Cet article a pour sujet la possession démoniaque, les critères de possession, la possession d'objets, l'activité des démons dans l'occultisme, le satanisme et l'idolâtrie.

Source: Défi et défaite des démons. 9 pages.

Démonologie - Le conflit des pouvoirs - La possession démoniaque

  1. Les critères de possession
  2. La possession d’objets et les pratiques idolâtres

1. Les critères de possession🔗

Pour Willem Berends, l’intérêt renouvelé manifesté actuellement en la possession démoniaque en amena certains à chercher à définir ce qu’est effectivement la possession selon l’Écriture. Des auteurs tels que Kurt Koch, par exemple, ont établi leur liste de critères qui malheureusement ne dérive pas de l’Écriture, mais se fonde sur les cas qu’il accepte lui-même comme exemple (paradigme) de la possession démoniaque moderne. Ces auteurs évangéliques n’évaluent pas les cas étudiés à la lumière des données de la Bible, mais seulement à l’aide de symptômes que ces possédés eux-mêmes manifestent, à savoir la fréquente capacité du démoniaque de parler en langues qui lui étaient pourtant inconnues. Parmi d’autres phénomènes, Kurt cite également la capacité du démoniaque de voir ou d’entendre le démon.

Parce qu’une telle « possession » est ordinairement identifiée avec le phénomène décrit dans le Nouveau Testament, d’autres estiment que l’exorcisme pratiqué dans la Bible devra être le moyen légitime exclusif pour s’en occuper. Cependant, note l’auteur, avant toute tentative d’exorcisme, il doit y avoir une certitude comme quoi le démoniaque soupçonné souffre exactement de la même maladie dont Jésus et les apôtres eurent affaire. Mais une telle identification, poursuit-il, requiert une liste de critères bibliques pour pouvoir établir un diagnostic correct. Il mentionne les neuf critères que voici :

La possession démoniaque a été limitée à une certaine époque de l’histoire; la possession démoniaque était limitée à une certaine classe de gens; les démoniaques étaient facilement reconnaissables; des symptômes psychosomatiques ont toujours accompagné la possession; les démoniaques possédés par le démon (sic) avaient une personnalité distincte; les démoniaques faisaient preuve d’une connaissance surnaturelle; des démoniaques reconnaissaient sous contrainte l’autorité de Jésus ou de l’un de ses représentants qu’ils rencontraient; ils ne venaient jamais d’eux-mêmes chercher la guérison; une parole d’autorité était prononcée dans la foi, la seule voie pour exorciser le démon.

Le même auteur croit avec raison, croyons-nous, que la possession démoniaque a disparu avec quelques exceptions, avec la même rareté qui caractérise l’époque de l’Ancien Testament. Elle est limitée à des régions où la Bonne Nouvelle du Royaume n’a pas été annoncée. Mais il estime qu’il existe une intensification d’activités démoniaques du fait que nous vivons avant la fin.

L’auteur examine en trois paragraphes les questions qu’il pose au sujet de l’étendue de la possession (les critères), de la nature de la possession et de la nature de l’exorcisme. Nous avons déjà traité dans le chapitre consacré aux perspectives bibliques l’étendue et la nature de la possession démoniaque aussi bien dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament. Nous y renvoyons le lecteur pour l’essentiel1. En revanche, nous suivrons Berends plus loin lorsqu’il examine la nature de l’exorcisme.

Dans l’Église catholique romaine, trois phénomènes doivent se manifester chez la personne avant qu’on considère la possession comme la source du problème : Il parle une langue inconnue, connaît des faits secrets antérieurement inconnus, possède une force surnaturelle au-delà de son âge et dépassant sa capacité ordinaire.

L’Écriture ne nous dit pas de quelle manière l’on est possédé, sans préciser comment Satan prend possession de la personne. Elle constate simplement le fait. Satan donne l’ordre à ses légions d’infliger l’affliction, de troubler, de détruire, de provoquer des sinistres, de précipiter des événements. L’Évangile n’affirme pas de manière explicite que la personne possédée a été directement responsable de son asservissement, quoique, nous l’avons reconnu, cela puisse être le cas.

L’homme possédé est comme débordé, submergé et emporté par les puissances des ténèbres qui se sont abattues sur lui. Le moi agissant consciemment, capable de penser et de vouloir, est entièrement à l’écart, et des connexions vitales sont alors coupées et brisées. Le possédé n’est pas simplement inconscient, il pense et il parle, mais, à vrai dire, ce n’est plus lui-même qui pense et qui parle, mais « on pense », « on parle » en lui et par lui. Quelque chose est en lui, qui n’est plus lui-même, qui a usurpé son moi et, d’autorité, par une sorte de viol, s’est identifié à lui.

La psychologie cherchera à expliquer ce processus obscur et bizarre comme un cas de grave schizophrénie, dans lequel le dédoublement est si profond qu’il en résulte une destruction plus ou moins complète de la personnalité. Le contrôle de la vie a échappé au « moi », les forces anonymes de l’inconscient sont devenues maîtresses de l’homme qu’elles tirent à hue et à dia comme le relatent de façon à la fois sinistre et pittoresque les récits évangéliques.

Mais que veut dire « expliquer »? Il est impensable, nous l’avons affirmé, de rejeter purement et simplement comme mythologique le point de vue de l’Écriture sainte lorsqu’elle fait état d’une irruption très concrète de puissances dans la vie de l’homme; au contraire, elle indique que, derrière les phénomènes psychopathiques, il y a encore des profondeurs inaccessibles certes à une réflexion purement psychologique, mais qu’il n’y a aucune raison d’en contester la tragique réalité. Quand l’homme dit oui au péché, il s’opère une saisie de sa vie, dont la portée est bien plus grande qu’il ne pouvait le prévoir ou l’imaginer. Il subit une emprise qui peut s’extérioriser de différentes façons : vice, désir, déchaînement des instincts, névrose, obsession par les idées fixes et les influences psychiques de toute nature; dans des cas plus rares et très graves, il s’agit d’une véritable possession morbide qui se manifeste par la folie, le délire furieux ou la mélancolie.

Dans les cas que nous rencontrons, gardons-nous de conclure trop vite à une possession morbide. Elle n’est pas courante; au contraire, elle représente une manifestation extrême et dernière de la sombre domination du Malin. Avant tout, même si un jour nous rencontrons un tel cas de réelle possession, pensons d’abord à cette autre réalité : Jésus-Christ est aussi le Seigneur des possédés. Les récits des Évangiles nous sont donnés précisément pour nous apprendre cela. Ce qu’ils nous annoncent, ce n’est pas la possession, mais le fait qu’elle a été surmontée et guérie. Ces récits n’ont pas pour but de nous amener à réfléchir sur la nature et la puissance de ces forces mystérieuses et cachées, mais nous devons y voir au contraire la puissance du Christ. Même le pécheur ou le non-croyant est protégé et soutenu contre eux par la puissante main de Jésus-Christ.

Nous devons avertir les uns et les autres de ne pas réagir outre mesure. L’avertissement doit être dispensé notamment là où il y a excès de crédulité pour ne pas identifier toutes les aberrations majeures ou mineures d’ordre physique, spirituel, social ou psychologique comme relevant de la possession. C’est avec un très grand soin que l’on cherchera à comprendre les problèmes individuels à la lumière de la médecine, de la psychologie et de la religion pour éviter de faire plus de mal que de bien par un faux diagnostic. Il n’y a aucun profit à se montrer crédule en recherchant le sensationnel. Ainsi que nous le verrons plus loin, il vaut mieux d’évaluer avec soin et de traiter adéquatement chaque situation avec l’aide de ceux qui ont reçu le don de la médecine et de la psychologie, de même que celui d’une sagesse spirituelle accordée par Dieu. D’autre part, il est possible d’être naïfs même dans l’incrédulité, en pensant que les cas de possession n’appartiennent plus à notre ère.

Certains conseillers spirituels chrétiens estiment qu’il existerait un type de possession qui serait comme l’apogée de la condition dégénérée du péché chez le chrétien et que, par conséquent, des fidèles mêmes seraient susceptibles d’être possédés! Cette position veut que Satan ne puisse violer la volonté à moins que le particulier ne lui accorde le libre accès en succombant à la tentation dans le domaine des idées ou des émotions (colère, vengeance, convoitise, pornographie) ou en se familiarisant avec des objets et des groupes occultes. Ce pas conduira vers les suivants : la vexation : partout où il se tourne, le sujet est confronté à la tentation. S’il n’existe pas de contrôle, il ou elle sera conduit à l’obsession : la personne devient obsédée avec des idées et des problèmes particuliers (à ce stade, ou immédiatement avant, il y aurait invasion de la force démoniaque). L’oppression est le pas suivant, caractérisé par un esprit déprimé, lequel conduit à la possession, lorsque la personne se trouve véritablement placée sous la férule de Satan. Soulignons qu’il n’existe aucune évidence biblique pour étayer cette sorte de progression dans la démonisation, bien qu’il ait pu y avoir des preuves historiques ou empiriques.

La possession démoniaque est la seule maladie qui ne puisse être traitée par des moyens naturels ou scientifiques. On peut la définir comme étant le contrôle intégral de la volonté qu’exerce une puissance externe, surnaturelle et maléfique. Elle est un état de servitude spirituelle.

Ce serait une erreur de confondre la possession avec une maladie psychosomatique, quoique certaines maladies diagnostiquées comme psychosomatiques relèveront de la possession. Inversement, il est fort possible que ce qui dans le passé a été appelé possession démoniaque ne fût qu’une affection que l’on qualifiera actuellement de psychosomatique ou de mentale. Cependant, il nous faut veiller à ne pas tirer trop étroitement un parallèle entre ces deux affections. Une personne « normale » peut être possédée, voire soumise au démon, plus facilement qu’une autre. La maladie mentale est un désordre de l’esprit, tandis que la possession représente la soumission de la volonté à l’esprit méchant, sans exclure toutefois qu’une maladie mentale puisse à l’occasion signaler la présence de l’esprit démoniaque.

La possession sera réelle là où des personnes sont mues par une contrainte surhumaine qui les pousse soit vers l’autodestruction soit vers la destruction d’autrui. Elle peut se trouver dans la criminalité psychopathe, l’alcoolisme chronique, la convoitise débridée, la perversité, la haine désordonnée, l’accoutumance à la drogue, etc. Il convient cependant d’avancer avec une très grande prudence. De tels comportements ne sont pas nécessairement la preuve d’une possession, mais plus simplement des zones où s’agite le démon.

On doit également établir une différence entre ce que la Bible appelle exorcisme et une conception mythique de celui-ci. Une personnalité schizoïde ou multiple n’indique pas forcément la possession; elle pourrait plus simplement souffrir d’une possession partielle; en effet, il existe des aspects de la personnalité qui échappent au contrôle de Satan. Le diagnostic médical et spirituel se chevauche assez souvent sans qu’il soit aisé de tirer entre eux une ligne de démarcation bien nette.

Désigner une personne comme « prisonnière de Satan » n’est pas une autre qualification donnée à celui qui est asservi au péché. Certes, tout homme asservi au péché est, en un sens, également asservi au pouvoir diabolique. Le « prisonnier de Satan » est celui qui, délibérément et consciemment, se soumet au choix dicté par Satan. Le pécheur « ordinaire », si l’on peut s’exprimer de la sorte, possède encore la liberté de s’opposer à la tentation. Ici encore, nous nous souviendrons de la distinction que nous établissions entre oppression et possession. Tous les hommes, y compris les chrétiens, sont opprimés par Satan, mais il existe des individus totalement et réellement possédés par lui.

La puissance diabolique se voit plus particulièrement là où des multitudes et des nations sont possédées. Les démons sont plus virulents encore lorsqu’ils s’incarnent dans des institutions sociales. Cela veut dire que l’institution ne se trouve plus sous contrôle humain, mais qu’elle est prise directement dans les griffes du diable. Ces forces ne sont point impersonnelles, mais reflètent une stratégie et une finalité supra-humaines.

Si nous avons pris au sérieux l’existence de Satan et de ses acolytes, nous les rencontrerons là où nous les attendions le moins! Selon un passage de la lettre de Paul aux Corinthiens, Satan se déguise en serviteur de justice (2 Co 11.14-15). D’ailleurs, on se souviendra que Jésus n’a pas traité de fils de Satan les pécheurs notoires, publicains ou prostituées, mais les représentants de la classe religieuse de son époque, les pharisiens, les observateurs formalistes et hypocrites de la loi (Jn 8.44). Sans doute aujourd’hui Satan et ses acolytes s’activent-ils dans toutes les couches de la société, et ils ne sont pas moins absents dans les couches les plus respectables de celle-ci.

Comment s’exerce la responsabilité morale humaine? Normalement, Satan ne peut exercer sa tyrannie et entrer en possession d’un être raisonnable sans le consentement de celui-ci. La décision prise dans notre for intérieur l’accueille, lui laisse en nous un libre cours. Dès qu’une personne ou des groupes de personnes laissent l’accès libre à une tentation insidieuse, comme celle par exemple la plus monstrueuse qui consiste à vouloir devenir des dieux, l’asservissement au démoniaque devient virtuellement un fait, une tragique réalité. Peu importe la forme dont Satan se servira pour s’en emparer, l’invasion aboutira à la possession totale.

Mais encore une fois, gardons-nous de parler à tort de possession démoniaque, en nous rappelant que les formes de la manifestation diabolique sont variées, variables, multiples et relèveront autant de l’ordre du rationnel et du logique que de l’irrationnel et du primitivisme. C’est là encore une raison supplémentaire pour laquelle en aucun cas l’homme ne peut se justifier ou s’excuser de se dérober aux exigences morales du Dieu souverain.

Une autre question qui se pose par rapport à la présence et à l’activité démoniaque est la suivante : Les pages de la Bible déclarent sans ambiguïté l’absolue et suprême autorité du Dieu Créateur et Rédempteur et cette souveraineté implique la limitation du pouvoir de Satan. C’est pourquoi jamais l’homme pécheur ne sera absolument corrompu! Ce point mérite une attention particulière. La distinction entre corruption totale et corruption absolue est essentielle. La première est un fait, la seconde est impensable; s’il existait la moindre possibilité de corruption absolue, on devrait une fois pour toutes renoncer à un salut quelconque. Or, nous savons que les forces des ténèbres n’ont et n’exercent aucun pouvoir absolu sur la race humaine ni sur l’univers créé et conservé par Dieu, et Satan ne peut opérer que dans les limites qui lui sont assignées. Gardons-nous donc de lui reconnaître un pouvoir total sur l’ordre créé. En réalité, le mal n’est qu’un parasite et Satan, même rusé, ne peut que se nourrir, de manière certes frauduleuse, du bien, tout en cherchant à le détruire, mais en parvenant plutôt à son autodestruction.

On a relevé quelques niveaux de possession dans les champs de mission; ainsi : la création d’une atmosphère générale oppressive, d’un air de crainte, de suspicion et d’animosité; l’influence sur les esprits et les émotions créant des suspicions et l’absence totale de confiance, engendrant une contre-action oppressive dans l’environnement social et mental; le ton et l’air qui ne conduisent jamais à une position bénéfique, ou à une action bienfaisante, vers un progrès. Tout en ressentant réellement sa présence, il devient quasiment impossible de la définir et de la décrire. Cependant, l’oppression n’est pas la seule expérience. Il existe souvent une peur irrationnelle à un tel degré qu’elle engendrera la terreur et la phobie. La suspicion et l’animosité sont des phénomènes et des attitudes courants et rendent la vie tout à fait misérable pour la communauté entière.

Le lieu de la possession démoniaque c’est l’âme-esprit, portique du monde spirituel. Si l’esprit reste inoccupé, il risque soit de se trouver totalement désorganisé, soit organisé autour d’un centre inadéquat. Le démon se saisira de groupes et de personnalités pour en faire émerger une nouvelle personnalité à côté de l’autre, l’ancienne, l’authentique. Si le cas est authentique, la guérison au nom de Jésus-Christ rendra possible à la personne de fonctionner à nouveau et les symptômes physiques disparaîtront.

La manifestation violente de possession est le phénomène le plus clair. On se trouve ici en présence de quelque chose de tellement évident que personne ne doutera de sa nature anormale. On peut s’interroger pour savoir s’il s’agit de désordre mental, psychologique, psychosomatique ou d’une réalité occulte et démoniaque. Tandis que le débat devra se poursuivre pour chercher à établir les différences et délimiter partout où il est possible les divers degrés, la Bible et le croyant chrétien n’ont pas le choix en la matière et parlent simplement de la réalité de la possession.

2. La possession d’objets et les pratiques idolâtres🔗

L’erreur qui consiste à ne pas distinguer suffisamment entre occultisme, spiritisme et démonisme, en faisant l’économie de prendre au sérieux la mentalité de la continuité telle que nous la décrivions brièvement plus haut2, comporte un risque grave. Cependant, on ne peut pas s’empêcher de croire qu’il existe une focalisation démoniaque sur certains objets opérant grâce à des formules précises. Ces objets, y compris des mots, servent de véhicules des pouvoirs démoniaques, étant au service des pouvoirs supra-humains et supra-naturels. Des phénomènes étranges en découlent, tels des voix ou des sons entendus, des jaillissements de flammes aperçues ou d’autres influences destructrices qui en émanent. Il faut se garder de considérer tout récit étrange comme de la fiction. Il se pourrait aussi que notre explication ne soit, elle aussi, que la projection de notre propre mentalité et sans rapport avec la réalité décrite. Cette possibilité pourrait être aussi vraie que l’autre.

On a constaté que le déplacement d’une idole a réellement causé des troubles physiques sérieux, la destruction, voire la mort à la nouvelle localité où elle a été transférée et parmi des membres de la communauté qui l’a accueillie. Dans certains cas, seul le retour de l’idole à son lieu d’origine rétablira le calme et l’ordre.

Il est certain que la focalisation sur des objets et des pratiques fait le secret des forces magiques, des enchantements et des fétiches. Ici aussi se trouve le potentiel de la sorcellerie et du mauvais œil. Et qu’on ne s’imagine surtout pas que les mots ne comportent aucun pouvoir et qu’ils ne pourraient s’incarner de manière dynamique. Tel est le cas de la Parole de Dieu. La Parole est porteuse de pouvoir, Parole vivante et puissante. Le contraire ne pourrait-il pas être aussi vrai et une parole démoniaque devenir porteuse de pouvoir négatif? La malédiction ne pourrait-elle pas avoir des effets paralysants et un pouvoir de mort sur l’adepte de l’occultisme et du paganisme? Se rendre compte de cette focalisation servira également de clé pour comprendre l’attitude sans compromis de la Bible vis-à-vis de toutes les formes d’idolâtrie. Deux choses sont claires : la Bible se rend compte du mal qui réside en de telles pratiques. Elle ne s’y oppose pas simplement parce qu’elles seraient une pure superstition ou une pratique folklorique païenne, mais parce qu’elles sont une incarnation même du mal. Aussi les proscrit-elle sans compromis.

Au regard du croyant, la « messe satanique » est la moquerie, la dérision du sacrement de la communion. À l’origine des sectes, telles que les pauliciens, les bogomiles, les albigeois et les cathares, ainsi que derrière toute forme de manichéisme, nous trouvons placé le culte satanique ainsi que des associations avec la cohorte des religions antiques de la fertilité, les cultes phalliques, etc. On a pu dire avec raison que dans ces manifestations hérétiques, au lieu de parler de la Parole devenue chair, on parlera plus correctement de la chair devenue parole, ce qui est le cas dans la messe noire. Le satanisme de la fin du Moyen Âge et de l’époque de la Réforme se poursuit jusqu’à nos jours. Dans certains mouvements ésotériques, les doctrines du satanisme sont ouvertement institutionnalisées.

Michelet écrivait que la messe noire était la communion de la révolte et de la révolution. L’arrière-plan intellectuel de toutes ces croyances et pratiques serait la résurgence de la philosophie grecque, comme la scolastique, par exemple, dans laquelle le monde de la nature est séparé de celui de la grâce, de telle sorte que les miracles appartiennent au domaine de la grâce, mais tout le reste au monde de la nature ou, à défaut, au « prince de ce monde ». Dans un tel climat, la démonologie ne pouvait que s’épanouir et occuper une place prépondérante dans les croyances et les pratiques populaires. Les démons étaient proches, présents partout, tandis que Dieu, lui, demeurait lointain et inaccessible.

La haine contre le christianisme conduisit, durant le 13siècle, au satanisme religieux. Selon Murray, historien spécialiste de cette période, le prénom de Diane, qui, comme on le sait, est le féminin de Janus ou Dianus, le dieu à deux faces, était extrêmement répandu et porté par la maîtresse, ou la cheftaine des sorcières de l’Europe occidentale. Des sacrifices humains, souvent d’enfants, faisaient partie de cultes obscènes. Les rites sexuels étaient extrêmement répandus, ainsi qu’une forme de communion avec la déesse ou le dieu démon. Dès lors, ne faut-il pas discerner dans l’explosion actuelle de la pornographie, au-delà du vice moral comme tel, l’une des expressions les plus virulentes de la réapparition du culte du démon dans notre société?

Dans leur hostilité contre le christianisme, des groupes religieux païens s’identifièrent avec le diable comme à une force anti-christique. Quatre formes de sacrifices sont communes à ces sectes : le sacrifice de sang, celui de la sorcière; le sacrifice d’un animal; le sacrifice d’un être humain, souvent celui d’un enfant; le sacrifice du dieu.

Au cours du 13siècle, l’Église déclara la guerre au paganisme renaissant sous une forme renouvelée, celle de la sorcellerie et du culte voué au démon, même si nombre de païens refusaient d’appeler diable le dieu qu’ils adoraient. Certains ecclésiastiques, pour des motifs purement politiques, adhéraient aussi bien au christianisme qu’au paganisme sous cette forme nouvelle. Progressivement, les vieux cultes païens devinrent le décalque frauduleux de l’Église, qu’ils s’acharnaient à singer, ce qui ne les empêcha pas de devenir une force essentiellement négative.

L’idolâtrie est le mal qui a atteint le degré suprême, osons dire le point de non-retour. Elle est une confrontation ouverte et violente avec Dieu et non pas un simple déni de Dieu; elle apparaît comme une monstrueuse substitution de Dieu. À cause de cela, la Bible la qualifie d’iniquité, de terreur, de non-entité, d’horreur, de cause de peine et de souffrance. Saint Paul l’associe au démonisme (1 Co 10.20-21). En termes clairs, le Nouveau Testament exclut du Royaume de Dieu tout idolâtre. Quelle en est la raison? L’idolâtrie est la forme la plus sérieuse de la confrontation humaine et démoniaque avec Dieu et la focalisation la plus aiguë et la plus profonde du mal sous couvert d’objet religieux.

Le nombre de pratiquants religieux ou de spécialistes cultuels dans l’idolâtrie varie considérablement. On a avancé les titres suivants : guérisseur, faiseur de pluie, roi, prêtre, sorcier, magicien, prophète, voyant, devin, médium, les cinq derniers étant les plus dangereux. Aussi on les craint et on les hait.

Il est fort possible que toutes ces fonctions soient assumées par un seul spécialiste. Ceux-ci sont des volontaires conscients de leur vocation. Par exemple, le chaman a été appelé par son dieu. Ce n’est pas de son propre gré qu’il a embrassé la carrière. Il répond à un appel, il se soumet involontairement à une vocation provenant d’un diktat extérieur. On se tromperait en pensant que son cas relève d’une simple expérience psychologique.

Ensuite, nous notons que l’expérience initiale est la culmination violente de possession par une puissance transcendante, laquelle subjugue l’individu et le soumet à l’autorité de l’intrus.

Troisièmement, le secret d’un spécialiste effectif ne réside pas dans le fait de la possession par le pouvoir transcendant mystérieux, mais en la maîtrise de posséder le pouvoir qui le pénètre. Ainsi, le possédé devient-il à son tour possesseur. Le chaman est un symbole non d’assujettissement, mais d’indépendance et il est porteur d’une illusion de guérison. À travers lui, le pouvoir mystérieux d’outre-monde, de même que le monde des esprits, est domestiqué dans l’intention de servir aux besoins et aux demandes de la communauté.

La manipulation est également possible, laquelle, au lieu d’affranchir, servira à causer la misère et à précipiter sur l’ennemi la calamité.

Il est peu aisé de nier ou de douter de la réalité du mystère du « spécialiste pratiquant ». La persistance, depuis des millénaires, du « spécialiste » dans de vastes aires du globe et l’air qui entoure ces personnages sont un phénomène propre à la religion humaine « primitive ». Le fait que l’esprit scientifique positiviste et la sécularisation de la pensée et de l’éducation n’ont pas réussi à l’éliminer, même dans le monde occidental, en dit long sur le mystère et l’inéradicabilité du fait démoniaque, qui devrait sérieusement retenir notre attention.

On peut se demander si le chaman possède réellement l’esprit. On a donné à cette question les réponses suivantes : Pour certains, c’est le cas, ce qui établit l’autonomie absolue de l’homme et sa maîtrise sur tout ce qui l’entoure. Une seconde réponse pointe dans la direction de l’identification absolue de l’esprit humain avec celui de l’intrus. Au cours de sa formation, ce n’est pas la maîtrise, mais l’accommodation et l’identification qui sont achevées et accomplies, à tel point que la distinction s’avère difficile. La fusion a été solidifiée et l’harmonie fonctionnelle établie à un degré d’union parfait, exempt de tension sérieuse. Selon une troisième réponse, aucune maîtrise n’a été achevée, mais seulement une tromperie. On peut avoir le sentiment d’avoir maîtrisé, mais en réalité il ne s’agirait pas de maîtrise. C’est arrivé de manière subconsciente, dominée, motivée, inspirée, rendue puissante. La possession par la puissance qui saisit l’intelligence a pris possession des ressources les plus profondes. De façon irrévocable, elle est devenue complète. Quel que soit le cas, accommodation, identification, tromperie, en définitive, la possession est devenue une réalité horrible, le démon a triomphé, l’homme est la victime et l’outil consentant des puissances de l’au-delà.

Pour la Bible, la possession démoniaque est un fait réel, non une description métaphorique. Le chrétien s’intéresse à interpréter ce phénomène aussi bien d’après les lumières de l’Écriture que celle de la science moderne. Pourtant, ce sont les catégories bibliques qui dicteront notre vocabulaire, notre approche, notre interprétation ainsi que le diagnostic et la thérapeutique appropriés. Notre pensée se soumettra sans cesse à l’Esprit, lequel, sans désemparer, rend témoignage à nos esprits et forme notre expérience.

S’il existe actuellement une telle fascination de l’occulte et du satanisme, la raison est due, en partie du moins, au fait que la culture contemporaine souffre d’une sécularisation maladive et corrosive, et il ne faudrait pas se le dissimuler, cela est dû en partie aussi à la tiédeur des chrétiens et des Églises. Restons donc à la fois prudents face à ces phénomènes, mais aussi réalistes, en sachant que la victoire qui vainc le monde c’est notre foi, et que le Fils de Dieu nous a aimés et s’est livré pour nous afin que Dieu nous habite par la communion de son Saint-Esprit.

Notes

1. Voir notre article intitulé Démonologie de l’Ancien Testament et nos sept articles sur la Démonologie du Nouveau Testament dans la série intitulée Défi et défaite des démons.

2. Voir notre article intitulé La conception du monde des cultures primitives.