Nous confessons un seul Dieu en trois personnes
Nous confessons un seul Dieu en trois personnes
Quelles sont les conditions pour qu’un amour véritable puisse se manifester? Ne faut-il pas au moins deux personnes, car l’amour est une relation qui se manifeste entre des personnes qui sont distinguées l’une par rapport à l’autre, tout en apportant une merveilleuse unité entre elles? Pensez à l’amour qui unit un homme et une femme psychologiquement, affectivement et physiquement. Pour qu’un véritable amour puisse se manifester, il faut donc qu’il y ait une relation entre des personnes distinguées entre elles. Or, l’amour qui peut exister entre des humains est conditionné par l’amour éternel qui existe entre les trois personnes de la Trinité, le Dieu unique en trois personnes distinguées comme Père, Fils et Saint-Esprit, et qui se révèle comme tel sur les pages de la Bible. Seul le Dieu trinitaire est la source d’un amour véritable, puisqu’il vit éternellement en lui-même cette relation d’amour entre les personnes du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Il la vit dans une unité parfaite qui fait de lui un Dieu unique (et non pas trois dieux ou même un Dieu avec trois modes d’existence alternés).
Lorsque Dieu a créé l’univers, il a imprimé sur sa création la marque de son être, une unité et une diversité qui doivent à tout moment vivre en parfaite harmonie l’une avec l’autre, sans que l’unité soit vécue au détriment de la diversité, et sans que la diversité soit vécue au détriment de l’unité. C’est là la marque la plus parfaite de l’amour véritable, c’est en accord avec cette marque que les relations humaines et autres peuvent être vécues dans une parfaite harmonie. Seul le Dieu unique en trois personnes en est la source.
Exprimant l’amour qui l’unit à son Père, Jésus-Christ a ainsi prié Dieu en faveur de ses disciples, avant de se livrer et de donner sa vie pour eux :
« Ce n’est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous soient un : comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. Et moi je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, afin qu’ils soient un comme nous sommes un — moi en eux, et toi en moi — afin qu’ils soient parfaitement un, et que le monde connaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés, comme tu m’as aimé. Père, je veux que là où je suis ceux que tu m’as donnés soient aussi avec moi, afin qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée, parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde. Père juste, le monde ne t’a pas connu : mais moi je t’ai connu, et ceux-ci ont connu que tu m’as envoyé. Je leur ai fait connaître ton nom, et je leur ferai connaître, afin que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi, je sois en eux » (Jn 17.20-26).
Voyez-vous, l’enseignement chrétien concernant la Trinité n’est pas quelque chose qui peut être présenté logiquement, comme si la raison humaine pouvait par elle-même comprendre le mystère de l’être de Dieu. Toute tentative pour utiliser une telle logique est vouée à l’échec. Dieu ne peut être réduit à une conception mathématique de l’unité, car toute notion mathématique présente dans l’univers dérive son existence de Dieu lui-même et ne le précède pas. Et pourtant, ce mystère, qui est progressivement révélé par Dieu lui-même dans l’Écriture sainte, est parfaitement acceptable pour la raison justement parce qu’il concerne la personne de Dieu et qu’il donne sens à tous les aspects de l’existence humaine, par exemple la nature de l’amour véritable. C’est pourquoi, loin de le considérer comme une spéculation théologique risquée, il faut constamment revenir sur la nature et l’œuvre du Dieu trinitaire, puisqu’il se révèle comme tel dans la Parole qu’il a adressée aux hommes au cours de l’histoire. Jésus-Christ a même envoyé ses disciples pour annoncer la Bonne Nouvelle de l’Évangile en leur commandant de baptiser les hommes et femmes au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Les disciples ne peuvent pas prêcher un autre Dieu que celui-là.
Nous méditons dans le reste de cet article sur l’enseignement biblique concernant le Dieu trinitaire, Père, Fils et Saint-Esprit, à la lumière des confessions de foi de l’Église du passé, qui demeurent toujours pleinement valables pour l’Église d’aujourd’hui et de demain, car elles affirment des vérités inchangeables sur l’être de Dieu et sur son plan de rédemption pour l’humanité. Les confessions de foi les plus anciennes sont formulées et structurées autour de la confession de la Trinité. Je citerai d’abord la plus connue de ces confessions de foi, qu’on appelle le Symbole des apôtres. Elle n’a pas été rédigée par les apôtres de Jésus-Christ comme son nom pourrait le faire penser, mais a été établie dans sa forme finale vers l’an 700, il y a donc mille trois cents ans. Une confession plus ancienne, qui date probablement de la deuxième moitié du 2e siècle, lui a sans doute servi de base :
« Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre. Je crois en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui a été conçu du Saint-Esprit et qui est né de la vierge Marie. Il a souffert sous Ponce Pilate. Il a été crucifié, il est mort, il a été enseveli; il est descendu aux enfers; le troisième jour, il est ressuscité des morts; il est monté au ciel; il s’est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant; il viendra de là pour juger les vivants et les morts. Je crois en l’Esprit Saint; je crois la sainte Église universelle, la communion des saints, la rémission des péchés, la résurrection de la chair et la vie éternelle. »
La Confession dite de Nicée-Constantinople est plus ancienne que le Symbole des apôtres, même si sa forme finale date de la fin du premier millénaire. Au Concile de Nicée convoqué par l’empereur romain chrétien Constantin en l’an 325, quelque trois cents évêques ont affirmé sans ambiguïté la pleine divinité de Jésus-Christ Fils de Dieu, qui n’est pas une création de Dieu le Père, comme le soutenait les partisans d’un certain Arius. Les ariens soutenaient que Jésus-Christ, aussi digne et élevé soit-il, n’avait pas toujours existé et était d’une nature certes similaire à celle du Père, mais tout de même pas de la même nature. La position doctrinale des ariens fut donc rejetée au Concile de Nicée (endroit situé sur le Bosphore, non loin d’Istanbul, l’actuelle capitale de la Turquie). Pourtant les ariens continuèrent à propager cet enseignement anti-trinitaire tout au long du 4e siècle. L’exceptionnel Père de l’Église Athanase, évêque d’Alexandrie, combattit par ses écrits la position arienne; il dut payer ce combat de sa personne, étant réduit à l’exil cinq fois au cours de sa remarquable carrière, sans jamais cependant faiblir dans sa lutte pour maintenir l’affirmation doctrinale de Nicée, qu’il avait lui-même contribué à faire accepter.
Quelques années après sa mort le prochain grand Concile de l’Église, tenu en l’an 381 dans la capitale de l’Empire romain Constantinople, allait réaffirmer la Confession de Nicée tout en y ajoutant une large section concernant la divinité et l’œuvre du Saint-Esprit. Plus tard, un ajout apparemment mineur, mais en fait de grande importance serait la cause principale de la séparation entre l’Église d’Occident et l’Église d’Orient, en l’an 1054 : l’Église orthodoxe grecque (suivie par bien d’autres églises orientales, comme l’Église orthodoxe russe) se séparerait des Églises dirigées par l’évêque de Rome. Je vous cite ce Symbole de Nicée Constantinople tel qu’il est encore aujourd’hui confessé par un très grand nombre d’Églises chrétiennes de par le monde :
« Je crois en un seul Dieu, Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles. Je crois en un seul Seigneur, Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré et non créé, d’une même substance que le Père et par qui tout a été fait, qui, pour nous les hommes et pour notre salut, est descendu des cieux et s’est incarné par le Saint-Esprit dans la vierge Marie et a été fait homme. Il a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate, il a souffert, il a été enseveli, il est ressuscité des morts le troisième jour, d’après les Écritures, il est monté aux cieux, il s’est assis à la droite du Père. Il reviendra pour juger les vivants et les morts. Son règne n’aura pas de fin. Je crois en l’Esprit Saint, qui règne et donne la vie, qui procède du Père et du Fils, qui a parlé par les prophètes, qui avec le Père et avec le Fils est adoré et glorifié. Une seule Église sainte et apostolique. Je confesse un seul baptême pour la rémission des péchés, J’attends la résurrection des morts et la vie du siècle à venir. Amen. »
Une autre confession de foi largement acceptée par les Églises chrétiennes, le Symbole dit d’Athanase, porte le nom de cet important Père de l’Église, bien que là aussi il s’agisse d’une attribution fautive. C’est en fait trois siècles après la mort d’Athanase qu’on allait attribuer pour la première fois cette confession à l’évêque d’Alexandrie. Cette confession de foi apparaît pour la première fois dans un sermon prononcé vers l’an 500 au sud de la Gaule, c’est-à-dire de la France actuelle. Elle affirme de manière beaucoup plus articulée que les deux précédents symboles l’enseignement concernant la Trinité, c’est-à-dire un Dieu unique en trois personnes distinguées. À l’aide de quarante propositions ou versets chacune divisée en deux sections bien distinctes, elle définit la foi universelle, appelée catholique tout au long de ce texte (du mot grec qui a précisément cette signification) :
« Voici quelle est la foi catholique : vénérer un seul Dieu dans la Trinité et la Trinité dans l’unité, sans confondre les personnes et sans diviser la substance.
La personne du Père est une, celle du Fils est une, celle du Saint-Esprit est une; mais le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne forment qu’un seul Dieu. Ils ont une gloire égale et une majesté coéternelle, tel est le Père, tel est le Fils, tel est le Saint-Esprit.
Le Père est non créé, le Fils est non créé, le Saint-Esprit est non créé. Le Père est immense, le Fils est immense, le Saint-Esprit est immense. Le Père est éternel, le Fils est éternel, le Saint-Esprit est éternel : et cependant, il n’y a pas trois éternels, mais un seul éternel, de même qu’il n’y a pas trois non créés, ni trois immenses, mais un seul non créé et un seul immense. De même, le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu; et cependant, il n’y a pas trois dieux, mais un seul Dieu, parce que de même que la vérité chrétienne nous oblige de confesser que chaque personne séparément est Dieu et Seigneur, de même la religion catholique nous défend de dire trois Dieux ou trois Seigneurs.
Le Père ne tient son existence d’aucun être; il n’a été ni créé ni engendré. Le Fils tient son existence du Père seul; il n’a été ni fait, ni créé, mais engendré. Le Saint-Esprit n’a été ni fait, ni créé, ni engendré par le Père et le Fils, mais il procède du Père et du Fils. Il y a donc un seul Père, non trois Pères, un seul Fils, non trois Fils, un seul Saint-Esprit, non trois Esprits Saints. Et dans cette Trinité, il n’y a ni passé, ni futur, ni plus grand; mais les trois personnes tout entières sont coéternelles et coégales; de sorte qu’en tout, comme il a été dit déjà, on doit adorer l’unité dans la Trinité et la Trinité dans l’unité. Celui donc qui veut être sauvé doit avoir cette croyance de la Trinité. Mais il est encore nécessaire pour le salut éternel de croire fidèlement l’incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ. La foi exacte consiste donc à croire et à confesser que notre Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, est Dieu et homme. Il est Dieu, étant engendré de la substance du Père avant tous les temps; il est homme, étant né dans le temps de la substance de sa mère; Dieu parfait et homme parfait, composé d’une âme raisonnable et d’une chair humaine; égal au Père selon la divinité; inférieur au Père selon l’humanité. Et bien qu’il soit Dieu et homme, il n’est pas néanmoins deux personnes, mais un seul Christ; il est un, non que la divinité ait été changée en humanité, mais parce qu’il a pris l’humanité pour l’unir à la divinité; un enfin, non par confusion de substance, mais par unité de personne; car comme l’âme raisonnable et le corps sont un seul homme, de même Dieu et l’homme sont un seul Christ qui a souffert pour notre salut, est descendu aux enfers, est ressuscité le troisième jour, est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant, d’où il viendra pour juger les vivants et les morts.
À son avènement, tous les hommes doivent ressusciter avec leur corps et ils rendront compte de leurs propres actions. Et ceux qui auront fait le bien iront dans la vie éternelle; ceux qui auront fait le mal, dans le feu éternel.
Telle est la foi catholique : quiconque ne la croit pas fidèlement ne pourra être sauvé. »
Le Symbole dit d’Athanase s’attache à exclure toute forme de polythéisme : il n’y a pas trois dieux, mais un seul Dieu. Les trois personnes de la Trinité ne sont pas chacune un tiers de Dieu, qui ensemble formeraient la totalité de la divinité, mais chacune est pleinement Dieu, avec tous ses attributs divins : éternité, immensité, toute-puissance. Une erreur répandue à l’époque consistait à croire que Dieu se révèle tantôt comme Père, tantôt comme Fils, tantôt comme Saint-Esprit, donc selon différents modes d’action et de manifestation. Cet enseignement, qu’on appelle le modalisme, cherchait justement à satisfaire la logique humaine : la nature indivisible du Dieu unique empêchait, selon les modalistes, que l’on puisse parler de trois personnes à la fois distinctes et coéternelles. Une autre attaque contre la Trinité provenait du parti des ariens, qui suivaient l’enseignement d’Arius. Selon eux, il y aurait deux natures divines différentes, celle du Père et celle du Fils, la seconde créée par le Père et subordonnée à lui.
Dans la seconde partie du Symbole dit d’Athanase se trouve exprimée la foi de l’Église dans l’incarnation du Fils de Dieu, devenu pleinement homme sans que la nature divine du Fils ait disparu de la personne de Jésus-Christ. La nature divine et la nature humaine de Jésus-Christ ont été unies ensemble en une seule personne, sans que ces deux natures disparaissent, soient diminuées ou soient confondues pour autant. Le Symbole des apôtres comme celui de Nicée l’affirmaient déjà, en accord avec ce que le Nouveau Testament enseigne : « Il a été conçu du Saint-Esprit et est né de la vierge Marie. » Jésus-Christ a connu à la fois une conception divine et une naissance humaine.
Pour certains, Jésus-Christ avait une seule nature; pour d’autres, sa nature humaine était incomplète; pour les ariens, comme nous venons de le voir, la nature divine de Jésus-Christ était inférieure à celle du Père. Pour d’autres enfin, l’union des deux natures signifiait que l’une d’entre elles se trouvait absorbée par l’autre ou disparaissait simplement. Le Symbole d’Athanase rejette clairement tous ces enseignements. Relisons un passage de cette confession :
« Et bien qu’il soit Dieu et homme, il n’est pas néanmoins deux personnes, mais un seul Christ; il est un, non que la divinité ait été changée en humanité, mais parce qu’il a pris l’humanité pour l’unir à la divinité; un enfin, non par confusion de substance, mais par unité de personne. »
Lorsque nous lisons les confessions de foi de l’Église universelle, comme le Symbole dit des apôtres, celui de Nicée-Constantinople ou encore le Symbole dit d’Athanase, nous voyons clairement que leur structure centrale, la manière dont elles sont organisées, est avant tout trinitaire. À l’intérieur de cette organisation se trouve exposée la foi en l’incarnation du Fils de Dieu devenu homme pour le salut de l’humanité. La foi chrétienne est bien celle-ci : croire au Dieu qui s’est révélé comme Dieu unique en trois personnes distinctes, et croire que le Père a envoyé sur la terre son Fils éternel pour réconcilier avec lui une humanité perdue et lui insuffler une vie nouvelle par l’action du Saint-Esprit. Comme le dit le Symbole dit d’Athanase :
« Celui donc qui veut être sauvé doit avoir cette croyance de la Trinité. Mais il est encore nécessaire pour le salut éternel de croire fidèlement l’incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ. » Et il conclut par cet avertissement solennel : « Telle est la foi catholique [c’est-à-dire universelle] : quiconque ne la croit pas fidèlement ne pourra être sauvé. »