Démonologie de l'Ancien Testament
Démonologie de l'Ancien Testament
- Introduction
- Le vocabulaire
- L’activité des démons
- Satan
- Mise en garde contre les mauvais esprits
- Existe-t-il une possession démoniaque dans l’Ancien Testament?
1. Introduction⤒🔗
Que dit l’Ancien Testament au sujet des démons en général et de Satan en particulier? Nous examinerons ses données en nous rappelant que l’enseignement du Nouveau Testament n’est pas original par rapport à celui-ci, mais qu’il reprend à son compte la révélation de l’Ancien Testament. Nous maintiendrons notre conviction de l’unité organique essentielle entre les deux parties de la révélation écrite.
Nous ne ferons pas l’inventaire complet de toutes ses données. Ceci exigerait une étude approfondie, et de telles études ne manquent pas. Notre propos est modeste; il consiste à examiner d’abord le défi que les démons ont lancé contre Dieu et contre son peuple; ensuite à constater leur irrévocable défaite.
La possession démoniaque, ainsi que l’existence et l’activité des démons, n’occupent pas dans l’Ancien Testament une place aussi importante que dans le Nouveau Testament. Néanmoins, l’Ancien Testament contient des références explicites à Satan et à ses hordes. Les idées maîtresses sur ce sujet dans l’Ancienne Alliance se sont progressivement développées jusqu’à ce qu’elles aboutissent à ce que nous en révèle la Nouvelle Alliance.
Le terrain de notre recherche dans l’Ancien Testament est forcément restreint. Il ne nous révèle pas tout ce que nous aurions aimé savoir, mais il offre la connaissance nécessaire pour notre salut. Quelles que soient l’abondance de passages et la façon dont ils parlent des démons, la sobriété de l’Ancien Testament est remarquable par rapport aux textes religieux des peuples contemporains et voisins d’Israël.
L’Ancien Testament attend une plus grande lumière; celle-ci s’amplifiera graduellement jusqu’à mettre à jour le visage haineux de l’adversaire par excellence de Dieu et de son peuple. Des traces de l’action de Dieu à cet égard sont ici et là visibles, mais la pleine lumière viendra plus tard, dévoilant au grand jour les mobiles et les ruses du destructeur. Nous assisterons au dénouement de la crise finale, lorsque « l’homme fort » sera précipité vers sa ruine et le triomphe de Dieu deviendra éclatant. Alors seulement, le règne du Dieu souverain sera rétabli universellement et définitivement. L’ennemi sera jeté dans l’étang de feu ardent dont « les flammes ne s’éteignent point ».
L’Ancien Testament nous permet d’apercevoir déjà le prélude de cette victoire et, dès que nous l’apercevons, nous sommes à la fois surpris et effrayés. Cependant, nous ne tardons pas à être rassurés, car le rôle de Satan et ses agissements au cours de l’existence des mortels et dans le monde en général ne sont pas illimités. Satan n’y est pas le maître absolu. Il agit dans les limites qui lui sont assignées par le véritable Seigneur de l’univers. Ce rôle limité de Satan contraste avec la croyance manichéenne d’après laquelle, ainsi que l’écrivait Jean Calvin, on voit dans le mal une origine coéternelle avec Dieu1. Satan, dit Calvin, ne peut rien faire contre la volonté de Dieu. Il ne pourra toucher que ce qu’il lui sera permis de toucher. Autrement dit, il est une figure subordonnée, placée sous contrôle et parfois, bien que contre son gré, il sert jusqu’aux desseins divins.
La foi de l’Ancien Testament affirme que « le bien et le mal » viennent de l’Éternel, le Créateur et le Soutien de l’univers. Même « les esprits menteurs » ne peuvent pas agir de leur propre chef (voir 1 R 22.21-23; 2 Ch 18.20-22). Le mauvais esprit qui tourmentait Saül était envoyé par Dieu (1 S 16.14-15,23). L’ange exterminateur qui a tué les premiers-nés d’Égypte était un ministre de Dieu (Ex 12.23; Ps 78.49). Satan, cité dans le livre de Job (Jb 1.6-12; 2.1-7) et au livre du prophète Zacharie (Za 3.1-2), opère invariablement sous contrôle divin. Et, fait rassurant, le tourment infligé à Job n’était pas hors du contrôle de Dieu.
2. Le vocabulaire←⤒🔗
Les Israélites voyaient l’univers peuplé de créatures et de puissances invisibles. Voici un dénombrement succinct de ces créatures :
Dans la liste des créatures que l’on retrouve dans Ésaïe 13.21-22 et 34.14, elles possèdent toutes des traits identiques. Ce sont ou bien des démons ou bien des incarnations de ces derniers. « Sa’ir », au pluriel « se’irim », ou poilus, désignant des démons à face de bouc, y est mentionné (ainsi qu’en Lv 17.7 et 2 Ch 11.15). « Lilith », démon de la nuit, apparaît avec d’autres puissances démoniaques (És 34.14). D’autres mots qui les désignent sont « tsiyyim », bêtes féroces (És 13.21; 23.13; 34.14; Jr 50.39) et « iyyim » (És 13.22; 34.14; Jr 50.39). Dans Ésaïe 13.21, le verbe « râbats » désigne une figure démoniaque.
Une autre figure démoniaque spécifique est également mentionnée : « aza’zel », démon du désert (Lv 16.8,10,26). « E’lilim », signifiant idoles (Ps 96.5), de même que « shedim » (Dt 32.17; Ps 106.37) sont traduit dans les Septante par « daimonia » ou démons.
Plusieurs autres noms les désignant dans l’Ancien Testament soulèvent quelques doutes quant à leur identité, par exemple « resêp », plaie, « alukah », sangsue ou démon du même type que « lilith » (Pr 30.15), « qeteb », aiguillon, fléau ou destruction (Ps 91.5) et « deber », peste personnifiée marchant devant l’Éternel et brûlant des charbons (Ps 91.5).
E. Dhorme pense qu’il y a eu une confusion dans l’interprétation du « shed », et le Psaume 91.5-6 en offrirait un exemple. Sa propre traduction de ce Psaume donne : « Tu ne craindras ni la terreur de la nuit, ni la flèche qui vole durant le jour, ni le fléau qui marche dans l’obscurité, ni la peste qui dévaste en plein midi.2 » La confusion proviendrait du mot « yashud », qui dévaste, et le substantif « shed », qui a permis au démon d’entrer dans ce passage.
Bien que d’autres termes ne manquent pas, ce sont ceux-ci qui désignent les principales figures démoniaques, le reste étant de caractère plus général, au sens beaucoup moins précis.
Un passage quelque peu obscur, Genèse 6.1-4, fait état de créatures appelés « fils de Dieu » qui, selon la tradition ultérieure, se seraient unis aux filles des hommes, lesquelles auraient engendré des démons. Nous avons souligné ailleurs3 que, s’il s’agissait des fils de Dieu comme anges, il faudrait penser que ces derniers étaient des créatures sexuées, ce qui, à première vue et selon toutes les vraisemblances bibliques, semble hautement improbable. Ce serait aussi admettre que la rébellion dans les rangs célestes ne se serait produite qu’après la chute de l’homme, ce qui est également à exclure, puisque le récit de la Genèse fait expressément intervenir Satan dans la réalité de la chute.
L’hébreu de l’Ancien Testament ne possédait pas un terme unique pour désigner les figures démoniaques comme c’était le cas chez les anciens Grecs. La variété de ces termes indique que bien des figures démoniaques sont présentes dans la religion des Israélites, mais on ne trouve pas de démonologie systématique. Ce qui l’emporte ici c’est la foi en la transcendance divine qui n’encourage et ne tolère même pas l’élaboration d’une pensée religieuse sur le sujet. À l’inverse, l’angélologie, elle, est plus développée, car la multitude de ces messagers célestes sert Dieu et exécute ses ordres dans une soumission volontaire.
L’Ancien Testament accorde donc une place plutôt restreinte aux démons et aux croyances se rapportant à ces derniers, à cause de sa forte insistance sur le monothéisme et de sa conception de la transcendance de Dieu, notamment chez les prophètes. Toutefois, nous ne pensons pas qu’il y ait une différence réelle entre les croyances des Israélites et la théologie officielle de l’Ancien Testament. Les premières seraient, d’après certains, des survivances d’une démonologie hébraïque primitive que même la fougue monothéiste et monolâtre des prophètes n’avait pu déraciner… Malheureusement, cette pensée trahit une notion évolutionniste de la religion de l’Ancien Testament.
D’après les livres des Chroniques des rois d’Israël, les démons avaient droit à des sacrifices, y compris ceux d’enfants, lorsque le peuple de l’Alliance oubliait l’Éternel et se livrait à l’idolâtrie.
Nous ne souscrirons pas à la thèse selon laquelle les démons auraient été considérés comme des divinités inférieures dans la religion populaire hébraïque. Si tel avait été le cas, le monothéisme ne serait plus la croyance en un seul Dieu, mais l’allégeance et la foi en un dieu supérieur par rapport à d’autres, bien que non essentiellement différent d’eux. Certes, la tentation de l’idolâtrie remonte aux origines d’Israël et cette tendance a produit, durant les périodes d’apostasie, une religion corrompue qui a cherché à supplanter l’authentique religion révélée. Mais elle ne faisait pas partie de la religion originale. Si cela n’avait été, comment comprendre qu’Élie au Carmel se moquât de Baal en affirmant explicitement son inexistence? La pointe de l’ironie du prophète se trouve précisément à faire semblant d’admettre l’existence du faux dieu pour rendre aussitôt l’hypothèse nulle. Il exclut purement et simplement l’hypothèse d’un dieu Baal, même comme divinité inférieure à Yahvé. Chez lui, comme dans la religion officielle, monothéisme et monolâtrie sont fortement soulignés et profondément enracinés dans la conviction engendrée par la religion révélée. Tous les prophètes ont enseigné et proclamé le contrôle absolu et infini que Dieu exerce sur l’univers créé.
3. L’activité des démons←⤒🔗
Nous nous poserons sur un terrain plus solide en abordant l’examen de la nature et l’étendue du champ des agissements des démons.
L’Ancien Testament est formel : tout ce qui est opposé à l’ordre naturel est dû à l’action néfaste des démons. Ils sont responsables si le troupeau refuse de boire, lorsqu’une femme avorte ou quand elle est stérile. Comme agents exécuteurs des châtiments divins, ils causent toutes sortes de maladies, la mort et la folie. Achab, le roi impie du Nord, est puni par l’esprit de mensonge que l’Éternel place dans la bouche des prophètes qui vont le conduire à sa ruine (1 R 22.22-23). Ce cas illustre parfaitement, une fois de plus, que Satan est placé sous le contrôle absolu de Dieu.
Un passage semblable se trouve dans Juges 9.23. Nous nous trouvons devant une influence démoniaque et non pas en présence d’une simple propension humaine au mal. Il en est de même dans le cas de Saül, qui est rapporté dans 1 Samuel 16.14-23. L’Esprit du Seigneur a quitté Saül et c’est un méchant esprit envoyé par lui qui troublera désormais le roi disgracié d’Israël. L’histoire des rois Saül et Achab démontre que l’un comme l’autre ont été les seuls responsables de la présence en eux du mauvais esprit.
Opposés aux bons anges, les mauvais esprits exécutent la vengeance divine. Dieu se sert d’eux pour exercer sur les humains rebelles et réprouvés ses justes jugements. Ils possèdent l’homme. Le passage de Zacharie 13.2 fait état d’un mauvais esprit et d’un esprit d’impureté.
Pourtant, même ainsi, en dépit de l’activité démoniaque, la foi de l’Ancien Testament fait converger toutes choses vers Dieu et elle lui attribue la toute-puissance; toutes les puissances sur la terre et dans les cieux lui sont soumises et dépendent entièrement de lui. Il demeure le Seigneur incontesté, même lorsque les démons influencent la vie d’un particulier ou le cours d’un événement; quelle que soit la portée de leur action, ils sont obligés de demeurer dans les limites qui leur sont assignées par le souverain Maître. Ils restent sans exception des créatures subordonnées.
À ceci, il convient d’ajouter que l’Ancien Testament accorde moins d’attention à la nature des démons qu’à leurs agissements.
Nous constatons que dans la Bible on ne trouve pas de terrain propice à la spéculation sur le démoniaque et, d’une manière générale, l’Ancien Testament refuse catégoriquement de prêter foi et confiance aux démons. Dans Genèse 1, le soleil, la lune et les étoiles sont appelés des « luminaires », contrairement à l’idée que s’en faisaient les nations voisines pour lesquelles ce sont des dieux ou des démons, rehaussés ainsi au rang d’entités à qui on doit vouer un culte religieux. L’essentiel de la foi israélite se porte sur l’absolue souveraineté divine. Le démon ne sera jamais médiateur entre Dieu et l’homme, ce rôle revenant aux bons anges et surtout à l’ange du Seigneur.
Les démons sont souvent associés à des régions arides et désertiques. Au jour de la grande expiation, un bouc était envoyé vers Azazel, le démon du désert (Lv 16.8-10). Le démon mentionné dans Jérémie 50.39 habite aussi le désert. La même idée apparaîtra de nouveau dans le Nouveau Testament (Mt 12.43). Dans ce même ordre d’idées, Matthieu 4.1 signale que la tentation de Jésus se déroule dans le désert. Notons aussi que seul Marc, parmi les synoptiques (les trois premiers Évangiles), mentionne la présence de bêtes sauvages, ce qui peut faire également référence aux démons (Mc 1.12-13).
4. Satan←⤒🔗
Accordons à présent une attention plus particulière au premier des mauvais esprits, Satan, l’adversaire par excellence de Dieu et des hommes, notamment des fidèles. Trois textes post-exiliques apportent les informations les plus précises à son sujet : le livre de Job, Zacharie 3 et 1 Chroniques 21.
Ces passages ne fournissent pas une fiche signalétique complète. Nous voyons Satan surgir sur la scène où se déroule le drame humain pour entraver les bonnes relations entre Dieu et les hommes. Jean Calvin, se rendant compte du peu de lumière que nous avons sur le sujet, fait la sage recommandation que voici : « La tendance de l’Écriture, lorsqu’elle parle des démons et de Satan, est de nous mettre en garde contre eux et contre leurs machinations perverses.4 »
Son nom désigne sa fonction : La racine STN veut dire adversaire, opposant, celui qui se met en travers. Le livre apocryphe de la Sagesse est le premier, au premier siècle avant notre ère, à identifier Satan avec le serpent de Genèse 3.
Satan est le principal ange mauvais, celui qui porte le mal, l’opposant par excellence de Dieu. Il est le Malin, l’excentrique, le mauvais. Dieu le reprend, car il cherche à aller plus loin qu’il ne lui est permis (Za 3.1-2). Il intervient indignement dans l’affaire du dénombrement du peuple (1 Ch 21.1). Dans Job, il essaie de toutes ses forces de pousser Dieu à abandonner son fidèle serviteur (Jb 1.6-12; 2.1-7).
Les premiers chapitres du livre de Job ainsi que le livre du prophète Zacharie nous offrent un portrait sous les traits d’un ange assumant un service dans le cadre de la providence divine, quoique le rôle tenu y soit totalement négatif.
Le prologue du livre de Job nous permet d’assister à une scène qui se déroule dans la cour céleste. Autour du trône de Dieu défilent des anges serviteurs. Ils sont appelés « bene elohim ». Que veut dire ce titre? On le traduit, comme dans d’autres passages, par « les fils de Dieu », ou encore par « anges », ce qui, à notre avis, est le sens le plus naturel.
« Élohim » désigne souvent le pouvoir, la puissance. Dans l’Ancien Testament, les anges, en tant que « bene elohim », se distinguent de l’homme par leur nature et par leur fonction. Certes, « Élohim » est le nom de Dieu, mais également celui des anges, qui forment une classe supérieure aux hommes. Ils sont « bene elohim », de même qu’il y a des « bene nebiim », des fils des prophètes. Dans certains cas, on pourrait traduire « bene elohim » par « fils de Dieu », mais là n’est pas le sens ontologique, car eux aussi ont une nature spirituelle. Ils ne sont pas des fils adoptifs de Dieu comme s’ils avaient subi une épreuve morale et réussi le passage! (voir Ps 29.1, « donnez gloire à l’Éternel, vous fils des puissants »). En revanche, le Psaume 8.6, qui est traduit par « inférieur aux anges » dans la version des Septante, devrait se traduire par « inférieur à Dieu ». C’est le contexte qui en déterminera presque sans exception le sens. Il faut se rappeler ces deux possibilités : « fils des anges » ou « fils de Dieu ». Dans Job, il faut préférer le premier sens.
Parmi les « bene elohim » se trouve Satan. Nous avons vu qu’étymologiquement le mot signifie adversaire, celui qui s’interpose avec malice entre deux personnes ou parties afin de les brouiller. Même en assumant le rôle négatif d’accusateur des fidèles, Satan est contraint de demeurer le serviteur de Dieu. Il cherche à rompre et à briser toute relation harmonieuse entre Dieu et l’homme; à ôter à celui-ci toute possibilité de se présenter devant Dieu.
Pensons encore à son intervention dans le cas de Job. Scrutateur impitoyable, il s’interpose entre Dieu et son serviteur. Il insinue sans la moindre preuve que la religion de Job est motivée par un matérialisme égoïste. Il espère briser la foi de celui-ci en le frappant avec une série de calamités afin d’éloigner Dieu de lui. Mais dans les épreuves tragiques par lesquelles il est autorisé à frapper Job, il ne pourra pas dépasser les limites assignées à son intervention et il devra rester soumis à Dieu.
Dans Zacharie 3, nous le voyons assumer le même rôle. Par ruse, il cherche à étaler devant Dieu l’infidélité religieuse d’Israël et il l’accuse devant lui pour ses faiblesses actuelles et pour ses nombreux péchés. Le cadre historique nous est familier. Le peuple exilé est de retour à Jérusalem, mais il est la cible des accusations de Satan. Le retour et la restauration sont pourtant signe de réhabilitation. La colère de Dieu a été détournée et, à présent, Dieu les console. Néanmoins, ils sont tentés d’établir une comparaison entre l’ancienne gloire et leur misère actuelle. Le doute s’infiltre et menace la sincérité de leur repentir, voire leur réconciliation avec Dieu. Le ton dramatique saute aux yeux lorsque Josué, le souverain sacrificateur, se présente en haillons en présence de Dieu où il est exposé aux accusations de Satan.
Il ne faut point trop forcer le texte et son interprétation, car ici non plus nous ne saurions obtenir trop de précisions sur l’origine de Satan. La fonction d’accusateur qui est la sienne est semblable à celle d’un procureur général.
La cour des rois perses connaissait les « yeux » et les « oreilles » du roi, qui parcouraient les provinces faisant des remontrances aux satrapes au cas où ces derniers auraient outrepassé leurs pouvoirs. Ils rapportaient au roi ce qu’ils constataient et, sur la foi de ces rapports, le monarque autocrate déposait ou châtiait ceux de ses officiers ayant été trouvés en défaut. Satan assume une fonction semblable, mais il devient l’adversaire par excellence des humains, car il a le poison de la méfiance au cœur et la loupe de la méchanceté devant l’œil.
5. Mise en garde contre les mauvais esprits←⤒🔗
Dieu avertit son peuple contre le commerce avec de mauvais esprits et l’adoration des démons (Lv 19.31; 20.6; Dt 18.9-12; És 8.19; 19.3). La loi mosaïque condamne à mort les sorcières et les devins, car le métier de divination se pratiquait en association avec le culte des mauvais esprits. Dans d’autres passages en rapport avec le mal surnaturel (Dn 1.20; 2.2,27; 4.4-5; 5.11), il est question de l’influence des magiciens à la cour babylonienne. Ils devaient prédire l’avenir et dévoiler les secrets du monde invisible. Ils s’adonnaient aux arts magiques et aux phénomènes occultes, ce qui impliquait souvent la possession démoniaque.
La sorcière d’Endor est appelée la maîtresse d’un démon (1 S 28.7-8). On a pensé également que les prêtres de Baal sur le mont Carmel étaient des possédés (1 R 18.26-29). Jézabel l’inique était connue pour s’adonner à la sorcellerie (1 R 16.31; 21.25-26; 2 R 9.22). Il existe dans l’Ancien Testament nombre de références à l’occulte. Manassé encouragea le culte des démons et l’occultisme sous toutes ses formes dans le cadre général de la pratique idolâtre (2 R 21.1-7). Ézéchiel dénonce avec une virulence exceptionnelle les prophétesses païennes, qui en fait étaient des sorcières (Éz 13.17-23). L’Ancien Testament met également en garde contre le port de « charmes »; ce terme, traduit par « boucles d’oreilles » dans Ésaïe 3.19-20, signifie enchantement.
Tout ce que l’Ancien Testament dit au sujet de Satan et des démons est sans équivoque et met au grand jour l’influence du démonisme en Israël. Le médium présentait une menace constante au culte de l’Éternel et chaque fois que ce culte déclinait, on assistait à la montée de l’idolâtrie, invariablement associée aux pratiques occultes, à la possession démoniaque et au culte et à l’adoration du démon. En dépit du fait que les Israélites avaient été les témoins des abîmes où pouvait les plonger le démonisme, il semble qu’ils n’en furent pas écœurés ni qu’ils n’arrivèrent à s’en défaire totalement. Ils ne devaient pas épouser des femmes païennes, non à cause d’un nationalisme étroit, mais de peur de tomber dans des pratiques idolâtres, magiques et occultes. L’interdiction était d’ordre religieux et non nationaliste.
Dieu ne tolérait pas de telles pratiques au sein de son peuple et, malgré sa grande patience et miséricorde, il leur adressa des avertissements extrêmement sévères, sans leur ménager ses jugements. Il chercha toujours la sanctification parfaite des siens, et lorsque ceux-ci ne suivirent pas ses oracles, il les livra entre les mains des païens, leurs ennemis. Le Psaume 106 rappelle l’aliénation d’Israël. Toute rébellion contre Dieu était assimilée à l’idolâtrie parce qu’elle encourageait le culte de soi. Or, le peuple élu devait une obéissance absolue à son Dieu « comme une épouse fidèle à son époux ». Toute pratique spirite et occulte devait être bannie du milieu du peuple élu (Ex 22.17; Lv 20.6,27; Dt 18.9-12).
L’apostasie d’Israël le conduisit à la déportation babylonienne (voir l’avertissement lancé au roi Sédécias en Jérémie 27). Par moments, Dieu jugea son peuple en l’abandonnant à l’occultisme (És 19.3 annonce comment Dieu a livré l’Égypte), mais il cherche aussi à le sauver.
L’un des signes les plus évidents du jugement que Dieu porte sur l’idolâtrie et le démonisme, qui lui est sous-jacent, se trouve dans la vallée de Hinnom, qui est appelée la Géhenne dans le Nouveau Testament. Cet endroit était considéré comme le siège principal du culte voué à Baal, et l’impie roi Manassé y avait conduit le peuple pour y offrir des enfants au dieu Moloch.
Ce fut le roi réformateur Josias qui prit l’initiative de détruire cette place abominable (2 R 23.10). À l’endroit où jadis s’élevait le feu de l’idolâtrie brûlait désormais un feu nouveau et purificateur. Plus tard, cette vallée devint le dépotoir de la ville de Jérusalem, où le feu consumait jour et nuit les déchets de la ville sainte. Elle servit d’illustration de l’enfer où, selon les Évangiles, le feu ne s’éteindra point. D’après Marc 9.43 et 45, c’est dans l’enfer que Satan et ses suppôts brûleront éternellement.
6. Existe-t-il une possession démoniaque dans l’Ancien Testament?←⤒🔗
Certains auteurs soutiennent qu’il existe d’amples évidences de possessions démoniaques dans l’Ancien Testament. À cet effet, on cite 1 Rois 18.28; Daniel 4.30 et 1 Samuel 16.14-23. Un examen attentif de ces passages aboutira à une conclusion différente.
Dans le premier, nous lisons que les prêtres de Baal, dans leur confrontation avec le prophète Élie sur le mont Carmel, ont pratiqué des incisions sur leurs corps, selon leurs coutumes. L’explication usuelle donnée à ce fait se réfère à la méthode des prêtres d’attirer l’attention de leur dieu, sans qu’il n’y ait aucune trace de possession démoniaque.
De même, dans le cas de Neboukadnetsar rapporté par Daniel 4.30, il n’y a aucune raison de penser que le comportement du roi trahit les symptômes d’une possession de cette même nature. Aucune mention de démon ne s’y trouve dans le contexte immédiat, pas plus que de Satan; et, ainsi que nous le verrons dans la section traitant du Nouveau Testament, on ne trouve nulle part d’exemple d’un démoniaque s’imaginant être un animal.
En ce qui concerne le mauvais esprit qui tortura le roi Saül, il faut noter les quatre points suivants, qui font de ce cas toute autre chose qu’une possession démoniaque : le méchant esprit est envoyé par Dieu; le méchant esprit quitte Saül lorsque David joue la lyre; contrairement aux démoniaques dont il est fait mention dans le Nouveau Testament, Saül est en pleine possession de ses facultés mentales, en mesure de mener une campagne militaire, gouverner le pays, etc.; dans ses moments de lucidité (?), Saül s’accuse lui-même pour des actions néfastes et n’a jamais accusé le démon (1 S 26.21).
Outre le fait qu’il n’existe pas d’évidence de possession démoniaque dans l’Ancien Testament, il existe des preuves positives suggérant qu’elle est inconnue, au moins au temps du prophète Ésaïe. Dans Luc 7.18-23, nous lisons le récit de la visite des messagers rendue à Jésus. Ils s’enquièrent de son identité messianique. À cet endroit, Luc rapporte des propos de Jésus (v. 21-23). On notera que cette prophétie remarquablement détaillée du prophète (És 35.5-6; 61.1) fait une seule omission en établissant la liste des miracles du Christ. Elle omet de mentionner l’exorcisme des méchants esprits inclus par Luc. Pourquoi le prophète a-t-il omis une référence à un ministère d’exorcisme pratiqué par Jésus? La réponse vient d’elle-même; certainement, Ésaïe n’était pas au courant du phénomène de la possession démoniaque.
Il existe plusieurs indices selon lesquels la croyance en la possession démoniaque prévalait au temps de l’Ancien Testament. Des textes incantatoires se trouvent à Babylone et en Assyrie. Le livre apocryphe de Tobie (6.7; 8.2-3) et les Antiquités de Josèphe, l’historien juif du premier siècle, démontrent que de telles croyances existaient au sein du judaïsme. On a conclu que la possession démoniaque n’était pas restreinte à la seule Palestine de l’époque de Jésus. Mais, note Willem Berends, c’est là une conclusion infondée, non scientifique, car tout ce qui est démontré est que la croyance en la possession démoniaque était répandue, mais non que la possession, elle, le fut. Si l’on doit accepter les récits des possessions démoniaques comme authentiques, alors, dans ce cas, par là même, nous devons accepter comme authentiques toutes les parties des récits qui décrivent également les exorcismes des démons. Dans ce cas, il faudrait accepter le récit du livre de Tobie, d’après lequel un exorcisme fut effectué avec la fumée des intestins de poisson, ainsi que le récit de Josèphe, d’après lequel le démon a été tiré hors du nez par une racine magique, et bien d’autres rapports farfelus de cette espèce5.
Notes
1. Jean Calvin, Institution de la religion chrétienne, I.14.
2. E. Dhorme, Démonologie biblique. Hommage à W. Visher.
3. Aaron Kayayan, Les anges déchus, article sur Jude 1.6.
4. Jean Calvin, Institution de la religion chrétienne, I.14.
5. Willem Berends, Biblical Criteria for Demon Possession. Philadelphie, Pennsylvanie, 1975, p. 347.