ceux qui croiront en lui.
Cela dit, la Bible met en garde très clairement contre les excès de vin ou d’alcool et contre toute forme d’intempérance liée à la consommation de boissons alcoolisées. Dans la Bible, nous voyons de nombreux hommes ou femmes pris au piège de la boisson, ce qui entraîne des situations pénibles, voire fatales. Pensons par exemple à Noé, juste après le déluge (Gn 9.20-22). Le chapitre 20 du livre des Proverbes, dans l’Ancien Testament, commence comme ceci : « Le vin est plein d’insolence, et l’alcool remplit de tapage, celui qui s’en laisse griser ne pourra être sage » (Pr 20.1). Au chapitre 23 du même livre, on lit la description suivante, si juste et acérée, de l’ivrogne :
« Pour qui les : Hélas, malheur à moi! Pour qui les querelles sans raison et les coups sans cause? Pour qui les yeux rouges? Pour ceux qui restent jusque tard à boire du vin, pour ceux qui sont en quête de vin parfumé. Ne couve pas de tes regards le vin vermeil quand il brille de son éclat dans la coupe : il descend aisément, mais finit par mordre comme un serpent et te piquer comme une vipère. Tes yeux verront alors des choses étranges et tu laisseras échapper des paroles incohérentes. Tu auras l’impression d’être couché en pleine mer, ballotté comme un matelot en haut d’un mât. On me frappe, diras-tu, mais je n’ai pas mal, on m’a roué de coups, je n’ai rien senti. Quand me réveillerai-je? Il faudra que je trouve encore quelque chose à boire » (Pr 23.29-35).
Dans le Nouveau Testament, au chapitre 5 de la lettre aux Éphésiens, l’apôtre Paul avertit aussi ses lecteurs : « Ne vous enivrez pas de vin, c’est de la débauche, mais soyez remplis de l’Esprit » (Ép 5.18). Dans d’autres de ses lettres, comme celles à Timothée ou à Tite, une des conditions à remplir pour être dirigeant d’Église est de ne pas être adonné à la boisson (1 Tm 3.3,8). Cela ne veut d’ailleurs pas dire qu’un tel homme doive s’abstenir totalement de vin, comme c’était le cas des Naziréens, puisque Paul recommande à son jeune ami Timothée, lui-même dirigeant d’Église, de boire un peu de vin à cause de son estomac délicat (1 Tm 5.23).
Alors, est-ce une question d’équilibre, de modération dans la consommation de ce type de boissons? Oui, dans la mesure où l’on sait remercier Dieu pour les dons qu’il nous accorde, sans devenir l’esclave de tels dons. Car l’ivrognerie, le fait d’être adonné à la boisson, constitue sans aucun doute une forme d’idolâtrie. À côté de Dieu, la boisson peut devenir un maître puissant dont les exigences et la consommation gouvernent les actes d’hommes et de femmes incapables de résister à l’appel de l’alcool.
D’autre part, certaines personnes, qui se croient fortes et capables de consommer modérément, ne savent plus s’arrêter une fois qu’elles ont commencé. Sous la pression des compagnons, de la culture ou d’une situation quelconque, elles se retrouvent rapidement prises dans un engrenage, alors même qu’elles n’avaient pas l’intention de perdre le contrôle d’elles-mêmes. Le premier verre mène au second, celui-ci au troisième et ainsi de suite. Les conséquences de cette perte de contrôle peuvent être incalculables. Un croyant doit pouvoir reconnaître avec lucidité ses propres limites. Si le danger est identifié de manière raisonnable, alors il vaut mieux décider une fois pour toutes de s’abstenir de boissons alcoolisées et s’en tenir en toutes circonstances à une telle décision personnelle, quelles que soient les pressions du groupe autour de soi.
Cela n’autorise cependant pas celui qui pratique cette forme d’abstinence à se croire spirituellement supérieur ou plus fort que celui qui sait consommer avec modération. Et l’inverse est également vrai : celui qui sait consommer avec modération ne doit pas se croire spirituellement plus fort.
Dans sa lettre aux chrétiens de Rome, au chapitre 14, Paul touche de près à ce sujet. Certains croyants pensaient qu’il fallait s’abstenir totalement de vin, d’autres au contraire croyaient que la liberté de boire du vin leur était accordée en Christ. Paul recommande à ces derniers de s’abstenir en présence de ceux qui s’abstiennent par motif de conscience. L’important, c’est de ne pas attrister son frère, afin de ne pas devenir un obstacle sur le chemin de sa foi. Cela n’empêche pas celui qui croit que la liberté de consommer lui a été accordée, de maintenir ses convictions. En fin de compte, aussi bien l’un que l’autre, s’ils remercient Dieu pour ses dons, vivent pour lui, et c’est cela l’essentiel.