Démonologie - L'ennemi à combattre
Démonologie - L'ennemi à combattre
1. Les aires d’activités démoniaques⤒🔗
On a prétendu que Satan était le produit de notre imagination ravagée de complexes. Le diable n’existe pas. Il n’avait qu’une réalité subjective plongeant ses racines dans les terreurs paniques du primitif. Le « civilisé » pouvait s’affranchir définitivement de ce fantôme terrifiant.
Combien aurions-nous souhaité partager ce point de vue et être sûrs qu’il n’a jamais existé de créatures spirituelles en révolte contre Dieu! Hélas!, les multiples irruptions, à travers les siècles, de ce mal infiniment supérieur à toutes les formes du mal humain offrent à l’œil nu autant de signes de la présence réelle des démons : irruptions terrifiantes qui dépassent en horreur tout ce que l’homme le plus dégradé peut concevoir, la persistance et l’amplification des idées fausses, des mensonges, de la cruauté, la désunion des hommes…
Ils existent. Ce sont des rebelles déterminés à faire obstacle, par tous les moyens, à l’action divine. Ce sont des sceptiques qui refusent de croire au bien, des éternels opposants, agents entêtés du désordre. Ce sont des méchants rongés d’orgueil et de jalousie, acharnés à perdre l’homme, des esprits en rupture avec la lumière.
« Vous serez comme des dieux connaissant le bien et le mal » (Gn 3.5), continuent de chanter, avec une puissance de suggestion sans cesse renouvelée, ces anges de la révolte et de la division. Le doute et la confusion continuent d’être le lot commun de toutes les générations. Satan et ses acolytes multiplient les tentatives de subversion dans toutes les classes, chez tous les hommes. Leur présence est universelle. Ils collent aux élus et leur livrent des combats épuisants. Ils s’insinuent dans le cœur même des fidèles, troublent les hommes, s’efforcent d’obscurcir les intelligences. Ils parviennent à susciter le scandale jusqu’au sein de l’Église elle-même.
Nous n’avons ni exagéré la portée du « pouvoir » actuel laissé à Satan ni négligé de tenir compte du rayon de ses activités. Ainsi, d’une part Satan est l’ennemi vaincu, voire en principe écrasé, d’autre part il rôde autour des fidèles tel un lion rugissant, cherchant qui dévorer. On ne peut pas dire qu’il soit un adversaire tout-puissant ni une victime entièrement anéantie. Il n’a pas cessé de s’adonner à ses activités malicieuses.
L’Église se rend compte de la nature profonde et exacte de certains phénomènes, qui ne peuvent être attribués qu’à une origine démoniaque. Satan s’oppose de toutes ses forces à sa mission. Saura-t-elle se préparer à ses assauts et établir une stratégie, revêtue de l’armure divine?
Plusieurs aires d’activités démoniaques pourront être recensées. Un premier domaine où le pouvoir relatif de Satan se manifeste est celui de la nature. Nombre de passages de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament attestent le fait que l’adversaire de Dieu et des hommes se livre à des activités abortives dans la nature. Il cherche à anéantir les projets de Dieu et à le discréditer aux yeux des hommes. Dans le récit de la tempête apaisée, Jésus réprimanda la mer. Il y voyait le doigt de l’adversaire haineux le poursuivant aussi bien sur terre que dans les mers. Il s’adressa à l’esprit malin de la même façon qu’il le fit lors de la guérison d’un démoniaque. Les chrétiens devraient être au courant des agissements de Satan quand il déchaîne les forces de la nature, lors des cataclysmes, des orages, des tourments et des séismes, quoique jamais sans le contrôle de la providence divine. Nulle part, Satan n’a un pied-à-terre qui lui revienne de droit dans la création. Avec tout ce qu’elle contient, entièrement, elle appartient au Seigneur.
Un autre domaine où l’inspiration et l’influence démoniaques se font particulièrement sentir de nos jours, et cela dans notre propre Occident, est assurément celui de la sexualité. Bien que les désordres sexuels n’aient pas attendu notre siècle pour s’étaler au grand jour, nous pensons que les proportions qu’ils ont prises et les idéologies qui les fondent sont exceptionnelles. Toutefois, plus que la situation empirique, nous nous appuierons encore sur l’Écriture pour nous exprimer à ce sujet; tout désordre sexuel, à quelque degré que ce soit, et quelles qu’en soient les répercussions et l’étendue sur la vie sociale, demeure le champ privilégié de l’agir satanique.
Examinons un cas spécifique rapporté dans la première lettre de Paul aux Corinthiens. Un membre de la communauté vit dans l’inceste, un inceste intolérable même chez des païens. Sans doute s’agissait-il d’un couple formé par l’épouse d’un père remarié vivant avec un fils adulte de celui-ci. Avec son autorité apostolique, saint Paul le tient non seulement pour coupable d’une faute grave, mais encore le livre-t-il à Satan. Plus précisément, il livre le corps de celui-ci à Satan, afin que son âme ne périsse pas. La chair qui a été assujettie à Satan lui est donc livrée. Le terme de chair ici possède le sens de corps, et le châtiment à subir est une souffrance d’ordre physique, en rapport avec la nature de l’offense commise. On peut penser que Satan est habilité à détruire le corps devenu instrument d’un très grave désordre sexuel, ou tout au moins à lui infliger un châtiment. Il est toutefois réjouissant de constater une fois de plus que, même dans un cas aussi grave, c’est Dieu qui autorise le châtiment, et s’il le fait c’est en vue du salut éternel du coupable (1 Co 5.1-5).
Le pouvoir de Satan se manifeste également par la mort. Des passages tels qu’Hébreux 2.14 et Éphésiens 2.2 nous en informent. D’après le premier, l’incarnation du Fils a pour objet de détruire le pouvoir de la mort. N’allons pas hâtivement conclure que Satan serait le bourreau, l’exécuteur de la mort; néanmoins, il exerce un pouvoir qui se sert de la mort. À vrai dire, il ne détient aucun pouvoir sur la mort, pas plus que sur tout autre chose, mais il exerce une tyrannie telle qu’il cause l’angoisse devant la mort. Or, c’est de cette angoisse-là que le Christ est venu affranchir les mortels. Ni directement ni indirectement notre existence d’élus ne se trouve à la merci de l’ennemi. Notre destinée est entièrement entre les mains de notre Dieu Sauveur. Saint Paul l’affirme et nous avons tout lieu de nous en réjouir : la mort sera le dernier ennemi qui sera vaincu (1 Co 15.26), comme le reste des œuvres de Satan (1 Jn 3.8).
Ailleurs, dans la violence des régimes politiques, là où les hommes, des hommes iniques, ne voient que chair et sang, le chrétien averti, lui, discernera la main de Satan. Des dictatures totalitaires, des régimes oppressifs, des persécuteurs et autres tyrans sanguinaires sont les complices de Satan tout autant que les magiciens ou même ces vulgaires jeteuses de sorts. Antiochus Épiphane, le grand persécuteur des Juifs au troisième siècle avant le Christ, comme Néron, celui des chrétiens, furent des instruments entre les mains de Satan.
Faut-il se décourager? Certainement pas, car nous sommes également informés que la grâce générale de Dieu réagit avec une puissance supérieure à celle de notre ennemi, et que même dans les cercles où l’incrédulité fait rage, les talents qu’il accorde à des hommes et à l’autorité civile qu’il installe restreignent le pouvoir du mal. En dépit de l’intensité du mal, la violence humaine est atténuée, le mal ne sera jamais absolu. Dieu préserve sa création et surtout il garde son peuple, contre lequel sont dirigées en tout premier lieu les flèches sataniques. Il est protégé par la croix du Calvaire, le bouclier qui le détourne définitivement du mal et l’arrache à la mort.
Un autre domaine où l’assaut de l’ennemi est perçu d’une manière plus aiguë, voire plus dramatique est dans l’exercice de la mission évangélisatrice des chrétiens. Nombre de missionnaires dans le Tiers-Monde se plaignent d’être les cibles d’attaques démoniaques évidentes. Leahy rappelle que ces attaques sont manifestes dans les cultes voués à Satan, dans des cas de possession démoniaque certaine, des exorcismes faux. Certains missionnaires vivent constamment sous une atmosphère pesante, étouffante. Leur détresse est d’autant plus grande qu’ils sont souvent isolés du soutien non seulement de l’Église mère qui les envoie, mais encore de leurs collègues, éloignés par des centaines de kilomètres. Solitude, déceptions, irritations, lassitude physique et mentale contribuent à la dépression des esprits, constate Leahy. Le doute les assaille, la peur les surprend. Ce qu’ils ont appris au séminaire de théologie et leur expérience concrète sur le champ de mission semblent ne pas cadrer. Non qu’ils manquent totalement de la joie chrétienne, mais il nous faut quand même tenir compte des expériences souvent pénibles venant s’ajouter à d’autres inconvénients d’ordre matériel. Mais, ajoute l’auteur, il ne faudrait pas s’en étonner. C’est précisément la situation que doit affronter le missionnaire. Il serait étonnant qu’il ne rencontrât aucune opposition de cet ordre! Et il recommande fortement à l’Église mère de les soutenir puissamment, constamment.
Nous affirmions plus haut que Satan ne peut plus empêcher des hommes et des nations de croire en l’Évangile. Si ce n’était le cas, aucune entreprise d’évangélisation, moderne ou ancienne, ne pourrait être assurée de son succès, ni même de son opportunité! Il n’en reste pas moins que dans les systèmes modernes de pensée, intellectuels ou religieux, voire techniques et scientifiques, Satan s’infiltre pour dresser des obstacles à l’offre de l’Évangile. Satan tire avantage de tout système de pensée pour échafauder ses barricades. Déjà au livre de Daniel, au chapitre 10, nous apprenions que le prince des Perses était l’ennemi de Dieu. Il s’y révèle un conflit spirituel de l’ordre que nous discernons à présent. La persécution dont sont victimes les Juifs fidèles contemporains de Daniel est déclenchée par une puissance spirituelle, surhumaine. Ailleurs, dans le Nouveau Testament, les multiples troubles dont saint Paul et ses compagnons sont les victimes sont attribués à l’activité de Satan. Derrière les mains hostiles humaines, juives ou romaines, des autorités païennes ou religieuses, les premiers chrétiens aperçoivent la main maléfique de Satan.
Nous avons toutes les raisons de refuser non seulement la prétendue démythologisation scientifique, mais encore une excessive naïveté en ce qui concerne la lutte enragée que Satan et ses hordes livrent au peuple de Dieu. Souvenons-nous d’un autre avertissement apostolique selon lequel Satan peut même se déguiser en ange de lumière pour tromper, égarer et détruire.
Un domaine particulièrement vulnérable aux assauts sataniques est assurément la prédication et l’enseignement de l’Évangile. Il vaut la peine d’y accorder notre attention, en un moment où la résurgence de vieilles superstitions, le renouveau des religions orientales, la floraison de sectes pernicieuses et les courants d’apostasie grossissent au sein de toutes les Églises, afin de voir de quelle manière notre vigilance théologique devrait décupler.
Disons-le, Satan est un expert en matière de théologie, le plus habile des interprètes de la Parole de Dieu, habileté qu’il exerce pour en déformer le sens. Là où certains fidèles ne voient que chair et sang, hommes ou femmes emportés par le vent du libéralisme, le chrétien averti et le lecteur assidu de la Bible discerneront l’intervention de Satan. Ainsi, parmi leurs nombreux agissements, les démons contribuent à l’apostasie et cherchent à corrompre la foi de l’Église, la théologie aussi bien que l’éthique (1 Tm 4.1-3).
Les « docteurs », nous dirions actuellement les théologiens, qui égarent et trompent la foi, sont des agents des esprits démoniaques qui les ont induits les premiers en erreur. Selon 2 Thessaloniciens 2.9, l’apostasie théologique est étroitement associée à l’intervention satanique. D’après 1 Jean 4.1-6, les faux prophètes sont des instruments du Malin. C’est à travers eux que l’esprit malin exerce son pouvoir de séduction, mais les fidèles savent que celui qui est en eux, le Christ, est plus grand que celui qui est dans le monde. De son côté, Apocalypse 9.1-11 montre que c’est l’intérêt des démons que de propager l’erreur doctrinale. Les démons y apparaissent comme des sauterelles qui ravagent, mais ne peuvent toucher que ceux qui ne sont pas scellés par Dieu. Un autre texte du même livre, Apocalypse 2.18-29, rapporte les paroles du Christ concernant Jézabel, la fausse prophétesse de l’Église de Thyatire, qui connaissait les profondeurs de Satan. Elle était devenue un outil entre les mains du Malin, une sorte d’Antichrist femelle, cherchant à séduire les ministres de Dieu. De la même façon, les lettres adressées dans ce même livre aux Églises de Smyrne et de Philadelphie nous apprennent qu’une Église dans sa totalité peut devenir apostate.
La lettre de Jacques décrit la manière dont se comporte l’esprit arrogant et amer du sectarisme (Jc 3.15). Il fabrique une contrefaçon de la sagesse qui vient de Dieu, contrefaçon qui est due à la ruse de Satan (1 Jn 4.6). Ainsi, il est l’auteur de telles déclarations, et il est impossible de ne penser au mal qu’en termes impersonnels, abstraits. Dès que nous cherchons à définir le bien et le mal, immanquablement nous franchirons le seuil du domaine personnel, surnaturel, bon ou mauvais. L’esprit prend intérêt à toute apostasie, signale saint Paul (2 Co 2.11).
Saint Paul avertissait contre une activité démoniaque qu’il voyait s’accroître, véritable escalade, durant l’âge présent; il est certain que cet âge présent de l’apôtre inclut notre propre siècle. Notre ère correspond parfaitement à la période prédite et décrite. Il nous semble que certaines attitudes chrétiennes ecclésiastiques ne font que favoriser cette escalade démoniaque au sein même des Églises.
Le professeur Leahy a un sage mot d’avertissement à cet endroit. Il rappelle que l’intelligence du démoniaque ne relève pas de la simple expérience empirique, mais que la connaissance de l’Écriture et la théologie sont indispensables pour comprendre le phénomène. Les grands signes et les miracles, les exorcismes de démons, sont des faits que l’on ne peut récuser. Mais il y a eu aussi des miracles là où l’on rencontrait les aberrations doctrinales les plus sauvages. Les résultats peuvent paraître impressionnants aux yeux de ceux qui perdent de vue les critères strictement bibliques. Il rappelle alors un mot de Martin Lloyd-Jones : c’est de la capitulation devant le phénomène. C’est l’erreur de celui qui détermine la doctrine par le phénomène, et non inversement, reconnaissant en elle la norme de toute expérience et de tout phénomène empirique. On ne pourrait nier, prétendra-t-on, la factualité de ce qui est rapporté, donc cela doit s’imposer à la théologie et la façonner. Or, c’est par le contraire qu’il convient de procéder, ajoute Leahy. Et de citer de nouveau Martin Lloyd-Jones :
« On pense que parce que le nom du Christ a été prononcé lors d’une réunion, tout ce qui s’y déroule est forcément chrétien; cela devient une garantie de la solidité de ce qui est enseigné. Les résultats aux yeux des gens cautionnent tout le reste. Je connais des gens qui, parce qu’ils ont vu quelque chose durant de telles réunions de guérison, ont carrément abandonné leurs anciennes convictions. À cause de ce qui s’était produit durant la réunion, ils ont succombé à l’ensemble de l’enseignement proposé. Même si cet enseignement était des plus hérétiques! »
Notons aussi ce que nous appellerons la socialisation de l’Évangile. Depuis peu, par la voix de leurs théologiens attitrés, nombre d’Églises se sont mises en devoir de nier la divinité du Seigneur Jésus-Christ. Il était inévitable que la vie chrétienne, celle vécue dans la foi, soit à son tour amputée de sa dimension divine. De moins en moins, Dieu occupe le centre des débats théologiques, et la doctrine, si l’on peut encore qualifier de doctrine les débats théologiques actuels, est fixée autour de l’homme, la théologie devenant de la sorte une simple affaire humaine, c’est-à-dire de l’anthropologie pure! Peu nombreux sont ceux qui tiennent encore compte des déclarations apostoliques telles que celle de Colossiens 1.27. Elle ne semble nullement pertinente au monde moderne radicalement mécaniste et bientôt totalement robotisé! L’homme s’est intronisé, c’est le moins qu’on puisse nous contester, et il trône tel un monarque absolu dans un royaume pourtant fictif de l’autonomie.
À la socialisation de la vie succède la matérialisation sans frein de celle-ci. On peut dire que le tube du laboratoire a remplacé le Saint-Esprit. Le fonctionnalisme ecclésiastique a pris la relève de la piété biblique et les « relations publiques » jouissent d’une plus grande considération et passent pour être plus efficaces que l’adoration et l’exaltation du saint nom majestueux du Dieu tout-puissant. À la place de l’homme pieux, de l’homme de Dieu, dont parle la première lettre à Timothée, c’est l’honnête homme, l’homme de bonne volonté, qui compte. Au lieu de la mystique personnaliste et prophétique, nous sommes affligés de voir s’étaler une mécanique ecclésiastique faite de comités administratifs qui l’emportent sur l’exercice de la piété ou la pratique liturgique et qui dévorent sans cesse les énergies des Églises modernes.
Il ne faudrait pas trop nous étonner d’assister soudain au déploiement de vastes aires ecclésiastiques entièrement vidées de substance vitale et dangereusement inoccupées. Or l’homme, tout homme, est un être spirituel et l’âme humaine aspire profondément à un accomplissement que ni la dimension sociale ni la pléthore de produits matériels ne pourront réaliser. Tôt ou tard, gavée de gadgets, sursaturée d’objets, elle criera son besoin et son exigence réelle de survie.
C’est avec une grande peine que nous constatons et avouons que la majorité des Églises, notamment celles appelées historiques, ne répondent plus à l’angoisse humaine et sont devenues incapables de satisfaire aux réels et profonds besoins humains. Très souvent la raison en est qu’elles cherchent à gagner le monde moderne à tout prix, au prix de toutes sortes de concessions et de compromissions, sacrifiant l’essentiel à ce qui est secondaire, renvoyant l’éternel au profit de l’éphémère, méprisant le spirituel afin de ne retenir que ce qui est fragile et vulnérable. Bien des Églises se sont adonnées à des programmes d’activités sociopolitiques qui n’ont qu’un rapport lointain, et même ancien, avec les exigences évangéliques, voire avec les besoins socio-économiques des modernes. Aussi, ont-elles laissé des vides béants. Le résultat en est que non seulement le monde en dehors de l’Église s’est pris d’engouement pour ce qui démoniaque, mais qu’encore nombre de membres d’Églises font de leur côté preuve d’un intérêt malsain et dangereux envers ce qui est démoniaque.
2. Notre stratégie←⤒🔗
Le mot stratégie est un terme militaire et nous rappelle que l’Église est engagée dans la conduite d’une guerre. La plus grande faute que nous pourrions commettre en tant qu’Église militante serait de sous-estimer la puissance de l’ennemi. Celui-ci est un ennemi rusé et impitoyable. Notre combat ne s’arrêtera pas avec notre génération, de même qu’il ne s’est pas terminé avec celles du passé. Satan change de tactique, mais son opposition à l’Évangile de la grâce demeure inchangée. La toute première chose est de le prendre au sérieux.
Il est raffiné et, comme tel, il se transforme souvent, se recycle selon les besoins de l’heure et les situations où il intervient. Il est fourbe, il est le trompeur par excellence. Faux ange de lumière, il peut rendre l’erreur fascinante.
Il s’opposera à l’action rédemptrice de Dieu, soit ouvertement, soit de manière indirecte, d’où l’extraordinaire essor actuel de l’occultisme sous toutes ses formes. Il est en train de tenter une dernière attaque désespérée pour affaiblir l’Église et contraindre au silence les messagers de l’Évangile. En certains lieux, il a engagé une attaque de front. La persécution contre des Églises et des chrétiens dans nombre de points de notre planète, à notre époque, est l’une des réalités les plus atroces et, hélas!, parmi les plus ignorées des médias de masse et parmi les moins déplorées par les organisations humanistes des droits de la personne humaine.
Saint Paul nous exhorte à nous vêtir de toute l’armure de Dieu pour combattre l’ennemi (Ép 6.11-17). Ce célèbre passage présente la vie des croyants comme un combat dont il faut sortir vainqueur. Aussi, l’apôtre recommande-t-il de chercher la force dans le Seigneur, qui est revêtu de puissance et peut en revêtir les siens.
Le combattant n’a pas besoin seulement de force, mais également d’armes. De là la recommandation de revêtir l’armure de Dieu. Dieu lui-même munit les croyants des armes nécessaires dans un combat d’autant plus redoutable que l’adversaire, le diable, ne les attaque pas de front et varie ses manœuvres pour surprendre leur vigilance. Les croyants n’ont pas à affronter une lutte corps à corps avec un adversaire humain, mais à livrer bataille à des puissances démoniaques. Leur caractère démoniaque est fortement souligné; elles ne défendent pas seulement un ordre périmé, mais elles font l’œuvre du diable. Après cette évocation de la formidable puissance de l’ennemi, Paul renouvelle son appel, maintenant singulièrement motivé : que les croyants saisissent l’armure que Dieu leur a préparée pour pouvoir résister dans le mauvais jour. Debout donc! Le verset 14 reprend des images d’Ésaïe 11.5 (version des Septantes), ce qui est dit du Messie s’applique ici aux croyants.
L’apôtre use volontiers d’images empruntées à la vie militaire (Rm 6.13; 13.12; 1 Co 9.7; 2 Co 10.4). En 1 Thessaloniciens 5.8, il avait esquissé cette armure dont Éphésiens 6.14-17 offre une description complète. L’auteur avait-il devant les yeux la dure et forte figure du soldat de son temps? C’est possible, mais plutôt que de peindre d’après nature, il semble avoir cherché son modèle dans l’Ancien Testament. Il s’est inspiré d’Ésaïe 59.17 et d’autres passages du même livre. Ce vigoureux appel fait passer les lecteurs du plan des prescriptions éthiques au plan spirituel. Ils sont engagés dans un combat contre les puissances démoniaques auxquelles ils seraient livrés si Dieu ne leur offrait les armes, forgées par la victoire remportée sur le Calvaire, pour qu’ils en témoignent dans le monde1. Écoutons Calvin sur ce passage :
« Il retourne encore aux exhortations générales; et premièrement, il les admoneste d’être forts ou de prendre bon courage et force, parce qu’il y a toujours beaucoup de choses qui nous affaiblissent, et nous avons peu de courage quand il y faut résister. Mais parce que l’exhortation ne servirait pas à beaucoup, vu que notre faiblesse est si grande, si Dieu ne nous assistait et s’il ne nous tendait la main pour nous secourir, ou pour mieux dire, s’il ne nous donnait toute la puissance : il ajoute, “au Seigneur”, comme s’il disait “il ne faut point que vous répondiez que vous êtes dépourvus de puissance; je requiers seulement que vous soyez forts au Seigneur”. Et même aussitôt après, par manière d’explication, il ajoute “la puissance de sa force”, addition qui sert à donner une plus grande assurance, vu qu’elle exalte elle aussi l’aide que Dieu a coutume de donner à ses fidèles. Car s’il est vrai que le Seigneur aide aux siens d’une puissance merveilleuse, il ne faut point que nous soyons en doute au milieu du combat.
Mais quelqu’un dira : “Qu’était-il besoin de commander aux Éphésiens qu’ils fussent forts en la force de Dieu, vu qu’à la vérité cela n’était point en leur puissance?” Je réponds qu’il faut ici considérer deux choses : car il les exhorte à la constance et à la force; et puis, d’autant qu’ils défaillent en eux-mêmes, il les admoneste de demander au Seigneur ce qu’ils n’ont point; et il leur promet en même temps que la puissance de Dieu leur sera présente, s’ils la demandent.
Dieu est prêt à nous aider de toutes sortes d’aides, moyennant que nous ne soyons point paresseux à prendre ce qu’il nous offre. Mais voici en quoi nous faillons quasi tous : c’est que nous usons comme par forme d’acquit et lâchement de la grâce qui nous est offerte, comme si un soldat prenait son heaume et laissait là son bouclier quand il faut combattre et choquer contre l’ennemi! Ainsi donc, saint Paul, afin de corriger cette nonchalance ou plutôt cette paresse, emprunte une comparaison du fait de la guerre, et nous commande de vêtir toute l’armure de Dieu; mot par lequel il signifie que nous devons être garnis de tous côtés, afin que rien ne nous manque. Le Seigneur nous présente toutes sortes d’armes pour repousser tous les assauts de nos ennemis. Il ne nous reste plus qu’à les appliquer à notre usage, et à ne pas les pendre au croc. Et afin de nous rendre plus diligents, il nous admoneste que nous n’avons pas seulement à batailler à guerre ouverte, mais aussi que nous avons affaire à un ennemi cauteleux et rusé, qui ne demande qu’à nous surprendre secrètement par des embûches. Car le mot grec dont il use comporte cela. »
Du point de vue strictement humain, la situation pourrait sembler sans espoir. Comment traiter cet ennemi invisible et le renverser? Ou bien comment en empêcher l’avance? L’Église peut se dire heureuse si elle a appris que le Seigneur l’a déjà renversé et qu’elle a été elle-même dotée d’armes suffisantes pour aller à la rencontre d’un ennemi déjà vaincu. Lui qui nous a délivrés du pouvoir du poison de la mort et du pouvoir du péché, il nous soutient dans notre combat incessant.
Note
1. Voir Charles Masson, Commentaire, p. 221-223.