Cet article a pour sujet l'importance de l'honneur et de la conscience devant Dieu dans nos choix éthiques, par obéissance à Dieu.

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Honneur et conscience

Martin Luther fut convoqué en 1521 à Worms pour révoquer ce qu’il avait écrit. Il demanda trois jours de réflexion puis, seul devant l’empereur Charles Quint et devant tous les légats du pape, il s’écria : « Ma conscience est liée par la Parole de Dieu, et il n’est pas bon d’aller contre sa conscience. Je ne puis autrement. Que Dieu me soit en aide. » Il dut fuir, déguisé, et fut pendant trois ans reclus au château de la Wartburg, chez un protecteur près d’Eisenach. C’est là qu’il traduisit le Nouveau Testament en langue allemande. « Il n’est pas bon d’aller contre sa conscience », dit Luther.

Les idées de liberté et de tolérance ont, normalement, élevé à un haut niveau les notions d’honneur et de conscience. Mais dans les faits, la liberté et la tolérance ont parfois fait presque disparaître ces deux notions. J’ai le droit, donc je le fais. Tout le monde le fait, donc je peux le faire… Que faut-il penser de cela?

Ce questionnement se pose aujourd’hui dans une période de forte déchristianisation. Pour beaucoup, la perte de référence à Dieu ouvre des portes béantes, par exemple dans le domaine médical avec les progrès techniques et les questions éthiques que cela entraîne. Pour d’autres, le recours aux principes religieux se fait dans une quête identitaire telle que cela pose aussi des questions de cohérence sociale. La cohérence sociale, tiens! Quel poids devrait-elle avoir? Avec cette question qui peut faire trembler : suis-je d’abord français ou suis-je d’abord chrétien?

Je lis au premier chapitre du livre de l’Exode :

« Il s’éleva sur l’Égypte un nouveau roi qui n’avait pas connu Joseph [le fils de Jacob, appelé aussi Israël]. Il dit à son peuple : Voilà les enfants d’Israël qui forment un peuple plus nombreux et plus puissant que nous. Allons, montrons-nous habiles à son égard, empêchons qu’ils ne s’accroissent. […] Mais plus on accablait le peuple plus il s’accroissait, et l’on prit en aversion les enfants d’Israël. […] Le roi d’Égypte parla aussi aux sages-femmes des Hébreux. Il leur dit : Quand vous accoucherez les femmes des Hébreux, si c’est un garçon, faites-le mourir; et si c’est une fille, laissez-la vivre. Mais les sages-femmes craignirent Dieu et ne firent pas ce que leur avait dit le roi d’Égypte; elles laissèrent vivre les enfants. Le roi d’Égypte appela les sages-femmes et leur dit : Pourquoi avez-vous agi ainsi . Les sages-femmes répondirent à Pharaon : c’est que les femmes des Hébreux ne sont pas comme les Égyptiennes; elles sont vigoureuses et elles accouchent avant l’arrivée de la sage-femme. Dieu fit du bien aux sages-femmes et le peuple multiplia et devint très nombreux. Parce que les sages-femmes avaient eu la crainte de Dieu, Dieu fit prospérer leurs maisons » (Ex 1.8-21).

On ne sait pas très bien s’il s’agit de sages-femmes égyptiennes ou du peuple hébreu. Mais on comprend qu’elles accouchaient des femmes des deux peuples et qu’elles ont été confrontées à un problème de conscience. Aujourd’hui, on dirait : à une question d’éthique. Deux possibilités s’offraient à elles, tout aussi impossibles à réaliser l’une que l’autre : obéir au pharaon et tuer les garçons nouveau-nés; ou laisser vivre les garçons et désobéir au pharaon, avec ce que cela pouvait leur coûter. Comment choisir?

Peu après la naissance de Jésus, les soldats du roi Hérode se sont trouvés dans une situation semblable, puisque l’ordre leur a été donné de tuer tous les enfants de la contrée qui avaient moins de deux ans (Mt 2.16). Est-ce le métier d’un soldat de tuer de jeunes enfants? Auraient-ils pu dire non? Auraient-ils dû dire non, quitte à perdre leur emploi? Ils ne l’ont pas fait. Les sages-femmes en Égypte l’ont fait, et pour sauver leur peau, elles ont inventé un mensonge. Et Dieu les a bénies. « Parce que les sages-femmes avaient eu la crainte de Dieu, Dieu fit prospérer leurs maisons. »

Dans tous ces cas, on peut imaginer une balance avec deux plateaux, sur lesquels on met des poids… jusqu’à ce que la balance penche d’un côté ou d’un autre. Là se situe la question de la conscience et la question de l’honneur, c’est-à-dire des priorités dans l’échelle des valeurs, du poids que l’on donne à chaque chose. Comme avec l’échelle de la douleur et la graduation de 1 à 10…

Nous avons maints exemples avec les rencontres vécues par Jésus, notamment quand on lui tend des pièges. Un jour, quelqu’un lui demande s’il faut ou pas payer l’impôt à César. N’oublions pas que César était l’empereur romain qui avait envahi le territoire d’Israël. Jésus avait une bonne compréhension de ce qui est juste aux yeux de Dieu et une conscience claire. Du coup, sa réponse est claire : « Avez-vous une pièce de monnaie? », demande-t-il. « De qui est l’effigie qui se trouve dessus? Alors, rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mc 12.16-17). Ce n’est donc pas l’un ou l’autre, c’est les deux. Mais chacun à son rang; et Dieu est plus grand1.

Nous voyons maints cas de conscience comme cela dans la Bible. Par exemple au chapitre 4, puis au chapitre 5 du livre des Actes, c’est-à-dire au tout début de l’Église chrétienne, les autorités interdisent formellement aux apôtres de prêcher Jésus-Christ. Les apôtres désirent se soumettre aux autorités (religieuses, ici; mais même civiles), car cela est demandé par Dieu. Mais ils désirent avant tout se soumettre à Dieu. Il y a donc un conflit d’autorité qui est extérieur à eux, mais face auquel ils sont appelés à faire un choix. À deux reprises, ils diront clairement : Nous voudrions vous plaire, mais nous devons d’abord plaire à Dieu. Une femme peut être appelée à dire cela à son mari un jour, un ouvrier à son patron, un soldat à son commandant : non par esprit d’insoumission, mais par soumission à une autorité plus grande. Celui ou celle qui agit comme cela préserve sa conscience et adresse un profond appel à la conscience de l’autre2.

Pour illustrer le principe de la priorité des valeurs, j’ai cherché les expressions « d’abord », « premièrement », « avant tout »… dans le Nouveau Testament :

Il est important d’aller adorer au temple. Mais « d’abord se réconcilier » (Mt 5.24).

Suivre Jésus, mais celui-là veut « d’abord prendre congé de sa maison » (Lc 9.61).

« Chercher premièrement le Royaume de Dieu et sa justice… » (Mt 6.33).

« Ôte premièrement la poutre de ton œil; après, tu verras… » (Mt 7.5).

« Avant tout, gardez-vous de levain des pharisiens, qui est l’hypocrisie » (Lc 12.1).

« Que les enfants apprennent avant tout à exercer la piété envers leur propre famille et à rendre à leurs parents ce qu’ils ont reçu d’eux » (1 Tm 5.4).

« Pratiquons le bien envers tous, et surtout envers les frères en la foi » (Ga 6.10).

« Avant tout, ayez les uns pour les autres un amour continuel » (1 Pi 4.8).

« Sachant avant tout que dans les derniers jours, il viendra des moqueurs avec leurs railleries… » (2 Pi 3.3).

Ainsi, le texte biblique nous aide à repérer les choses prioritaires. On pourrait dire : tout est important, mais tout n’est pas aussi important.

Il faut donc avoir une conscience claire, courageuse; mais il faut aussi avoir une compréhension juste des choses. Les deux; et l’écoute attentive de la Parole de Dieu nous y aide. Souvenons-nous des chrétiens de Bérée : « Ils examinaient chaque jour les Écritures pour voir si ce qu’on leur disait était exact » (Ac 17.11).

Là, nous avons deux indications importantes :

Il ne s’agit pas que de pasteurs, mais de chrétiens. Chaque chrétien doit s’assurer que ce qu’on lui dit est juste, car il ne sert à rien de croire quelque chose de faux!

Ensuite, on voit que la subjectivité ne suffit pas. « C’est gentil, c’est sympathique, c’est à la mode, ça me plaît, ça me fait du bien… » Cela ne suffit pas. Il faut une raison plus sûre, plus haute. Comme Jésus face au diable, au désert : « Il est écrit! »3 C’est autre chose que se fier aux sentiments…

Je résumerai cet exposé en évoquant quelques dilemmes :

  1. L’amour et la sainteté de Dieu : faut-il choisir? Bien sûr que non. Mais aujourd’hui, il semble parfois qu’on n’a plus que le droit de parler de l’amour de Dieu. N’oublions jamais l’amour de Dieu, mais n’oublions pas sa sainteté!

  2. Le regard des autres. Quel est le poids du regard des autres dans notre attitude? Être approuvé des hommes peut être bon ou mauvais signe… Relire Mt 6.5.

  3. La capacité à souffrir à cause du Seigneur : non pas comme malfaiteurs — car là, il n’y a aucune gloire —, mais en pratiquant le bien (1 Pi 3.17).

  4. Et donc la capacité de dire non quand il le faut : non par mauvais caractère, mais quand le Seigneur le demande. « Que votre parole soit oui, oui, ou non, non. Tout ce qu’on y ajoute vient du Malin » (Mt 5.37).

Est-ce que nous nous rendons compte quand notre parole et notre conduite sont agréées par Dieu ou quand elles l’attristent?

Notes

1. Si on demande à un musulman ce qui vient en premier : la loi de Dieu ou la loi de la République? On espère qu’il va répondre : La loi de la République. Mais si on pose la question à un chrétien, doit-il répondre que la loi de la République passe avant la loi de Dieu? Certainement pas! Je crois qu’on devrait répondre comme Jésus : Ce n’est pas la loi de Dieu ou celle de la République, c’est les deux. Mais la loi de Dieu est première. Serons-nous capables de répondre cela si on nous intimide, si on se moque, si on nous menace? Mais si nous désirons que nos enfants et nos petits-enfants en soient capables, il faut bien que nous le soyons nous-mêmes!

2. L’apôtre Pierre évoque assez précisément ce « cas de conscience » dans sa première lettre. Lire 1 Pi 2.12; 3.14-17.

3. On peut noter une différence de réflexes entre catholiques et protestants (historiquement, car cela peut varier aujourd’hui). Les catholiques demandent : Que dit l’Église? Les protestants demandent : Que dit la Bible? Rappelons-nous que la Bible est écrite pour tous, pas seulement pour les pasteurs! (Ph 1.1).