Démonologie du Nouveau Testament - L'activité des démons
Démonologie du Nouveau Testament - L'activité des démons
L’apôtre Paul décrit l’existence avant la conversion au Christ comme un asservissement aux esprits élémentaires cosmiques (Ga 4.3,9). D’après Galates 4.8, il est évident que les Galates avaient été des adorateurs d’idoles; l’apôtre a probablement ici en vue des esprits démoniaques. Dans Romains 8.38, les principautés et les puissances sont certainement des forces démoniaques hostiles à Dieu, mais incapables d’entraver la réalisation de ses desseins (comparer Ép 6.12).
Les esprits méchants induisent à l’erreur (1 Jn 4.1-3; Ap 16.13-14); ils égarent notamment par l’intermédiaire de faux prophètes (Mt 24.11,24; Mc 13.22; 1 Jn 4.1). Jude 1.6 et 2 Pierre 2.4 se réfèrent à des anges déchus enchaînés jusqu’au jugement dernier, bien qu’on ne puisse pas tout à fait les identifier aux démons dont nous parlons ici.
Nous avons déjà signalé que le Nouveau Testament présuppose les conceptions démonologiques de l’Ancien Testament.
Le démon se trouve derrière toute pratique de sorcellerie (Ga 5.20; Ap 21.8; 22.15). Le contact des païens avec le démon les conduit inévitablement à l’adoration de celui-ci; c’est pourquoi les démons se trouvent derrière le paganisme. Ils seront actifs dans cette sphère durant les derniers temps (1 Tm 4.1; Ap 16.13). Ils sont cependant déjà fort actifs aujourd’hui (Ép 6.12) et enseignent leur sagesse diabolique (Jc 3.15). Aussi est-il très important de discerner les esprits (1 Co 12.10; 1 Jn 4.1). Les pouvoirs démoniaques sont destinés au jugement (Mt 8.29; 25.41).
Pour Jésus comme pour les premiers chrétiens, les démons sont des adversaires de l’homme, réels et redoutables. Sans exception, ils sont tous des esprits mauvais, impurs et trompeurs, termes qui, ainsi que nous l’avons vu dans l’original grec, sont interchangeables avec le terme démon. Leur principale activité est de posséder, de contrôler et de tourmenter les humains, d’exercer sur eux une influence néfaste. Dans certains cas, le terme « démon » désigne également des divinités vénérées à travers leurs images (Ac 17.18; 1 Co 10.20; Ap 9.20). Cette conception est également courante ou familière dans l’Ancien Testament (Lv 17.7; Dt 32.17; 2 Ch 11.15; Ps 106.37).
Noter que « daimonion » est l’adjectif de démon, et il est employé comme un substantif de « divin ». Il exprime ce qui peut être attribué à l’intervention des puissances supérieures, en dehors de la capacité humaine.
Les esprits mauvais sont souvent associés à des endroits qui, du point de vue rituel, sont considérés comme impurs, les tombeaux par exemple (Mc 5.5).
Les démons ont le pouvoir de faire le mal, mais on ne peut pas leur attribuer toutes les maladies. Nous trouvons dans les Évangiles des personnes possédées par le démon dont la personnalité a été supplantée par le mauvais esprit qui les possède (Mc 5.4-5). D’une façon générale, les Évangiles distinguent avec soin entre maladie et possession démoniaque. Dans Luc 13.32, Jésus inaugure et interprète son ministère comme la chasse au démon et la guérison des possédés. Dans l’Évangile selon Marc, son ministère de guérison est présenté indépendamment de ces exorcismes. Dans un seul cas, celui de la guérison de la femme à l’esprit d’infirmité, le « pneuma asthénéias » (Lc 13.10-17), la possession démoniaque est présentée comme étant la cause de la déformation de la colonne vertébrale de la malheureuse. Cette infirmité est attribuée à l’oppression exercée par Satan; sa cause est de nature démoniaque.
Les récits d’exorcismes (plus loin, nous préférerons à ce terme celui de guérison) effectués par Jésus rapportés dans les Évangiles sont les suivants : le démoniaque de la synagogue (Mc 1.23; Lc 4.33-36); le démoniaque gadaréen (Mt 8.28-34; Mc 5.1-20; Lc 8.26-39); la fille de la femme syro-phénicienne (Mt 15.21-28; Mc 7.24-30); le jeune homme épileptique (Mt 17.14-21; Mc 9.14-29; Lc 9.37-43); le démoniaque muet (Mt 12.22; Lc 11.15).
Si l’on tient la guérison de la femme souffrant d’un esprit d’infirmité pour un exorcisme, ce cas peut s’ajouter à la liste ci-dessus. En outre, un exorcisme mentionné deux fois, mais jamais relaté explicitement, est celui de Marie de Magdala, dont il est dit que Jésus avait chassé sept démons (Mc 16.9; Lc 8.2).
Bien que les Évangiles se réfèrent à de nombreux exorcismes pratiqués par les disciples de Jésus (Mt 10.1; Mc 3.14-15; 6.7; Lc 9.1; 10.17-20), une seule fois un exorcisme spécifique est attribué à Paul (Ac 16.16-18).
Devant les malades affligés, Jésus se montre plein de compassion. Il les guérit et il les encourage. Alors que les autres ne les voient que comme des gens pervers, le Seigneur les considère davantage comme des malheureux asservis que comme des alliés objectifs de Satan qui est « l’homme fort » qui les possède.
Notons cependant que chez des malades plus ordinaires, Jésus voit également des victimes de Satan. La main de ce dernier pèse lourdement sur leur existence. C’est le cas dans la guérison de la femme à l’esprit d’infirmité rapporté par Luc 13. Si les autres n’aperçoivent chez elle qu’une banale déformation de la colonne vertébrale, Jésus, quant à lui, y discerne le signe de la présence de Satan. Sa présence maléfique est également discernée dans d’autres existences frappées par le malheur physique ou moral. Le malin s’est frayé un chemin jusque dans l’organisme humain.
Dans Marc 1.25, Jésus fait comprendre clairement que le mal est le fait de l’adversaire. En guérissant cet homme-là, il le menaça (« épétimèsen ») et lui dit : « tais-toi » (« phimôthèti »). Ce mot signifie rendre muet, réduire au silence. L’existence de ce démon est prise au sérieux, c’est pourquoi Jésus libère l’homme possédé.
Un autre passage de Marc qui nous démontre cette même attitude de Jésus est celui de Marc 4.39. Les termes y sont identiques et nous ferons nécessairement le rapprochement avec l’exorcisme relaté plus haut. Ici aussi Jésus fait une menace (« épétimèsen ») et nous entendons le même « tais-toi » (« péphimôso »). Ces mêmes mots, prononcés par Jésus lors de l’apaisement de la tempête de la mer de Galilée, nous laissent l’impression que celle-ci recouvre une présence qu’on peut qualifier sans hésiter de démoniaque. Jésus traite la tempête comme il avait traité ailleurs le démon.
Dans la guérison de la belle-mère de Pierre, Jésus emploie un terme indiquant qu’il voit dans sa maladie autre chose qu’une fièvre banale. Il menace la fièvre (« épétimèsen tô purétô ») qui s’en va sur son ordre (Lc 4.38-39).
Ayant prononcé le bon diagnostic, il chasse le démon. Devant la somme des misères humaines, des défaillances de la nature et des limitations de la créature, Jésus adopte une attitude et un langage qui signalent clairement sa lutte résolue contre les forces maléfiques infernales. Il est persuadé que les maux et les calamités sont déversés sur terre par les machinations de l’adversaire. La famine, la tempête, ainsi que toutes les misères corporelles sont des malédictions infligées par Satan; mais celui-ci reste, bien malgré lui, l’exécutant des desseins divins.
L’Évangile selon Matthieu fait des allusions au mal qui, dans certains cas, pourrait se traduire par mal ou Malin; ainsi le terme « ponèron » en Matthieu 5.37 (masculin ou neutre, l’équivalent de 1 Jn 3.12). Dans Matthieu 5.39, il doit s’agir du mal plutôt que du Malin, car s’il s’agissait du masculin, il faudrait comprendre Satan, tandis qu’il est expressément question de ne pas résister « tô ponèrô ». Dans Matthieu 6.13, le genre n’est pas très clair, mais on peut préférer le masculin « apo tou ponèrou », c’est-à-dire « du Malin ».
Dans Matthieu 13.19, le genre est au masculin, par conséquent, il est question du Malin. Dans les passages parallèles, Marc a « Satanas » (Mc 4.15) et Luc « Diabolos » (Lc 8.12). Notons dans ces textes qu’il y a un rapport entre la tribulation (« thlipsis »), la persécution (« diôgmos »), les soucis du monde (« mérimna tou aionos toutou »), la séduction (« apatè tou ploutou »), d’une part, et le Malin d’autre part (Mt 13.21-22; Mc 4.17-19; Lc 8.14).
D’après Matthieu 13.38, il est clair que l’ivraie est l’œuvre du Malin, le « ponèros ». Le mal dans le monde contraste avec le Royaume de Dieu.
Dans Matthieu 6.24 et Luc 16.13, nous rencontrons un nom curieux, « Mammon ». Il semble que celui-ci soit considéré comme un « kurios », un seigneur. Dans la mesure où servir ce seigneur est incompatible avec le service de Dieu, Mammon sera personnifié. Le Mammon aussi entre dans la catégorie des puissances hostiles à Dieu. Le mot est absent de l’Ancien Testament. Certains y voient l’équivalent de Béelzébul. Bien que la référence à la nature de Mammon ne soit pas strictement démonologique, sa personnification est devenue courante dans la pensée du Moyen Âge. Mais cette idée ne se justifie pas par l’autorité de la Bible.