Psaume 139 - Tu me sondes - Sonde-moi
Psaume 139 - Tu me sondes - Sonde-moi
Je voudrais, à partir du Psaume 139, parler de la prière, ce matin.
Mais auparavant, je voudrais citer le poète François de Malherbe. Malherbe a écrit en 1599 un magnifique poème intitulé : Consolation à Monsieur Duperrier pour la mort de sa fille. Il y a dans ce poème quelques-uns des plus beaux vers de la littérature française. Je lis les deux derniers quatrains de ce poème :
La mort a des rigueurs à nulle autre pareille : on a beau la prier,
La cruelle qu’elle est se bouche les oreilles et nous laisse crier.
De murmurer contre elle et perdre patience il est mal à propos;
Vouloir ce que Dieu veut est la seule science qui nous mette en repos.
Si nous pouvions retenir cette dernière parole, je pourrais arrêter là mon message, car elle résume à elle seule une bonne partie de l’enseignement biblique. Vouloir ce que Dieu veut…
Le Psaume 139 est plutôt intimiste : « Tu sais quand je m’assieds, quand je me lève, tu connais tout de moi! » Mais pourquoi prier, alors? Pourquoi entrer dans sa chambre, fermer la porte et parler à Dieu qui entend dans le secret? Comment prier sans s’égarer, sans perdre son temps? Comment prier selon la volonté de Dieu?
Avant de revenir au Psaume 139, je voudrais évoquer celui qu’on appelle le fils prodigue gardant les pourceaux. On pourrait dire qu’il est au bout de sa route. Garder des pourceaux pour un fils d’Abraham… Il est seul. Il n’a rien à manger, pas même ce que mangent les pourceaux. Ce qui est étonnant, c’est qu’il n’est à aucun moment dit qu’il prie. Peut-être n’a-t-il pas prié. Peut-être que oui. Dieu n’est pas mentionné non plus… Il est dit simplement ceci :
« Étant entré en lui-même, il se dit : Je me lèverai, j’irai vers mon père et je lui dirai : Mon père, j’ai péché contre le ciel et envers toi; je ne suis pas digne d’être appelé ton fils; traite-moi comme un de tes serviteurs » (Lc 15.17-19).
Et aussitôt, il se lève et il retourne chez son père. Et la joie va remplir son cœur et le cœur de son père.
Vouloir ce que Dieu veut est la seule science qui nous mette en repos.
Rejoignons un instant Saul de Tarse. Saul, avant de rencontrer le Seigneur pensait bien faire la volonté de Dieu. Cependant, il est clair que c’est sa propre volonté qu’il faisait. Il avait beau prier, comme tout pharisien qui se respecte, il faisait toujours sa propre volonté. Cela peut être notre cas aussi… Sa rencontre avec Jésus met tout cela sens dessus dessous. Terrassé, Saul demeure sans voir et sans manger trois jours et trois nuits. C’est à la fois court et long! Puis Dieu dit à Ananias, un disciple : « Va voir Saul. » Ananias répond : « Mais c’est lui qui persécute les chrétiens! » Et le Seigneur lui dit : « Va le voir […] car il prie. […] Cet homme est un instrument que j’ai choisi pour faire ma volonté » (Ac 9.11,15). Entendons bien ces mots : Il prie… pour faire ma volonté.
C’est un peu comme si Dieu disait : « Enfin, il prie! Enfin, il s’intéresse à ma volonté. Enfin, il écoute ce que j’ai à lui dire. Enfin, je vais pouvoir intervenir dans sa vie et faire de lui un instrument dans ma main! »
Le Psaume 139 est assez long. Je ne vais pas reprendre chaque verset; seulement le premier et le dernier.
Premier verset : « Tu me sondes et tu me connais. » C’est une affirmation.
Dernier verset : « Sonde-moi, ô Dieu et connais mon cœur! » C’est une demande.
Que voyons-nous? La demande reprend exactement les termes de l’affirmation! Tu me sondes et tu me connais… Sonde-moi, ô Dieu, et connais mon cœur! Parfait accord!
Cette prière ne commence pas par une demande, elle commence par une affirmation. Puis, elle reprend l’affirmation, pour se l’approprier, pour demander ce que Dieu veut! C’est comme si je disais : L’Éternel est mon berger. Éternel, sois mon berger!
Vouloir ce que Dieu veut… Et si c’était aussi un des secrets de la prière!
Je remarque que c’est aussi comme cela qu’Abraham prie quand il intercède pour Sodome (Gn 18). Notez que ce n’était pas le projet d’Abraham! Abraham ne s’est pas dit : Tiens, je vais prier pour Sodome. C’est Dieu qui est à l’initiative : « Cacherai-je à Abraham ce que je vais faire? » (Gn 18.17). Ce n’est pas Abraham qui a besoin de Dieu, là; c’est Dieu qui a besoin d’Abraham (comme intercesseur). De même pour Marie : elle n’a rien demandé. L’initiative est à Dieu. « Qu’il me soit fait selon ta parole », dit-elle (Lc 1.38). De même, Saul qui n’avait pas besoin de Dieu : il se débrouillait très bien tout seul. C’est Dieu qui avait besoin de Saul. Vous voyez l’inversion des rôles? C’est pourquoi la prière ne consiste pas tant à attirer Dieu dans notre volonté, qu’à entrer dans la sienne…
Quand Abraham prie, il commence lui aussi par une affirmation : « Seigneur, tu es un Dieu juste, qui ne traites pas l’innocent comme le coupable, loin de là! Alors, s’il y a 30 justes à Sodome, n’épargneras-tu pas la ville? » Et Dieu répond : « S’il y a 30 justes, j’épargnerai la ville » (voir Gn 18.24-26). C’est cela l’intercession : c’est prier selon Dieu.
C’est comme si Abraham entrait dans la volonté de Dieu pour demander à Dieu d’accomplir cette volonté-là! La volonté propre d’Abraham ne compte pas; son intérêt non plus.
On pense à ce qu’écrit Paul :
« De même aussi l’Esprit nous aide dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il nous convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables » (Rm 8.26).
Je crois qu’on peut dire ceci : C’est Dieu qui inspire la prière qu’il va exaucer! On est bien loin de ceux qui pensent qu’à force de prières ils seront exaucés…
Jésus, bien sûr, avait compris cela. On se souvient de sa prière à Gethsémané : « Toutefois, que ma volonté ne se fasse pas, mais la tienne. » Ce renoncement de Jésus à sa propre volonté signifiait la croix. Et juste après cette prière de Jésus, nous lisons : « Alors, un ange lui apparut du ciel pour le fortifier » (Lc 22.42-43).
Vouloir ce que Dieu veut est la seule science qui nous mette en repos. Ce repos, c’est le fruit d’une abdication : c’est la fin de nos résistances, de nos marchandages… C’est pourquoi il est bien de prier à genoux, quand on peut…
Se placer dans la volonté de Dieu est sans aucun doute le premier objectif de la prière. Si la volonté de Dieu est représentée par un cercle, je rentre dans ce cercle. C’est le sens du « Demeurez en moi » de Jésus! Et dans ce même passage, il peut dire : « Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez et cela vous sera accordé » (Jn 15.7). Ce que vous voudrez?
Mais il y a une condition :
« Nous avons auprès de lui cette assurance que si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous écoute. Et si nous savons qu’il nous écoute, quelque chose que nous demandions, nous savons que nous possédons la chose que nous lui avons demandée » (1 Jn 5.14-15).
Jésus l’a vécu le premier. Il l’a vécu à notre place, une fois pour toutes. Mais il l’a vécu aussi pour que nous puissions nous aussi le vivre avec lui, ou plus exactement en lui, comme je le disais tout à l’heure.
C’est le sens de l’expression : Prier au nom de Jésus. Ce n’est pas une formule magique. Si vous dites à Dieu : Fais que mon voisin se casse la jambe, au nom de Jésus, il n’est pas certain que vous soyez exaucé. Il faudrait que ce soit aussi la volonté de Dieu! Dire ou faire une chose au nom de quelqu’un, c’est comme si c’était lui qui le faisait au travers de nous. Et donc quand je prie « au nom de Jésus », c’est comme si Jésus formulait lui-même cette prière devant son Père, par ma bouche! Il vaut mieux qu’il soit d’accord! C’est le sens du mot Amen.
Frères et sœurs, la prière que Dieu exauce, c’est celle que Dieu inspire! Notez que cela ne concerne pas que la prière. Cela concerne aussi les paroles de foi que nous sommes appelés à dire à certains moments, ce que Paul appelle les dons spirituels :
« À l’un est donnée par l’Esprit une parole de sagesse; à un autre, une parole de connaissance, selon le même Esprit; à un autre la foi par le même Esprit, à un autre le don de guérison par le même Esprit, à un autre le don d’opérer des miracles, à un autre une parole prophétique… » (1 Co 12.8-10).
Quelle est la condition pour le vivre? Avoir une volonté livrée. Être disponible, comme un enfant. Être un serviteur, une servante. Être un instrument. Vous croyez que le pinceau de Van Gogh décidait quelque chose tout seul? C’est cela être un disciple du Seigneur.
Je ne voudrais pas que vous soyez découragés. Souvenons-nous que Dieu demande généralement une chose à la fois. Si j’obéis à cette chose-là, alors je suis bientôt prêt pour la chose suivante. Chaque oui que je prononce favorise le oui suivant! Les non aussi, d’ailleurs. Si je dis trop souvent non à Dieu, bientôt je n’entendrai même plus ce qu’il me demandera. Mais tout oui favorise les oui : les miens et ceux des autres. Il y a aussi une contagion des oui! Puissions-nous le vivre!
Quel encouragement, quand je fais la volonté de Dieu, non seulement de connaître le repos, mais aussi d’apporter du repos aux autres!