La justice et la loi
La justice et la loi
Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de la justice et de la loi… Car peut-être vous vous trouvez parmi ceux qui désespèrent de trouver ici-bas la moindre trace de justice et une application décente du respect de la loi. Peut-être êtes-vous alarmé par tant de tricheries, d’abus, de malversations, de scandales, de crimes de toute sorte restés impunis… Qui ne serait, en effet, découragé? Vous interrogez-vous avec impatience, voire avec révolte : Que fait donc Dieu? Est-il à ce point impotent pour laisser les hommes dans un marais aussi nauséabond?
Oui, parlons de la justice et de la loi, mais d’après ce que nous en dit la Bible… La Bible est précisément le livre de Dieu qui nous entretient de la justice et de la loi comme personne ne pourrait le faire. Mais elle ne se contente pas que d’en parler; elle nous oblige encore à les respecter et à les mettre en pratique. Elle ne se contente pas de faire des constatations désabusées tout à fait stériles. L’attitude de l’homme selon la Bible a toujours été une attitude virile, l’attitude du combattant. Des protestations véhémentes se font entendre tout au long des pages de la Bible. Les prophètes de l’Ancien Testament n’ont été ni des faibles ni des résignés, mais des hommes d’autorité et de combat.
Alexandre Soljenitsyne a écrit quelque part qu’à ses yeux la justice de Dieu était pour lui encore plus importante que son amour. Combien nous le comprenons! Car la notion occidentale de l’amour, avec son romantisme quasi maladif, a tellement dévalué et déformé cette réalité que même l‘amour de Dieu a été ravalé à sa caricature. Dieu est présenté sous les traits d’un personnage débonnaire, tolérant tous les comportements; il est devenu une sorte de frère jumeau du Père Noël, impotent et inoffensif…
Si vous avez connu des régimes politiques totalitaires, vous êtes peut-être révolté à l’idée d’un Dieu d’amour qui laisse sans broncher les méchants faire leur œuvre d’injustice et de destruction.
Pourtant, le Dieu de la Bible est justice, droiture et sainteté morale. Sa justice est le climat unique dans lequel respire son amour et dans lequel le nôtre pourra s’épanouir et être pratiqué.
Durant de très longs siècles, le principe biblique de la justice inspirait les sociétés occidentales. La loi universelle chrétienne s’alliait aux lois et coutumes locales permettant le fonctionnement normal de la société, et en dépit de ses imperfections, celle-ci était beaucoup plus équitable que la nôtre.
Depuis que les temps modernes ont vu l’avènement d’une société humaniste et athée — la nôtre en est le type le plus accompli —, la loi est devenue une affaire exclusivement politique. Son application a été réduite à sa plus simple expression, une expression uniquement littérale. Or, la justice ne peut jamais être appliquée par une administration technique comme telle ni être confiée aux seuls soins d’un jury qui doit prononcer la sentence uniquement sous les critères d‘une prétendue neutralité. La justice véritable ne peut exister que là où le sens et la conscience des chrétiens sont vivants et à l’œuvre parce qu’ils l’exercent d’après une réalité qui les transcende. Seul Dieu est infaillible.
Prenons un exemple. Pour la Bible, il est essentiel qu‘après un délit il y ait restitution. Au lieu d’emprisonner simplement le délinquant et de lui infliger un régime pénitentiaire plus ou moins sévère, la Bible exige que le coupable répare sa faute. Il est responsable de ses actes. Elle établit une relation personnelle entre victime et coupable. Tandis que dans la juridiction pénale moderne, hautement impersonnelle, toute possibilité de face à face entre le coupable et sa victime est éliminée, et, du coup, toute demande de pardon de l’offenseur et de possibilité de pardon accordé par l’offensé.
Une loi légaliste et rigide contribue nécessairement à supprimer l’idée de la responsabilité personnelle et ôte toute notion de liberté individuelle. Une société qui ne reconnaît pas le Dieu révélé dans la Bible et dans le monde sera hostile à toute justice véritable et dégénérera en une machine à broyer l’individu, sans que celui-ci soit en mesure de se défendre.
Dans l’esprit biblique, la définition de la justice est la suivante : administrer ce qui est juste et ce qui est selon le droit. Ces deux mots, juste et droit, renferment un sens profondément religieux, car ils supposent une perfection morale et religieuse. Dieu n’est pas seulement juste et droit. Il est encore la source de toute droiture et de toute justice. Il l’applique dans le cœur de l’homme. Mais il exige aussi le respect et la reconnaissance du droit dans la société dans son ensemble.
Agir avec droiture ce n’est pas seulement reconnaître le droit, mais encore replacer le droit partout où il a été déplacé. Lorsque les hommes remplacent l’ordre divin, ils établissent une anti-loi, outil de pouvoir absolu. Alors apparaissent deux types de pouvoir : celui des puissants qui cherchent à opprimer les faibles et celui des classes particulières s’emparant des biens d’autrui sous prétexte de socialisation de la vie. C’est tomber de Charybde en Scylla. L’un et l’autre de ces pouvoirs se réclament « de la volonté du peuple »… Or, ce n’est pas une bonne référence, d’après la Bible! Car d’après celle-ci, la « volonté humaine » — qu’elle soit individuelle ou collective — est incurablement malade et corrompue. La volonté de l’homme organisera toujours et sûrement une société en vue du vol des biens d’autrui plutôt que pour défendre les citoyens contre les rapaces qui peuplent toutes les sociétés humaines…
La foi en Jésus-Christ, Sauveur des hommes, et la justice de Dieu sont les seules structures valables pour organiser une société. Tout effort pour promouvoir une justice coupée de ces deux grands principes reviendrait à combattre le mal par le mal, à vouloir éteindre un incendie en y versant de l’essence…
Prenez, par exemple, ce courant de sympathie qui de nous jours entoure les criminels — les vrais, parfois même les pires — et qui, curieusement, se désintéresse des victimes… Peut-être, justement, parce que nous vivons à une époque qui tend à compenser l’absence de justice par un sentimentalisme maladif et à cause duquel nous sommes devenus, à notre corps défendant, les témoins de toutes sortes d’aberrations à cet égard. Si on ôte le sens de responsabilité, on broie du même coup toute dignité et toute liberté authentique à la personne humaine.
Or, le Dieu de la Bible traite les hommes en adultes. Il les prend au sérieux, aussi bien dans le mal qu’ils font que dans le bien qu’ils accomplissent.
Dieu en personne s’est engagé pour établir une justice totale. Son trône est le siège de toute activité droite et juste. Les coupables y sont appelés pour y être jugés. Parfois, il laisse les fruits de l’iniquité mûrir jusqu’à ce qu’ils tombent, complètement pourris… Mais lorsqu’il permet cela, il n’agit pas de manière arbitraire, car il demeure fidèle à ses propres principes. Nous savons à quoi — et surtout, à qui — nous en tenir. Ses châtiments, aussi sévères soient-ils, ne sont ni cruels ni arbitraires, mais justes et mérités.
Lisez le Psaume 143. L’homme qui l’a composé s’est regardé dans le miroir de la Parole divine et s’y est découvert coupable. Alors, il supplie le Seigneur de ne pas entrer en jugement avec lui. Pourtant, il ne demande pas à Dieu d’oublier sa justice; il ne mendie pas une faveur à la dérobade. Bien au contraire, il a confiance que Dieu agira avec lui « avec droiture ». La justice de Dieu restera intacte. Autrement, quelle confiance l’homme pourra-t-il avoir en Dieu lorsque les méchants maltraiteront les faibles, ceux qui ne peuvent pas se défendre? En effet, ce serait une calamité si Dieu cessait un seul instant d’être le Dieu de la justice, car le salut qu’il accorde est le fruit de celle-ci.
Connaissez-vous la belle expression biblique : « La justice et la paix se sont embrassées »? La paix selon le monde est toujours le résultat d’un compromis. La paix authentique, elle, est invariablement fondée sur une justice parfaite. Alors seulement seront transformées les relations entre les races, les classes et les individus, les patrons et les ouvriers… Le prophète Michée rendait la chose explicite en proclamant que Dieu ne s’achète pas par des rites. Ses exigences sont claires, terriblement claires, au point de nous mettre mal à l’aise… Il renverse nos bazars religieux si nous n’agissons pas avec une droiture absolue.
Nul n’est l’architecte de sa propre vie ni de son salut, et il n’y a d’autre source de justice qu’en Dieu. La justice romaine n’était pas pire que celle qui avait cours dans les autres peuples païens de l’époque. Elle était même sans doute meilleure. Pourtant, que s’est-il passé, un jour? Le représentant de cette justice bien organisée et bien huilée, un certain Ponce Pilate, procurateur, livra la seule personne parfaitement innocente ayant vécu sur cette terre entre les mains de ses adversaires, haineux et assoiffés de son sang…
Dieu, lui, désire un monde juste. Il nous propose d’établir un système radical, parce qu’il descend jusqu’aux racines de toute injustice; il va jusqu’au fond de nos âmes pour y faire jaillir une vie nouvelle. Il refuse le statu quo. Il ordonne que l’ouvrier reçoive son juste salaire. Il demande que chacun porte un regard compatissant sur l’opprimé et lui vienne en aide. Il nous engage à pratiquer la justice. Pas seulement à l’intérieur de l’âme, mais dans toutes nos relations. Jésus-Christ a été la manifestation en plein jour de la justice divine. Christ n’est pas venu comme un réformateur social, mais comme la victime expiatoire afin que triomphe la justice de Dieu.
Sa mort et sa résurrection signifient la paix avec Dieu et la paix entre les hommes. Elles assurent le triomphe de la justice comme l’assurance de la paix accordée à ceux qui, pour l’instant, ont faim et soif de justice.