La doctrine de la personne du Christ
La doctrine de la personne du Christ
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Le mystère de l’incarnation
a. La préexistence de Jésus
b. La filiation divine de Jésus
c. L’humanité de Jésus-Christ
d. L’union hypostatique -
La controverse christologique
a. L’importance des doctrines de l’incarnation et des deux natures
b. Le docétisme
c. L’arianisme
d. Le nestorianisme
e. L’eutychianisme
f. Fin de la controverse christologique
g. L’adoptianisme
Dieu s’est fait homme. Il est né d’une femme et, sans cesser d’être Dieu, il est devenu un homme semblable à nous sous le nom de Jésus : c’est le mystère de l’incarnation. Il a souffert, il est mort sur la croix pour nos péchés : c’est le mystère de la rédemption. Avec ces deux mystères, nous sommes au cœur du christianisme. Ils sont la source même de la vie et du salut. La foi seule les éclaire.
1. Le mystère de l’incarnation⤒🔗
a. La préexistence de Jésus←↰⤒🔗
« Au commencement était la Parole [grec : Logos; latin : verbum, d’où verbe]. La Parole était avec Dieu, la Parole était Dieu » (Jn 1.1-2). C’est par ces mots que Jean affirme avec force la préexistence de Jésus. Paul le déclare aussi : « Il est avant toutes choses » (Col 1.17).
Ces affirmations reposent sur des déclarations de Jésus lui-même : Dieu son Père l’a aimé avant la création du monde (Jn 17.24). Il l’a glorifié avant que le monde fût (Jn 17.5). C’est du ciel qu’il est descendu et il y remontera (Jn 6.38,62). Avant qu’Abraham fût, je suis (Jn 8.58).
Dans son éternité, le Logos n’a pas été inactif, puisqu’il est l’agent de la création (Col 1.16). La Parole faite chair est venue sur la terre : Jean l’a vue de ses yeux et reçut d’elle la vie et la lumière (1 Jn 1.2).
b. La filiation divine de Jésus←↰⤒🔗
Jésus est Fils de Dieu. Il l’est au sens propre et non au sens figuré. Il est l’unique engendré du Père (grec : monogènes, de monos, seul, genès, race, descendance) (Jn 1.14; 3.16). Il est donc de la même substance que Dieu, consubstantiel au Père.
Les Évangiles synoptiques le confirment : Il est plus grand que Salomon, David, Jonas, Moïse, Élie et Jean-Baptiste, même plus grand que les anges qui le servent. Il a le droit et le pouvoir de pardonner aux hommes leurs péchés. Au dernier jour, il sera juge souverain de tous les hommes. Il accepte que les hommes se prosternent devant lui. Il a soin de distinguer devant ses disciples : « Mon Père et votre Père » (Jn 20.17). L’Évangile de Jean nous rapporte à ce sujet des formules prodigieuses : « Je suis le pain vivant descendu du ciel » (Jn 6.51), « Je suis l’envoyé du Père » (Jn 5.43), « Moi et le Père, nous sommes un » (Jn 10.30), « Mon Père demeurant en moi fait les œuvres que je fais » (Jn 14.10).
Pour l’apôtre Paul, Jésus est l’image du Dieu invisible (Col 1.1). Il existait en forme de Dieu (Ph 2.6). Il est parfaitement Dieu. Avec Pierre, nous nous écrions : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16.16).
c. L’humanité de Jésus-Christ←↰⤒🔗
Il est Dieu et, cependant, il est aussi homme, possédant un corps, une âme, un esprit, comme tout homme. L’Évangile le décrit comme un petit enfant enveloppé de langes et qui grandit, qui a faim et qui a soif, qui mange et qui boit, qui marche et se fatigue, qui dort, qui souffre et pleure, qui tombe sous les coups et qui, finalement, meurt et est enseveli. Il a été semblable à nous en toutes choses, hormis le péché (Hé 4.15). Il est parfaitement homme.
d. L’union hypostatique←↰⤒🔗
Jésus est Dieu. Jésus est homme. Et cependant, la personne de Jésus est une. Il n’y a pas deux Christs. Les deux natures, divine et humaine, demeurent distinctes l’une de l’autre, sans confusion ni altération, chacune gardant les puissances et attributs qui lui sont propres.
Une personne : c’est le dogme de l’union hypostatique promulguée contre Nestorius au Concile d’Éphèse (431). Deux natures distinctes : c’est le dogme défini contre Eutychès au Concile de Chalcédoine (451). Ces mots, absents de l’Écriture, ne font qu’exprimer dans un langage plus savant les données de l’Évangile.
2. La controverse christologique←⤒🔗
a. L’importance des doctrines de l’incarnation et des deux natures←↰⤒🔗
C’est sur les mystères de l’incarnation et des deux natures du Christ que repose toute la religion chrétienne. Ébranler cette base, c’est mettre en péril tout l’édifice. Si Jésus-Christ n’est pas vrai Dieu, l’homme reste dans sa déchéance; si Jésus-Christ n’est pas vrai homme, il n’en sort pas davantage. Essayons de réaliser cette vérité :
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La justice de Dieu réclame le châtiment de l’homme coupable (Ex 20.5; 23.7). Et Dieu veut que sa justice soit faite.
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Nous ne pouvons pas payer notre dette envers lui par nos bonnes œuvres et nos mérites. Au contraire, nous augmentons chaque jour notre dette envers lui.
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Aucune créature, homme ou ange, ne peut payer notre dette à notre place : d’abord parce que Dieu ne veut pas punir une autre créature d’une faute dont l’homme est responsable, ensuite parce qu’aucune créature ne peut supporter le poids de la colère de Dieu contre le péché ni en délivrer d’autres (Ps 130.3).
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Il doit être vrai homme et parfaitement juste parce que la justice de Dieu exige que ce soit la nature humaine qui a péché qui paie pour le péché; mais un homme qui serait pécheur ne pourrait pas payer pour les autres (Rm 5.12,15; 1 Pi 3.18; És 53.3-5,10-11).
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Le seul libérateur possible ne peut être que quelqu’un qui soit vrai homme et parfaitement juste (2 Co 5.21) et qui soit toutefois plus fort que toutes les créatures, c’est-à-dire qui soit en même temps vrai Dieu.
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Il doit être en même temps vrai Dieu parce qu’une créature appartenant à la race d’Adam ne saurait sauver les hommes pécheurs.
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Le seul être qui remplit cette double condition est Jésus-Christ.
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Les pires hérésies sont nées de la négation de l’une ou l’autre de ces deux natures, parce qu’elles rendent illusoire l’œuvre rédemptrice du Sauveur. On comprend que l’Église a veillé au cours des siècles à ce que cette double position soit fermement maintenue.
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L’examen des principales déviations nous éclairera sur l’importance de ce sujet.
b. Le docétisme←↰⤒🔗
Les docètes, du grec : dokein, paraître (fin du 1er siècle et 2e siècle), niaient l’humanité réelle de Jésus-Christ en prétendant que Dieu n’avait pris que l’apparence d’un homme et que, sur la croix, il n’avait fait que « sembler » souffrir. L’œuvre de salut était rendue, de ce fait, illusoire.
Le docétisme est réapparu dernièrement sous une forme nouvelle, avec les théories de Drews et de Couchoud qui contestent l’existence historique de Jésus en déclarant qu’il est le produit de l’imagination d’une secte juive aux environs de l’an 35.
c. L’arianisme←↰⤒🔗
Avec l’hérésie d’Arius (280-336) c’est la divinité de Jésus-Christ qui est mise en péril, puisque pour lui, il est une créature, la première de toutes au-dessus des hommes et des anges, mais, comme eux, tirée du néant. Il niait qu’il fût consubstantiel (de la même substance) au Père. En un mot, il n’était ni Dieu ni homme. Le grand adversaire d’Arius fut Athanase qui fit triompher au Concile de Nicée (325) la formule célèbre : Jésus-Christ est « vrai Dieu issu du vrai Dieu, engendré et non créé, d’une même substance que le Père… »
d. Le nestorianisme←↰⤒🔗
Avec Nestorius (5e siècle), c’est l’unité de la personne de Jésus-Christ qui est en jeu. Pour lui, Dieu est en Christ, comme un ami est dans le cœur de son ami, comme le roi est dans son ambassadeur. Il n’y a pas union de Dieu avec Christ, mais un « porte-Dieu ». Au fond, il est un homme en qui Dieu agit. En conséquence, l’œuvre de Jésus-Christ n’a qu’une valeur limitée, puisque Dieu n’y a pris part que comme inspirateur et soutien. L’hérésie nestorienne fut condamnée au Concile d’Éphèse (431).
e. L’eutychianisme←↰⤒🔗
L’hérésie d’Eutychès, moine à Constantinople, au 5e siècle, fut une réaction contre celle de Nestorius. Il confondait les deux natures, soit qu’il absorbât la nature humaine dans la nature divine, « comme une goutte de miel dans l’océan ». La première explication faisait du mystère quelque chose d’invraisemblable. La deuxième sacrifiait l’humanité du Christ. Aucune n’était conforme aux Écritures. L’Église répondit à Eutychès au Concile de Chalcédoine (451) en établissant le dogme des deux natures en Christ.
f. Fin de la controverse christologique←↰⤒🔗
L’œuvre des Conciles d’Éphèse et de Chalcédoine fut parachevée au troisième Concile de Constantinople (681) qui établit en Christ la double science, divine et humaine, double volonté, et double activité, dans l’harmonie toujours parfaite entre ce qui est de Dieu et ce qui est de l’homme. Les réformateurs ont estimé que ces doctrines étaient conformes à l’enseignement biblique et les ont conservées.
Ajoutons que les partisans d’une seule nature en Christ ont été appelés monophysites (monos : seul; physis : nature). Il y en a encore en Égypte et en Abyssinie.
g. L’adoptianisme←↰⤒🔗
On fait remonter cette doctrine jusqu’à Paul de Samosate (3e siècle) qui enseignait que Christ était un homme à qui Dieu communiquait ses lumières et qui, par sa vie parfaite, avait mérité de devenir Fils de Dieu par adoption.
L’adoptianisme, condamné par l’Église, n’a jamais disparu. Il constitue le fond du protestantisme libéral. Jésus serait un homme né de Joseph et de Marie qui, grâce à sa vie sainte et droite, a mérité d’être reconnu par Dieu comme son Fils au jour de sa consécration par le baptême de Jean dans le Jourdain. Avec cette doctrine, la croix n’est plus qu’un acte de dévouement dans le but d’émouvoir les cœurs sur la gravité du péché.