Cet article sur le Symbole de Nicée-Constantinople a pour sujet le baptême pour le pardon des péchés reçu dans la repentance et par la foi en Jésus-Christ et son sacrifice expiatoire, nous obligeant à pardonner à notre tour.

Source: Nous croyons - Explication de la foi chrétienne en suivant l'ordre du Symbole de Nicée-Constantinople. 7 pages.

Nous croyons - Le baptême pour le pardon des péchés

« Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, pour le pardon de vos péchés; et vous recevrez le don du Saint-Esprit. Car la promesse est pour vous, pour vos enfants, et pour tous ceux qui sont au loin, en aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera. »

Actes 2.38-39

Dans son récit bien connu, La Chute, qui lui avait valu le prix Nobel, Albert Camus analyse la vie de l’avocat Jean-Baptiste Clamence. Celui-ci, se penchant sur sa propre vie, en fait une critique sans pitié et fait surtout preuve d’un « repentir », ou plutôt d’un regret inattendu et surprenant; car l’avocat, devenu juge pénitent, passe au crible non seulement le mal qu’il a fait dans sa vie, mais encore le bien qu’il a pu accomplir. Mais quelle futilité dans ses actes supposés bons, par exemple celui de sauver un homme qui se noie ou d’aider une vieille dame à traverser la chaussée!

Ce qui reste véritablement incompréhensible dans la vie, ce qui en fait aussi le malheur tragique, provient de l’absence d’une ligne de démarcation bien nette entre les « bons » et les « méchants ». Il ne semble pas y avoir de séparation entre le bien et le mal, constamment présents et inextricablement liés ensemble. C’est en somme la conclusion à laquelle aboutit Camus, le « repentant ». Il existe dans ce célèbre roman une étrange ressemblance avec ce qu’affirme, en d’autres termes et bien entendu avec une tout autre précision, l’Écriture sainte.

Que nous dit-elle de la rémission des péchés?

Le mal comme le bien, sans référence à Dieu, sont des mensonges. Et lorsque nous nous scrutons en dehors de Dieu, nous entretenons sur nous-mêmes l’illusion, l’erreur et le mensonge. Ce serait une véritable tragédie si nous en étions réduits à trouver nous-mêmes, tout seuls, aussi bien la vérité que notre destin. Seule la lumière de Dieu peut nous éclairer. Celle-ci est pour nous simultanément source de joie et d’angoisse; parfois aussi source de désespoir, car devant Dieu nous sommes toujours des débiteurs insolvables. Notre honnêteté, notre bonne conscience, l’estime excessive que nous portons à notre propre personne, notre présomption à nous passer de Dieu, tout cela est réduit en poussière. Notre dette envers Dieu nous accable. Nous avons pris l’initiative de rompre avec lui et chacun de nos actes consomme cette rupture. Notre véritable offense se trouve ici, dans ce désir de vouloir nous passer de Dieu à tout prix. À elle seule, cette attitude suffit pour nous condamner. Dès lors, il ne sert à rien de comptabiliser nos péchés. Devant Dieu, personne ne peut tricher.

Pourtant, l’homme refuse d’admettre le besoin d’un pardon et juge même cette pensée inadmissible. Il ne se sent d’ailleurs pas pécheur, car le mal qu’il accomplit ou qu’il constate autour de lui, il l’attribue à des causes extérieures à lui-même, aux chocs, aux traumatismes qu’il a subis au cours de sa vie, parfois à son insu dans son enfance, ou même avant sa naissance… Il en décèle la cause dans les circonstances sociales ou les conditions économiques, ce qui le conduit à toutes sortes de réactions et de protestations. En un mot, il se sent plutôt victime qu’acteur, davantage objet que sujet de ses actes. Et l’on peut dire que le sentiment tragique d’impuissance qui marque si fortement la vie contemporaine abaisse et dégrade l’homme encore davantage. Il est impossible de se reconnaître pécheur sans la foi en Jésus-Christ et sans la confession de la rémission des péchés.

Peut-être avons-nous, nous aussi, essayé de tricher? Que de subterfuges pour nous dérober à son regard divin! Refouler ou fuir devant le sentiment de notre culpabilité est l’une des tentatives les plus courantes, car nous voulons échapper à la connaissance de notre faute. Il existe aussi cette autre façon fort subtile de défense et de justification, qui consiste à confesser la faute (et qui ressemble à l’écriture avec de l’encre sympathique) qui tente de suborner le juge. D’une part en admettant les fautes, d’autre part en énumérant les bonnes actions pouvant les compenser. Mais cela est exclu et la Parole de Dieu est bien explicite à ce sujet : « Car il n’y a pas de distinction : tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Rm 3.23).

Mais la culpabilité engendre des méfaits que nous soupçonnons à peine. Le sentiment de la faute mine sournoisement notre vie.

L’un des grands acquis de la psychologie moderne a été de comprendre qu’un remords incrusté dans l’être y produit des ravages qui ne se contentent pas de paralyser l’action de la conscience morale, mais qui déséquilibrent encore la santé et vont jusqu’à détruire l’existence de la personne. Chacun connaît les traitements moraux et mentaux que cette découverte a mis à la mode, et la psychologie dite des profondeurs ou la psychiatrie apprennent beaucoup à ce sujet. Les tensions, les malaises, les dépressions, parfois des accidents inexplicables, sont des indices qu’aucune soupape de sécurité ne peut contenir longtemps l’agressivité des forces qui œuvrent sans relâche à la destruction de la personne humaine. Des psychologues et des psychiatres estiment que le monde serait délivré de bon nombre de psychoses ou de tensions spirituelles s’il pouvait croire en la rémission des péchés. Malheureusement, cette foi est trop souvent absente.

Mais notre situation est plus grave encore que ne l’indique le simple mécanisme psychique à cause de la sentence de Dieu qui déclare : « Le salaire du péché c’est la mort » (Rm 6.23). La mort de la personne n’est pas un phénomène purement biologique. Notre péché et notre séparation d’avec Dieu en sont les causes véritables, et si Dieu ne remplit pas notre vie, cette mort est déjà présente. Aucun de nos efforts ne peut contrebalancer les dommages que nous subissons et faisons subir aux autres.

« Nous confessons un seul baptême pour la rémission des péchés. » Le rapport étroit que le Symbole de Nicée-Constantinople établit entre la rémission des péchés et le baptême chrétien est aussi intime qu’indispensable. Les deux sont indissociables. Il nous faut par conséquent l’examiner et, pour ce faire, revoir encore, même brièvement, la signification réelle du baptême chrétien.

Nos pays occidentaux comptent des millions de baptisés, même si les chrétiens « non-pratiquants », ainsi que l’on appelle ceux qui font preuve d’une totale désaffection à l’égard des Églises établies, sont foule. Combien parmi les baptisés connaissent, ou reconnaissent, la signification du sacrement?

D’ordinaire, le baptême est associé à un rite, à une cérémonie ecclésiastique, occasion de donner un nom à l’enfant baptisé. Ce malentendu est tel qu’on est allé jusqu’à « baptiser » des navires de guerre quand on veut leur donner un nom! Pourtant, entre le baptême chrétien et le nom qu’il faut enregistrer à l’état civil, il n’existe aucun lien. Un nom peut être reçu avant toute cérémonie dans le bureau de l’officier civil. On n’a pas besoin d’un sacrement pour cela. Le nom pourrait être reçu avant que le sacrement ne soit administré, et parfois avant même la naissance de l’enfant.

Mais lors du baptême, on prononce un autre nom que le sien, celui au nom duquel on est baptisé, et qu’on doit désormais porter. Jésus a commandé à ses apôtres : « Allez, faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » (Mt 28.19).

On se souvient que dans les temps anciens l’esclave portait sur son dos, marqué au fer rouge, le nom de son propriétaire. Au baptême, nous avons été marqués du nom du Seigneur notre Dieu, nous avons été estampillés comme étant sa propriété. À notre baptême, Dieu a pris possession de nous et, dès lors, nous portons son empreinte. L’Église qui nous baptise ne fait rien d’autre que de déclarer ce fait. Enfants ou adultes, nous devenons la propriété de Dieu, qui nous revendique pour lui. Telle est la signification du baptême, et telle est son importance.

Même si nous appartenons à Dieu par notre naissance, parce que nous sommes créés à son image, grâce à notre baptême, nous savons que Dieu est le Maître incontesté de notre destinée. Nous le savons par sa Parole, mais aussi à l’aide du geste concret au moyen duquel Dieu déclare être notre Dieu et notre Seigneur. Sa Parole nous annonce la signification de notre appartenance à lui. En son Fils Jésus-Christ, il s’affirme comme notre Maître.

Pourtant, Dieu n’est pas un maître d’esclaves qui peut faire de ces derniers ce que bon lui semble. Certes, Dieu a le droit de faire de nous ce qu’il veut. Mais il a décidé de ne pas nous traiter comme ses esclaves, mais comme ses enfants adoptifs. Lors de notre baptême, il nous le fait comprendre de manière concrète, tangible, non seulement par la Parole, mais encore en confirmant par le sceau de son alliance le « Tu es à moi ».

Le sacrement d’eau représente donc son amour divin qui précède toute activité et tout acquiescement de notre part. Le baptême déclare qu’avant même que nous nous occupions de lui, il s’occupait de nous. Il nous donnait son nom avant que l’officier d’état civil ne nous enregistrât dans son registre. Dieu nous aimait avant même que nous existions.

Certains diront qu’il est bien facile d’être baptisé et de devenir aussitôt enfant de Dieu! Est-ce pourtant tellement facile? En un sens oui, puisque la seule condition en est de croire; « afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle », déclarait Jésus (Jn 3.16).

Mais cette foi a coûté. C’est encore ce que nous annonce notre baptême. Le mot grec « baptizein », d’où le français baptême, signifie plonger. Sans entrer dans un débat théologique relatif au mode d’administration du sacrement, nous devons reconnaître qu’autrefois on n’aspergeait pas le baptisé seulement avec quelques gouttes d’eau, mais que les enfants comme les adultes étaient entièrement immergés dans de l’eau. Quelle est la raison de l’évolution historique aboutissant à la pratique actuelle? Nous ne répondrons pas ici à cette question.

Le sens évident est que, pour appartenir à Dieu, il faut mourir. Mais c’est en la mort de Jésus-Christ que nous sommes immergés, et non en la nôtre. C’est à sa mort que nous participons par notre baptême. Désormais, le maître de notre vie n’est plus le « moi » égoïste et opiniâtre; elle appartient à celui qui a dû payer de sa vie pour que nous puissions être baptisés et, par là, nous signifier la rémission de nos péchés. Jésus-Christ est mort pour nous, afin qu’il nous rapproche de Dieu et ôte tout ce qui nous sépare de lui. Lors de notre baptême, Dieu nous a révélé sa volonté rédemptrice.

Une fois la question du baptême ainsi élucidée, nous saisirons mieux pour notre propre compte l’importance décisive de la rémission de nos péchés.

L’enfant de Dieu n’est pas seulement l’homme qui croit, mais encore l’homme dans la vie duquel Dieu est intervenu pour ôter le corps étranger qui donnait la fièvre, pour pardonner, effacer, purifier, pour donner la joyeuse assurance qu’à la conversion il a reçu le pardon, qu’aucune déchéance n’est irrémédiable et qu’aucune désolation n’exclut la possibilité du retour à la paix. D’où vient qu’il y a tant de chrétiens tristes? C’est qu’ils cherchent la sanctification sans avoir expérimenté la joie du pardon de Dieu. Ils croient que Jésus a vaincu le péché, mais n’ont pas vécu la rémission de leurs péchés…

Il est vrai que la rémission des péchés dépasse l’intelligence humaine par sa simplicité et qu’elle n’est comparable à rien d’autre. L’homme pardonné, en effet, n’est nullement semblable au criminel qui, au dernier moment et pour des raisons diverses, a été l’objet d’une grâce et a ainsi échappé au châtiment qui l’attendait. Être pardonné est autre chose qu’être gracié. C’est aussi autre chose que d’être acquitté faute de preuves. Le pécheur pardonné n’est pas comparable davantage à un prévenu bénéficiant de la clémence du tribunal à cause de ses aveux.

Le Symbole confesse la pure et simple rémission des péchés, même pas l’aveu des fautes. Il atteste que Dieu, qui a tiré du néant le monde et fait surgir le monde réel, a aussi réduit à néant le monde non moins réel de nos péchés. Il le fait en identifiant le Christ avec ses péchés et en réduisant le Christ à néant. En lui, le croyant est mort en tant que pécheur. Notre vie ne pose plus de problèmes depuis que, ressuscités avec le Christ, nous sommes devenus vivants pour Dieu, revêtus d’une justice et d’une perfection qui sont celles du Christ, le seul Juste et l’unique Parfait. Nous ne sommes pas des rescapés du peloton d’exécution, mais les pécheurs pardonnés et irréprochables, les héritiers du monde à venir.

Il faut reconnaître que la rémission des péchés met tout sens dessus dessous. Pour toutes nos notions d’équité, de moralité, de justice, d’humanité, c’est la mort sans phrase et nous n’avons pas besoin de protéger tout cela. Dieu lui-même s’en charge. Il nous promet avec la rémission des péchés la résurrection de la chair et la vie éternelle, une restauration totale de notre humanité.

Voilà l’alternative à la fuite devant la responsabilité ou le rejet de la faute sur autrui. Le pardon de nos fautes est la conséquence de la décision de Dieu, le fait de l’autre sentence qui suit la première : « Le salaire du péché c’est la mort, mais le don gratuit de Dieu c’est la vie éternelle en Jésus-Christ, notre Seigneur » (Rm 6.23).

La rémission des péchés résulte de la compassion divine; elle annonce que Dieu a pris l’initiative pour payer les dommages que nous lui avons fait subir. Quand notre condition était désespérée et que personne n’aurait pu plaider innocent, Dieu envoya son Fils unique. Nous méritions l’enfer, car nous avions transgressé sa loi sainte, sage et parfaite, brisant ainsi son cœur paternel. Nous aurions dû connaître la peur et la séparation définitive d’avec lui. Mais quand nous étions encore les ennemis, alors Dieu vint à notre secours.

À présent, il offre son pardon. Il nous adopte comme ses fils. Il nous aime malgré ce que nous sommes et ce que nous avons fait. Il nous remet notre dette. Ne pensons pas que Dieu reste indifférent à l’égard du mal ou qu’il y remédie avec désinvolture. Il n’y a que l’impie qui ose dire avec sarcasme : « Dieu pardonnera, c’est son métier. » Pour pouvoir pardonner, Dieu a dû d’abord juger nos transgressions. La rémission de nos péchés lui a coûté cher. Elle lui a coûté la souffrance, la croix du Calvaire, la mort et l’ensevelissement de Jésus-Christ. À cause du sacrifice expiatoire du Fils de Dieu, nos offenses nous sont remises. Le Seigneur en a porté les traces sur tout son corps. Dieu n’est pas resté au-dessus de nos offenses. Il en fut blessé et meurtri; une couronne d’épines lui blessa le front; on cracha sur sa face; des clous furent enfoncés dans ses mains et dans ses pieds. Il resta sous le poids du péché, il les prit à son compte, les porta, en a fait l’expiation.

Ce n’est donc point avec une superficielle libéralité qu’il offre le don gratuit, la rémission de nos offenses. « Voici l’Agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde », disait Jean-Baptiste au seuil du ministère terrestre de Jésus-Christ (Jn 1.29). Nous pouvons croire en son pardon acquis sur la croix. Il n’est pas une condition, mais une certitude, car il a reçu le sceau et la garantie absolue de la part de Dieu que le Seigneur crucifié et mort est aussi le Sauveur ressuscité. Le pardon a été au cœur même de Dieu depuis la fondation du monde. Maintenant, nul ne peut connaître Dieu sans être pardonné par lui. Seule la supplication nous fait entrevoir sa face. Nous pouvons prier comme l’auteur du Psaume 51 : « Lave-moi et purifie-moi. » Nous serons exaucés.

Nous croyons à la rémission de nos péchés. Paradoxalement, notre foi au pardon produit en nous la repentance. La repentance n’est pas un regret, encore moins un remords. L’inquiétude est une malfaçon de l’humilité; le gémissement perpétuel est une perpétuelle injure à la grâce suffisante de Dieu. Et c’est aussi une grande source de faiblesse, un reste d’esclavage.

Il existe une tristesse qui n’est pas selon Dieu. Elle est même opposée à lui. La repentance dont nous parlons ne déplore pas seulement les suites du péché, mais la dette même que nous avons contractée. Le regret et le remords n’aboutissent pas à la confession des fautes; ces plaintes ne montent pas vers Dieu. Ce sont peut-être des confessions de fautes, mais le dos tourné à Dieu, comme celle de Jean-Baptiste Clamance du récit La Chute de Camus. Ceci me rappelle l’anecdote suivante : une fillette qui suit le catéchisme entend pour la première fois le récit de la trahison de Judas et l’histoire du repentir de Pierre lors du procès de Jésus. Aussitôt, levant son doigt, elle explique : « Madame, si j’étais à la place de Judas, je me serais jetée sur Jésus pour me pendre à son cou. »

Seuls les affranchis peuvent être à leur tour des libérateurs. La repentance est la tristesse qui est agréée par Dieu. La véritable repentance suit notre foi au Christ qui nous sauve. Par la foi, nous allons vers la repentance. Nous ne reconnaîtrons jamais que nous sommes des pécheurs devant Dieu si nous ne sommes pas d’abord des croyants. La première larme versée à cause de notre péché sera aussi bien le fruit de la mort du Christ que de la présence en nous de son Esprit. Parce que notre péché est infini, notre repentance doit aussi l’être. Elle doit descendre de la parole à la pensée, de nos actes jusqu’au fond de notre personne. Elle doit englober aussi bien notre existence individuelle que celle de la communauté ou de la collectivité à laquelle nous appartenons. Dieu se charge toujours d’approfondir notre repentance. Le Saint-Esprit nous convaincra de notre péché. Parce que nous croyons à la rémission des péchés, nous faisons plus d’attention au commandement d’aimer Dieu et d’aimer notre prochain comme nous-mêmes. Nous sommes donc bénéficiaires du pardon de Dieu sur notre vie. C’est une grâce immense qui nous fait retrouver notre vie gâchée et perdue.

Mais la grâce de Dieu doit se prolonger jusqu’à notre prochain. Le pardon de Dieu serait inutile si nous restions durs envers celui qui est notre débiteur. Nous sommes heureux si nous comprenons que le pardon de Dieu nous oblige à pardonner à notre tour. L’Évangile est rempli d’exhortations qui nous appellent à nous conduire d’une manière digne de lui, à nous revêtir du nouvel homme créé à l’image de Dieu, à chercher à devenir les imitateurs de Dieu. C’est le signe que le cœur pardonné s’ouvre à son tour à la miséricorde. Nous donnons ce que nous avons reçu en abondance; nous ne permettrons pas que notre prochain soit en disgrâce devant nous.

La croix du Calvaire possède une dimension aussi bien verticale qu’horizontale; elle est génératrice d’amour, autrement nous aurons passé à côté d’elle sans en avoir été touchés. Les compassions de Dieu se renouvellent chaque jour. Qu’en est-il des nôtres? Il nous faut pardonner sans réserve, sans rancune ni arrière-pensée. C’est une tâche écrasante et une exigence absolue. Nous pourrions en énumérer les dangers aussi bien sur le plan personnel que sur le plan social. Nous savons que, pour pouvoir maintenir l’ordre, la société doit punir. Mais nous ne devons pas en déduire, en ce qui nous concerne, que notre dignité ne nous permet pas de demander pardon à notre prochain lorsque nous l’avons offensé ou que nous ne pouvons pas le pardonner lorsqu’il nous a offensés. Ce sont là de mauvaises raisons, utilisées seulement par celui qui n’a pas trouvé la source du pardon et qui lui donne l’audace du cœur pour pardonner et être pardonné.

Le pardon des péchés a été le seul signe permanent de l’annonce par Jésus du Royaume de Dieu. Dieu nous demandera de rendre compte le jour qu’il a fixé. As-tu eu pitié de ton prochain comme j’ai eu pitié de toi? Allons-nous nous enfermer dans une morale stérile de revendications et de légalisme? Nous avons dit que nous avions ici une exigence absolue. Mais la grâce de Dieu est toute suffisante. Le Saint-Esprit travaille dans la vie de ceux qui ont saisi la chance unique d’être les débiteurs pardonnés de Dieu. Ainsi que l’écrivait Karl Barth :

« Un jugement a été porté sur notre vie. Il ne saurait être question de mérite. Péché signifie transgression, déviation. Nous devrions commencer chaque journée et nous pouvons le faire en confessant : “Nous croyons la rémission des péchés”. Nous n’avons rien à dire, même à l’heure de notre mort. Mais, malgré mon péché, je puis recevoir le témoignage que mon péché n’est pas porté à mon compte. Je ne puis m’en décharger moi-même. Péché signifie perdition éternelle de l’homme. Comment serait-il possible de nous en délivrer nous-mêmes? Que j’aie péché, cela revient à dire que je suis un pécheur.1 »

Mais si la prière a une importance pour nous, nous saurons adresser avec conviction la requête qui est contenue dans la prière de Jésus : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés » (Mt 6.12).

Note

1. Karl Barth, Esquisse d’une Dogmatique.