L'Écriture comme traité d'alliance
L'Écriture comme traité d'alliance
1. L’Église, en tant que peuple de Dieu pérégrinant dans l’histoire, n’a jamais été, dans l’ancienne comme dans la nouvelle dispensation de l’Alliance de grâce rédemptrice, sans une Écriture sainte, sans une Parole de Dieu écrite, sous l’autorité de laquelle Dieu l’a placée. Dès l’assemblée (Église) inaugurale et constitutive du peuple de Dieu, celui-ci a reçu de Dieu un commencement d’Écriture sainte : le Décalogue dont les parties correspondent exactement à celles d’un traité d’alliance de cette époque entre un Suzerain et son vassal. En affirmant solennellement d’une même voix : « Nous ferons tout ce que le Seigneur a dit » (Ex 24.3) et en prenant un repas solennel dans la vision de Dieu (Ex 24.11), le peuple entier a fait serment d’observer le trait écrit.
2. L’usage voulait que le traité d’alliance soit rédigé en deux exemplaires dont l’un était déposé dans le sanctuaire du dieu du Suzerain et l’autre dans le sanctuaire du dieu du vassal. De même, le Décalogue a été écrit en deux exemplaires, les deux « tables » de l’Alliance qui furent déposées dans l’arche de l’Alliance, au sein du tabernacle. Plus tard, « lorsque Moïse eut complètement achevé d’écrire dans un livre les paroles de la Loi » (Dt 31.24), ce livre fut placé « à côté de l’arche de l’Alliance du Seigneur » (Dt 31.26). Ainsi, le tabernacle — plus tard le Temple —, avec l’arche de l’Alliance et le Traité écrit de l’Alliance, est-il érigé, signifiant à la fois la volonté et les promesses du Seigneur-Suzerain envers son peuple vassal et l’engagement de gratitude et d’obéissance du peuple vassal à l’égard de son Seigneur-Suzerain (Ex 20.6; Dt 7.29).
3. Le développement ultérieur de l’Écriture s’est poursuivi jusqu’à l’âge apostolique, assurant et accompagnant la croissance et la marche du peuple de Dieu. Ainsi s’est développé le dessein rédempteur de Dieu, centré sur le Christ — à venir dans l’Ancien Testament; déjà venu et qui revient dans le Nouveau Testament. Depuis son achèvement à l’âge apostolique, chacune de ses parties, chacune de ses pages, chacune des phrases de l’Écriture est inscrite dans un contexte intégral qui en éclaire et en précise le contenu de sens, de plus en plus et de mieux en mieux, pour l’ensemble de l’Église et pour chacun de ses membres, sous l’illumination du même Saint-Esprit qui a porté, conduit, inspiré infailliblement l’ensemble et chacun des divers rédacteurs humains de l’Écriture.
4. Le caractère progressif de la formation divine de l’Écriture n’ôte rien à l’autorité qu’elle a eue dès le départ. L’Église fidèle, sous l’ancienne comme sous la nouvelle dispensation de l’Alliance de grâce rédemptrice, a toujours reconnu et confessé cette autorité de l’Écriture qui la domine, et à laquelle elle doit sans cesse revenir pour s’y ranger. C’est en particulier ce que les Églises de la Réformation ont reconnu et confessé avec force et vérité, aux 16e et 17e siècles. La Confession de foi de 1559 des Églises réformées en France affirme :
« Nous croyons que la Parole qui est contenue dans ces livres [de l’Écriture sainte] a Dieu pour origine, et qu’elle détient son autorité de Dieu seul et non des hommes. Cette Parole est la règle de toute vérité et contient tout ce qui est nécessaire au service de Dieu et à notre salut; il n’est donc pas permis aux hommes, ni même aux anges, d’y ajouter, retrancher ou changer. Il en découle que ni l’ancienneté, ni les coutumes, ni le grand nombre, ni la sagesse humaine, ni les jugements, ni les arrêts, ni les lois, ni les décrets, ni les conciles, ni les visions, ni les miracles ne peuvent être opposés à cette Écriture sainte, mais qu’au contraire, toutes choses doivent être examinées, réglées et réformées d’après elle » (Confession de foi de La Rochelle, art. 5).
5. L’Écriture sainte s’est constituée avec sa pleine autorité de Parole de Dieu, comme Traité d’Alliance du Seigneur avec son peuple, du Christ-Époux avec son Église-Épouse. Ainsi, toute la vie cultuelle et culturelle de l’Église de Dieu a-t-elle été placée et demeure placée sous les stipulations, sous la règle du Traité d’Alliance qu’est l’Écriture. Seul le Seigneur Dieu, par sa souveraine autorité, a eu pouvoir d’élaborer ce Traité d’Alliance qu’est et demeure l’Écriture, en le complétant, en le précisant et, au besoin, en le modifiant sur tel ou tel point, par l’inspiration infaillible de ses divers et successifs auteurs. « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point » (Mt 24.35; voir 5.18; Lc 16.17).
6. Si la structure rédactionnelle de telle ou telle partie de l’Écriture (le Décalogue, le livre du Deutéronome) est exactement en forme de « traité d’alliance », en tous points comparable à celle des traités d’alliance du second millénaire avant Jésus-Christ (ce qui rend anachronique et difficilement soutenable, à nos yeux, les hypothèses d’une certaine critique rationaliste sur l’époque de composition du Pentateuque), c’est l’Écriture tout entière qui est, sinon en forme, du moins en contenu de sens, un Traité d’Alliance. Dans les livres historiques eux-mêmes (Jos 8.30-35, 23 et 24; 1 S 12; 2 S 7; 2 Rois 11; 22 et 23; 2 Ch 15; 34 et 35; Esd 9 et 10; Né 9 et 10), les récits de renouvellement de l’Alliance constituent les nœuds de la narration. Cela est aussi vrai pour les livres prophétiques et pour les livres poétiques et sapientiaux. Cela est enfin vrai pour les livres du Nouveau Testament dont les auteurs se reconnaissent « serviteurs de la Nouvelle Alliance » (2 Co 3.6) et attestent que Jésus est le Messie-Seigneur de l’Alliance dont il est à toujours l’unique Médiateur, « par le sang d’une Alliance éternelle » (Hé 13.20). Les noms même d’Ancien et Nouveau Testament soulignent que la sainte Écriture, en son entier, est bien le Traité de l’Alliance de grâce rédemptrice auquel l’Église est liée et soumise, à la gloire du Seigneur.
7. Il convient de remarquer que si l’Ancien et le Nouveau Testament sont inséparables et forment ensemble l’unique traité de l’Alliance, la distinction de l’Ancien et du Nouveau Testament doit être soigneusement observée. L’Ancien Testament est véridique et sûr en tout ce qu’il rapporte. Et l’Église de la nouvelle dispensation doit recevoir comme vérité tout ce que l’Ancien Testament révèle et dit de Dieu, de son œuvre de création et de gouvernement de l’histoire, de la chute de l’homme, de la grâce universelle de patience et de bienveillance de Dieu envers l’humanité, de la grâce particulière et rédemptrice manifestée envers Abraham et sa descendance. Mais dans sa vie et pour sa vie, l’Église de la nouvelle dispensation est régie normativement par le Nouveau Testament, et n’est encore régie sur tels points importants par l’Ancien Testament que pour autant que le Nouveau Testament le présuppose et le confirme. La glorification du Messie d’Israël, notre Seigneur Jésus-Christ; la descente de l’Esprit Saint sur les disciples le jour de la Pentecôte; l’extension du peuple de Dieu aux nations; l’abolition des sacrifices cultuels au Temple de Jérusalem, sacrifices qui préfiguraient le sacrifice unique et parfait de la croix; l’enseignement nouveau de Jésus et des apôtres qu’il avait choisis inaugurèrent une ère nouvelle de vie et de mission pour l’Eglise, le peuple de Dieu entré dans les « derniers temps » de l’histoire.