La révélation générale - (11) La nature d'après les Psaumes
La révélation générale - (11) La nature d'après les Psaumes
Jusqu’ici, nous avons examiné la question de savoir si en dehors de la révélation en Christ il en existe une autre. À présent, nous tournerons notre attention aux données de l’Écriture. Un autre problème surgira à présent devant nous. Lorsque la théologie réformée établit la différence entre la révélation générale et la révélation spéciale, elle soutient que l’Écriture appartient elle aussi à la révélation spéciale de Dieu. Cela en partie oriente la question vers une certaine direction.
La révélation spéciale dans l’Écriture sainte nous enseigne-t-elle quelque chose au sujet de la révélation générale?
Celui qui pense en termes de catégorie christomoniste a priori sera enclin à répondre de manière affirmative. Car si la Parole de Dieu relative à notre salut nous parvient à travers l’Écriture, nous pouvons nous attendre que cela sera réellement et complètement une parole de salut de Dieu et qu’elle témoignera de Jésus-Christ. Le Christ ne dit-il pas : « Cherchez les Écritures, elles témoignent de moi » (Jn 5.39). Pouvons-nous dans ce cas nous attendre à ce que l’Écriture nous indique une autre révélation, qui serait plus générale que celle en Christ? La logique de l’argument ne devrait pas nous empêcher d’examiner aussi la question, puisque nous aurons constamment à avoir recours à l’Écriture.
Peu de passages viennent en vue pour discuter de cette question. L’Écriture qui nous rend sages au salut et nous édifie parle-t-elle aussi d’une révélation différente? Cette dernière ne serait-elle pas de nature supplémentaire? Cela ne nous distrairait-il pas de l’essentiel en nous enseignant une philosophie de vie en dehors de la foi? Il n’est pas surprenant que, dans la controverse au sujet de la révélation générale, on ait placé l’accent sur des passages qui mettent la nature en une relation certaine avec Dieu. Cela ne veut nullement dire que la nature comme telle est une révélation générale comme étant une révélation naturelle à la manière dont les catholiques romains en parlent. Pourtant, l’Écriture manifeste un intérêt évident pour la nature comme étant créée de manière divine. Il est certain que l’Écriture parle de la nature autrement que ne font ceux qui la glorifient en elle-même. En outre, ceux qui ont voulu voir dans la nature plus que la nature ont cherché Dieu uniquement dans la nature. Ce sont des panthéistes ou des panenthéistes; ils ont cherché l’origine mystérieuse et la puissance immanente du domaine entier de la nature; ce faisant, la nature devenait à leurs yeux une forme de révélation fascinante de Dieu.
En effet, la nature exerce une fascination extrêmement puissante sur les esprits. Il serait intéressant d’étudier les religions orientales et antiques, pour ne rien dire de certains écologistes modernes, pour en mesurer, évaluer l’impact. En opposition à la divinisation de la nature, le Seigneur biblique manifeste une relation séparée avec les éléments de la nature, car il en est le Créateur. La différence entre le culte païen de la nature et celui enseigné dans la Bible n’est pas quantitative, mais qualitative. La nature appartient à Dieu. À la lumière de son pouvoir universel, toute chose apparaît dans son absolue créaturalité. Toutes les variétés naturelles n’oblitèrent point le fait qu’elle reste une création. Le soleil se lève pour lui. Et alors éclate la joie de la foi qui reconnaît la nature créée de toute chose et aussi annonce la chute de tous les dieux de la nature.
Cette opposition contre la religion de la nature est apparente surtout dans le combat que les prophètes mènent en Israël. Pensons spécialement au culte de Baal en Canaan, farouche combat qui date dès les lointaines origines. La révélation divine possédait une place parallèle à celle de Baal, d’où le choix essentiel et vital qu’il fallait opérer entre l’Éternel et Baal. Tout l’Ancien Testament trace une ligne de démarcation infranchissable entre le culte de l’Éternel, le Dieu vivant, et les baalim de néant. Et le message de la transcendance souveraine de Dieu est intimement lié au salut dont il est l’auteur. Tout autre que lui est néant. À cause du lien entre l’élévation de Dieu et son salut, tous les mystères apparaissent dans sa seule et exclusive lumière. Les mystères et profondeurs de la nature cessent d’effrayer. Ainsi, tout le domaine de la nature, plutôt que déifié, est reconnu comme créé, sans que cela laisse l’impression que la nature resterait en dehors du contrôle et de la surveillance de Dieu (Ps 8.1-4; Ps 19.1; 29.3-7; 93.1; 104). La nature n’est pas vue comme coupée du salut de Dieu.
Avec les Psaumes de la nature, Israël ne fait que louer son Dieu Sauveur. Ces Psaumes ont donc un aspect cosmique et sotériologique (Ps 65.13). On entend le cantique de réconciliation et en même temps les yeux émerveillés sont fixés sur Dieu et les œuvres de sa main. Cette harmonie entre les deux est plus évidente encore dans le Psaume 147. Les paroles relatives à la nature et celles relatives au salut opéré par Dieu se croisent, s’accompagnent et se complètent. Cette harmonie et cette vision des choses peuvent être parce que l’homme, en et par le salut de Dieu, est délivré de la ténacité de l’égocentrisme et commence à chanter les gloires de Dieu. C’est ce salut qui crée l’ouverture pour voir les œuvres des mains de Dieu et sa majesté élevée au-dessus des cieux et de la terre. Alors, la nature n’est plus séparée ou divorcée de son état de créature. Soulignons que, lorsque nous lisons les Psaumes de la nature dans l’Ancien Testament, il faut se rappeler que c’est Israël qui chante, c’est-à-dire le peuple élu et croyant de l’Alliance de Dieu. Ce ne sont pas des théoriciens abstraits ou neutres, mais les bénéficiaires du salut et les adorateurs du Dieu des cieux et de la terre.
Nous aurons aussi des louanges à adresser à Dieu, contemplant ses œuvres naturelles lorsque nos yeux seront ouverts par le salut opéré en Christ. Car l’harmonie des attributs de Dieu est manifestée dans la connaissance du salut en Jésus-Christ. À cause de cette connaissance, nous le louons dans tous et pour toutes ses œuvres. Mais cela jette le regard aussi vers le futur eschatologique. À cause de notre connaissance de cette harmonie, nous pouvons nous attendre à la restauration finale aussi bien de nous-mêmes que de la nature, qui est la création des mains de Dieu (Ap 4.11).