3. Combien y a-t-il d’alliances?
3. Combien y a-t-il d’alliances?
Une question se pose à nous : combien y a-t-il d’alliances? Nous pouvons parler de l’alliance de Dieu avec Adam, Noé, Abraham, David et aussi de la nouvelle alliance dans le sang du Christ. Certains ont, par ailleurs, parlé d’une alliance des œuvres par opposition à une alliance de grâce, ainsi que d’une alliance intérieure par rapport à une alliance extérieure, l’alliance intérieure comprenant les élus et l’alliance extérieure incluant tous les membres de l’Église (visible). Comment appréhender de telles distinctions? Ces alliances sont-elles différentes alliances, ou sont-elles la même chose?
En résumé, Dieu a-t-il fait plus d’une alliance? Devons-nous parler de nombreuses alliances, ayant chacune son caractère et son contenu propre, ou d’une seule alliance qui demeure la même? Puisque Dieu ne change pas, cela n’est-il pas vrai aussi de son alliance? Ne demeure-t-elle pas aussi la même d’âge en âge?
1. Une seule alliance; diverses dispensations⤒🔗
La réponse est qu’il n’y a qu’une seule alliance, qui existe depuis le commencement des temps. Il y a au cours de l’histoire diverses dispensations à l’intérieur de cette seule alliance, mais l’alliance elle-même ne change pas. (Je me pencherai davantage sur ce sujet aux chapitres 13 et 14). Le mot « dispensation » fait référence à la manière dont Dieu distribue (« dispense ») ses dons au cours d’une certaine période. Cette manière peut en effet parfois différer, mais l’alliance elle-même n’est pas altérée par là même.
Lorsque nous définissons l’alliance comme notre relation avec Dieu, il nous faut comprendre que cette relation existe depuis la création de l’humanité. Aucune relation ne reste exactement la même au fil des années. Elle se développe et s’approfondit (si tout va bien). Il en va de même avec l’alliance de Dieu, qui se développe et s’approfondit en Christ. En ce qui a trait à son caractère, son contenu et son but, l’alliance reste cependant la même.
Je ne suis pas la première personne à défendre la position selon laquelle il n’y a qu’une seule alliance. Les théologiens réformés ont insisté de façon répétée sur le fait que « toute religion, toute communion avec Dieu est dès le début enracinée dans l’alliance1 ». L’alliance est une relation d’amour entre deux parties, Dieu et l’homme, et cette relation a existé dès le début. Au moment même où nous avons été créés, Dieu est entré dans une relation spéciale avec nous, et cette relation, avec ses attentes et ses obligations mutuelles, demeure.
2. Dieu ne change pas←⤒🔗
Cela est ainsi parce que Dieu ne change pas. Le monde présent passera et disparaîtra, mais Dieu demeure, et il demeure le même. Cela est aussi manifeste, comme nous l’avons vu, dans le nom Yahvé.
« Tu as anciennement fondé la terre, et les cieux sont l’ouvrage de tes mains. Ils périront, mais tu subsisteras; ils s’useront tous comme un vêtement; tu les changeras comme un habit, et ils seront changés. Mais toi, tu restes le même, et tes années ne finiront point. »
Cela a des conséquences pour la continuation de l’alliance : « Les fils de tes serviteurs habiteront leur pays, et leur postérité s’affermira devant toi » (Ps 102.26-29).
Cette position est aussi celle des confessions réformées. Au quatrième dimanche du Catéchisme de Heidelberg, nous nous heurtons à des excuses parfois avancées pour minimiser l’importance de notre culpabilité. L’une d’elles est que Dieu n’est pas vraiment juste. Comment peut-il encore nous demander aujourd’hui — maintenant que nous sommes déchus de l’état de justice et de sainteté — de respecter parfaitement sa loi? La réponse est simple : Dieu nous a créés tel que nous puissions respecter sa loi; si nous avons maintenant perdu ce don par notre irresponsabilité, nous ne pouvons pas accuser l’Éternel d’injustice. Le Seigneur Jésus peut ainsi dire : « Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5.48). L’exigence de cette alliance unique a toujours été la même à toutes les époques : un Père parfait réclame de ses enfants qu’ils soient parfaits.
3. « Les alliances… »←⤒🔗
Qu’en est-il alors du fait qu’à plusieurs reprises la Bible elle-même parle d’alliances au pluriel? Cela se produit, par exemple, dans Romains 9, où l’apôtre Paul résume les avantages qu’il y a d’être Juif, et par conséquent membre du peuple ancien de Dieu. Il écrit à leur sujet :
« C’est à eux qu’appartiennent la condition de fils adoptifs de Dieu, la manifestation glorieuse de la présence divine, les alliances, le don de la loi, le culte et les promesses » (v. 4).
Notons qu’en d’autres endroits les mêmes avantages sont aussi imputés à l’Église du Nouveau Testament. Nous nous intéressons toutefois au fait que le mot alliance est ici utilisé par Paul au pluriel. Cela n’implique-t-il pas qu’il y ait plus d’une alliance?
Il existe peu d’autres passages où le mot alliance, que ce soit en hébreu ou en grec, est utilisé au pluriel. Dans Ésaïe 33.8, nous lisons : « Les accords [alliances] ne sont pas respectés » (BPV), mais cela fait référence à des traités faits entre des hommes et désigne une époque où la loi et l’ordre font défaut2. De même, Osée 10.4 parle des « alliances » qui ne sont pas respectées, mais cela fait de nouveau référence à la rupture d’accords mutuels entre des hommes3.
Plus important encore, Paul écrit aux Galates au sujet de deux femmes, Hagar et Sarah, et déclare que ces deux femmes « sont deux alliances » (Ga 4.24). Avec le contexte, il devient évident, cependant, que le contraste s’opère entre la voie de la chair (les œuvres de la loi) et la voie de la foi (le fruit de l’Esprit). Ce passage touche à la question plus profonde du lien et du contraste entre les deux dispensations, ancienne et nouvelle, dans le cadre de l’alliance unique. Il contient cet avertissement : ceux qui tentent de trouver leur salut par les œuvres en accomplissant la loi seront confondus, car nous devons vivre par la foi dans les promesses de Dieu. Nous reviendrons à ce passage de l’Écriture plus loin, lorsque nous examinerons plus en détail la relation entre l’ancienne et la nouvelle alliance.
Le mot alliances est utilisé au pluriel à un autre endroit, dans Éphésiens 2.11 et 12. Paul dit ici à ses lecteurs (en majorité d’origine païenne) :
« Souvenez-vous donc de ceci : autrefois, vous, païens dans la chair, traités d’incirconcis par ceux qui se disent circoncis et qui le sont dans la chair et par la main des hommes, vous étiez en ce temps-là sans Christ, privés du droit de cité en Israël, étrangers aux alliances de la promesse, sans espérance et sans Dieu dans le monde » (Colombe).
Certains manuscrits donnent dans Romains 9.4 le mot alliance au singulier4. Cette traduction ne doit pas nous permettre d’échapper à la difficulté. Le Dr S. Greijdanus a écrit dans son commentaire sur l’épître aux Romains que
« le pluriel désigne les témoignages répétés à l’alliance, tout comme l’élargissement de l’alliance à Abraham, Isaac et Jacob et les riches bénédictions de l’alliance dont ils jouissent. Il désigne aussi la confirmation de l’alliance à Israël après la discipline et la repentance. »
L’unique alliance est simplement confirmée et élargie.
Un autre commentateur bien connu, le Dr F. W. Grosheide, voit en particulier dans la forme « alliances » au pluriel les « stipulations émises par Dieu, ainsi que les décisions qu’il a prises sous l’ancienne alliance concernant sa promesse unique en Christ ». C’est essentiellement le même point de vue qu’exprimait Greijdanus. Le mot alliances (au pluriel) ne signifie pas qu’il y a différentes alliances, mais il désigne l’œuvre dynamique et progressive de Dieu pour arriver à l’accomplissement des promesses anciennes en Jésus-Christ. L’alliance a des dispensations nettes, et par conséquent le pluriel d’intensité peut être utilisé, mais nous avons affaire à la seule alliance de Dieu, la même œuvre de salut et la même relation unique d’amour entre Dieu et son peuple.
4. En résumé←⤒🔗
Nous avons noté qu’en quelques occasions la Bible parle d’alliances au pluriel, mais que dans ces cas-là elle fait référence à la seule et unique alliance qui existe à travers le temps, même si elle s’approfondit avec le temps.
Garder ce fait à l’esprit permet d’éviter toute déviation de la pensée alliancielle, alors que nous continuons d’explorer ce qu’enseigne la Bible au sujet de l’alliance en tant que moyen par lequel Dieu accompagne son peuple, et par conséquent nous accompagne, dans l’histoire de la rédemption.
Notes
1. De Graaf, Hoofdlijnen, p. 61
2. N. D. T. : La Bible Parole de Vie est la seule qui utilise un mot au pluriel, « les accords ». Toutes les autres versions françaises utilisent le mot « alliance » au singulier, ou encore le mot « traité ».
3. N. D. T. : Certaines versions utilisent le mot « alliance » au singulier (NEG, LSG, BC, DRB, MAR), d’autres au pluriel (BDS, S21, TOB, NBS, BFC, OST), ou encore le mot « accords » au pluriel (BPV).
4. N. D. T. : Comme cela est rendu dans la BPV, par exemple.