La dîme est-elle encore prescrite aux croyants aujourd’hui?
La dîme est-elle encore prescrite aux croyants aujourd’hui?
« La dîme, c’est-à-dire la contribution volontaire que les chrétiens versent à leur Église, est-elle encore prescrite aux croyants aujourd’hui? Et si oui, sous quelle forme? »
Question d’un correspondant
Commençons par lire quelques passages de l’Ancien Testament pour mieux comprendre ce qu’était la dîme, cette contribution de dix pour cent de tous les revenus personnels due à Dieu. On en trouve la première mention dans le livre de la Genèse, lorsqu’Abraham verse au roi de Salem, Melchisédek, la dîme de tout le butin qu’il vient de prendre sur ses ennemis. Ce Melchisédek nous est présenté comme prêtre du Dieu très-haut (Gn 14.18-20).
Dans la loi donnée à Moïse, à la fin du livre du Lévitique, nous lisons ceci :
« Toute dîme prélevée sur les produits de la terre et sur les fruits des arbres, appartient à l’Éternel : c’est une chose sacrée qui est à lui » (Lv 27.30).
La dîme servait à l’entretien du culte par les Lévites, une des tribus d’Israël mise à part pour ce service. Les Lévites ne reçurent pas un territoire particulier comme les autres tribus, après l’entrée dans le pays de Canaan. Ce sont les autres tribus qui pourvoyaient à l’entretien des Lévites, au moyen de la dîme. Mais les Lévites devaient eux aussi reverser un dixième de ce qu’ils recevaient des autres tribus; ils n’étaient pas exemptés de payer la dîme. L’entretien des étrangers, des veuves et des orphelins était aussi assuré par le versement de la dîme. Ceci est très important à noter, et je reviendrai plus loin sur ce point.
À la toute fin de l’Ancien Testament, au livre du prophète Malachie, Dieu reprend sévèrement son peuple par la voix du prophète, justement parce qu’ils ne paient pas la dîme honnêtement. Je vous cite ce passage :
« Depuis le temps de vos ancêtres, vous vous détournez de mes lois et vous n’y obéissez pas. Revenez donc à moi, et moi, je reviendrai à vous, déclare l’Éternel, le Seigneur des armées célestes. Et vous dites : “Comment devrons-nous revenir? Un homme peut-il voler Dieu?” Pourtant vous me volez, et puis vous demandez : “En quoi t’avons-nous donc volé?” Lorsque vous retenez vos offrandes et vos dîmes! Vous êtes sous le coup d’une malédiction parce que tout ce peuple, vous tous, vous me volez. Apportez donc vos dîmes dans leur totalité dans le trésor du Temple pour qu’il y ait des vivres dans ma demeure! » (Ml 3.7-10).
La question que bien des chrétiens posent est de savoir si l’ordonnance de la dîme est valide aujourd’hui comme elle l’était dans l’Ancien Testament. N’est-il pas suffisant de donner de tout son cœur, quel que soit le pourcentage de ses revenus qu’on verse à son Église? Ce qui compte avant tout n’est-il pas la disposition du cœur? Est-il important de fixer un taux, pourvu qu’on le fasse dans une bonne disposition d’esprit?
Première remarque : il est vrai que nulle part dans l’enseignement du Nouveau Testament le don du dixième de nos revenus n’est prescrit en tant que tel, soit par Jésus-Christ, soit par les apôtres. Mais il faut immédiatement ajouter que nulle part non plus il n’est dit ou impliqué que le principe de la dîme, tel qu’il est institué dans l’Ancien Testament, a été aboli. La dîme ne fait pas partie des cérémonies de purification ou des sacrifices qui ont été abolis parce qu’ils ont été parfaitement accomplis par Jésus-Christ dans sa vie ici-bas. Il n’y a aucune raison de penser que les premiers chrétiens qui se réunissaient dans les synagogues ou dans leurs maisons privées ont cessé de contribuer à l’entretien du culte de la manière prescrite par la loi de Dieu. En fait, bien des ordonnances de l’Église des premiers siècles maintiennent explicitement le principe de la dîme.
Avant même d’aller plus loin et de parler du pourcentage que chaque croyant membre de l’Église doit reverser à celle-ci sur ses revenus personnels, il faut commencer par souligner que d’après la Bible l’entretien de l’Église, de ses pasteurs ou évêques, et de ses diverses activités, est le fait de la communauté chrétienne. Ce n’est pas à l’État de subventionner l’Église, car même si cette pratique est en vigueur dans certains pays, elle contrevient à l’enseignement biblique. L’Église et ceux qui sont à son service de manière spéciale, que ce soit à mi-temps ou à plein temps, vivent des dons de ses membres. Être inféodé à l’État financièrement signifie toujours lui devenir inféodé à d’autres égards un jour ou l’autre. On le voit bien dans nombre de pays, où les dictateurs locaux corrompent le clergé en le comblant de dons ou de privilèges, afin que celui-ci fasse la promotion politique du régime en place durant les cultes, les sermons ou dans les lettres pastorales. Des formes de contrôle idéologique par l’État peuvent aussi s’exercer de manière plus subtile. Le même principe doit s’appliquer aux instituts de formation théologique d’où sort le clergé. L’État a une tendance naturelle à outrepasser ses devoirs et fonctions telles que Dieu les a institués, et à vouloir s’immiscer dans le contenu de l’enseignement dispensé.
Dans nombre de pays pauvres, les membres des jeunes communautés chrétiennes ne font pas l’effort de subvenir au besoin de leurs pasteurs, évêques ou dirigeants, même quand ceux-ci travaillent à plein temps pour l’Église. Beaucoup considèrent très naïvement que le pasteur étant un homme de Dieu, lui et sa famille reçoivent directement du ciel leur nourriture et entretien. Il lui suffit de prier pour que ses problèmes matériels soient immédiatement résolus. On vient même le trouver pour lui demander de pourvoir lui-même aux besoins des nécessiteux, alors que lui et sa famille se trouvent bien souvent dans des conditions de grande pauvreté. L’apôtre Paul écrit à ce sujet des paroles sans aucune ambiguïté au chapitre 9 de sa première lettre aux chrétiens de Corinthe :
« Ne savez-vous pas que ceux qui remplissent les fonctions sacrées sont nourris par le temple, que ceux qui servent à l’autel ont part à ce qui est offert sur l’autel? De même aussi, le Seigneur a ordonné à ceux qui annoncent l’Évangile de vivre de l’Évangile » (1 Co 9.13-14).
Paul ici semble faire référence aux paroles de Jésus-Christ dans l’Évangile selon Luc, au chapitre 10, lorsque Jésus envoie soixante-dix de ses disciples dans les villes par où il doit lui-même passer :
« Dans quelque maison que vous entriez, leur dit-il, dites d’abord : “Que la paix soit sur cette maison!” Et s’il se trouve là un enfant de paix, votre paix reposera sur lui; sinon elle reviendra à vous. Demeurez dans cette maison-là, mangez et buvez ce qui s’y trouve; car l’ouvrier mérite son salaire » (Lc 10.5-7).
Une chose est donc claire : aussi bien l’Ancien que le Nouveau Testament prescrivent que l’entretien de ceux qui servent l’Église à plein temps doit venir des offrandes apportées à Dieu par les fidèles.
Mais, nous l’avons vu, la dîme qui est due à Dieu a aussi pour but de subvenir aux besoins des plus pauvres. Elle sert de couverture sociale aux plus démunis. Dans la loi de Dieu, il y a d’autres prescriptions qui concernent l’aspect social de la vie du peuple : par exemple le fait de ne pas moissonner une seconde fois les champs, afin que les fruits ou les épis restés après la moisson puissent être glanés par les pauvres.
Or, dans la plupart des sociétés modernes, c’est de nouveau l’État qui prétend assurer cette couverture sociale, au moyen d’impôts qu’il prélève. L’État prétend remplacer la providence divine et pourvoir lui-même aux besoins de ses sujets. La manière dont il s’acquitte de cette fonction usurpée est très souvent sujette à caution. Dilapidation des deniers publics, dépenses énormes pour frais d’administration, la liste serait trop longue à détailler. Si l’on prend l’enseignement biblique au sérieux, une partie des impôts payée à l’État par les citoyens devrait en fait faire partie de la dîme versée à Dieu. Géré par des organismes charitables chrétiens, cet argent devrait servir de couverture sociale aux plus pauvres. Ce principe devrait d’ailleurs s’étendre à toutes sortes d’autres services sociaux ou culturels.
Notez bien qu’en présentant cette vue, je ne soutiens pas que c’est à l’Église de gérer ces fonds. L’Église n’est pas appelée à régenter la société tout entière, ce qui serait une autre forme d’asservissement. La dîme, répétons-le, n’est pas due à l’Église, mais à Dieu. Il y a là une différence de taille! Bien évidemment, quand on dit que la dîme est due à Dieu, il ne faut pas penser qu’une fois collecté, cet argent doit être jeté en l’air et que Dieu s’en saisit et l’entasse quelque part dans le ciel! Tout simplement, la dîme apportée à Dieu devrait être remise aux organismes chrétiens reconnus aussi bien par l’Église que par l’État, organismes qui géreront cet argent suivant les principes et les buts dérivés de l’enseignement biblique.
Ce qui vient d’être dit concerne une société où les normes chrétiennes sont reconnues par l’État. Or, comme je l’ai dit, dans la quasi-totalité des états modernes, ce n’est pas le cas. Alors, comment envisager la dîme lorsqu’on est croyant? Il revient aux Églises et aux croyants qui en font partie de s’attacher à l’enseignement biblique dans les circonstances qui sont les leurs, et de s’efforcer de mettre en pratique cet enseignement en en comprenant l’esprit et les implications.
Concluons cet article en disant que la dîme n’est pas une simple affaire personnelle et subjective; elle est une offrande apportée à Dieu selon les normes que lui-même a établies pour son service et pour le bien de son peuple. À celui-ci de répondre dans l’obéissance en appliquant ces normes avec fidélité au sein des circonstances dans lesquelles il est appelé à témoigner de sa foi.