Qu'est-ce que l'Évangile?
Qu'est-ce que l'Évangile?
À moins de répondre correctement à la question de savoir ce qu’est l’Évangile, la Bible restera pour nous un livre fermé et nous confondrons la foi chrétienne avec une vague religiosité, ou bien nous la noierons peut-être dans un mysticisme confus. Répondre à cette question nous engage d’abord et principalement et même exclusivement à examiner les écrits du Nouveau Testament, qui sont d’une clarté limpide. L’Évangile concerne la personne et la mission de Jésus-Christ. Ni plus ni moins. Et ce qu’on y ajoute vient du Malin.
La simplicité (au gré de certains, peut-être le simplisme) de cet énoncé ne devrait pas nous choquer au point de nous détourner de la lumière éclatante qu’il répand sur les obscurs sentiers de l’existence. Si l’Évangile était autre chose que cela, par exemple le support idéologique d’Églises essayant de jouer un rôle en se conformant aux modèles du monde et dans le monde, celui de nos interprétations particulières de tel ou tel point doctrinal, ou encore nos propres explications sur la nature de l’expérience chrétienne, nous nous serions égarés grossièrement à son sujet.
Ainsi que le souligne à juste titre un théologien contemporain dont les écrits ont inspiré mon exposé d’aujourd’hui, « un bon musicien ne doit pas seulement frapper la bonne note; il doit encore interpréter fidèlement l’âme de l’œuvre qu’il exécute ». On dit de Beethoven que, à la rigueur, il admettait les fautes techniques, mais qu’il ne tolérait absolument pas une interprétation étrangère à l’esprit de ses œuvres. Ainsi défini, l’Évangile apparaît comme l’accomplissement et l’interprétation de l’Ancien Testament. Bien que la Bonne Nouvelle au sujet de Jésus-Christ soit exprimée dans une variété de styles et de formulations, un message central et unique traverse chacune de ses pages.
Jésus de Nazareth a accompli l’Ancien Testament. En lui est conclue et récapitulée la relation spéciale que Dieu noua au cours des siècles avec un peuple particulier : Israël. Jésus-Christ est la conclusion de la loi, de l’histoire et des prophéties contenues dans la première partie de la Bible.
Devenu le nouvel Adam (ou le second Adam), Jésus réécrit l’histoire d’Israël de même que celle de toutes les nations. Par sa mort sur la croix, il ensevelit notre histoire déchue et souillée par le péché afin de nous introduire dans une phase renouvelée de l’histoire humaine qui s’appellera l’Histoire sainte. Jésus accomplit la loi de l’Ancien Testament parce qu’il est la réalité définitive, représentée imparfaitement et temporairement, par les lois cérémonielles de l’Ancien Testament. En outre, sa soumission à Dieu dans la justice parfaite exigée par la loi vétéro-testamentaire lui donne son accomplissement. Les prophéties sont réalisées de deux manières. Descendant d’Abraham, à qui s’adressent toutes les promesses de Dieu (Ga 3.1-9), il est également la substance et la réalité de tout ce que Dieu avait promis au peuple juif ainsi qu’aux nations païennes (Ac 3.24-26; Ga 3.6; Ép 1.3).
Nous sommes à présent en mesure de comprendre toutes les implications de cet Évangile.
En premier lieu, celui-ci se présente comme un projet achevé et comme une œuvre accomplie. Jésus savait parfaitement que tout ce que Moïse et les prophètes avaient écrit dans le passé le concernait (Jn 5.39). Le « tout est accompli » triomphant, l’une des dernières paroles prononcées sur la croix, plaçait un sceau définitif sur l’interprétation fidèle de l’Ancien Testament (Jn 19.30). L’Évangile est la Bonne Nouvelle de ce que Christ a accompli. Il a expié les péchés (Rm 3.25; 1 Jn 2.2). Il a détruit la mort (2 Tm 1.10) et a vaincu Satan, l’adversaire (Hé 2.14). Ressuscité des morts, il a repris sa place de Fils divin et a été établi Seigneur universel (Mt 28.18; Ac 2.34-36; Rm 8.34). La domination que l’homme était appelé à exercer sur la création, perdue à la suite de la chute, est à présent restaurée par le second Adam qui représente actuellement notre humanité en face de Dieu. Jésus exerce son autorité au-dessus de tout pouvoir, soit visible soit invisible (1 Co 15.25; Ép 1.20-22).
L’examen des grandes affirmations du Nouveau Testament relatives à l’Évangile nous permet de nous rendre parfaitement compte qu’elles indiquent une réalité historique et un événement accompli. L’Évangile n’est ni spéculation, ni mythe, ni idéologie moraliste (1 Co 15.1; Col 2.14-15; Hé 1.3; 10.11-14). Le Nouveau Testament n’est plus une promesse comme l’Ancien Testament qui annonçait l’accomplissement de toutes les promesses divines. La rédemption est achevée et nous est assurée par les grands actes de Dieu en Christ.
Le Christ est donc la dernière parole, la parole finale adressée aux hommes, à tout homme. C’est la raison pour laquelle toute annonce se disant chrétienne et qui ne serait pas la proclamation de sa personne et de son œuvre, qu’elles que soient les bonnes intentions des prédicateurs, n’est qu’usurpation du droit de prêcher.
Enfin, l’Évangile est une réalité toute suffisante. Nous l’avons dit : en son Fils Jésus-Christ, Dieu offre toute la révélation de sa personne. Le temps où il se manifestait dans des rêves et des visions, de manière partielle et fragmentée, est à jamais révolu. À présent, nous avons vu Dieu au grand jour. « Celui qui m’a vu a vu le Père », a dit Jésus (Jn 14.9). Son amour et sa miséricorde, sa justice et sa sainteté, son pouvoir et sa sagesse nous sont totalement et suffisamment connus. Toutes vérités au sujet de Dieu, de nous-mêmes, de nos origines et de notre destinée, nous les tenons en Christ. Ce serait renier le Christ en tant que Messie que de s’attendre à d’autres révélations venant de je ne sais quels mythes et légendes, ou encore pseudo-théories scientifiques.
L’Évangile est clair et suffisant. Dans l’Ancien Testament, le mystère de Dieu demeurait caché dans les symboles énigmatiques et était perçu dans des visions qui devaient être interprétées. À présent, le mystère est dévoilé et le secret mis au grand jour (Rm 16.25; Ép 2.3-5; 2 Co 4.3-4; Jn 3.16). Il n’y a pas de mystère inexorable; il y a élection divine. Et celui qui croit au Fils de Dieu sait qu’il a été appelé directement par Dieu. Aussi est-il entré dans la vie éternelle. « Si tu confesses de ta bouche que Christ est Seigneur » (Rm 10.9).
Je conclus par ce dernier paragraphe : L’Évangile est une réalité décisive.
Sa proclamation et la foi en cette proclamation sauvent ou condamnent (Jn 3.18; Ép 1.13-14). Celui qui croit à la vie éternelle est sauvé, celui qui n’y croit pas est déjà condamné. D’une manière mystérieuse, le jugement de Dieu est présent sur l’incrédulité de tout homme. Mais celui qui place sa foi dans le sacrifice expiatoire du Fils de Dieu est passé du jugement à la vie, des ténèbres à la lumière, et Jésus le reconnaît comme sa brebis. Il connaît celui ou celle qui lui appartient. Oserais-je dire que, de la même manière, nous n’avons pas à nous attendre à d’autres expériences qu’à celle de la foi en l’Évangile? Le jugement de Dieu est déjà sur celui qui le rejette en rejetant le seul nom donné aux hommes par lequel ils puissent être sauvés.