La loi et l'Évangile
La loi et l'Évangile
La relation entre la loi et l’Évangile tient une place centrale dans la compréhension de la foi chrétienne. La loi, donnée par Dieu au peuple d’Israël par l’intermédiaire de Moïse, apparaît dans l’Ancien Testament, au livre de l’Exode et aux livres suivants, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome. L’Évangile, quant à lui, forme le cœur du Nouveau Testament et est centré sur la personne et l’œuvre de Jésus-Christ. Quiconque ne s’intéresse pas à méditer et à comprendre la nature de cette relation entre la loi et l’Évangile ne sait pas vraiment ce qu’il en est de la foi chrétienne. Il ne sert alors pas à grand-chose de célébrer Noël, si nous ne comprenons pas la mission de Jésus sur terre selon ses propres paroles : « Ne pensez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes. Je ne suis pas venu pour abolir, mais pour accomplir » (Mt 5.17).
Durant tout son ministère auprès des hommes, Jésus-Christ n’a pas cessé de parler à ses disciples de cet accomplissement. On ne trouve pas seulement de telles paroles dans l’Évangile selon Matthieu, qui, adressé premièrement à des juifs, maintient un lien étroit avec l’Ancien Testament, mais aussi dans les autres Évangiles, selon Marc, selon Luc et selon Jean. Par exemple, dans Luc 18, Jésus annonce à ses disciples de la manière suivante qu’il va souffrir : « Voici : nous montons à Jérusalem, et tout ce qui a été écrit par les prophètes au sujet du Fils de l’homme s’accomplira » (Lc 18.31). Ceci est si important dans l’idée que Jésus lui-même se fait de son ministère que ses dernières paroles sur la croix, selon Jean, sont justement : « Tout est accompli » (Jn 19.30), à savoir l’accomplissement de la loi et des prophètes dont il avait parlé au début de son ministère. Un peu auparavant, l’évangéliste Jean nous rapporte que « Jésus, qui savait que déjà tout était achevé, dit, afin que l’Écriture soit accomplie : J’ai soif » (Jn 19.28).
Après sa résurrection d’entre les morts, Jésus prend beaucoup de peine à expliquer tout ce qui lui est arrivé à deux de ses disciples qui sont complètement désemparés et ne l’ont même pas reconnu. Ils cheminent ensemble vers un village nommé Emmaüs. Il leur dit :
« Hommes sans intelligence et dont le cœur est lent à croire à tout ce qu’ont dit les prophètes! Le Christ ne devait-il pas souffrir de la sorte et entrer dans sa gloire? Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait » (Lc 24.25-27).
En effet, un Jésus dont la mission sur terre n’est ni comprise ni acceptée par la foi selon les termes qu’il emploie lui-même n’est d’aucune utilité pour moi ou pour vous.
L’idée d’amour qu’on attache généralement à sa personne n’a aucune puissance rédemptrice. Un tel amour vague n’est pas fondamentalement différent de celui qu’on rencontre chez d’autres personnages célèbres, comme le Mahatma Gandhi, pour ne citer qu’un exemple. Un tel amour est certes exemplaire, mais il ne peut aucunement nous rapprocher de Dieu. À la vérité, si nous ne comprenons pas l’amour manifesté par Jésus-Christ comme étant tout d’abord l’accomplissement de la loi et des prophètes de l’Ancien Testament, alors l’exemple de Jésus-Christ, que nous essayons peut-être de suivre, ne dégage pour nous qu’une odeur de mort éternelle. Car alors nous tâchons d’accomplir la loi de Dieu par nos propres forces, et notre échec est tout simplement garanti.
Il est pourtant frappant de remarquer combien est répandue, même parmi des chrétiens, l’idée que Jésus est venu pour abolir la loi et non pour l’accomplir. Pour beaucoup, il semble presque inacceptable que la loi ne doive pas être abolie, mais bien accomplie. Une foi dans le progrès moral de l’humanité est ancrée si profondément dans les mentalités modernes que les stipulations de la loi qui nous vient d’en haut sont devenues inacceptables pour beaucoup. L’homme moderne préfère déformer la personne et l’œuvre de Jésus-Christ et en faire un symbole d’émancipation vis-à-vis de la loi, un Jésus qui est venu nous montrer que nous sommes devenus adultes et n’avons nullement besoin de la loi dans notre vie. Ce soi-disant Jésus nous rappelle bien plus Satan, lorsqu’au début de la Bible, au chapitre 3 du livre de la Genèse, il insinuait à Adam et Ève, lors de la tentation : Écoutez-moi, et « vous serez comme Dieu » (Gn 3.5), émancipés, vraiment libres, et non plus dépendants. Vous serez en état de déterminer par vous-mêmes le bien et le mal, sans avoir à obéir au commandement de Dieu. C’est cela le progrès… C’est pourquoi vous devez vous débarrasser de cette limitation primitive et inutile qui vous défend de toucher à l’arbre de la connaissance du bien et du mal; n’hésitez donc pas à manger du fruit de cet arbre…
Alors que Satan se fait l’avocat d’une émancipation vis-à-vis de la loi de Dieu, à travers la désobéissance au commandement divin, Jésus suit une voie complètement opposée : en tant qu’homme, un homme comme nous tous, il obéit parfaitement à la volonté de son Père, afin de nous délivrer du jugement qui nous attend en raison de notre propre désobéissance à la loi de Dieu. Expliquons ceci plus en détail : nous avons hérité de cette condamnation depuis Adam, car étant ses descendants, nous portons en nous les mêmes marques de désobéissance vis-à-vis de Dieu. Il en va de ces marques comme d’une caractéristique génétique indélébile, puisque tous les hommes descendent du même premier homme. Mais Jésus-Christ, lui, a obéi parfaitement à la volonté de Dieu, étant devenu un homme comme nous. En accomplissant la loi, jusqu’à porter sur lui la faute et la condamnation qui devait atteindre tous les pécheurs, il a libéré de cette condamnation divine tous ceux qui, par la foi, se mettent au bénéfice de son sacrifice volontaire et de sa résurrection d’entre les morts.
Jésus est venu accomplir ces mots écrits dans l’Ancien Testament, au livre du prophète Jérémie, des centaines d’années avant la venue du Messie promis au peuple d’Israël :
« Voici l’alliance que je conclurai avec la maison d’Israël après ces jours-là, oracle de l’Éternel : Je mettrai ma loi au dedans d’eux, je l’écrirai sur leur cœur; je serai leur Dieu et ils seront mon peuple » (Jr 31.33).
Désormais libérés de la condamnation que notre désobéissance à la loi de Dieu amenait sur nous, nous pouvons vivre une vie de reconnaissance envers Dieu, en gardant ses commandements et en étant assurés du pardon de Dieu lorsque nous péchons encore contre lui et contre notre prochain. C’est là l’Évangile chrétien auquel le Dieu de grâce vous invite à croire. Sans la foi, sans l’adhésion de notre cœur et de notre intelligence à cet Évangile, sans l’acceptation du don gratuit que Dieu nous fait en son Fils Jésus-Christ, il n’y a pour nous qu’une seule perspective : la condamnation et la mort éternelle, puisque nous refusons le don gratuit de Dieu, son pardon, la réconciliation avec lui et la vie éternelle que cette réconciliation nous accorde.
Voici ce que Jésus lui-même dit au début de son ministère terrestre, au chapitre 5 de l’Évangile selon Matthieu :
« Ne pensez pas que je sois venu abolir la loi ou les prophètes. Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. En vérité, je vous le dis, jusqu’à ce que le ciel et la terre passent, pas un seul iota, pas un seul trait de lettre de la loi ne passera, jusqu’à ce que tout soit arrivé. Celui donc qui violera l’un de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux, mais celui qui les mettra en pratique et les enseignera, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. Car je vous le dis, si votre justice n’est pas supérieure à celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux » (Mt 5.17-20).
Un passage de l’Évangile de Jean expose de manière saisissante cet enseignement de Jésus et la manière dont il l’a pratiqué. C’est le texte, peut-être connu de beaucoup d’entre vous, qui concerne la femme prise en flagrant délit d’adultère. Voici ce passage, que vous trouverez au début du chapitre 8 de l’Évangile selon Jean :
« Jésus se rendit au mont des Oliviers. Mais dès le matin, il se rendit de nouveau dans le temple, et tout le peuple vint à lui. Il s’assit et les enseignait. Alors les scribes et les pharisiens amènent une femme surprise en flagrant délit d’adultère, la placent au milieu et disent à Jésus : Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Moïse, dans la loi, nous a prescrit de lapider de telles femmes : toi donc, que dis-tu? Ils disaient cela pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus se baissa et se mit à écrire avec le doigt sur la terre. Comme ils persistaient à le questionner, il se redressa et leur dit : Que celui de vous qui est sans péché lui jette le premier la pierre. De nouveau, il se baissa et se mit à écrire sur la terre. Quand ils entendirent cela, accusés par leur conscience, ils se retirèrent un à un, à commencer par les plus âgés et jusqu’aux derniers, et Jésus resta seul avec la femme qui était là au milieu. Alors Jésus se redressa et lui dit : Femme, où sont tes accusateurs? Personne ne t’a condamnée? Elle répondit : Personne Seigneur. Et Jésus lui dit : Moi non plus je ne te condamne pas; va, et désormais ne pèche plus » (Jn 8.1-11).
Ce récit illustre parfaitement d’un côté ce que signifie l’accomplissement de la loi par Jésus. D’un autre côté, c’est aussi un bon exemple de la distorsion que Satan apporte à la Parole de Dieu. Les docteurs de la loi et les pharisiens, qui étaient un groupe religieux très strict au temps de Jésus, sont venus pour lui tendre un piège, de manière à tirer de lui quelque parole par laquelle ils pourraient l’accuser. Pourtant, lorsque Satan l’a tenté, au début de son ministère, Jésus lui a répondu : « Il est écrit : tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu » (Mt 4.7). Il est clair que Satan essaie encore une fois là où il n’a pas réussi, car les docteurs de la loi citent la Bible, l’Ancien Testament, mais d’une manière déformée (exactement comme le serpent l’a fait lors de la tentation d’Adam et Ève, au début du livre de la Genèse). Regardons ensemble de plus près tout cet épisode :
« Ils amènent vers Jésus une femme surprise en flagrant délit d’adultère. Puis ils disent : Moïse, dans la loi, nous a prescrit de lapider de telles femmes : toi donc, que dis-tu? » (Jn 8.3-5).
Il est clair qu’ils veulent faire dire à Jésus une parole qui ira contre celles de Moïse, par qui la loi a été donnée dans l’Ancien Testament. Ils veulent faire apparaître une tension, ou une contradiction entre ses paroles et celles de l’Ancien Testament, qui est leur Bible. Comment pourra-t-il alors se défendre contre l’accusation qu’il essaie justement d’abolir la loi? Comment pourra-t-il encore prétendre qu’il est le Messie attendu par les juifs, la révélation finale de Dieu, puisqu’il contredit leurs écrits sacrés? C’est là le piège qu’ils lui tendent.
Mais remarquez bien de quelle manière ils déforment eux-mêmes le texte de l’Ancien Testament qu’ils citent. Il nous faut d’abord nous reporter aux livres du Lévitique et du Deutéronome dans la première partie de la Bible, ce qu’on appelle la Torah, pour trouver le texte que les docteurs de la loi utilisent contre Jésus. Tout d’abord, Lévitique chapitre 20 :
« Si un homme commet adultère avec une femme mariée, s’il commet adultère avec la femme de son prochain, l’homme et la femme adultères seront punis de mort : leur sang retombera sur eux » (Lv 20.10).
Voici maintenant Deutéronome chapitre 22 :
« Si l’on trouve un homme couché avec une femme mariée, ils mourront tous deux, l’homme qui a couché avec la femme, et la femme aussi. Tu extirperas ainsi le mal du milieu d’Israël. Si une jeune fille vierge est fiancée à quelqu’un, et qu’un homme couche avec elle, vous les ferez sortir tous deux à la porte de la ville, vous les lapiderez et ils mourront, la jeune fille pour n’avoir pas crié dans la ville, et l’homme pour avoir fait violence à la femme de son prochain. Tu extirperas ainsi le mal du milieu de toi. Mais si c’est dans la campagne que cet homme rencontre la jeune fille fiancée, si l’homme la saisit et couche avec elle, l’homme qui aura couché avec elle sera seul puni de mort. Tu ne feras rien à la jeune fille; la jeune fille n’est pas coupable d’un péché passible de mort; c’est comme si un homme se dressait contre son prochain pour lui ôter la vie. La jeune fille fiancée, que cet homme a rencontrée dans les champs, a pu crier sans qu’il y ait eu personne pour la sauver » (Dt 22.22-27).
Voilà ce que dit la loi de Dieu dans l’Ancien Testament en ce qui concerne le péché d’adultère. Dieu exigeait qu’en sa présence, eu égard à sa sainteté, à sa perfection, les coupables soient mis à mort, car l’adultère est une atteinte à la sainteté de son nom et ne doit pas être commis au milieu du peuple de son alliance. Remarquez bien que ces dispositions font du viol un crime amenant la peine de mort sur celui qui le perpétue. La loi dans l’Ancien Testament ne faisait pas du viol des femmes une petite affaire sans conséquence. Remarquez aussi qu’une mesure de protection vis-à-vis des femmes était appliquée, car seul l’homme devait être lapidé si l’incident s’était passé dans les champs. C’est-à-dire que même si la jeune femme était consentante, elle était tenue pour innocente, car on ne pouvait avoir aucune certitude à cet égard, vu qu’elle avait pu crier et se débattre, appeler à l’aide sans être entendue de quiconque.
Mais maintenant, que voyons-nous dans le récit concernant Jésus et les docteurs de la loi? Ils amènent uniquement devant lui la femme surprise en train de commettre un adultère. Or, si elle a été prise en flagrant délit, il est évident que l’homme avec lequel elle a couché a dû lui aussi être pris en flagrant délit. Où est-il donc? Les docteurs de la loi et les pharisiens opèrent une discrimination contre la femme, en n’amenant pas aussi l’homme devant Jésus; de plus, ils ne citent que la moitié des paroles de Moïse (« Moïse, dans la loi, nous a prescrit de lapider de telles femmes »). Ce sont donc eux qui abolissent la loi en la citant de manière complètement tronquée! Jésus le sait parfaitement et il se tait. Il se baisse pour écrire quelque chose sur le sol. Qu’écrit-il? Nous ne le savons pas. En ce qui me concerne, j’aime à penser qu’il écrit la citation exacte de la loi de Moïse, ce qui est vraiment écrit dans la Parole de Dieu, mais naturellement ce n’est là qu’une spéculation.
Quoi qu’il en soit, comment Jésus ne se souviendrait-il pas en un tel instant de la tentation qu’il a vécue lorsqu’il était dans le désert? Satan citait aussi l’Écriture sainte, non pas pour glorifier Dieu, mais pour poser un piège au Messie de Dieu. Jésus se tait. Nous ne l’entendrons jamais prononcer une parole négative vis-à-vis de la loi, que ce soit maintenant ou à un autre moment. Il ne dira par exemple jamais que la loi est cruelle et qu’il est grand temps d’abolir de telles dispositions, primitives et barbares, indignes d’une humanité évoluée. Une autre fois, lorsque les mêmes personnes l’interrogeront sur le divorce, il leur répondra : « C’est à cause de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes. Au commencement, il n’en était pas ainsi » (Mt 19.8). Pour Jésus, ce n’est pas la loi qui est dure ou cruelle, c’est le cœur des hommes qui est corrompu et ne fait que produire toutes sortes de maux et de péchés. Non, Jésus n’adoucit pas la loi et il ne fait pas non plus comme si les hommes pécheurs étaient innocents ou moins coupables de transgression vis-à-vis de Dieu et de leur prochain. Mais alors, comment réagit-il?
Au cours du sermon sur la montagne, prononcé au début de son ministère, lorsqu’il parcourait les routes et les villages de Galilée, Jésus a jugé les pensées pécheresses des hommes de manière encore plus stricte que la loi de Moïse :
« Vous avez entendu qu’il a été dit : Tu ne commettras pas d’adultère. Mais moi je vous dis : Quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis adultère avec elle dans son cœur » (Mt 5.27-28).
Il est bien possible d’obéir littéralement au septième commandement qui défend de commettre l’adultère, mais qui pourrait se targuer d’une conscience pure face à cette déclaration de Jésus-Christ? Et si chacun de nous est coupable de transgression à cet égard, alors nous devons accepter que devant la sainteté de Dieu nous fassions face à notre propre condamnation et notre mort…
Quelle sera donc la réaction de Jésus face à ceux qui cherchent à l’accuser bien plus qu’ils ne cherchent à accuser la femme adultère qu’ils ont amenée devant lui? Jésus se tait. Ce silence donne encore une chance aux accusateurs de tester leur propre conscience : leur motivation est-elle pure lorsqu’ils viennent le questionner? Sont-ils réellement préoccupés par l’application juste de la loi lorsqu’ils la citent comme ils le font? Recherchent-ils réellement l’honneur et la gloire de Dieu en ce moment précis? Peuvent-ils entrer dans le Royaume de Dieu avec l’attitude qu’ils manifestent? Rappelez-vous les paroles de Jésus lors du sermon sur la montagne : « Car je vous le dis, si votre justice n’est pas supérieure à celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux » (Mt 5.20). Mais non, les cœurs durs ne changent pas, les motivations impures demeurent les mêmes, la conscience des docteurs de la loi et des pharisiens ne les dérange pas le moins du monde. Ils insistent, et n’abandonnent pas le piège qu’ils tendent à Jésus.
Alors Jésus, qui s’était baissé pour écrire quelque chose sur le sol, se lève et cette fois les confronte de manière décisive avec leur propre conscience : « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre. De nouveau, il se baissa et se mit à écrire sur la terre » (Jn 8.7-8). Qu’on applique donc la loi. Mais cette même loi sera appliquée avec la même rigueur à tous ceux qui s’estiment innocents de tout péché. Et soudain, quelque chose commence à pénétrer à travers la conscience opaque des accusateurs. Eux aussi devront un jour rendre compte devant Dieu de toutes leurs paroles, leurs pensées, de tous leurs actes. La position de juges sévères qu’ils se sont arrogée en tant que connaisseurs de la loi sera alors inversée. « Quand ils entendirent cela, accusés par leur conscience, ils se retirèrent un à un, à commencer par les plus âgés, et jusqu’aux derniers, et Jésus resta seul avec la femme qui était là au milieu » (Jn 8.9). Ici, dans le silence de cette scène dramatique, nous sommes mis en face d’un étonnant moment de vérité. Car qui, à part Jésus-Christ, aurait pu dire de lui-même : « Je n’ai aucun péché sur ma conscience, aucune transgression vis-à-vis de la volonté de Dieu. »
Il est en effet le seul qui aurait pu de plein droit jeter la première pierre. N’a-t-il pas accompli de manière parfaite la volonté de son Père? Mais il ne jettera pas la première pierre sur la femme adultère.
« Alors Jésus se redressa et lui dit : Femme où sont tes accusateurs? Personne ne t’a condamnée? Elle répondit : Personne Seigneur. Et Jésus lui dit : Moi non plus je ne te condamne pas » (Jn 8.11).
Un miracle a eu lieu : non seulement elle n’est pas lapidée par ses accusateurs, mais le seul qui de plein droit aurait pu jeter la première pierre la laisse aussi aller. Elle est à cet instant délivrée d’une mort certaine. Personne ne paiera-t-il donc le prix de sa transgression? La loi ne sera-t-elle donc pas appliquée? Non. La loi et le châtiment qui aurait dû la frapper seront portés par Jésus-Christ lui-même sur la croix à Golgotha, lors de sa crucifixion. Lui, l’innocent qui devant Dieu est en position de juger l’humanité corrompue, portera volontairement sur lui sa condamnation et celle de chacun de nous. De cette manière, la loi et les prophètes seront accomplis, et le juste jugement de Dieu sur la désobéissance des hommes prendra place. « Tout est accompli », ce sont en effet là les dernières paroles de Jésus-Christ sur la croix avant sa mort (Jn 19.30).
Mais rachetés d’une mort certaine ne signifie pas seulement, dans le vocabulaire divin, que le prix a été payé une fois pour toutes par quelqu’un d’autre. Sa grâce s’étend plus loin encore. Il fait de nous de nouvelles créatures qui désormais, par reconnaissance envers lui, veulent obéir à sa sainte loi. « Va, et désormais ne pèche plus », telles sont les dernières paroles de Jésus à la femme dans le passage de l’Évangile selon Jean sur lequel nous méditons. Il exprime la loi de la meilleure et la plus belle manière : Marche désormais sur une route nouvelle et ne pèche plus. Obéis à ton Père céleste qui t’a pardonné en Jésus-Christ et qui t’équipe par son Saint-Esprit. L’essence de la loi est que nous devons aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, de toute notre pensée et de toute notre force, et notre prochain comme nous-mêmes. C’est ce que Jésus-Christ nous a appris. La loi de Moïse n’avait pas d’autre but que de faire pénétrer cet enseignement dans le cœur d’Israël.
Les châtiments et peines nommés dans la loi n’en forment pas l’essence, comme si Dieu prenait plaisir dans la condamnation des pécheurs : « Est-ce que je désire avant tout la mort du méchant?, oracle du Seigneur, l’Éternel. N’est-ce pas qu’il se détourne de sa voie et qu’il vive? » (Éz 18.23). Mais les cœurs endurcis et rebelles des hommes ont rendu les châtiments nécessaires, aussi bien pour préserver l’honneur de Dieu au milieu du peuple de son alliance que pour préserver la vie sociale de ce même peuple. Ceux qui, par la foi, sont bel et bien acquittés de leurs péchés ne sont en aucun cas dispensés d’écouter la loi de Dieu, de la méditer et de la mettre en pratique. Bien sûr, nous révérons la loi à la lumière de son accomplissement par Jésus-Christ, c’est-à-dire : accomplissement de ses exigences pour nous, mais aucunement abolition de ces mêmes exigences. C’est pourquoi nous pouvons dire avec une confession de foi réformée :
« Nous usons encore des témoignages pris de la loi et des prophètes pour nous affermir en l’Évangile et pour régler notre vie en toute honnêteté, pour la gloire de Dieu, selon sa volonté. »
Car nous sommes désormais réconciliés avec Dieu. Par son Saint-Esprit, il écrit sa loi au dedans de nos cœurs. Il est notre Dieu et il nous gouverne par Jésus-Christ, lequel n’a pas seulement accompli la loi et les prophètes, mais est devenu notre loi. Nous sommes maintenant greffés en lui, notre Sauveur et notre loi, de sorte qu’il vit en nous éternellement, par son Esprit, pour la plus grande gloire de Dieu.