Psaume 103 - Présence de Dieu
Psaume 103 - Présence de Dieu
« Comme un père a compassion de ses enfants, ainsi l’Éternel a compassion de ceux qui le craignent. »
Psaume 103.13
La présence du Dieu de la Bible est intimement liée à son divin pouvoir et à sa sagesse infinie. La création du monde, de même que la rédemption des hommes, ont été depuis toujours le champ où se déploie la puissance du Créateur et où se révèle sa sagesse paternelle. « Que tes œuvres sont en grand nombre, ô Éternel! Tu les as toutes faites avec sagesse. La terre est remplie de ce que tu possèdes » (Ps 104.24). Et l’apôtre Paul, dans un texte extraordinaire, s’exclame :
« Ô profondeur de la richesse, de la sagesse et de la connaissance de Dieu! Que ses jugements sont insondables et ses voies impénétrables! Qui a connu la pensée du Seigneur ou qui a été son conseiller? » (Rm 11.33-34).
Cependant, la présence divine nous révèle bien davantage que puissance et sagesse. Si l’une est la vertu de sa divine personne, qui prouve la perfection de ses actes que l’autre dévoile clairement, nous découvrons en lui une richesse de sentiments (même si les limites de notre nature humaine ne nous permettent pas d’en saisir entièrement la nature et la signification) qui nous laissent émerveillés : « Comme un père a compassion de ses enfants, ainsi l’Éternel a compassion de ceux qui le craignent » (Ps 103.13).
Mais les sentiments divins peuvent aussi se traduire à travers sa redoutable colère, qui bouleverse peuples et nations et qui fait trembler les puissants de la terre. Écoutez encore le psalmiste déclarer et avertir :
« Et maintenant, rois, ayez du discernement, recevez instruction, juges de la terre! Servez l’Éternel avec crainte […] de peur qu’il ne se mette en colère et que vous ne périssiez dans votre voie. Car sa colère est prompte à s’enflammer » (Ps 2.10).
Ainsi, le Dieu de la Bible n’est ni une personne distante ni une personne impassible. Pour le connaître et pour reconnaître son attitude envers nous, nous aurons donc à tenir compte de ses émotions saintes. Nos propres émotions témoignent de notre sympathie, dans la joie ou dans la peine, vis-à-vis de nos proches. Dans la paix ou dans la faute, dans l’espérance ou dans le désespoir, nos émotions nous permettent de nous engager plus profondément, par l’action ou par les idées, en faveur des autres. C’est ainsi que Dieu s’engage en notre faveur. Son pouvoir majestueux et sa sagesse bienfaisante se rapprochent de nous grâce aux émotions propres à sa divine personne.
Ce rapport de Dieu avec les hommes est parfaitement illustré dans l’Écriture par l’analogie du mariage. Dieu y est décrit comme l’époux de son peuple, et les prophètes de l’Ancien Testament ont eu souvent recours à cette image, reconnaissant ainsi le riche contenu des sentiments de Dieu. Le prophète Osée en a donné une description émouvante et dramatique qui nous bouleverse chaque fois que nous la lisons :
« Plaidez, plaidez contre votre mère, car elle n’est pas ma femme, et moi je ne suis pas son mari! Qu’elle ôte de sa figure les signes de ses prostitutions, et de son sein les signes de ses adultères! » (Os 2.4).
Plus loin, le prophète Ésaïe a pris les accents d’une rare, d’une insurpassable élévation en décrivant les sentiments dont était mû le Dieu de l’alliance :
« Sois sans crainte, car tu ne seras pas honteuse; ne sois pas confuse, car tu ne seras pas déshonorée; mais tu oublieras la honte de ta jeunesse et tu ne te souviendras plus du déshonneur de ton veuvage. Car celui qui t’a faite est ton époux : l’Éternel des armées est son nom; et ton rédempteur est le Saint d’Israël. Il se nomme Dieu de toute la terre; car l’Éternel te rappelle comme une femme abandonnée dont l’esprit est affligé. La compagne de jeunesse peut-elle être répudiée? dit ton Dieu… » (És 54.4-6).
Le Nouveau Testament ne reste pas en retrait par rapport à cette description. Le Christ nous est présenté comme l’Époux aimant, tendre et dévoué de son épouse, l’Église. Connaître Dieu dans et avec les sentiments, voilà qui enrichira et confortera notre foi en lui. Ses sentiments sont la dynamique vigoureuse qui met en branle son amour créateur ou qui déclenche une colère vigoureuse.
Or, précisément à cause de cet aspect de la personne divine, nos offenses et nos transgressions blessent Dieu dans ce qu’il y a de plus profond en lui. Notre péché est de même nature que l’infidélité de l’épouse volage qui offense son mari et le fait souffrir. Puis-je me permettre de dire que Dieu souffre de notre révolte? Car le péché n’est pas seulement révolte, mais encore source de peine pour Dieu, et c’est pourquoi il donne lieu à sa sainte colère. Mais la colère de Dieu n’est pas ressentiment amer et stérile. C’est l’autre face de son amour offensé qui se manifeste en présence de notre trahison. La colère de Dieu est ce qui préserve et maintient intact son amour envers nous. Dieu ne reste donc pas indifférent devant l’iniquité qui détruit l’objet de son amour.
Voilà ce qui explique que même le courroux de Dieu sert à nous appeler à la repentance. Écoutez ces lignes du livre du Deutéronome : « Rien de ce qui sera voué à l’interdit ne s’attachera à ta main, afin que l’Éternel revienne de l’ardeur de sa colère et qu’il t’accorde sa compassion » (Dt 13.18).
Les sentiments de Dieu nous permettent de comprendre la raison de la mort expiatoire du Christ. La mort du Christ, nous l’apprenons par le Nouveau Testament, est une mort de substitution, de remplacement. Elle se comprend comme une substitution juridique. Pourtant, il ne faut pas en éliminer l’élément émotif qui l’entoure et la pénètre de part en part. Il y a dans cette passion et cette mort une intensité indescriptible.
Même chez l’homme pécheur les sentiments tendent très souvent à remplacer la peine ou la douleur d’un être bien-aimé. Combien de parents, parmi nous, n’en témoigneraient-ils pas! Dans l’Ancien Testament, c’est inévitablement l’exemple du roi David qui vient à l’esprit. Ayant appris la mort tragique de son fils rebelle Absalom, David pleura amèrement, exprimant avec des accents pathétiques le vœu d’être mort à la place de son fils (2 S 19.1-2). Et pourtant, nos sentiments humains ont leurs limites.
Personne, parmi nous, ne peut totalement et adéquatement remplacer autrui. L’émotion de Dieu dépasse infiniment le plus pur et le plus désintéressé de nos sentiments. En Christ, et surtout dans la mort de celui-ci, il l’a prouvé à la face du monde. Cette émotion a trouvé son parfait accomplissement et son expression la plus totale en Christ, dans lequel Dieu nous a rendu visite, afin de nous remplacer.
Tout ceci n’est pas étranger aux problèmes aigus que nous vivons à notre époque. Nous sommes actuellement, sans doute, bien plus que jadis, aux prises avec des problèmes émotionnels quasi insolubles. Pensez seulement à ce que signifie, à cet égard, l’expression moderne devenue courante : « hygiène mentale ». Nous en manquons tous! D’où la prolifération de conseillers, de psychologues et de la pratique psychanalytique. Même les chrétiens sont en pleine confusion dans ce domaine. C’est donc l’occasion de nous rappeler les termes du Psaume 103, de nous souvenir sans cesse des sentiments pleins de compassion de notre Dieu qui ne nourrit pas à notre égard des sentiments négatifs ou destructeurs.
« Qui est Dieu comme toi, pardonnant la faute et passant sur le crime en faveur du reste de ton héritage? Il ne garde pas sa colère à toujours, car il prend plaisir à la bienveillance. Il aura encore compassion de nous. » (Mi 7.18-19).
Sa colère est certes réelle, mais à cause de son amour elle ne dure pas éternellement.
« Un court instant je t’avais abandonnée, mais avec une grande compassion je te recueillerai; dans un débordement d’indignation je t’avais un instant dérobé ma face, mais avec un amour éternel j’aurai compassion de toi, dit ton rédempteur, l’Éternel. » (És 54.7-8).
C’est donc son amour, dans sa richesse, sa profondeur, sa solidité, qui devrait nous servir à la fois de source et de modèle pour notre vie émotive. Nos colères devraient cesser de devenir des ressentiments perpétuels. Envers ceux qui nous ont offensés, notre colère ne devrait pas durer au-delà « du coucher du soleil… »
De tels sentiments créeront une atmosphère saine pour nous-mêmes et pour les autres, et ils seront aussi facteur « d’hygiène mentale ». Ils transformeront autant nos foyers que les relations entre hommes et entre peuples, entre classes et entre races.
Ils feront apparaître et mettront en valeur ce qui est beau, ce qui est tendre, ce qui permet l’épanouissement de l’amour créateur. Patience, longanimité, paix et réconciliation seront alors les fruits mûris dans et grâce à la présence de Dieu dans notre vie.
L’émotivité humaine, la nôtre, celle de nos contemporains, prend actuellement des aspects hideux : ceux de l’agression, de la violence, de l’esprit possessif, de la destruction, de la course suicidaire vers la mort… Nous tremblons, avec raison, en présence de ces sentiments violents déchaînés et des émotions débridées.
En Dieu, nous trouverons la source intarissable et le modèle frais d’une émotivité saine, bienfaisante, harmonieuse. Ses sentiments sont généreux et accessibles à tous et à chacun d’entre nous. Nous pourrons vivre grâce à ses sentiments de tendresse, le louer pour son amour, le connaître comme l’unique Créateur et le seul Rédempteur.