La Trinité
La Trinité
Confesser notre foi chrétienne en la Trinité ne veut pas dire que nous ne nous posions pas des questions à son sujet. Cependant, notre foi reconnaît la place essentielle, vitale, que la doctrine chrétienne de la Trinité occupe aussi bien en théorie qu’en pratique dans notre vie chrétienne.
Les critiques et même les remarques facétieuses n’ont pas manqué… Comment le nombre trois pourrait-il devenir l’équivalent du chiffre un? L’affirmer n’est-ce pas renoncer à toute logique arithmétique et tomber dans l’irrationnel? Comment peut-on prétendre faire de la théologie intelligente et pratique avec une croyance pareille?
Pour certains chrétiens, professer le dogme de la Trinité n’a aucune implication importante pour leur foi, qu’ils veulent pratique et terre à terre. Pourvu que je sois converti, pourvu que je possède l’assurance d’hériter la vie éternelle, peu m’importe de souscrire à une doctrine compliquée, sans incidence ni portée immédiate pour mes préoccupations religieuses quotidiennes. Le dogme de la Trinité m’aiderait-il à mieux porter mes fardeaux, à résister à la tentation, à être plus heureux?
À première vue, on serait tenté d’acquiescer à ceux qui raisonnent de la sorte, car de telles considérations ne sont-elles pas éminemment pratiques? De toute façon, conclura le chrétien pragmatiste, je ne suis nullement en mesure de saisir les profondeurs du mystère qui entoure ce dogme que, d’ailleurs, même les plus grands théologiens de l’Église n’ont pu cerner… Pourquoi alors faire tant d’efforts à essayer de l’élucider?
Précisons, pour répondre à de telles objections, qu’aucun article de la foi biblique et chrétienne ne devrait faire l’objet d’opinions purement personnelles; ce ne sont pas les opinions, les sentiments ou les dispositions du sujet croyant qui le fondent. Si tout ce qui est la base et le contenu de notre foi devait simplement conforter et appuyer nos opinions ou conforter nos sentiments, il serait inutile de chercher une unanimité parmi les croyants au sujet des grandes doctrines de la foi chrétienne; on n’aurait qu’à suivre son chemin en croyant n’importe quoi, pourvu qu’on fasse acte de croire, même si on tombe dans les pires superstitions… Dans une telle confusion de la pensée, où le sentiment s’intronise souverain et l’émotion subjective se voit couronnée reine, tout le monde aura raison, sans pour autant constater ni être en mesure d’établir la plus élémentaire unanimité entre croyants.
Notre foi en la Trinité exprime la religion à laquelle nous adhérons. Il est impératif donc d’examiner ce dogme lequel, avec celui de l’incarnation du Fils de Dieu, caractérise la foi chrétienne authentique et la distingue clairement de toute autre religion. Il s’oppose d’ailleurs radicalement à toutes les autres religions, même à celles qui se déclarent monothéistes.
Faudrait-il être encore plus clair sur ce chapitre? Précisons que, dans la religion chrétienne, l’on ne croit pas parce qu’on a des idées personnelles ou que l’on exprime ses préférences et ses goûts dont nul ne devrait être juge, mais parce que l’on a été les bénéficiaires privilégiés d’une claire, nécessaire et suffisante révélation.
Remarquons également qu’il ne nous est pas demandé d’expliquer un mystère, mais de croire seulement aux événements de la révélation, d’admettre le fait tel qu’il se présente, sans vouloir chercher à l’élucider à tout prix. Vouloir nous engager dans une spéculation relative au comment du mystère nous éloignera dangereusement de notre but!
Ce sont les faits d’origine et de nature divine, essentiels pour la foi, qui doivent être explorés et qui peuvent et doivent être expliqués. Les vérités que Dieu a révélées concernant sa personne et ses opérations sont pour nous d’une ultime importance. Il serait impossible d’adorer Jésus-Christ et de le servir s’il n’est pas le Fils de Dieu. De même, nul ne peut se dire chrétien à moins que l’Esprit divin ne porte témoignage à son esprit qu’il est devenu enfant de Dieu. De la même manière, on ne peut pratiquer une foi chrétienne vitale, signifiante et dynamique, à moins d’admettre que les trois personnes de la sainte Trinité forment ensemble le Dieu unique de la révélation biblique et chrétienne; il est accessible aux hommes en trois personnes divines distinctes, et pourtant unies par des liens d’un amour éternel. Soyons persuadés que, dans sa sagesse et dans sa miséricorde, Dieu permettra de croire en cette vérité, celui ou celle qui de toute son âme et avec toute sa pensée cherche à le connaître et à le servir, car en se révélant comme le Dieu trinitaire, il jette une ample lumière sur sa personne, illumine nos esprits et éclaire nos pas tâtonnants.
Reprenons l’idée centrale de notre exposé. La doctrine de la Trinité se réfère à des faits, à des événements relatifs à notre rédemption; elle n’est pas une explication des mystères qui l’enveloppent.
Ceux qui déclarent ne pas s’y intéresser avouent qu’ils se désintéressent de la nature du Dieu même qu’ils prétendent connaître. Or, croire en Dieu sans s’intéresser à ce qu’il est vraiment, à ce qu’il nous révèle de sa personne et de sa nature, c’est, en fin de compte, ne croire qu’en une idole qui lui a été substituée. On cessera alors d’avoir une connaissance correcte de sa propre personne et, en dernière analyse, l’adorateur finira par ressembler à l’objet de son adoration. Celui qui a choisi d’adorer une idole finira par lui ressembler et, finalement, sera complètement déshumanisé.
J’entends également une autre objection; le dogme de la sainte Trinité ne serait-il pas d’invention humaine, promulgué par des chrétiens d’époques lointaines, sans qu’il ait un sérieux appui biblique? J’admets, certes, que le terme « Trinité » ne se trouve sur aucune page de la Bible, ni dans l’Ancien ni dans le Nouveau Testament. Cette objection n’est qu’en partie fondée et, comme toute vérité fragmentée, elle cesse d’être toute et l’entière vérité!
Nous soutenons contre une telle objection que la doctrine biblique et chrétienne de la sainte Trinité n’est pas une idée inventée par des croyants, mais l’objet même d’une révélation. Rappelons pour l’histoire que le terme a été forgé et utilisé pour la première fois par le théologien du second siècle de notre ère, le latin Tertullien. Donc en vain chercherions-nous un passage particulier dans la Bible qui l’emploie explicitement. Et pourtant, elle nous révèle, du début à la fin, un Dieu trinitaire, celui que nous confessons dans les credo œcuméniques. Elle place devant nos yeux ses œuvres grandioses et nous annonce la présence de celui qui fut le Créateur, de celui qui s’incarna comme notre Rédempteur, de celui qui est le suprême Régénérateur et Sanctificateur.
Quelques chrétiens trop soucieux d’étayer textuellement cette doctrine avaient jadis inséré dans l’original grec de la première lettre de Jean (à la fin du cinquième chapitre) une leçon pour prouver la doctrine, mais ce texte n’a pas résisté à un examen sérieux, car il n’était pas authentique. Quant à nous, il nous suffit d’accepter l’ensemble de la révélation biblique, sans y chercher des passages isolés. Lorsque la Bible déclare Dieu comme Créateur, qu’elle annonce que le Fils est le Sauveur, que l’Esprit Saint nous régénère pour une vie nouvelle, elle ne fait rien d’autre que de nous parler du Dieu trinitaire.
Le même Dieu qui a agi dans la création a révélé son activité dans l’Évangile. Nous l’appelons Père; en fait, nous ne connaissons Dieu comme Père que parce que nous avons vu le Fils de Dieu, le Verbe incarné « pour nous les hommes et pour notre salut ».
La doctrine révélée jaillit du centre même de la révélation, c’est-à-dire le Christ. C’est lui qui nous fait entendre un discours sur le Saint-Esprit, notre Défenseur et notre Avocat. C’est par lui que nous reconnaissons la puissance divine opérant dans nos vies.
Très souvent la doctrine de la Trinité a donné lieu à des problèmes insolubles parce que l’on a cherché à assembler des conceptions hétéroclites et hétérogènes au sujet de Dieu qui n’avaient aucun lien avec les données de la foi. Si par exemple on commence avec une idée païenne de l’origine de la matière et de l’univers, qu’ensuite on se fait une idée inférieure de Jésus-Christ, c’est-à-dire le considérant simplement comme une figure humaine exceptionnelle et comme un modèle; que l’on tient le Saint-Esprit pour une vague émanation spirituelle, comme une force impersonnelle, alors, inévitablement, les problèmes autour de la doctrine de la Trinité ne manqueront pas; au contraire, ils se développeront et deviendront de plus en plus compliqués. Or, le dogme de la Trinité ne prend de réalité à nos yeux que lorsque nous parlons de Dieu comme étant le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu incarné, Dieu et homme parfait, et de l’Esprit Saint comme celui qui est accordé pour amener le pécheur à la foi et à la repentance.
Évoquons aussi la critique qui prétend qu’une telle doctrine conduit inévitablement à accepter un trithéisme, c’est-à-dire la foi en trois dieux. Telle est la critique des deux religions dites monothéistes, l’islam et le judaïsme. Des théologiens chrétiens du côté libéral n’ont pas manqué, non plus, pour la remettre en question.
Notre réponse consistera à affirmer qu’en Christ il n’existe pas de conflit entre Dieu le Père et Dieu le Fils, Jésus-Christ, devenu notre Rédempteur. Lorsque le Christ promet l’envoi d’un autre défenseur, il tient sa promesse; nous savons tant par l’Écriture que par notre propre expérience qu’il ne nous accorde pas quelqu’un d’étranger à lui, et nous ne recevons pas deux dieux simultanément, mais son Esprit personnel. Signalons que le prétendu problème soulevé par la Trinité est plus aigu pour ceux qui demeurent en dehors de la foi chrétienne que pour ceux qui en ont fait la profession et qui la vivent. Nous ne prétendons pas que la foi qui se veut correcte, orthodoxe, doit évacuer tout mystère! Cependant, le mystère ne constitue plus de barrière pour croire. Même lorsque nous chercherons à sonder les mystères et tâcherons de les cerner de plus près, nous n’atteindrons jamais totalement notre objectif, le mystère ne deviendra jamais pour nous clair comme le jour. Cependant, notre regard pénétrera toujours plus loin que celui de l’incroyant.
La foi en ce dogme, comme pour tout autre article de foi, ne concerne pas uniquement l’orthodoxie, mais il aura une profonde incidence sur l’expérience vécue, nous permettant d’approfondir tous les aspects de celle-ci, d’en saisir toutes les implications.
Signalons quelques points. Dans le culte d’adoration, nous nous adresserons aussi bien au Père qu’au Fils et au Saint-Esprit. La triple œuvre de la Trinité, dans la création, la rédemption et la sanctification, fera l’objet de notre action de grâces la plus fervente. Nos cantiques reconnaîtront la personne et l’œuvre de chacune des trois personnes de la Trinité.
Les prédications et les sermons auront un fondement solidement trinitaire. Reconnaître que nous avons affaire à un mystère, que nous sommes incapables d’exprimer de manière tout à fait satisfaisante, ne nous empêchera pas de prêcher cette doctrine, de l’expliquer dans la mesure du possible et de l’appliquer à la vie chrétienne. Le peuple de l’Église découvrira qu’elle l’aide à pratiquer sa foi avec plus de joie et de plénitude, et qu’ignorer l’une ou l’autre des personnes de la divinité signifierait se retrouver avec une foi mutilée. Ses prières et ses implorations ne seront pas froides et formalistes. Sa connaissance des ressources des grâces divines sera due en se rappelant que le Dieu un est actif dans la création, la préservation et le gouvernement de son univers, autant que dans le pardon et la réconciliation, la croissance dans l’amour et le rayonnement de l’espérance qu’il permet. Le fidèle découvrira dans le monde créé par Dieu une mission à assumer, dans l’Église rachetée par le Fils un témoignage à rendre, et dans son existence et ses combats journaliers le Saint-Esprit le rendra plus pur que l’or pour imiter Dieu, devenir la lumière du monde et demeurer le sel de la terre.
Notes et passages bibliques relatifs à la Trinité
La Bible affirme qu’il n’y a qu’un seul Dieu (Dt 4.35; És 44.6; Mc 12.29; 1 Tm 2.5, etc.). Toutefois, nous remarquons que deux des mots qui désignent Dieu dans l’Ancien Testament sont au pluriel : Élohim (Dieu), Adonaï (Seigneur). Dieu emploie parfois des pronoms pluriels en parlant de lui-même (Gn 1.26; Gn 3.22; És 6.8, etc.). L’Ange de l’Éternel est identifié avec l’Éternel et ainsi la distinction s’établit entre ce dernier et le Seigneur Dieu. Jean 1, après avoir dit que la Parole était « avec Dieu », dit qu’elle « était Dieu ». La Bible appelle être divin, tout en les distinguant l’un de l’autre, le Père, le Fils et le Saint-Esprit (Mt 3.16-17; Mt 23.19; 2 Co 13.13).
Dieu est donc trois et un seul en même temps. C’est le mystère de la Trinité (triunité). Il n’y a donc qu’un seul Dieu, mais ce Dieu se fait connaître à l’homme comme Père, Fils et Saint-Esprit, qui sont trois personnalités distinctes (Mc 1.10-11; Jn 14.16; Mt 28.19; Lc 1.35; 1 Pi 1.2). La Trinité ne se démontre pas rationnellement. C’est une vérité qui s’impose à notre foi.
La nature de ces trois personnes distinctes est telle qu’elles peuvent entrer dans une relation réciproque. Le Père s’adresse au Fils et inversement le Fils au Père. L’un et l’autre envoient l’Esprit Saint. Le mystère réel de la Trinité consiste dans le fait que chacune des trois personnes possède toute l’essence divine et que l’essence divine n’a aucune existence en dehors de celle des trois personnes. Les trois personnes ne sont pas subordonnées les unes aux autres. Bien que nous puissions affirmer que le Père apparaît en premier, le Fils vient ensuite et le Saint-Esprit en troisième; cet ordre de manifestation apparaît principalement dans l’œuvre extérieure de la sainte Trinité.
Du fait de la progression de la révélation divine, des preuves plus claires de la Trinité se trouvent sur les pages du Nouveau Testament. Les preuves les plus convaincantes se trouvent dans les faits et les événements de la rédemption. Le Père envoie le Fils dans le monde, et le Fils envoie le Saint-Esprit. En outre, d’après certains passages mentionnant expressément les trois personnes de la Trinité, nous voyons clairement l’ordre de leur apparition.
a. Le Père⤒🔗
Le nom de Père s’applique fréquemment au Dieu trinitaire en tant que Créateur de toutes choses (1 Co 8.8; Hé 12.9; Jc 1.17) ou en tant que le Père d’Israël (Dt 32.6; És 63.16), et en tant que le Père de tous les croyants (Mt 5.45; 6.6; 9.14; Rm 8.15). En un sens profond, il s’applique davantage à la première personne de la Trinité pour exprimer sa relation avec la seconde personne (Jn 1.14; 18.8; 8.54; 14.2,13). Ici, il s’agit de la paternité originale dont toute autre paternité n’est qu’un pâle reflet. Le caractère particulier du Père est qu’il a engendré le Fils de toute éternité. Les œuvres qui lui sont propres concernent le plan du salut, la création, la providence, la représentation de la Trinité dans le conseil de la rédemption.
b. Le Fils←⤒🔗
La seconde personne de la Trinité est appelée « Fils » ou « Fils de Dieu ». Il porte ce nom non seulement en sa qualité de « Fils unique » de Dieu (Jn 1.14-18; 3.16-18; Ga 4.4), mais aussi en tant que le Messie élu par Dieu (Mt 8.29; 26.63; Jn 1.49; 11.27), et en vertu de sa naissance spéciale par l’opération du Saint-Esprit (Lc 1.32-35). Ce qui le caractérise au sein de la Trinité, c’est d’avoir été engendré par le Père de toute éternité (Ac 13.33; Hé 1.5). Dieu est donc la cause de l’existence personnelle du Fils au sein de l’être divin. Les œuvres qui lui sont plus particulièrement propres sont celles de la médiation. Il a été le Médiateur de l’œuvre de la création (Jn 1.3) et celui de l’œuvre de la rédemption (Ép 1.3-14).
c. Le Saint-Esprit←⤒🔗
Le Saint-Esprit est aussi une personne à part entière de la sainte Trinité (Jn 1.16; 15.26; 16.7-15; 17.27; Rm 8.26). Il a l’intelligence (Jn 14.26), le sentiment (És 63.10; Ép 4.30), la volonté (Ac 16.7). Selon l’Écriture, il est une personne qui parle, qui cherche, qui rend témoignage, qui commande, qui révèle, qui lutte, qui intercède. Ses caractéristiques : il procède du Père et du Fils (Jn 15.26; 16.7; Rm 8.9; Ga 4.6). En général, on peut dire de son œuvre qu’elle est celle d’amener à la perfection et à l’accomplissement l’œuvre de la création et de la rédemption (Gn 1.3; Jb 26.13; Lc 1.35; Jn 3.34; 1 Co 12.4-11; Ép 2.22).