Jeanne d'Albret - Reine de la Réforme 1528 – 1572
Jeanne d'Albret - Reine de la Réforme 1528 – 1572
Pendant la Réforme, les rois de France persécutèrent sans pitié les huguenots, les protestants français, craignant qu’ils ne divisent leur royaume. Malgré tous ceux qui périrent sur le bûcher, qui furent noyés dans les rivières, qui furent taillés en pièces par l’épée, le nombre de huguenots ne cessait de croître. Plusieurs huguenots, tels que Jean Calvin, s’enfuirent de leur pays pour trouver refuge en Suisse. Après que Calvin fut devenu le principal pasteur de Genève, l’Église genevoise devint un havre et un modèle pour les huguenots.
En France, dans la plupart des endroits, les huguenots tenaient leurs cultes en secret, se réunissant dans des champs ou des granges pour chanter les louanges de Dieu à l’aide du psautier de Genève, lire les Écritures et écouter la prédication de la Parole. Les pasteurs huguenots, plusieurs d’entre eux ayant été formés par Calvin à Genève, se déguisaient et utilisaient de faux noms pour protéger leur identité. Calvin disait aux huguenots : « Envoyez-nous du bois et nous vous renverrons des flèches. » Les flèches auxquelles il référait étaient des prédicateurs bien formés. Ces braves jeunes hommes retournaient en France, sachant qu’ils feraient assurément face à la mort.
Le jour de Noël de 1560, une femme pieuse et courageuse renforça la cause des huguenots. Jeanne d’Albret, reine de Navarre, proclama publiquement : « Je suis une adepte de la foi réformée. » Jeanne, avec son mari Antoine, régnait sur Navarre, un petit royaume allié à la France et situé à la frontière de l’Espagne. Antoine était un noble français issu de la famille royale. Pendant des années, Jeanne et Antoine accueillirent des pasteurs protestants à leur cour royale et envoyèrent de l’argent pour soutenir ceux qui s’enfuyaient à Genève. Pourtant, ils craignaient de se déclarer eux-mêmes protestants, puisque leur royaume minuscule était entouré de contrées catholiques puissantes. Mais finalement, Jeanne se sentit poussée à prendre position pour la vérité, quel qu’en fût le coût.
Elle dit : « La réforme de la foi chrétienne est si juste et si nécessaire que je serais déloyale et lâche devant Dieu et devant mon peuple si je ne m’y joignais pas. » Comme d’autres protestants, elle embrassa la foi réformée parce que l’Église romaine s’était grandement éloignée de la Parole de Dieu. Elle dit : « Je suis Calvin et les autres prédicateurs réformés, seulement dans la mesure où ils suivent les Écritures. »
Les rois de France et d’Espagne passèrent immédiatement à l’action avec le pape pour empêcher le royaume de Navarre de quitter l’Église romaine. Ils promirent à Antoine des terres et de l’argent s’il se déclarait lui-même loyal à la foi romaine ainsi que son royaume. Il acquiesça. Brisée par le manque de courage spirituel de son mari, Jeanne nota : « Il a planté une épine dans mon cœur. »
Antoine amena Jeanne à Paris et fit d’elle une prisonnière dans ses propres appartements, menaçant de divorcer à moins qu’elle ne retourne à l’Église romaine. Elle refusa. Des représentants officiels français l’intimèrent de se soumettre à la direction de son mari. Ils l’avertirent : « Vous risquez de perdre tout ce que vous avez si vous ne changez pas de foi. »
Elle répondit : « Je préférerais précipiter mon royaume au plus profond de l’océan plutôt que de faire cela. » Jeanne s’enfuit de Paris pour Navarre et utilisa son pouvoir pour promouvoir la foi réformée dans son royaume. Elle débarrassa les Églises de son royaume de leurs images, appela des pasteurs genevois à venir prêcher à son peuple et établit des séminaires réformés. Jeanne écrivit elle-même des essais pour défendre la foi réformée et persuader d’autres de s’y joindre. Elle utilisa régulièrement de ses propres fonds, allant même jusqu’à vendre ses propres bijoux, pour soutenir les écoles réformées, payer les dépenses des pasteurs et imprimer des bibles. Elle fit traduire la Bible en béarnais, la langue de Navarre, et encouragea ses sujets à étudier la Parole de Dieu par eux-mêmes.
Cependant, la situation des huguenots français devenait de plus en plus périlleuse. À Vassy, des soldats massacrèrent des centaines de huguenots rassemblés dans une grange pour le culte d’adoration et ils en abattirent trois mille autres à Toulouse. Finalement, les huguenots prirent les armes pour se défendre eux-mêmes. Antoine conduisit une armée pour les combattre, assiégeant une ville huguenote. Cependant, une balle de mousquet tirée à partir du mur déchira son bras. Il mourut un peu plus tard de sa blessure.
Jeanne, régnant maintenant seule sur son royaume, décréta que les gens de Navarre étaient désormais libres d’adorer selon la foi catholique romaine ou selon la foi huguenote. Le pape envoya un cardinal français pour la persuader d’interdire le culte huguenot dans son royaume.
Il dit à Jeanne :
« Votre Majesté, vous êtes induite en erreur par des hommes méchants qui veulent implanter une nouvelle religion en Navarre. Si vous les écoutez, vous ne réussirez jamais. Vos sujets n’accepteront jamais cela et vos ennemis vous arrêteront. Vous n’avez pas d’océan pour vous protéger comme la reine Élisabeth d’Angleterre. »
Il qualifia les huguenots de meurtriers, de rebelles et d’hérétiques. Il dit : « Madame, ne laissez pas ces gens ruiner votre conscience, vos biens et votre grandeur. Je vous implore avec larmes de retourner au véritable troupeau. »
Jeanne se pencha vers l’avant, regarda le cardinal droit dans les yeux et répondit avec audace :
« Vos faibles arguments n’atteignent pas mon crâne coriace. Je sers Dieu et il sait comment protéger sa cause. Nos pasteurs ne prêchent rien d’autre que l’obéissance, la patience et l’humilité. Gardez vos larmes pour vous-même. Je prie du plus profond de mon cœur que vous soyez ramené au véritable troupeau et au véritable Berger. »
Finalement, la lutte entre les huguenots et les catholiques français dégénéra en guerre. Des milliers périrent des deux côtés. Lors de la bataille de Jarnac, lorsque le principal général huguenot fut tué, les troupes vacillèrent, incertaines de pouvoir continuer à se battre. Jeanne courut jusqu’au champ de bataille avec son fils Henri — un héritier du trône — et rassembla les hommes pour les mener à la victoire. Cependant, Jeanne, qui détestait le sang répandu, envoya une lettre au roi de France. Elle écrivit :
« J’ai confiance en votre bonté naturelle et en votre amour paternel pour votre peuple. Je vous supplie de prendre à cœur la misère que toute cette guerre a causée. Si vous permettez à vos sujets d’adorer en tant que catholiques ou en tant que réformés, votre nom sera célébré parmi toutes les nations. »
Finalement, en 1571, les deux côtés, épuisés par la guerre, signèrent un traité de paix. Afin de renforcer la paix, la reine mère de France, Catherine de Médicis, suggéra que le fils de Jeanne, Henri de Navarre, marie sa fille Marguerite, espérant que, si un prince huguenot mariait une princesse catholique, la paix serait assurée. Jeanne d’Albret s’y opposa fermement. Cependant, les dirigeants huguenots à travers toute la France la supplièrent d’accepter le mariage par souci de paix. Ils lui dirent : « Cela conduira peut-être à une plus grande liberté religieuse. » Avec réticence, elle acquiesça finalement, mais Jeanne avertit son fils de demeurer fidèle à la Parole de Dieu, peu importe ce que ferait sa future femme. Jeanne voyagea à Paris pour préparer le mariage, mais elle tomba gravement malade pendant qu’elle était là. Plusieurs croyaient qu’elle avait été empoisonnée. Sur son lit de mort, elle demanda à ce qu’on lui lise quelques chapitres de l’Évangile de Jean. Elle mourut alors que les paroles de Jésus résonnaient dans ses oreilles : « Vous aurez des tribulations dans le monde; mais prenez courage, moi, j’ai vaincu le monde » (Jn 16.33).
Deux mois plus tard, Henri de Navarre mariait Marguerite à Paris. Les dirigeants huguenots de toute la France se rassemblèrent pour le mariage royal. Cependant, Catherine de Médicis, complotant pour tous les détruire une fois pour toutes, dit à son fils, le roi Charles, que les huguenots devaient être éradiqués, sans quoi il n’arriverait jamais à contrôler la France.
Rempli de colère, Charles s’écria : « Je veux que tous les huguenots de France soient tués. Voyez-y immédiatement! » Quelques jours après le mariage, les troupes françaises reçurent l’ordre concernant les huguenots : « Tuez-les tous! C’est le roi qui l’ordonne. » Les archers, les cavaliers et les fantassins se déployèrent dans tout Paris pour attaquer les dix mille huguenots qui visitaient la ville. La populace de Paris se joignit aux soldats du roi lorsque ceux-ci crièrent : « Tuez-les! Massacrez les huguenots! »
Les foules déchaînées se répandaient dans les rues, faisant irruption dans les maisons, tuant les huguenots, les transperçant avec des poignards ou les précipitant du haut des édifices. Ils assommaient les petits enfants et les personnes âgées et les jetaient dans les rivières pour qu’ils s’y noient. Les soldats, essayant de dégager les rues de tous les corps des personnes mortes, tiraient des chariots remplis de cadavres jusqu’à la rivière, où ils les y jetaient, l’eau virant au rouge à cause de tout le sang.
Ceci se produisit le 24 août 1572 pendant la fête de la Saint-Barthelémy. Ce jour terrible est commémoré sous l’appellation : « le jour du massacre de la Saint-Barthelémy ». Le massacre des huguenots continua pendant des semaines à travers toute la France. Des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants furent massacrés.
Malgré cela, le massacre entraîna une reprise de la guerre qui continua pendant plusieurs années, jusqu’à ce que Henri, le fils de Jeanne, soit couronné roi de France. Bien que Henri n’ait pas suivi la foi réformée comme sa mère l’avait fait, il donna aux huguenots la liberté de culte en promulguant l’Édit de Nantes qui accordait liberté de religion aux huguenots.
Un des passages favoris de Jeanne dans les Écritures était le Psaume 31. Juste avant de mourir, elle demanda qu’on le lui lise. C’est un psaume qui exprime de manière magnifique ses propres luttes et sa propre foi.
« J’ai entendu les mauvais propos de beaucoup, l’épouvante qui règne alentour, quand ils se liguent ensemble contre moi : ils complotent de m’ôter la vie. Mais moi, je me confie en toi, ô Éternel! Je dis : tu es mon Dieu! […] Fais briller ta face sur ton serviteur, sauve-moi par ta bienveillance! » (Ps 31.14-17).