La langue du Nouveau Testament
La langue du Nouveau Testament
- Les principales langues au premier siècle
- Pourquoi le grec comme langue du Nouveau Testament?
- La nécessité de la connaissance du grec « koinè »
- Les particularités du grec « koinè »
1. Les principales langues au premier siècle⤒🔗
Quatre langues principales sont parlées dans le bassin méditerranéen au cours du premier siècle de notre ère : le latin, l’hébreu, l’araméen, et le grec dit « koinè », ou langue vernaculaire qui dérive du grec classique.
Le latin sert à Rome de langue de cour de justice et de littérature. Langue populaire largement répandue, elle est pratiquée en Afrique du Nord, en Espagne, dans la Gaule, en Bretagne et bien entendu en Italie. Elle est la langue des conquérants et des peuples soumis qui l’apprennent tout en l’assimilant à leur prononciation et en y introduisant certains termes de leur vocabulaire.
L’hébreu, depuis l’époque d’Esdras au 5e siècle avant J.-C., a cessé, ou presque, d’être parlé par le peuple, pratiqué seulement par des scribes qui s’en servent pour leur théologie.
Beaucoup plus que l’hébreu classique, l’araméen est largement répandu en Palestine; langue sémitique, elle est proche de l’hébreu. Saint Paul s’adressera en araméen au peuple de Jérusalem, lorsque, sur les marches de la forteresse Antonia, il improvisera devant ses accusateurs la défense de son ministère apostolique (Ac 22.2). Certains documents écrits des paroles de Jésus montrent que notre Seigneur s’est servi de l’araméen (Mt 27.46; Mc 7.34; Jn 1.42). Cette langue apparaît également dans le vocabulaire théologique de l’Église primitive. Des traces d’araméen s’y trouvent, dans des termes tels qu’Abba, signifiant Père (Rm 8.15) ou Maranatha, le Seigneur est proche (1 Co 16.22).
Ni le latin ni l’hébreu classique n’ont joué un rôle prépondérant et décisif comme le feront l’araméen et le grec pour l’expansion de la foi. Signalons en passant que l’inscription sur la croix du Christ était en latin, en hébreu et en grec (Jn 19.20), ce qui démontre l’importance qu’elles tenaient à cette époque.
Selon une tradition non vérifiée, certains documents relatifs à la vie et à l’enseignement de Jésus auraient été originairement rédigés en araméen et ensuite seulement traduits en grec. À notre avis, ce qu’il y a de sûr à ce sujet est que le Nouveau Testament, composé de 27 livres canoniques, a été mis en circulation exclusivement en langue grecque. Toutes les épîtres ont été rédigées en cette langue même s’il fallait concéder (quoiqu’aucun argument ne nous y contraint) que des bribes des paroles de Jésus aient pu être rassemblées et définitivement rédigées en araméen. C’est donc le grec « koinè » qui fut la langue de la rédaction des livres du Nouveau Testament. Langue culturelle du monde du bassin méditerranéen, elle servait de « lingua franca ». Peut-être notre Seigneur l’a-t-il connu et employé dans ses entretiens avec des non-Juifs?
Le grec fait partie de la famille des langues appelées indo-européennes du groupe de langues européennes du sud, de la branche hellénique, comprenant des subdivisions et dialectes tels que le dorien, l’éolien, l’ionien et l’attique. La « koinè » littéraire et la « koinè » populaire, le grec moderne divisé en « kathareuoussa », langue des puristes, académique et littéraire, et le grec démotique (populaire), sont tous deux dérivés du grec classique.
La « koinè » du Nouveau Testament est différente du grec classique. Toute langue vivante est sujette à des variations que lui imposent des changements sociaux, politiques ou culturels ainsi que des contraintes nouvelles apparaissant sous la pression des événements. Tel fut la destinée du grec classique.
2. Pourquoi le grec comme langue du Nouveau Testament?←⤒🔗
Pourquoi est-ce le grec « koinè », et non une autre langue, qui servit à la rédaction du Nouveau Testament? Avant même de répondre de manière directement liée à l’évolution littéraire du monde méditerranéen, exprimons pour commencer une certitude théologique.
À notre avis, c’est sous la providence divine que le grec fut répandu dans le monde méditerranéen comme « lingua franca » pour servir d’outil de choix dans la rédaction des livres du Nouveau Testament et contribuer ainsi à l’expansion du christianisme. Nous le placerons parmi les éléments préparatoires, ou des conditions humaines, choisis par le Saint-Esprit pour que le document de la Nouvelle Alliance, lui aussi son œuvre, rédigé sous son inspiration, puisse permettre la proclamation de l’Évangile. La langue grecque offrait tous les avantages pour exprimer parfaitement les pensées de Dieu et ainsi devenir le canal approprié de la prédication chrétienne.
C’est notre conviction que rien, absolument rien, dans l’économie du salut n’est dû au hasard. Si nous reconnaissons que l’Esprit Saint est l’auteur principal des 27 livres du recueil du Nouveau Testament, il n’y a pas de raison de penser que le grec « koinè » ne fut pas inclus dans son projet d’inspiration pour servir de langue élue en vue de la transmission du message divin.
Ce fut après l’arrivée des Romains et durant la dynastie des Hérodiens que le grec devint la langue officielle du gouvernement, quoique le latin devait également y servir. Dans quelle mesure le grec fut-il adopté par la population? Il est bien connu qu’avant l’ère chrétienne des centres hellénistiques en Palestine avaient de nombreux auteurs qui écrivirent en grec. En outre, le grec était employé dans des cercles sacerdotaux de Jérusalem. On suppose que l’instruction donnée à des enfants dut se faire en cette langue, non à cause de la pensée et la philosophie grecques, mais en vue des contacts à maintenir avec les Juifs de la Diaspora. Un grand nombre de scribes jérusalémites connaissaient le grec et le pratiquaient couramment. On suppose également qu’un Juif palestinien devait posséder une bonne maîtrise du grec. L’apôtre Paul qui, dès son jeune âge, séjourna à Jérusalem dut l’apprendre (voir Ac 21.37-39).
Il n’est pas aisé d’estimer la proportion de la population capable de parler en grec; en revanche, on peut être certain qu’une large partie ne parlait que l’araméen. On avance avec une certitude quasi générale que la Palestine du premier siècle avant J.-C., et peu après, fut trilingue. Cela ne veut pas dire que les trois langues furent pratiquées officiellement, comme c’est actuellement le cas de celles adoptées en Suisse : l’allemand, le français, l’italien. Cela veut au contraire laisser entendre que telle ou telle partie parlait l’une ou l’autre de ces langues. Outre l’araméen et l’hébreu, la connaissance du grec était surtout répandue dans les centres urbains.
Le grec s’est répandu en Palestine et au Proche-Orient d’abord par le commerce ou le service militaire temporaire, à partir d’Alexandre III, connu comme le Grand, après sa victoire sur l’Empire perse (334-324 avant notre ère). Il s’est répandu aussi par l’intermédiaire d’officiers permanents et de détachements militaires postés en des points stratégiques, par exemple dans la ville de Samarie. La langue parlée par ces nouveaux conquérants était l’attique, le dialecte d’Athènes, ville qui durant très longtemps tiendra un rôle considérable dans la politique grecque et maintiendra des relations commerciales étendues avec le reste du monde grec.
Les Grecs et les Macédoniens — ces derniers ne sont à vrai dire pas des Grecs, mais superficiellement hellénisés — se sont servis du dialecte attique comme moyen de communication. Le dialecte attique était également en cours dans le palais royal macédonien, à la résidence de Pella.
La langue officielle qu’adopta Alexandre était à peine différente de l’attique, quoique légèrement colorée d’ionien, qui fut un autre dialecte hellénique.
Après la mort d’Alexandre et l’effondrement de son empire qui donna naissance à quatre nouvelles dynasties, l’attique demeura la langue officielle des nouveaux royaumes formés des restes du pouvoir central. Ce fut le cas en Palestine qui échut aux Ptolémées (dynastie égyptienne) et à leurs successeurs jusqu’en 198 avant J.-C. Dû à son nouveau rôle, ce grec fut baptisé « koinè dialektos », langue commune. Durant la brève période de l’hégémonie des Séleucides, la dynastie macédonienne, sur la Palestine et la Syrie, la situation linguistique du pays ne changea pas.
Rappelons pour mémoire que l’introduction du grec en Palestine remonte à plus haut que les conquêtes d’Alexandre le Grand. Déjà au 6e siècle avant notre ère, dans le livre du prophète Daniel, nous trouvons des termes grecs tels que « kitharis », « psalterion », « sumphonoi ». Bien entendu, ces termes ont été quelque peu aramaïsés, ce qui prouve que le grec était déjà introduit chez les Juifs. Sa présence devait remonter plus haut encore qu’à l’époque de Daniel, à ces émigrations grecques et aux premières vagues vers l’Orient, lors des invasions pacifiques, sous les fils de Javan (voir Gn 10.4; 1 Ch 1.7).
Cependant, la première fois que le grec apparaît en Palestine et dans d’autres régions voisines c’est lors des conquêtes méditerranéennes. La conquête militaire est accompagnée de la conquête linguistique. Cette dernière est totale et sa prédominance durera plus longtemps encore que le pouvoir militaire. Après la disparition des états créés par la dynastie succédant au Grand Macédonien et après l’absorption par Rome de certains pays qui jusque là étaient soumis à l’hégémonie des Ptolémées et des Séleucides, le grec restera la langue parlée et jouira d’une grande popularité jusque dans la capitale de l’empire. À tel point que des historiens parlent de la conquête de Rome par le grec, la victoire culturelle du vaincu remportée sur le vainqueur! Si le grec n’a pas réussi à supplanter totalement le latin, néanmoins il a pu s’imposer à côté de lui et se faire parler couramment en Italie. Dans les classes supérieures, il servit de langue culturelle. Les couches populaires ne l’ignorèrent pas, d’autant plus que la majorité des esclaves qui peuplaient la capitale (plus d’un million?) parlaient le grec comme langue maternelle.
Ainsi, entre 325 et 63 avant notre ère, le grec s’est établi dans le monde autour de la Méditerranée. Il permit l’expansion et l’adoption de la culture grecque, en assimilant celle des peuples indigènes. Il restera en usage jusqu’au 6e siècle de notre ère. Durant son expansion, il fut encore simplifié et divisé en des idiomes que parlaient des Grecs et des non-Grecs.
La nouvelle capitale des Séleucides, fondée en 312 avant notre ère dans la proximité de Babylone, était entièrement hellénique. Ici vivaient des Juifs (600 000 selon les estimations de l’époque) à Suse et en Séleucie, formant une très grande colonie. Un grand nombre de Juifs parlant le grec pouvaient venir de l’est et prendre part à la célébration de la Pentecôte. Pierre, dont la langue maternelle dut être l’araméen, se servira plus tard du grec pour s’entretenir avec Corneille (Ac 10.25-28).
Les émigrés Juifs qui se trouvaient dans leur nouveau pays depuis déjà plusieurs générations n’avaient qu’une connaissance minime de l’hébreu et de l’araméen. Ils en avaient abandonné l’usage jusque dans leurs foyers. Bien qu’ils fussent encore capables de les lire et de les comprendre, ils ne s’en servaient plus dans leurs conversations quotidiennes. Sans doute étaient-ils nombreux ceux qui ne les connaissaient même pas. Ceci à lui seul peut expliquer pourquoi la plupart des lettres adressées à des Juifs de la Diaspora furent rédigées en grec, non seulement ceux de la Grèce ou de la Macédoine, mais encore partout ailleurs dans l’empire où s’étaient installés des colonies juives, à Rome comme en Asie Mineure. Pour ce qui est des particuliers, on sait par exemple que Timothée était un demi-Grec du côté de son père, Tite totalement Grec et Philémon et Gaïus, bien que nous n’ayons pas d’indications très précises, furent familiers de cette langue. Le livre des Actes comme l’Évangile selon Luc sont dédiés à un nommé Théophile, qui est certainement un Grec, comme l’est aussi leur auteur Luc, le médecin bien-aimé.
La Palestine fut à son tour soumise au même régime linguistique. Elle deviendra trilingue. On y pratiquera sans doute aussi bien l’araméen que le grec et le latin. Par rapport à la langue que les Juifs parlaient durant cette période, on peut les séparer en deux groupes distincts, ceux qui pratiquent l’hébreu représentent la fraction conservatrice, attachée aux traditions ancestrales, et les « hellénistes » qui forment la fraction du peuple expatrié, ceux de la Diaspora. Ces derniers subissent fortement l’influence de la culture et de la civilisation grecques. Le grec devient leur langue maternelle.
Déjà au cours des 3e et 2e siècles avant notre ère, pour répondre à leurs besoins, l’Ancien Testament avait été traduit dans la version connue sous le nom de Septante (LXX).
Il est intéressant de noter que ce fut un incident entre Juifs hébraïques et Juifs hellénistiques qui donna lieu à l’élection et à l’ordination des premiers diacres de l’Église apostolique (Actes 6), et dont les noms sont en grec, ce qui est une assez claire indication sur leur origine hellénistique.
Il est vraisemblable que le jour de Pentecôte (Actes 2), pour se faire bien comprendre de tous, Pierre s’adressa en langue grecque à la foule massée devant la maison servant de lieu de rencontre des apôtres et des disciples.
Il est probable que, lors de ses tournées en Décapole, notre Seigneur ait échangé en grec avec des personnes d’origine non-juive. Matthieu nous rapporte que, dans la multitude qui constitua l’auditoire du sermon sur la montagne, se trouvaient des gens venus de la Décapole et de Pérée (Mt 4.25), ce qui laisse supposer que Jésus dut se servir des mots grecs ou que certaines parties de ce discours furent prononcées en cette langue. On signale enfin que lorsque l’évangéliste cite un passage de l’Ancien Testament, il en fait une traduction personnelle, tandis que lorsqu’il se réfère à une citation faite par Jésus, il la tire de la version des Septante, ce qui laisse entendre que Jésus devait être familier avec cette version grecque. Sans doute dut-il s’adapter à son auditoire lors de chacun de ses discours.
Les 27 livres du canon du Nouveau Testament ont été rédigés en grec « koinè », ce qui ne devrait soulever aucune objection. Cependant, à cet endroit, une mise au point s’avère nécessaire. C’est à propos d’une tentative de traduction du Nouveau Testament grec faite à partir de l’araméen, afin (ainsi qu’on le prétend) que l’on puisse mieux saisir le sens des discours de Jésus. Aussi intéressante soit-elle, à nos yeux, cette tentative remet en question l’inspiration et l’autorité mêmes de la langue et du texte du Nouveau Testament. Ici, il ne s’agit plus d’une traduction, mais plutôt d’une habile interprétation théologique des discours du Christ marquée par des a priori, ce qui est bien étonnant dans un travail scientifique qui se prétend rigoureux et réclame le respect!
3. La nécessité de la connaissance du grec « koinè »←⤒🔗
Dès l’antiquité, certains savants eurent des réactions positives, d’autres négatives à l’égard de la langue du Nouveau Testament.
Ceux qui lui reconnaissent des imperfections les expliquent par la nécessité d’écrire dans une langue qui devait être comprise par le commun des mortels, souvent par des esclaves incultes. En revanche, ceux qui en louent les qualités littéraires le tiennent en soi-même pour une langue inspirée. Nous ne nous étendrons pas sur l’histoire de ces diverses appréciations. Signalons seulement en passant que les parties du Nouveau Testament qui présentent la plus grande valeur du point de vue linguistique sont les deux livres de Luc, l’Évangile qui porte son nom et le livre des Actes des apôtres. Les lettres de Paul (au total 13) et la lettre anonyme aux Hébreux, de loin la mieux construite sur le plan du langage et du style littéraire, les autres livres, Évangiles, lettres dites « catholiques » et les écrits de Jean offrent une valeur littéraire moindre.
L’essentiel pour toutes les parties qui composent notre Nouveau Testament consiste à connaître les particularités de cette langue à l’aide d’outils philologiques et littéraires appropriés afin d’en dégager le sens original et de transmettre fidèlement le message du salut.
4. Les particularités du grec « koinè »←⤒🔗
L’une des particularités qui sautent aux yeux est l’influence des sémitismes, c’est-à-dire des expressions hébraïques ou araméennes dans le style et le vocabulaire de tel ou tel auteur. Cela dit, il nous faut éviter de penser que la « koinè » du Nouveau Testament ne fut qu’un nouveau dialecte, amalgame du grec et de l’araméen, ou de l’hébreu. Toutefois, les hébraïsmes y sont bien nombreux. On en décèlera deux sources : L’une consiste en l’effort des auteurs à rendre aussi fidèlement que possible les paroles prononcées en araméen. L’influence des sémitismes se fait notamment sentir sur les parties récitatives ou les entretiens. Ailleurs, elle est moins forte. L’autre source se trouve dans l’influence de la version grecque des LXX sur le mode de penser, le vocabulaire et la manière religieuse des auteurs du Nouveau Testament. On peut citer, par exemple, le « voyant il a vu » ou le célèbre « en vérité en vérité », qui sont une manière emphatique du parler hébreu.
Cette même influence a permis la formation d’un vocabulaire théologique lequel autrement ferait défaut. Ainsi, « ilaskomai » (expiation) ou « dikaiosunè » (justice) sont des termes auxquels l’Ancien Testament avait donné un sens plus large et un contenu nouveau qu’ils ne possédaient pas dans l’usage profane. Pendant la période de la rédaction du Nouveau Testament, un vocabulaire théologique adapté au message des auteurs se trouvait ainsi disponible.
Une raison majeure nécessitant l’étude de la « koinè » est la découverte au cours du 19e siècle de très nombreux manuscrits sur papyrus dans les sables chauds de la région du Nil, en Égypte. De même, mentionnons la lecture des ostraka, qui ont été mis à jour lors des fouilles archéologiques. Actuellement, les savants sont en possession d’une abondante variété de matériaux et documents provenant de l’antiquité qui nous permettent une étude comparative de ces derniers avec la langue qu’utilisèrent les auteurs du Nouveau Testament. Plus la « koinè » est étudiée à la lumière de ces documents, plus les ressemblances littéraires étroites avec la langue du Nouveau Testament apparaissent. On parvient à la certitude que cette langue est précisément celle que des auteurs grecs profanes de cette période, tels que Polybe, Strabon, Épictète, Lucien, Plutarque, ont employée. Même un auteur plus ancien comme Aristophane montre des rapports assez proche avec la « koinè » du Nouveau Testament.
Du point de vue philologique, ce qui caractérise la « koinè » est la simplicité de son vocabulaire et la simplification des règles de syntaxe. Par rapport au grec classique, on trouvera des modifications de valeurs phonétiques et dans les diphtongues, ce qui la rapproche davantage du grec moderne que de l’attique classique.
Dans les inscriptions ou écrits sur papyrus, on trouvera certaines imperfections de style. Par exemple, un certain Ermocrate qui écrit à son fils Cherée : au lieu du classique « éan » (si), il écrit « aian », ou bien à la place du correct « kindineuo » il a « kindinevo » (je suis en danger), de même au lieu de « épei » il écrit « épi » et au lieu du « déomai » classique (je dois), il emploie « déomè ».
Certaines de ces particularités expliquent aussi des passages qui présentent une réelle difficulté théologique. Par exemple, dans Marc 4.12 : « … mais pour ceux du dehors, tout se passe en paraboles, afin que (“ina”) tout en regardant bien, ils ne voient pas… » L’original grec « ina » (afin que) n’indique aucunement un but à atteindre, l’objectif de la parabole, mais plutôt une condition existante avec laquelle les paraboles doivent se conformer, se mettre d’accord. Le parallèle de Matthieu 13.13 explique mieux encore cette même idée. Là est employé le « oti » au lieu de « ina », mais les deux conjonctions possèdent le même sens.
La connaissance du grec permettra non seulement au savant de bien accomplir son travail, mais encore au pasteur-prédicateur de mieux préparer son message à l’aide d’une étude approfondie du texte original. L’étude du grec du Nouveau Testament est absolument indispensable pour l’étudiant en théologie, aussi sa pratique devrait être constante pour tout pasteur chargé de la proclamation de l’Évangile. Une telle étude évitera de tomber dans le travers des déformations de certaines versions farfelues (par exemple l’affligeante, si ce n’est hérétique, Living Bible en américain), ou d’accepter comme parole d’Évangile ce que n’importe quel commentateur cherche à faire imprimer à tout prix. Le prédicateur est responsable devant Dieu de la manière dont il devra rendre clair et transmettre le message divin du salut. Voici une illustration tirée du quatrième Évangile.
L’Évangile selon Jean, qui, à cause de sa simplicité, est proposé comme un texte d’étude au débutant, possède une méthode de composition différente de celle des écrits de l’apôtre Paul. Cette méthode n’apparaît qu’aux yeux de celui qui l’étudiera dans l’original grec. Ainsi, très souvent, il réunit en plusieurs groupes de phrases un ensemble par une utilisation orthodoxe au point de vue grammatical du « kai », la conjonction « et » en grec.
« Après cela, Jésus se rendit avec ses disciples dans la terre de Judée, et là il y séjourna avec eux et il y baptisait. Jean aussi baptisait à Enon, près de Salim parce qu’il y avait beaucoup de points d’eau; et on s’y rendait [la multitude] pour être baptisé » (Jn 3.22-23).
Ce style montre comment la langue du quatrième Évangile est plus proche du vernaculaire. Parfois, ceci donne lieu à un double sens non nécessairement compris par l’interlocuteur, par exemple dans le cas de Nicodème qui confond la nécessité de la nouvelle naissance avec une naissance biologique. D’autres exemples abondent aussi.
Ces quelques exemples cherchent à montrer la nature des « problèmes » que peut soulever un style différent chez un auteur et l’influence des sémitismes.
Pour conclure, citons S. Van der Woude :
« Un rapide coup d’œil sur le texte du Nouveau Testament, qui imprime les citations de l’Ancien Testament en caractère gras ou les distingue d’une autre manière, montrera combien le Nouveau Testament est plein de citations de l’Ancien Testament. Celles-ci sont tirées de la version grecque des Septante, excepté quelques passages du livre de Daniel qui utilise un grec différent… De la même manière, le Nouveau Testament contient plusieurs hébraïsmes et des aramaïsmes qui ne dérivent pas du grec des Septante, notamment dans les Évangiles et l’Apocalypse de Jean (voir Mc 6.39-40). En grec, le substantif ne peut être dit de façon répétitive. Mais l’araméen contient une forme de construction qui lui donne le sens distributif. À cause de ces particularités, la langue des Septante et celle du Nouveau Testament diffèrent de celle employée par des auteurs païens de la même période. »