Le Saint-Esprit procède du Père et du Fils
Le Saint-Esprit procède du Père et du Fils
Le Saint-Esprit, vrai Dieu éternel
« Nous croyons et confessons aussi que le Saint‑Esprit procède éternellement du Père et du Fils. Il n’a été ni fait, ni créé, ni engendré, mais il procède seulement des deux. Dans l’ordre, il est la troisième personne de la Trinité, d’une même essence, d’une même majesté et d’une même gloire avec le Père et le Fils, vrai Dieu éternel, comme nous l’enseignent les Écritures saintes. »
Confession de foi des Pays-Bas, article 11
- Le « Filioque » dans l’histoire de l’Église
- Le « Filioque » dans la Bible
- Les implications du « Filioque » pour la vie chrétienne
Avez-vous déjà entendu parler de la question du « Filioque »? Le mot « Filioque » en latin signifie « et du Fils ». Le Saint-Esprit procède du Père et du Fils. On pourrait dire plus simplement que le Saint-Esprit vient ou provient du Père et du Fils. La question du « Filioque » consiste à savoir si le Saint-Esprit procède uniquement du Père ou s’il procède du Père et du Fils. Cette divergence d’avis théologique est l’une des causes de la division très ancienne entre les Églises grecques d’Orient et les Églises latines d’Occident.
1. Le « Filioque » dans l’histoire de l’Église⤒🔗
Nous avons déjà vu que, dans les premiers siècles, la divinité de Jésus-Christ et la divinité du Saint-Esprit ont souvent été contestées. Le Concile de Constantinople réuni en l’an 381 a voulu affirmer la divinité du Saint-Esprit en ajoutant cette phrase au Symbole de Nicée : « Je crois en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie; il procède du Père; avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire. » Ce texte a été universellement accepté, aussi bien par les Églises d’Orient que d’Occident. On remarquera qu’il est seulement dit que le Saint-Esprit « procède du Père ». En Occident, le « Filioque » sera ajouté au Symbole de Nicée seulement plus tard. Toutefois, déjà dans les premiers siècles, il était enseigné par de nombreux pères latins (Tertullien, Hilaire, Ambroise, Augustin, Jérôme, etc.) et par quelques pères grecs (Cyrille d’ Alexandrie, Didyme d’Alexandrie, Épiphane). Il faisait partie intégrante du Symbole dit d’Athanase (en usage en Occident, mais pas en Orient) :
« Le Père ne tient son existence d’aucun être; il n’a été ni créé ni engendré. Le Fils tient son existence du Père seul; il n’a été ni fait ni créé, mais engendré. Le Saint-Esprit n’a été ni fait, ni créé, ni engendré par le Père et le Fils, mais il procède du Père et du Fils » (Symbole dit d’Athanase, art. 21-23).
Dans les Églises latines, il était généralement reconnu que l’Esprit procède du Père et du Fils. Mais c’est seulement en l’an 589 que le « Filioque » a été incorporé pour la première fois au Symbole de Nicée, lors du Concile de Tolède en Espagne. Ce concile a marqué officiellement la conversion des Wisigoths d’Espagne, qui ont alors abandonné l’arianisme pour adopter le christianisme trinitaire. Pour affirmer leur foi dans la divinité du Christ, ils ont confessé que l’Esprit « procède du Père et du Fils ». Cet ajout a par la suite été accepté dans le royaume des Francs.
Les pères grecs étaient au courant qu’on enseignait le « Filioque » en Occident, sans pourtant considérer que c’était une hérésie. Maxime le Confesseur, moine et théologien byzantin (grec) du 7e siècle, estimait que cette formule était légitime. Au 9e siècle, l’empereur Charlemagne a demandé au pape Léon III d’incorporer cette phrase dans la liturgie romaine. Le pape a refusé, même s’il était d’accord avec cette doctrine, prétextant que cela offenserait les Églises grecques. Cette hésitation n’a pas donné les résultats espérés. Les Églises orientales ont accusé les Églises occidentales de tricherie et d’avoir changé la foi ancienne sans les consulter.
En 867, Photius, patriarche de Constantinople, dans sa querelle personnelle contre le pape de Rome, accusa l’ensemble de l’Église occidentale de schisme et d’hérésie pour diverses raisons, incluant la question du « Filioque ». C’était la première fois qu’un homme d’Église déclarait cette doctrine hérétique, disant qu’il fallait croire que l’Esprit procède uniquement du Père. En 1014, le pape Benoît VIII a finalement incorporé le « Filioque » dans la liturgie romaine. Quarante ans plus tard, en 1054, le légat du pape et le patriarche de Constantinople s’excommuniaient mutuellement pour des raisons mineures. Cette date marquera la division irrévocable des Églises d’Orient et d’Occident, scellée lors du sac de Constantinople par la quatrième croisade en 1204.
Les Églises grecques n’ont jamais accepté le « Filioque ». Encore aujourd’hui, elles conservent le Symbole de Nicée sans cette expression et estiment que le « Filioque » est une hérésie. Par contre, les réformés ont reçu sans problème cette doctrine confessée dans l’Église latine d’Occident et l’ont incorporée dans leurs confessions de foi. C’est pourquoi l’article 11 de la Confession de foi des Pays-Bas déclare : « Nous croyons et confessons aussi que le Saint‑Esprit procède éternellement du Père et du Fils. »
2. Le « Filioque » dans la Bible←⤒🔗
Qu’est-ce que la Bible enseigne à ce sujet? Jésus a dit : « Quand sera venu le Consolateur que je vous enverrai de la part du Père, l’Esprit de vérité qui provient du Père, il rendra témoignage de moi » (Jn 15.26). Ce texte ne dit pas directement que l’Esprit provient aussi du Fils. Cependant, l’Esprit de vérité qui provient du Père, c’est Jésus lui-même qui nous l’a envoyé de la part du Père. Il existe une relation étroite entre le Fils et l’Esprit.
« Le Consolateur, le Saint-Esprit que le Père enverra en mon nom… » (Jn 14.26).
« Il est avantageux pour vous que je parte, car si je ne pars pas, le Consolateur ne viendra pas vers vous; mais si je m’en vais, je vous l’enverrai » (Jn 16.7).
Cela s’est produit le jour de la Pentecôte, quand Jésus a déversé le Saint-Esprit sur l’Église. « Élevé par la droite de Dieu, il a reçu du Père l’Esprit Saint qui avait été promis, et il l’a répandu, comme vous le voyez et l’entendez » (Ac 2.32-33).
Ce qui s’est produit dans l’histoire est un reflet de la relation des personnes de la Trinité depuis toute éternité. Comprenons bien que cette procession du Saint-Esprit se rapporte aux relations mutuelles qui existent depuis toujours à l’intérieur de la Trinité. Depuis toujours, le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, tout comme depuis toujours le Fils est éternellement engendré du Père. C’est là une façon de parler qui nous aide à exprimer un profond mystère que nous n’arrivons pas à pleinement comprendre. La Bible dit peu de choses concernant ces relations éternelles entre les personnes de la Trinité.
La procession du Saint-Esprit devient plus claire lorsque nous considérons les œuvres des trois personnes de la Trinité qui se déploient dans le temps. L’œuvre du Père est première, c’est lui qui prend l’initiative. L’œuvre du Fils vient en deuxième en vue d’accomplir ce que le Père a initié. L’œuvre du Saint-Esprit vient compléter et couronner ce que le Père et le Fils avaient commencé de faire. Ces œuvres dans le temps sont un reflet des relations éternelles qui existent au sein même de la Trinité. L’Esprit procède du Père et du Fils. Il est d’ailleurs remarquable que le Saint-Esprit s’appelle aussi bien l’Esprit du Père que l’Esprit du Fils. « C’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous » (Mt 10.20). « Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils » (Ga 4.6). L’Esprit procède donc des deux, puisqu’il est « l’Esprit de Christ » (Rm 8.9; Ph 1.19).
3. Les implications du « Filioque » pour la vie chrétienne←⤒🔗
Ce débat sur le « Filioque » peut nous paraître étrange et sans grande importance. Les conséquences sont cependant profondes pour la vie chrétienne. Si ce que l’Église grecque déclare est vrai, c’est-à-dire que l’Esprit procède uniquement du Père de façon indépendante au Fils, cela signifie que nous pourrions connaître Dieu de deux façons parallèles. D’une part, par le Fils au moyen de la proclamation de la Parole et de l’administration des sacrements, d’autre part au moyen d’une révélation par le Saint-Esprit, indépendante de cette proclamation et des sacrements. Nous pourrions nous attendre à recevoir une révélation directe du Saint-Esprit sans la proclamation de la Parole. La question est de savoir si l’œuvre de Dieu dans notre vie est effectuée directement et de façon immédiate, ou si l’œuvre de Dieu par le Saint-Esprit est rattachée à l’œuvre de Jésus-Christ dans l’histoire et aux moyens de grâce que Jésus-Christ a donnés à son Église pour accomplir son œuvre en nous.
Les Églises d’Orient ont plutôt choisi la première voie. Il en est résulté une piété empreinte de beaucoup de mysticisme. Même si les Grecs reconnaissent la révélation historique de Dieu en Jésus-Christ, celle-ci joue un rôle plutôt secondaire dans la vie des fidèles. Les Églises orientales ont tendance à discuter du Saint-Esprit de façon abstraite, séparée de l’œuvre de rédemption en Jésus-Christ. Elles sont portées au mysticisme et ont tendance à souligner l’œuvre du Saint-Esprit comme agissant de façon directe et immédiate dans nos cœurs, indépendamment de tout moyen. Quant à l’Église romaine, elle s’est malheureusement mise à concevoir la communication du salut de façon « mécanique », par l’efficacité même des sacrements, enlevant au Saint-Esprit son action libre et souveraine; on pourrait dire alors que l’Esprit procède du Père, du Fils et… du prêtre!
Nous voyons tout le contraire dans les écrits de Calvin, qui a beaucoup parlé du Saint-Esprit, mais presque exclusivement par rapport à son œuvre de rédemption, en disant que le Saint-Esprit nous communique les bienfaits de l’œuvre du salut en Jésus-Christ. Les théologiens orthodoxes sont peu disposés à faire cela et préfèrent un christianisme mystique centré sur la contemplation des « mystères divins », par laquelle le chrétien viendrait en contact direct avec Dieu. Certains évangéliques (par exemple Frank Schaeffer) se sont par la suite convertis à la foi orthodoxe en bonne partie pour cette raison, à cause de l’attrait que le mysticisme exerce sur eux.
Il est important encore aujourd’hui de conserver le « Filioque ». C’est une période de l’histoire de l’Église où l’on parle beaucoup du Saint-Esprit. Dans plusieurs milieux chrétiens, il arrive souvent que l’œuvre du Saint-Esprit soit comprise comme étant séparée de l’œuvre expiatoire de Jésus-Christ à la croix, séparée de la révélation biblique et séparée des moyens que Jésus-Christ a donnés à son Église pour nous aider à grandir dans la foi. Le Saint-Esprit, qui procède du Père et du Fils, n’accomplit pas son œuvre de salut séparément de Jésus-Christ. Il communique les bienfaits de cette œuvre de notre Sauveur à tous ceux qui appartiennent à Jésus-Christ. Il le fait en se servant de moyens ordinaires comme la prédication de la Parole et l’administration des sacrements.