Introduction à l'épître aux Colossiens
Introduction à l'épître aux Colossiens
- Auteur et authenticité
- Circonstances et date
- Destinataires
- Origine du christianisme à Colosses
- L’hérésie colossienne
- Analyse du contenu
- Questions
1. Auteur et authenticité⤒🔗
Paul et Timothée sont mentionnés comme étant les auteurs de la lettre, mais il est certain qu’elle émane de la seule plume — ou de la dictée — du grand apôtre (voir Col 1.23 et 4.18 de même que l’emploi du pronom personnel à la première personne dans Col 1.24,25,29; 2.1,4,5; 4.13,18).
Paul associe souvent ses collaborateurs à son nom et à son ministère pour montrer qu’il partage avec eux la responsabilité de la mission. Il attire l’attention sur le fait qu’il écrit directement en signant de sa main la conclusion et la salutation finales. Sans doute Timothée lui servit-il de secrétaire.
L’authenticité de la lettre n’avait jamais été mise en doute jusqu’au milieu du 19e siècle, lorsque les remarques sur le vocabulaire, l’utilisation de termes nouveaux appelés des hapax legomena — au nombre de 33 — c’est-à-dire des termes qui n’apparaissent nulle part ailleurs, des questions de style et certains thèmes théologiques ont soulevé des doutes.
Mais les études modernes du Nouveau Testament en établissent, avec certitude, l’authenticité paulinienne. Nous n’examinerons donc pas les arguments contre celle-ci. Le statut canonique de la lettre a été reconnu depuis les origines.
Le fait que la lettre aux Éphésiens avait paru plus importante que celle-ci explique que certains écrits post-apostoliques, tels que 1 Clément, 2 Clément, ou le Pasteur d’Hermas, ne la mentionnent pas. Pourtant, notre lettre apparaît dans la collection établie par Ignace d’Antioche (mort en 117), contenant certaines phrases que l’on retrouve dans Colossiens. De même, Polycarpe de Smyme, qui écrivit aux Philippiens vers l’an 120, était familier avec un corps d’écrits pauliniens, dont les pastorales, d’où il tire la phrase paulinienne : « fermes dans la foi ».
L’attestation externe de l’authenticité de la lettre aux Colossiens se trouve dans celle de Paul aux Éphésiens. Une autre preuve se trouve dans un écrit de l’hérésiarque Marcion de Sinope, également chez Irénée et dans le canon ou fragment de Muratori.
Contre son authenticité, on a allégué le fait que la lettre faisait, dans ses avertissements contre les enseignements hétérodoxes, une allusion voilée, mais certaine à la doctrine des esséniens. Ceci relève de la pure fantaisie. Rien ne laisse supposer que de tels avertissements n’eussent pu être adressés à l’Église de Colosses, en l’an 59 ou même plus tôt. Aucun des autres écrits canoniques de Paul ne contredit son contenu, bien que le style soit différent et que certains mots soient des hapax. Cependant, il faut tenir compte que cette lettre fut écrite en prison et dans des circonstances différentes de celles adressées aux Corinthiens et aux Galates.
2. Circonstances et date←⤒🔗
La lettre fut écrite à la même date que celles aux Éphésiens et à Philémon, sans doute durant la première détention de l’apôtre dans la capitale de l’Empire.
La date ne peut être fixée que de manière approximative, en fonction de celle de la détention de Paul. Dans sa seconde aux Corinthiens, Paul se réfère à plusieurs emprisonnements (2 Co 11.23). Outre sa détention romaine, il dut être aussi emprisonné à Éphèse. Mais il n’est pas certain que notre lettre fut écrite durant cette période. Plusieurs indices pourraient contredire ce fait : par exemple la mention de Marc dans Colossiens 4.10 et Philémon 1.24, qui n’avait pas accompagné Paul durant le second voyage missionnaire, pendant lequel aurait eu lieu l’hypothétique emprisonnement éphésien. Puisqu’Aristarque est nommé dans Actes 27.2 et mentionné comme l’un de ceux qui accompagnèrent Paul à Rome, on peut penser que l’emprisonnement est celui de Rome. Dans ce cas, la lettre daterait des environs 59.
3. Destinataires←⤒🔗
Colosses est vraisemblablement la moins importante des villes jouant un rôle dans le ministère de Paul. Néanmoins, c’est à son Église que l’apôtre adresse l’une de ses lettres les plus importantes, dans laquelle il fait une déclaration christologique de tout premier ordre. Dans le corps de la lettre, il est fait mention de deux villes voisines liées à Colosses dans son histoire religieuse (Laodicée et Hiérapolis). Toutes trois se trouvent dans la vallée du Lykos, un tributaire du Méander. Elles faisaient partie de la province romaine de l’Asie, comprenant l’Asie Mineure ou l’actuelle Anatolie. Située à quelque 200 km au sud-est d’Éphèse (la célèbre capitale de toute la province) et sur l’axe routier liant celle-ci aux grands marchés de l’Asie de l’Est, la région était connue sous le nom de Phrygie, du nom des envahisseurs venus de Thrace. Les Phrygiens avaient occupé le pays avant que Rome n’y pénètre et ne la place sous son hégémonie. Cependant, la population n’était pas de race phrygienne pure, et parmi ses éléments il y avait des Grecs et des juifs.
La configuration géographique du pays était plutôt montagneuse et volcanique. Il était souvent ravagé par des tremblements de terre. Des sources thermales et minérales y abondaient. En outre, les ruisseaux qui alimentaient le Lykos charriaient une grande quantité de matière calcaire, qui se déposait sur les flancs des montagnes sous l’aspect de formations extraordinaires. En dépit des incrustations de limon et du caractère volcanique prononcé du terrain, la contrée comprenait des sols fertiles offrant de riches pâturages sur lesquels paissaient de nombreux troupeaux d’ovins. Elle était célèbre pour sa production de laine colorée, car outre l’excellente qualité de la laine, les cours d’eau fournissaient également de riches minerais servant à fabriquer des colorants variés. Ces facteurs, à côté de l’exceptionnel avantage de ces trois métropoles d’être situées sur la route principale du commerce, contribuèrent à leur prospérité matérielle. C’était notamment le cas de Laodicée1. On sait de quelle manière l’esprit ambiant de la ville avait déteint sur l’Église. D’où l’avertissement solennel que lui adresse le Seigneur.
4. Origine du christianisme à Colosses←⤒🔗
Comment l’Évangile pénétra-t-il dans cette région? Les détails nous en sont inconnus. Sans doute, ce fut sous l’influence de Paul pendant son long séjour à Éphèse, lors du troisième voyage missionnaire. Il n’est pas certain qu’il ait personnellement visité la contrée. Dans la présente lettre, il fait très peu d’allusions aux circonstances qui l’auraient amené à connaître la ville ou certains membres de l’Église. Le fait qu’il déclare avoir entendu parler de leur foi laisse supposer que ses lecteurs n’avaient pas encore vu sa face. Lors de son second voyage missionnaire en allant vers Troas, et lors du voyage suivant pour se rendre à Éphèse, il est possible qu’il ait suivi la route longeant le nord du Lykos. Durant ce séjour éphésien, l’œuvre évangélisatrice fut largement étendue dans toute la province de l’Asie. Des visiteurs venant de tous les coins de la province remplissaient sans cesse la capitale pour des motifs commerciaux ou cultuels, ou encore pour leurs simples loisirs. Nombreux furent, en effet, ceux qui rencontrèrent l’apôtre, dont l’enseignement était répandu dans la ville entière. Plusieurs se convertirent et rentrant chez eux, ils y répandirent la Bonne Nouvelle. Ensuite, Paul envoya dans les villes des alentours ses collaborateurs et des messagers pour raffermir la foi des nouveaux convertis. Le mouvement était en réalité tellement répandu que, selon Luc, tous ceux qui habitaient la province romaine de l’Asie entendirent la Parole du Seigneur, aussi bien les juifs que les Grecs.
Hiérapolis dut être le centre cultuel par excellence pour la contrée. Des multitudes de prêtres y célébraient les rites passionnels et dégradants de la déesse Cybèle. Là florissaient également divers cultes grecs associés à la religion traditionnelle, y créant une atmosphère impure et moralement oppressante. La ville était connue non seulement pour ses sanctuaires, mais aussi pour ses stations thermales sans cesse envahies par une foule de visiteurs à la recherche soit de la santé soit encore et peut-être davantage de plaisirs faciles et abondants. Elle était l’une des villes thermales les plus célèbres de l’antiquité — appelée aussi « ville d’or » — et la plus belle de toute l’Asie. Cependant, la place qu’elle occupe dans l’histoire n’est due ni à ses cérémonies religieuses ni à sa prospérité matérielle ou ses ressources minérales, mais à la mention qu’en fait dans ses écrits un obscur missionnaire chrétien, un juif du premier siècle de notre ère, l’apôtre Paul.
Quelque 20 km au sud et à l’est de Laodicée et de Hiérapolis se situe la ville de Colosses. Sur les deux rives du fleuve on a pu trouver des vestiges semblant être ceux de l’ancienne ville. Au sud, le mont Kadmos s’élève à plus de 2500 m, tandis qu’au nord s’étendent les longues chaînes de Mesoggis. La vallée occupait une situation stratégique remarquable, lui offrant une position prééminente. L’historien grec de l’antiquité Hérodote l’appelle « la grande ville de la Phrygie ». Xénophon la tient déjà pour une ville peuplée de gens prospères (à l’époque où Cyrus y campa), lors de la marche contre Artaxerxès en 401 avant notre ère.
Certains personnages du Nouveau Testament, tels Épaphras, Philémon, Apphia et Archippe, sont originaires de Colosses, tandis que Nymphas est de Laodicée. Ces personnes avaient reçu l’Évangile de la part de Paul. Jean-Marc y fut envoyé comme évangéliste. C’est à Épaphras que revient cependant l’honneur d’avoir été le fondateur de l’Église. Il avait rencontré Paul à Éphèse et après sa conversion il semble avoir été dépêché par celui-ci comme messager spécial. Il ne faut pas confondre Épaphras avec Épaphrodite qui, lui, est originaire de la Macédoine, de la ville de Philippes. Les travaux missionnaires d’Épaphras s’étendirent dans les trois villes mentionnées, où il put organiser de solides communautés chrétiennes.
Les membres de l’Église de Colosses ont été certainement d’origine païenne, quoique pas exclusivement. Car dans la vallée du Lykos on pouvait rencontrer également de larges et prospères communautés juives. Quelque deux siècles avant, Antiochus le Grand avait fait émigrer depuis Babylone vers la Phrygie et la Lydie des milliers de juifs. On peut admettre comme vraisemblable que parmi les convertis de cette Église se trouvaient aussi de nombreux juifs. Certaines références dans la lettre laissent supposer que certains de ses lecteurs devaient être familiers avec les lois et les coutumes ou pratiques juives.
L’Église de Colosses se développe rapidement. Au début, les nouveaux convertis se réunissent chez Philémon, un converti de Paul qui est un riche propriétaire. Du fait de leurs liens étroits avec Paul, certains des membres de l’Église possèdent une intelligence claire et développée des vérités évangéliques. Ils s’y attachent fermement. Malgré le fait d’avoir été tentés par des enseignements hétérodoxes et soumis à des influences juives, dans l’ensemble ils sont restés fidèles à la doctrine apostolique. Pourtant, cette Église n’a pas atteint une position prééminente dans l’histoire de l’Église. Elle semble avoir disparu assez tôt, contrairement à celles de Laodicée et de Hiérapolis. Mais elle a conservé à l’intention des futures générations de croyants l’un des plus précieux joyaux de toute la littérature du Nouveau Testament.
5. L’hérésie colossienne←⤒🔗
En rédigeant ses lettres, Paul a toujours un but précis; chacune d’entre elles devra répondre à une situation précise. Celle adressée aux Colossiens cherchait à combattre une erreur spécifique. Quelque six années s’étaient écoulées depuis la fondation de l’Église. Après les trois années de ministère actif à Éphèse, Paul avait passé un hiver entier en Grèce et était ensuite retourné à Jérusalem pour apporter l’offrande destinée aux pauvres de la communauté. Peu après son arrivée, il avait été arrêté et transféré à Césarée. Après son appel adressé à César, il est convoyé à Rome. Bien que surveillé de près, il lui est possible de recevoir des visites et de s’entretenir de sujets relatifs à l’espérance messianique et au Royaume de Dieu. Là lui parviennent aussi des nouvelles des Églises. Selon le cas, Paul leur écrivait pour les encourager ou pour les mettre en garde. Vers la fin de sa première détention, peut-être au cours de l’année 63, Épaphras arrive de la lointaine Colosses. Il apporte de bonnes nouvelles. Cependant, il ne manque pas d’informer Paul de la présence de certaines doctrines erronées qui menacent l’intégrité de la foi. Les erreurs sont de telle nature que l’apôtre estime urgent de prendre la situation en main et d’avertir ses amis. Il est relativement facile de discerner les éléments de ces enseignements dangereux.
Pour commencer, il y a la tentation d’un certain ritualisme. L’observation des jours et des saisons prend une importance excessive, l’obéissance à ces rites et formes religieuses est dépourvue de tout contenu authentiquement spirituel.
Un autre élément qui présente un réel danger est l’ascétisme corporel comme moyen de recherche de la sanctification. On s’impose des austérités corporelles allant jusqu’à refuser à satisfaire les besoins physiques les plus élémentaires.
Vient ensuite la mystique, d’inspiration païenne. Certains prétendent être l’objet de visions et bénéficiaires de révélations communiquées exclusivement aux membres initiés, et accompagnées par l’apparition d’êtres célestes… La fausse mystique aboutira fatalement à une illégitime « aristocratie spirituelle » et à la formation de clubs ésotériques. On ne saurait déceler avec précision l’origine de ces doctrines et de ces pratiques. Mais on peut penser qu’elles furent d’origine juive, soit en totalité, soit en partie. C’est ce qui ressort de l’observation des jours favorisés, nouvelle lune, sabbats, etc.
Mais l’erreur qui afflige l’Église de Colosses est différente du mal qui sévit en Galatie. Cette dernière était de nature pharisaïque, sans comporter pour autant d’ascétisme, de mystique ou de culte angélique.
On peut penser que l’hérésie colossienne est une tentative de conciliation entre la foi chrétienne et une certaine spiritualité essénienne. Nous ne nous étendrons pas sur ce point. Car une autre opinion penche plutôt vers son identification avec le gnosticisme.
Le terme gnostique désigne des croyances cherchant à combiner la théosophie orientale avec la philosophie grecque et des doctrines chrétiennes. La principale erreur est relative à la nature de la matière et l’origine du monde. La matière serait intrinsèquement mauvaise. Aussi pensait-on que le monde n’était pas créé par Dieu, mais par une série d’émanations procédant de l’être divin. Dans chaque émanation successive, l’élément divin devenait de moins en moins prééminent. Les émanations s’éloignaient de plus en plus de leur origine, qui est Dieu, jusqu’à l’apparition du démiurge, considéré comme le créateur de l’univers matériel.
Quelque part entre Dieu et l’homme se trouverait le Christ, lui-même un éon. Cette conception de la matière comme étant intrinsèquement mauvaise devait fatalement aboutir non seulement à une fausse conception de la personne du Christ, mais encore à des erreurs pratiques : d’une part à une ascèse abusive du corps, considéré mauvais en lui-même; d’autre part à une licence effrénée. Le gnosticisme place l’accent sur la connaissance (« gnosis »), sur la philosophie et la plénitude (« plèrôma » en grec). Ces termes se retrouvent dans notre épître (dans l’original grec). Selon certains interprètes, ils signaleraient l’erreur gnostique. D’autres estiment qu’ils ne le font pas nécessairement. Si l’erreur n’est pas d’origine juive, on peut l’associer à des théories orientales, à une fausse mystique et à des religions de mystère phrygiennes.
Il est évident que l’erreur colossienne est surtout d’inspiration chrétienne en ce sens qu’elle comporte des croyances déjà admises par l’Église, mais cherchant à assimiler aussi des croyances ou des superstitions étrangères à l’Évangile. Ainsi, elle n’accorde pas la place qui revient de droit à la personne et à l’œuvre du Christ. Il est également certain que l’esprit de la même erreur est présent dans l’Église moderne, qui cherche à affaiblir la force de l’Église et à altérer la pureté de sa foi. L’apôtre souligne que le culte voué aux anges rabaisse la position du Christ. Les faux docteurs qui, de manière intéressée et égocentrique, cherchent une communion avec Dieu manquent de la plus élémentaire humilité, font preuve d’arrogance et de suffisance spirituelle vis-à-vis des hommes et ils ne professent qu’une théorie religieuse philosophique au lieu de l’enseignement de l’Évangile tel que l’avaient reçu les Colossiens (Col 2.16-23).
Le lecteur moderne trouvera cette lettre plus facile à comprendre s’il se familiarise avec la doctrine des anges telle qu’elle était enseignée dans le judaïsme de cette époque.
L’angélologie avait connu un développement après l’exil babylonien. On imaginait un monde rempli d’anges et de démons présidant sur les événements de la nature et établissant des rapports étroits avec les hommes. Chaque feuille d’arbre, pensait-on, avait son propre ange. Chaque nation avait aussi le sien, guidant sa destinée et menant ses combats. On ignorait que les anges, selon la Bible, sont impeccables, sans péché, mais selon l’angélologie en cours, même les meilleurs d’entre eux avaient été contaminés par le mal. Étant donné la distance que le judaïsme tardif avait établie entre Dieu et les mortels, il devenait normal que ceux-ci s’adressent aux anges pour régler leurs affaires… Il est possible que par « éléments mondains » (Col 2.2-20) Paul entende les esprits élémentaires et considère toute la race humaine, tant juive que païenne, assujettie à ces éléments qui par nature ne sont pas divins (Ga 4.3-10). Cette règle angélique trouva son expression dans la vie d’Israël. Même le Nouveau Testament montre que le rôle des anges fut grand dans la dispensation de la rédemption. (Selon Ac 7.53, Ga 3.19 et Hé 2.2, la loi fut donnée par leur intermédiaire.) Par conséquent, pour les docteurs judaïsants, se soumettre à la loi impliquait la soumission aux anges.
Une large partie des convertis d’Épaphras fut, semble-t-il, gagnée à ces idées, mais la partie fidèle informa son pasteur pour demander son avis et surtout celui de Paul, ce qui motivera la rédaction de notre lettre comme réponse aux questions posées.
L’apôtre n’attaque pas de front les faux enseignements. Il argumente à partir de l’expérience des Colossiens. En développant sa christologie, il montre, quoiqu’indirectement, que la fausse théologie en cours est incompatible avec leur connaissance du Christ; dans le Fils qui s’abaissa se trouve toute la plénitude de la divinité. Lui seul peut réconcilier les hommes avec Dieu. Aucune place ne doit revenir aux forces angéliques ni à d’autres médiateurs s’interposant entre les deux parties principales. Les puissances angéliques sont insuffisantes, voire incapables de jeter un pont entre Dieu et les humains. Christ suffit amplement. C’est en parfait accord avec le Père qu’il a créé le monde. Il est le chef de l’Église. Certes, l’ancienne dispensation avait été ordonnée et instituée dans un ensemble légaliste, mais ce système a été aboli (Col 3.19, Ép 2.15). Christ établit le lien véritable et durable entre l’ancienne et la nouvelle dispensation. Il a cloué sur la croix toute « autre religion ». Son œuvre dépasse de loin celle, inférieure, confiée temporairement à des anges.
Comment pouvait-on dégrader de la sorte le culte destiné uniquement au Fils éternel? Sa supériorité par rapport à des principautés et à des puissances avait triomphé de manière éclatante (Col 2.14-15). L’adoration des anges n’est nullement signe d’humilité, mais de superstition déshonorante pour l’Évangile de la seule et de la pure grâce. Elle dénote l’incapacité de se rendre compte de la nature véritable de la relation entre Dieu et l’homme.
Quant aux règles judaïques de l’ascétisme, elles n’ont pas davantage de force, car elles déforment la nature de la foi et de la piété. Elles ne restreignent pas la chair, bien au contraire, elles poussent à l’arrogance et à la fatuité. Cette note dominante sur la seigneurie de Jésus-Christ permet ensuite d’adresser des exhortations d’ordre pratique.
Le message de l’apôtre pourrait par conséquent se résumer de la manière suivante : Il convient de combattre le faux enseignement qui nie la divinité du Christ et rejette ainsi la suffisance de son œuvre médiatrice. Il faut encourager les chrétiens à mener une vie digne de l’Évangile.
La lettre souligne, une fois de plus, que tout faux enseignement et toute hérésie de la foi chrétienne a trait à la personne du Christ et limite la toute suffisance de son œuvre médiatrice. C’est un refus de reconnaître la vérité de son assertion sur la croix : « Tout est accompli » (Jn 19.30). C’est avoir recours à des subterfuges humains et rompre définitivement avec la révélation. C’est se permettre une spéculation dépourvue de tout fondement. De tels enseignements n’honorent pas le Christ. Or, sa grandeur est manifeste aussi bien dans la création que dans la rédemption et sa supériorité sur le monde et sur l’Église devra éclater aux yeux de tous.
6. Analyse du contenu←⤒🔗
1. Introduction (1.1-13)
Après les salutations aux saints et frères en Christ qui sont à Colosses, l’apôtre mentionne les motifs de gratitude de l’Église de Colosses envers Dieu. Il est reconnaissant à cause de leur foi et de leur amour envers les saints, ainsi que pour leur espérance chrétienne. Il prie donc :
- afin qu’ils soient remplis de sagesse (connaissance de la volonté de Dieu);
- qu’ils portent des fruits, en pratiquant le bien;
- qu’ils soient fortifiés par la puissance de Dieu, ce qui le conduit à parler du Christ comme de la seule voie de progrès spirituel.
2. La doctrine de la personne et de l’œuvre du Christ (1.14 à 2.3)
Paul cherche à démontrer la grandeur insurpassable du Christ. En tant que personne, il est le Rédempteur de son peuple, le Créateur de l’univers, l’image même de Dieu; ce qui le rend non seulement le chef du monde spirituel — c’est-à-dire de l’Église —, mais encore de la création naturelle. Il est le véritable Roi de l’univers. Son œuvre consiste à réconcilier ensemble, dans la paix, Dieu et le monde. Il acheva cette œuvre de réconciliation par l’effusion de son sang, et à présent la prédication de cette réconciliation est devenue la mission apostolique. Il est désireux de faire connaître aux Colossiens le mystère de Dieu par lequel le salut sera obtenu par les païens. À cause de ce désir, il les avertit dans la section suivante.
3. Avertissements contre les faux enseignements (2.4 à 3.4)
Les faux enseignements qui déshonorent et insultent le Christ étaient un étrange mélange d’idées juives, païennes et chrétiennes. Ils formaient un dangereux syncrétisme. On pense qu’ils prirent leur origine en Syrie ou à Alexandrie. Paul les qualifie de philosophies et de tromperies selon la tradition des hommes, les rudiments du monde, et non d’après le Christ (Col 2.8). Bien qu’il soit difficile d’identifier ces faux enseignements avec le gnosticisme élémentaire appelé « hérésie colossienne », nous en connaissons cependant certains éléments. Il semble que sa base soit juive, avec une lourde insistance sur des observations légalistes telles que circoncision, aliments purs et impurs, sabbat, etc. Bâti sur ce fondement se trouvait le système philosophique dont nous avons parlé brièvement. Or, Christ est le seul Médiateur entre Dieu et les hommes. En lui se trouve la plénitude de la sagesse, qu’il accorde non pas seulement à une élite, mais à tous ceux qui croient en lui. Il exerce une autorité suprême sur la totalité de l’univers. Les anges sont uniquement des messagers; il n’existe aucune raison de les adorer. Si nous adorons le Christ, notre vie sera cachée par lui en Dieu (Col 3.3).
4. La vie chrétienne (3.4 à 4.6)
Ayant appelé les chrétiens à avoir l’esprit et la pensée tournés vers le Christ pour mener une vie nouvelle, Paul poursuit en détail l’explication de la vie nouvelle. Nous devons nous défaire du vieil homme et rompre avec les vices pour nous revêtir de l’homme nouveau et cultiver des vertus chrétiennes. La figure employée est celle d’ôter certains vêtements pour en mettre de nouveaux. C’est une image qui rend clair la pensée de l’apôtre. Revêtir ces vertus n’est pas une affaire temporaire. Nous devons les porter continuellement.
Deux séries de vices sont ensuite mentionnées : l’impureté et la convoitise, qui sont une idolâtrie. Il s’agit d’une sensualité impure. Maïs également la colère, la malice, les moqueries, les discours honteux, le mensonge… La première série nuit au pécheur personnellement, la seconde porte préjudice à autrui. Les vertus qui doivent les remplacer sont la compassion, la bonté, l’humilité, la douceur, la longanimité, la patience, le pardon; toutes peuvent se résumer par un seul mot : l’amour de Christ doit avoir la souveraineté sur la vie tout entière (Col 3.15-17). Notre cœur lui appartiendra afin que la paix de Dieu règne en nous; l’esprit ou l’intelligence aussi, afin que la parole s’éclaire, et notre volonté également. Nos actions de grâces seront guidées par lui. « Quoi que vous fassiez en paroles ou en actes, faites tout au nom du Seigneur Jésus-Christ » Col (3.17).
Comme dans la lettre aux Éphésiens, l’apôtre aborde la question de la famille. Épouses, enfants et serviteurs doivent obéissance. Les maris doivent aimer leurs épouses sans les traiter en inférieures. Les parents doivent avoir de la considération pour leurs enfants et veilleront à ne pas les décourager. Les maîtres traiteront leurs serviteurs comme ils auraient voulu être traités eux-mêmes. Les serviteurs rendront leur service comme s’ils le devaient à Dieu.
Enfin, il aborde les devoirs de la piété (Col 4.2-6). Notre vie de prière devra rester active et forte, caractérisée par un esprit de gratitude. Nous devons prier Dieu pour les non-convertis, car seul Dieu peut ouvrir les portes. Paul ne pouvait pénétrer dans la province de Bithynie, car les portes en étaient fermées (Ac 16.7). Mais il put entrer en Europe, car Dieu y avait ouvert une porte. En face des incroyants, nos vies et nos discours feront preuve de reconnaissance et ne devront pas causer de préjudice à l’Évangile.
5. Conclusion (4.7-18)
La mission de Tychique, le porteur de la lettre, est définie. Il devra informer les Colossiens de la situation de Paul et les consoler de sa part. La mention par Paul d’Onésime et celle de Tychique, le conducteur spirituel de l’Église, montre de quelle manière l’Évangile rend tous les croyants égaux en Christ. Viennent ensuite des salutations envoyées aux Colossiens de la part d’Aristarque, un compagnon de captivité de l’apôtre, de Marc et de Luc, de Jésus appelé juste, un collaborateur de Paul, d’Épaphras le pasteur, et de Démas, qui plus tard abandonnera Paul lors de son procès romain. Archippe, le ministre de Colosses, est réprimandé pour sa paresse. Enfin, il y a la recommandation de lire la présente lettre devant l’Église de Laodicée, distante de quelque 16 km. La bénédiction et la salutation finale sont écrites des propres mains de Paul.
7. Questions←⤒🔗
- Quelles sont les vérités énoncées au sujet du Christ? (1.13-20).
- Quel est le but de la prédication de Paul? (1.28).
- Contre qui la colère de Dieu se révèle-t-elle? (3.5-9).
- De quelle manière Paul exprime-t-il sa dépendance envers Dieu pour le succès de sa mission? (4.3).
- Signaler la signification spirituelle du baptême. (2.13).
- Signaler les points positifs de l’Église de Colosses.
- Souligner dans votre Bible les avertissements contre les faux enseignements.
- Quel est l’enseignement de la lettre au sujet de Jésus-Christ?
- Analyser d’après 3.18 et 4.6 les relations sociales entre chrétiens.
Note
1. Voir à ce sujet notre étude sur la lettre à Laodicée d’après Apocalypse 3.14-22, intitulée La porte fermée, dans la série Le Dieu invincible — Méditations sur l’Apocalypse.