Introduction au livre des Actes des apôtres
Introduction au livre des Actes des apôtres
- Auteur et authenticité
- Destinataires
- Date et lieu de composition
- Chronologie
- Structure et contenu
- Particularités
- Questions
1. Auteur et authenticité⤒🔗
L’auteur du livre des Actes des apôtres (désormais désigné comme Actes) est sans doute un compagnon de l’apôtre Paul et par conséquent un témoin oculaire de la plupart des faits qu’il rapporte. C’est ce qui ressort d’une part des passages du livre appelés « le nous » (Ac 16.10-11; 20.5-15; 21.1-18; 27.1 et 28.16), et de courts passages d’épîtres pauliniennes tels que Colossiens 4.14 et Philémon 1.24, qui témoignent qu’il fut le compagnon de l’apôtre durant sa captivité.
L’Évangile selon Luc et le livre des Actes sont les deux parties d’un livre qu’on pourrait bien appeler « les paroles et les actes de Jésus ». Le premier volume traite du ministère terrestre de Jésus (Ac 1.1b), tandis que le second s’occupe du ministère que le Seigneur exerce actuellement, depuis son exaltation et sa session à la droite de Dieu. On peut dire que Luc nous offre un excellent aperçu sur le mouvement du christianisme allant des juifs vers le monde païen. Nous n’insisterons pas sur la personne de l’auteur étant donné que nous avons suffisamment parlé de lui dans notre article consacré à l’Évangile selon Luc1. Nous examinerons ici la question de l’authenticité du livre.
Les preuves internes en faveur de l’authenticité lucanienne comprennent, entre autres, le style identique aux deux écrits. En lisant les deux livres, on est assez rapidement convaincu que leur auteur est le même. Le second volume souligne, ainsi que le faisait le premier, la note universelle du salut. Par conséquent, il fut probablement écrit par un chrétien d’origine non juive. Dans Colossiens 4.11-14, Luc est présenté de manière différente du reste des collaborateurs de Paul, qui « sont de la circoncision ». L’auteur donne également des détails précis sur la maladie (Ac 3.2-8; 9.33; 14.8; 28.8-9).
Toujours d’après Colossiens 4.14, nous savons que Luc était médecin. On est frappé par l’exactitude historique du récit (Ac 5.34-39; 12.1-3; 20.24) et de la connaissance que possède l’auteur des termes officiels pour désigner les représentants de Rome (proconsul, 13.7; préteur, 16.22). Or, Luc était un homme de science qui, dans ses travaux littéraires, faisait des recherches historiques exactes (Lc 1.1-4).
Examinons plus en détail le fait que l’auteur a été le compagnon du grand apôtre. D’après les passages appelés « nous », il dut accompagner l’apôtre lors de son deuxième voyage missionnaire à Troas et à Philippe. Sans doute dut-il rester en arrière quelque part (Ac 16.17). Vers la fin du troisième voyage, il rejoint Paul à Philippe (20.6). Il est fort probable qu’il est près de Paul durant le séjour de celui-ci à Césarée. De toute manière, il semble qu’il est avec Paul tout au long du long voyage de ce dernier vers Rome (27.1). Le fait que le nom de Luc ne soit pas mentionné dans le livre renforce notre conviction qu’il s’agit bien de lui. Mais on peut aussi dire que le nom de Tite n’est pas mentionné davantage. Toutefois, le langage médical, aussi bien dans l’Évangile que dans les Actes, favorise notre conclusion en faveur de l’authenticité lucanienne, « le médecin bien-aimé ».
On a tenté de prouver que le langage médical faisait partie du langage culturel général de l’époque. Mais la question ne concerne pas seulement des termes tels que « paralysé » (Lc 5.18; à comparer avec Mc 2.3; Lc 18.25; Mc 10.25, dans l’original), mais de l’intérêt médical en particulier.
Cette évidence indique à son tour que Luc est l’auteur des Actes. On sait également que le point de vue de cet écrit est très fortement paulinien (Ac 13.46; Ép 3.1).
Luc est un historien tellement précis que les critiques qui au début doutaient de l’historicité de certains faits rapportés par lui sont parvenus finalement, après avoir effectué des recherches précises, à la conclusion opposée et ont dû changer d’avis.
Ce sont les mêmes qui avaient mis en doute l’affirmation de Luc dans l’Évangile selon laquelle le recensement décrété par Auguste fut effectué par Quirinius, le gouverneur de Syrie (Lc 2.2).
Cette difficulté fut cependant résolue avec succès par Sir Ramsey qui, près d’Antioche en Pisidie, découvrit des inscriptions prouvant qu’avant la naissance de Jésus, Quirinius était bien le gouverneur de la Syrie. En outre, selon toute vraisemblance, l’exécution du décret de recensement dut être retardée de quelques années dans le royaume d’Hérode. Luc 3.1 présentait une autre difficulté : ici, l’auteur dit que la prédication du Baptiste commença en l’an 15 de Tibère. Mais Tibère commença son règne en l’an 14 de notre ère après la mort d’Auguste. Sa 15e année l’approche donc de l’an 28 de notre ère qui serait l’année du début de la prédication du Baptiste. Mais si Jésus a commencé son ministère en l’an 26, dans ce cas la première manifestation publique de Jean le précurseur a dû précéder celle du Seigneur, et il en résulte qu’il doit y avoir une erreur de datation. Cependant, l’erreur ne se trouve pas chez Luc, mais plutôt dans notre manière de calculer les dates.
Car Tibère a été l’associé d’Auguste dans l’administration des provinces conquises dès l’an 12 de notre ère, c’est donc à partir de cette date-là que Tibère a régné. La prédication du Baptiste dut alors débuter en l’an 26 de notre ère. Luc a dans sa mémoire l’autorité réelle, de facto, de Tibère, et non l’année où il succéda officiellement à Auguste. Ce qui est confirmé par le synchronisme trouvé ailleurs dans Luc 3.2 (Anne non plus n’était pas Souverain Sacrificateur, pourtant il officiait simultanément avec son gendre Caïphe).
L’usage du terme de « proconsul » au lieu de « prêteur » dans Actes 13.7 servira de nouvelle illustration. L’île de Chypre était une province sénatoriale, d’où le terme de proconsul pendant une brève période; au moment du voyage missionnaire de Paul et de Barnabas, ce fut justement un proconsul qui gouvernait l’île. De même, les gouverneurs de la ville de Thessalonique sont appelés des politarches. Une inscription trouvée dans cette ville porte ce même terme. Luc possède d’abondantes sources à la fois écrites et orales pour tirer ses informations. Il pouvait s’appuyer sur ses propres observations (penser aux passages où il est dit « nous » dans Actes). De même, il devait tenir des informations directes et personnelles de son grand ami Paul. Quoiqu’il ne soit pas certain qu’il les a toutes vues, il tire également des informations d’autres sources et d’autres témoins (Philippe l’évangéliste, les frères de Jérusalem, Jacques, le frère de Jésus, Marc, copie des lettres, etc.).
Certains spécialistes pensent qu’il eut accès à une source écrite araméenne pour Actes 1 à 15. Le fait certain et principal reste pourtant qu’il fut spécialement conduit par le Saint-Esprit, aussi bien dans le choix des matériaux que dans la rédaction définitive de ceux-ci.
Outre ces preuves internes, nous nous appuierons sur celles de la tradition primitive pour admettre l’authenticité lucanienne du livre des Actes. Parmi les témoignages favorables, citons le canon de Muratori qui date de la deuxième moitié du 2e siècle; Irénée, Clément d’Alexandrie, Tertullien, etc. soulignent également cette authenticité.
Enfin, avant de clore ce paragraphe et pour « rendre à César ce qui est dû à César », rappelons que la preuve irréfutable de l’authenticité lucanienne fut fournie par le théologien allemand du 19e siècle Theodore Zahn; celui-ci fut le premier à conclure à partir des passages que nous appelons « le nous » qu’il ne pouvait s’agir que d’un compagnon de Paul. Or, celui-ci ne pouvait être autre que Luc, Timothée, Tite ou Silas. Or, Timothée et Silas ne peuvent être considérés comme les auteurs parce qu’ils n’étaient pas présents lors des voyages décrits par les passages en question. Tite ne pouvait l’être davantage puisqu’il n’a point accompagné Paul durant son voyage à Rome. Il ne reste donc que Luc. Le fait qu’il fut d’origine païenne apparaît clairement dans le passage de Actes 28.2 ou le terme de barbare désigne les habitants de Mélita. À cette époque, aucun juif n’aurait pu employer ce terme pour ces gens-là, qui étaient des Phéniciens, par conséquent apparentés aux juifs (des Sémites). Il est difficile aussi d’accepter une origine macédonienne de Luc (Ac 16.9).
2. Destinataires←⤒🔗
Comme le troisième Évangile, le livre des Actes est dédié à Théophile, mais comme l’Évangile, il s’adresse à des lecteurs d’origine grecque.
3. Date et lieu de composition←⤒🔗
La date exacte de la composition nous est inconnue. Plusieurs la situent à Rome avant la mort de Paul, environ à l’époque où le récit prend fin. Selon l’école théologique de Tubingen, le livre aurait été écrit afin de réconcilier les disciples de Pierre et de Paul; par conséquent, il aurait été rédigé au second siècle. Cependant, il est impossible d’accepter cette vue, car elle s’oppose directement à l’autorité de la Parole de Dieu qui ne connaît aucune divergence entre les deux apôtres.
On peut avancer quelques facteurs susceptibles de déterminer la date de composition. Selon Actes 1.1, l’Évangile dut précéder les Actes.
L’Évangile sous-entend que Jérusalem avait déjà été détruite, quoique la chose ne soit pas mentionnée. Actes ne mentionne pas non plus la chute de Jérusalem, mais ne dit pas davantage qu’elle soit restée intacte!
Ainsi, nous ne pouvons séparer les deux livres lorsque nous cherchons à déterminer leur date de rédaction et la situer autour de l’an 70. Selon Actes 11.28, Claude est empereur. Le livre n’a pu être composé après l’an 70. Paul fut emprisonné à Rome à deux reprises et sa libération nous est connue par Actes 28.30. On pourrait arriver en l’an 75; une date ultérieure nous amènerait à un conflit avec la période des Pères de l’Église qui connaissaient bien le livre et s’en servaient déjà.
Le livre des Actes illustre la manière dont l’Esprit opère dans l’Église, par degré naturel, comme dans le développement d’un organisme physique. Enseignement, tact, patience, douceur, persévérance étaient nécessaires pour persuader les juifs des exigences de l’Évangile et que les païens avaient leur place dans le dessein du salut
La Pentecôte sema les grains, elle ne planta pas des arbres adultes. Elle accorda à la vie du peuple de Dieu une nouvelle direction, une vue plus large, mais la manière d’accomplir devait s’affiner. La conviction que l’Évangile était destiné aux païens aussi bien qu’aux juifs se manifesta graduellement et lentement. Nous devrons reconnaître la limitation de l’expression « les extrémités de la terre ». En atteignant Rome, Paul n’atteignit pas les extrémités de la terre, telles que nous entendons d’ordinaire ce terme. Pour nous, l’expression a un sens géographique, se référant à des lieux inconnus dans l’ouest; ceci est exprimé par des termes tels que « mission extérieure ou outre-mer ». Sans doute Jésus avait-il à l’esprit une dimension géographique en donnant son ordre missionnaire. Mais Luc lui ajoute un sens symbolique. Rome n’était pas l’extrémité du monde, même pas celle de l’Empire romain. En outre, l’Évangile y avait déjà été proclamé.
4. Chronologie←⤒🔗
« Nous ne pouvons reconstituer d’une manière rigoureuse la succession des faits de l’histoire apostolique. Rares sont les précisions de dates, fortuits les recoupements avec des événements de la “grande histoire”, il n’y a pas à s’en étonner : Dans l’antiquité, la manière de compter les années a souvent varié; et ce qui importe à l’auteur, c’est moins la date du fait que son contenu et sa signification spirituelle. Combien de temps s’écoule-t-il entre la Pentecôte et l’institution des diacres? Quand Saul de Tarse est-il terrassé par la vision du Christ ressuscité sur le chemin de Damas? Que penser des confusions historiques introduites dans le discours de Gamaliel au sujet des prétendants messianiques? Combien de temps Paul demeure-t-il à Éphèse? Et qu’advient-il de lui à la fin des deux années de captivité qu’il passa à Rome dans le logement qu’il y avait loué? Nous ne le saurons jamais avec certitude. Contentons-nous donc d’une chronologie approximative établie à l’aide des faits attestés par l’histoire profane (mort d’Hérode Agrippa en 44, famine en Judée en 46, gouvernement de Gallion à Corinthe en 52, de Félix à Césarée entre 52 en 58). Il faut en même temps tenir compte des renseignements donnés par Paul lui-même (en particulier dans l’épître aux Galates).2 »
Le seul repère de chronologie absolue dans les voyages de Paul est le proconsulat de Gallion, daté du 1er juillet 50 au 30 juin 52 par une inscription de Delphes découverte en 1907. Cela situe la fondation de l’Église de Corinthe, qui est au centre de la deuxième mission, entre 49 et 51, puisque l’apôtre séjourne dix-huit mois dans la ville.
- Première Pentecôte, en 29?
- Conversion de Saul de Tarse, entre 30 et 36
- Martyre de Jacques et mort d’Hérode (Ac 12), en 44
- Première visite de Paul à Jérusalem
- Début de son ministère à Tarse et à Antioche, avant 46 (elle est postérieure à la mort d’Agrippa 1er qui eut lieu en 44-45 et à une famine qui sévit sous l’empereur Claude, datée de 46-47, antérieure au concile de Jérusalem, daté de 48-49). Sergius Paulus, proconsul à Chypre, est connu par une inscription non datée. Règne de Claude.
- Premier voyage missionnaire
- Séjour de Paul à Chypre
- Voyage en Pamphylie, Pisidie, Lycaonie, Antioche de Pisidie, Iconium, Lystre, Derbe
- Retour à Antioche par Attaleia de Pisidie et montée à Jérusalem
- Deuxième mission, vers 49-51 ou 46-51
- Voyage en Asie Mineure, printemps-été 49
- Lycaonie, Phrygie et Galatie. Traversée d’Alexandrie de Troade, à Néapolis de Thrace
- Séjour en Macédoine, automne-hiver 49, Philippes, Thessalonique, Béroia
- Passage à Athènes
- Séjour de dix-huit mois à Corinthe; printemps 50 automne 51 (juillet; arrivée de Gallion à Corinthe)
- Traversée de Cenchrées à Éphèse et retour à Antioche
- Troisième mission, vers 52-58
- Voyage en Galatie et en Phrygie
- Séjour de trois ans à Éphèse, entre 52 et 56
- D’où aller et retour à Corinthe (fin 55?), puis en Macédoine (56?)
- Long séjour en Macédoine, fin 56
- Séjour de trois mois à Corinthe, hiver 56-57
- Traversée de la Macédoine à Alexandrie de Troade, avril 57?
- Croisière de retour : Assos, Mytilène, Chios, Samos, Milet, Cos, Rhodes, Patara, Tyr
- Voyage de captivité, 60-61
- Postérieur à l’entrée en charge du procurateur de Judée Faustus, 59-60
- Départ de Sidon vers Adrymettium
- Débarquement à Myra, Cnide Lasaia de Crète, Malte (naufrage)
- Séjour à Malte, hiver 60-61
- Malte, Syracuse, Pouzolles, Rome
- Exécution à Rome, 62, 64 ou 67?
Ces dates permettraient de proposer les suivantes pour les épîtres de Paul : les première et deuxième aux Thessaloniciens, écrites d’Athènes et de Corinthe, seraient de 49-50; l’épître aux Galates de 48-49 ou de 50-51 ou encore de 55. La première aux Corinthiens, écrite d’Éphèse, serait de 53, la deuxième de 55, ainsi que l’épître aux Romains, envoyée de Corinthe. Les épîtres aux Colossiens, aux Éphésiens et à Philémon seraient écrites de la prison de Césarée en 57, ou de celle de Rome, en 60; l’épître aux Philippiens, de Rome, en 60. Les trois épîtres pastorales (Timothée et Tite) reflètent un état de l’Église plus tardif. Cela supposerait que l’apôtre, libéré en 61 ou en 62, aurait repris momentanément son ministère avant une ultime arrestation, vers 67.
Le livre des Actes conclut la partie historique du Nouveau Testament. Il rapporte les faits historiques jusqu’aux années 60 de notre ère, date de l’arrivée de Paul à Rome. Les cinquante années suivantes restent, en ce qui concerne l’histoire de l’Église primitive, dans la plus totale obscurité. Hormis les martyrs des deux principaux apôtres Pierre et Paul, et la persécution sous les empereurs Néron et Domitien, nous ne possédons presque aucun renseignement sur la vie de l’Église durant cette période.
Lorsqu’à la fin de ce demi-siècle on commence de nouveau à apercevoir un bout d’histoire ecclésiastique, on se rend compte qu’il se produisit des changements considérables. La pratique du gouvernement ecclésiastique, celle des sacrements, la liturgie et la doctrine subirent des changements qui étaient inconnus vers la fin même de la carrière de Paul et de Pierre. Par conséquent, il est extrêmement important d’étudier le contenu de ce livre qui jettera sa lumière vers la période obscure que nous mentionnons. Il nous permettra en tous les cas de comprendre les fondements à la fois spirituels et historiques de l’Église.
5. Structure et contenu←⤒🔗
Rappelons-nous que les livres bibliques, à l’origine, n’ont pas été divisés en chapitres comme ils le sont actuellement. Ici et là, on pouvait apercevoir le début d’un paragraphe nouveau. Il nous faut déplorer la mauvaise division de la Bible en chapitres actuels. Comme l’Évangile selon Matthieu, le livre des Actes a été très soigneusement conçu dans sa structure littéraire. Toutefois, cela n’apparaît pas à première vue. Il faudrait une lecture attentive pour l’apercevoir et pour diviser le livre en différentes parties. Mais les divisions s’y trouvent. Le plan est étroitement lié à son intention et à son message.
L’auteur, Luc, a choisi avec soin les matériaux qu’il rapporte. Après le chapitre 12, nous n’entendons guère parler de Pierre. Remarquons cependant aussi que l’œuvre de Paul rapportée ici ne constitue qu’une partie seulement de l’ensemble de son œuvre missionnaire.
Il n’y a que quelques mots au sujet de Jean, une référence un peu plus longue est faite à Jacques, mais il n’y a rien sur le reste du collège apostolique. Les deux premiers chapitres sont fondamentaux pour le livre dans son ensemble et pour chacune de ses parties. Le chapitre premier expose le programme qui doit être exécuté et le chapitre 2 la puissance par laquelle celui-ci est réalisé. À partir du chapitre 3, l’auteur rapporte la manière dont l’Évangile devra être prêché et l’Église établie par l’efficace de l’Esprit.
Il accomplit ce dessein par grandes étapes, séparées par des transitions. La première est la diffusion de l’Évangile parmi les juifs (Ac 3.1 à 9.31) la seconde est sa diffusion parmi les nations païennes (Ac 13 à 18).
Les chapitres de transition vont de 9.32 à 12.25. Chaque étape possède sa figure centrale. Pierre d’abord, Paul ensuite. Pourtant, la distinction entre les deux étapes ne devrait pas être prise très rigoureusement. Car dans la première, on trouve d’importantes références aux païens, et des exemples de la prédication devant les juifs dans la seconde. Mais la distinction générale est claire et valable. Nous proposons la division suivante du livre des Actes :
- La mission et la capacité donnée (1.1 à 2.47)
- L’Église parmi les juifs (Pierre)
a. L’Évangile à Jérusalem (3.1 à 5.42)
b. La diffusion en Judée, Samarie, Galilée et Damas (6.1 à 9.31) - Transition vers la mission païenne (9.32 à 12.35)
- L’Église parmi les païens (Paul)
a. Diffusion en Asie Mineure (13.1 à 16.5)
b. Progrès en Europe (16.6 à 19.20)
c. Apogée : l’Évangile à Rome (19.21 à 28.31)
6. Particularités←⤒🔗
L’auteur des Actes, Luc, décrit le cours de l’Évangile en tant que l’œuvre du Christ et de son Esprit, qui, par l’intermédiaire d’une Église, fonde d’autres Églises, aussi bien parmi les gentils que parmi les juifs. Il décrit également des antithèses, la plus importante étant celle qui oppose Paul à des juifs étroits et fanatiques (21.27; 28.28). Cependant, ces derniers ne sont pas en mesure de nuire ou d’anéantir l’œuvre du Christ et de son Saint-Esprit.
Cette intention explique aussi à sa manière la fin plutôt abrupte du livre. La fin survient lorsque l’Évangile est proclamé à Rome, capitale du monde. Il y est proclamé sans entrave ni opposition. Ainsi, la conclusion montre une œuvre achevée. Nous ne pourrions accepter que Luc ait rédigé un troisième livre afin de décrire la mort de Pierre et de Paul. D’ailleurs, il n’existe aucune trace d’un tel écrit. Aucun Père ecclésiastique n’a jamais fait mention d’un troisième ouvrage dû à la plume de Luc. Aucun fragment ne nous en est parvenu.
a. Les discours←↰⤒🔗
Le livre des Actes contient 16 discours en tout. Toutefois, on peut avoir une opinion différente en ce qui concerne la nature d’un discours. On peut faire la distinction entre un entretien et un discours. Ce dernier a une forme qui appartient à un contexte, tandis que ce n’est pas le cas du premier. Par exemple, les paroles d’adieux prononcées par Jésus et rapportées dans le premier chapitre, bien que d’une très grande valeur, appartiennent à la catégorie du dialogue avec les disciples, par conséquent il ne s’agit pas d’un discours. Il en est de même pour les entretiens de Paul avec les anciens juifs dans le chapitre 28.
On ne doit pas supposer que ces discours sont des reproductions verbales précises de ce qui a été dit. Il était courant dans le monde grec de rapporter des discours dont l’auteur se souvenait ou qui lui avaient été rapportés. En outre, nous avons très probablement dans Actes des discours « condensés ». Ils donnent l’essence de ce que l’orateur a dit. Ainsi en va-t-il pour le sermon de Pierre dans Actes 2. Luc conclut cette section par 2.40.
Il est peu probable que le discours prononcé par l’avocat Tertullus devant le gouverneur n’ait consisté que dans les six versets rapportés par Luc (Ac 24.2-8), ou la défense de Paul en dix versets (24.10-21). Cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas été rapportés avec exactitude ou de manière adéquate, mais, plus simplement, qu’ils ne contiennent pas tout ce qui a été dit.
La plupart des discours ont un caractère de sermon. Comme tels, ils offrent une bonne idée de la prédication apostolique. On notera la place capitale accordée à la résurrection du Christ. Les références qui sont faites à celle-ci présupposent, bien entendu, la mort, ce qui explique que la mort, elle, y occupe moins de place. En outre, il faut garder à l’esprit que le même auteur avait déjà écrit un Évangile. La majorité des références faites à la mort de Jésus se trouvent liées aux reproches adressés aux juifs pour leur action criminelle. Mais la mort du Christ en tant qu’œuvre rédemptrice ne reçoit pas de prééminence. Il se pourrait que la résurrection et la Pentecôte aient poussé la croix à l’arrière-plan. Mais les lettres de Paul, écrites au moins une quinzaine d’années avant la rédaction du livre des Actes, présentent la croix, la mort, la résurrection, l’ascension et la session à la droite du Père, de même que l’œuvre de l’Esprit dans leurs relations réciproques.
Il convient de lire les discours et de les relire attentivement. Cinq sont de Pierre; six de Paul; un de Gamaliel; un d’Étienne; un de Jacques; un de Tertullus l’avocat et un d’un porte-parole des anciens de Jérusalem s’adressant à Paul.
- 2.14-40 : Pierre, sermon de Pentecôte
- 3.12-26 : Pierre, sermon sous le porche de Salomon
- 4.28-12 : Pierre, défense devant le Sanhédrin
- 5.34-39 : Gamaliel, exhortation à la prudence adressée au Sanhédrin
- 7.1-53 : Étienne
- 10.34-43 : Pierre, chez Corneille
- 11.5-17 : Pierre, défense à Jérusalem
- 13.16-41 : Paul à Antioche en Pisidie
- 15.13-21 : Jacques au concile de Jérusalem
- 17.22-31 : Paul, devant l’Aréopage
- 20.18-35 : Paul, adieux aux anciens d’Éphèse
- 22.1-21 : Paul, défense à Jérusalem
- 24.2-8 : Tertullus, accusation portée contre Paul
- 26.2-29 : Paul, défense devant le roi Agrippa
b. Matériaux sélectionnés←↰⤒🔗
Comme les Évangiles, Actes choisit aussi ses matériaux. Il le fait à sa manière, mais sous la direction du Saint-Esprit qui opère dans l’Église. Luc aurait pu conclure à la manière de Jean dans l’Évangile (Jn 20.30-31). Il ne faudrait donc pas regarder ce livre comme s’il présentait une histoire complète des trente premières années de la vie de l’Église. La clé d’interprétation se trouve dans Actes 1.8; l’auteur développera ce thème par la suite. L’histoire rapportée dans ce livre est centrée autour de la figure principale de Pierre pour la région désignée par « Jérusalem, la Judée et la Samarie », et autour d’une autre figure dominante, celle de Paul pour l’aire appelée « les extrémités de la terre ». À l’intérieur de ces aires se trouvent donc Jérusalem, Samarie, Lydie, Joppée, Césarée, et dans la zone suivante, Antioche, nombre de villes en Asie Mineure, la Grèce, ainsi que le voyage de Paul jusqu’à Rome. C’est pour cette raison-là que nous ne lisons rien au sujet des expériences de Paul, ou des agents et des méthodes de la proclamation de l’Évangile. Qui peut dire dans combien d’autres régions le type d’évangélisation rapportée dans Actes 11.20-21 a été répété?
c. Historicité←↰⤒🔗
Les études modernes établissant la solidité des faits historiques rapportés par Luc nous surprennent. Sir William Ramsey a démontré, dans ses recherches effectuées en Asie Mineure, que les lieux, les noms, les titres, les routes de voyage, les coutumes auxquels il est fait allusion dans le livre des Actes sont conformes aux faits et aux usages en vigueur durant la période couverte par ce livre. Mais certains problèmes surgissent qu’il convient d’étudier. Nulle part, Luc ne fait allusion aux lettres de Paul, bien que certaines furent écrites en sa présence (Col 4.14; 2 Tm 4.11; Phm 1.24). Et puis, toutes furent écrites plusieurs années avant Actes.
Un autre problème est celui de la grande difficulté de faire concorder les données du livre avec les voyages que Paul effectua à Jérusalem et dont il parle lui-même (Ac 9.26-30; 11.30; 12.25; 15.1-35; 21.1-19).
En outre, certains pensent que les paroles contenues dans Actes 18.22 se rapportent à une cinquième visite. Or, Galates 1.18-24 et 2.1-10 laissent supposer deux visites. Il est impossible d’entrer ici dans des détails beaucoup trop techniques; faisons cependant deux remarques :
1. Luc commence son Évangile par les mots bien connus de sa préface. Puisque le livre des Actes est intimement associé avec l’Évangile en tant qu’il est sa suite, qu’il est écrit par le même auteur et dédicacé au même Théophile, il n’y a pas de raison de mettre en question le fait que la manière dont Luc écrit l’Évangile ne puisse s’appliquer aussi au livre des Actes.
Ceci est confirmé par l’exactitude que nous avons notée à propos des sujets dont on peut constater le caractère sérieux et précis. Le soin que Luc prend pour écrire ne s’apparente pas à la manière dont les écrivains modernes écrivent; il n’applique son soin qu’à sa manière propre, et se met en accord avec les normes littéraires qui présidaient aux écrits des auteurs contemporains.
2. Comme il a été noté dans le cas des synoptiques et de Jean, les auteurs du Nouveau Testament se sont d’abord préoccupés de la transmission du message. Ils sont de la même lignée que les auteurs du livre de Josué, Samuel, Rois qui, dans la Bible hébraïque, ne sont pas appelés des historiens, mais les premiers prophètes, tout comme Ésaïe, Jérémie Ézéchiel et les petits prophètes, Osée, Malachie, etc., sont appelés les « derniers prophètes ».
Le cadre des données (suite, preuve et forme) auquel une attention est accordée dans la science biblique de notre époque ne dominait pas les écrits du message prophétique de la Bible. Chaque auteur rapporte les faits dans la mesure où ceux-ci étaient nécessaires pour son propre but et en rapport avec le message central. La non-référence de Luc aux lettres de Paul doit être vue aussi à la même lumière. Il n’y a aucune raison de penser que Luc ignorait les lettres de son grand ami. Mais il est plus important encore de savoir que Paul était vivant du temps de Luc. Aussi longtemps que Paul pouvait écrire et parler, ses lettres n’avaient d’importance que locale, car selon toute vraisemblance elles étaient adressées à des communautés particulières. Sans doute Paul écrivit-il plus de lettres que nous n’en possédons actuellement (Laodicée?, Col. 4.16). Ce n’est qu’après sa mort que ses lettres progressivement devinrent l’héritage de l’Église.
d. La résurrection←↰⤒🔗
Une particularité très frappante du livre des Actes est l’insistance placée sur la résurrection du Christ. Treize fois, il fait mention de celle-ci, huit fois de la résurrection en général (consulter une concordance). Ceci contraste avec le peu de références faites à la crucifixion. Celle-ci est présentée comme un crime commis par des juifs. Mais contre ce péché se trouve la puissance de Dieu qui ressuscite le Christ. Cette priorité du thème rédempteur de la résurrection n’est pas un accident. Les premières parties du livre traitent du temps suivant immédiatement la résurrection. Cet événement avait impressionné puissamment les disciples et devint le thème même de la proclamation.
En deuxième lieu, la résurrection occupe une place considérable dans deux exemples de la prédication de Paul (13.30-37, à des juifs; 17.30-32, à des païens). Cela ne devrait pas nous étonner, car le thème de la résurrection est la pierre angulaire de la théologie paulinienne ainsi qu’il est développé dans ses lettres.
e. Manifestation de l’Esprit Saint et miracles←↰⤒🔗
« Les prodiges qui suivent la Pentecôte, visions, délivrances providentielles, donnent peut-être à certains l’impression que le livre des Actes évoque une époque révolue, un peu légendaire, dont l’enseignement susciterait des réveils de temps à autre dans l’Église, mais sans qu’il en ressorte un exemple permanent pour les communautés d’aujourd’hui. Sans doute, le monde actuel n’est plus (ou croit ne plus être) un monde où le surnaturel côtoie constamment le matériel. Sans doute les manifestations extatiques, telles que le parler en langues, sont plutôt rares et ne contribuent pas toujours à l’édification d’une communauté. Mais dans le livre des Actes déjà, l’essentiel n’est pas là.
Non. Le miracle essentiel dont témoigne l’ouvrage, et dont les autres miracles ne sont que la conséquence, c’est que Jésus ressuscité, le Christ désormais à la droite de Dieu, n’a pas abandonné le monde.
Il communique son Esprit à ceux qui attendent son Royaume. Il rassemble un peuple dont la seule tâche désormais est de rendre témoignage à la présence du Seigneur vivant : qu’ils partent en mission lointaine ou que dans leur ville même ils vivent d’une vie renouvelée, les chrétiens proclament qu’un monde nouveau a commencé, puisque le Fils de Dieu, mort pour nous, est rentré dans la gloire. Le miracle, c’est qu’ils soient solidaires du monde bien qu’y vivant en étrangers. Leur amour étonne les gens du dehors, ainsi que leur courage, leur sérénité dans l’épreuve, l’accueil qu’ils font à tous et la manière dont le Seigneur emploie chacun selon les dons qu’il lui confère pour le servir. La joie de l’Évangile gagne ainsi de proche en proche, et sur toutes choses, événements et hommes, l’Esprit étend sa direction.3 »
f. Les Actes des apôtres et les lettres de Paul←↰⤒🔗
L’introduction aux lettres de Paul sera donnée dans une autre partie de notre Introduction au Nouveau Testament. Cependant, du fait que les récits du livre des Actes éclairent déjà amplement le ministère du grand apôtre des païens, il nous est possible d’en dire quelques mots en passant.
Les premières étapes de la mission ont été franchies avant que Paul n’entre en scène. Dès la prédication de Pierre à la Pentecôte, des juifs comme des prosélytes ont été gagnés à l’Évangile. Il y eut aussi le témoignage exceptionnel d’Étienne, la mission en Samarie et la percée de l’Évangile chez les païens (Corneille).
On peut cependant dire qu’aussi bien Pierre que ces collègues avaient encore une certaine peine à saisir la portée universelle de la proclamation de l’Évangile. Aussi vivent-ils encore à l’ombre du Temple et en rapport étroit avec les synagogues. Il fallut donc franchir les barrières du judaïsme et devenir l’Église universelle dans laquelle il n’y a plus ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni libre, ni homme, ni femme, parce que tous sont un en Christ (Ga 3.28).
C’est à Paul, l’ancien persécuteur des disciples, le pharisien endurci, qu’allait revenir la tâche d’élargir, à la mesure du monde païen, les petites Églises de judéo-chrétiens. Cet élargissement de la vision ne s’accomplit pas sans résistance de la part des communautés judéennes; les épîtres de Paul portent la trace de l’angoisse que causait à l’apôtre une telle incompréhension.
Luc, bien qu’il fut disciple de Paul, ne semble pas avoir ressenti aussi vivement que lui la violence du conflit; le recul du temps avait peut-être atténué l’impression produite là où Paul, responsable de l’évangélisation, ressentait jusque dans sa chair même les timidités et les infidélités de l’Église (2 Co 11.29). Luc, l’ancien païen, moins théologien, était frappé surtout par la victorieuse marche en avant de l’Église, et faisait ressortir dans son récit la fidélité de l’Esprit qui unit et apaise.
g. L’Écriture sainte et la prophétie←↰⤒🔗
« Les apôtres reconnaissent tous l’autorité de l’Écriture sainte. Leur Bible correspond à peu près à l’actuel Ancien Testament, lu sans doute en grec, dans la version dite des Septante par ceux qui vivent hors de Judée. Tant qu’ils s’adressent à des juifs ou à des prosélytes, ils annoncent que Jésus de Nazareth, condamné par le Sanhédrin et par les Romains, est bien le Messie annoncé par les Écritures. Les prophéties n’ont-elles pas révélé que le Fils de Dieu souffrirait pour le péché du monde et serait ressuscité par la puissance de Dieu? Maints passages des épîtres de Paul démontrent cette conformité entre les Écritures et tel aspect du ministère de Jésus. Certains de ces rapprochements surprennent par leur caractère compliqué.
Pour nous, lecteurs d’aujourd’hui, tout en fortifiant notre foi en Christ par le témoignage de l’Ancien Testament, nous considérons surtout que c’est l’Ancien Testament qui s’éclaire lorsqu’il est, d’une manière ou d’une autre, annonce ou préfiguration du Sauveur. En revanche, pour les croyants contemporains des apôtres, la référence à un texte de l’Ancien Testament constituait une preuve éclatante de la vérité de l’enseignement apostolique. Et si nous songeons aux divagations de l’interprétation allégorique des livres sacrés, telle qu’elle se pratiquait à Alexandrie ou dans les écoles rabbiniques, nous reconnaissons que les apôtres ont fait preuve de beaucoup de sobriété en ce domaine. En effet, ils se sont appliqués à lire les Écritures à la lumière de l’Esprit Saint, et leur exégèse demeure pour nous le modèle et la limite de l’interprétation christologique des livres de l’Ancien Testament.
Au cours de cette période, et sans que le livre des Actes le mentionne nettement, les narrations orales de la vie de Jésus, les recueils de ses discours ont pris de plus en plus d’autorité dans l’Église. Bientôt, un acte ou une parole du Maître revêt une autorité plus haute qu’un texte ou une loi de l’Ancien Testament. L’inspiration personnelle enfin, dans le domaine de la prophétie ou de la prédication, était le troisième soutien de la foi des fidèles. Reçue et transmise dans la communion du corps du Christ, conforme à l’Écriture sainte et à l’enseignement de Jésus, la prophétie a alimenté la vie chrétienne pendant toute l’époque apostolique.4 »
h. L’intention de l’auteur←↰⤒🔗
L’une des intentions du livre apparaît dans la façon dont l’auteur prouve que les autorités romaines, dans tout l’empire, ne se sont jamais comme telles opposées à l’Église, parce que le christianisme ne semble pas être contraire aux lois établies. Ainsi, le proconsul de Chypre est favorable à Paul et à Barnabas; les préteurs de la ville de Philippes s’excusent d’avoir maltraité illégalement Paul et Silas; les asiarques d’Éphèse étaient les amis de Paul; le secrétaire de cette ville prend même sa défense contre les accusations de la meute; Gallion, le proconsul d’Achaïe, refuse d’entendre les chefs d’accusation portés contre l’apôtre par les juifs de Corinthe et le considère comme étranger ou ne relevant point de la loi romaine. À Césarée, les procurateurs Félix et Festus ainsi que le roi vassal Hérode Agrippa II concluent à l’innocence de Paul.
Pourquoi le christianisme s’est-il alors heurté à tant d’obstacles? En guise de réponse, Luc dénonce l’attitude des juifs à travers tout l’empire. Toutes les attaques contre les chrétiens dont il fait mention ont des juifs pour instigateurs, à l’exception de la flagellation et de l’emprisonnement à Philippes et de l’émeute survenue à Éphèse.
Mais dans les deux cas, les païens pensent que leurs intérêts sont menacés par l’Évangile. Paul et ses compagnons vont d’une ville à l’autre, offrant la bonne nouvelle, d’abord aux juifs, de synagogue en synagogue, mais leur message est rejeté presque sans exception.
Alors les missionnaires chrétiens se tournent vers les païens, quoique l’Évangile progresse aussi dans les communautés de l’empire, tandis que du même coup il est refusé par la plupart des communautés juives. Ce refus est bien résumé à la fin du livre dans la citation qui est faite d’un texte d’Ésaïe (És 6.9), une parole que le Seigneur Jésus lui-même avait citée dans le même sens que l’apôtre.
Bien que le livre des Actes soit un livre historique, il prouve également le progrès accompli par l’Évangile qui pénètre les trois continents connus, et il se révèle comme un livre de théologie.
Des discours de Pierre, d’Étienne et d’autres, il apparaît clairement que les faits fondamentaux de la foi composent les parties essentielles de l’enseignement de l’Église. La première assemblée chrétienne, le concile de Jérusalem, défendit le premier point essentiel de la doctrine chrétienne, à savoir la justification par la foi seule et le salut par la grâce toute-puissante de Dieu. Ces thèmes seront ultérieurement développés dans les lettres de Paul aux Galates et aux Romains. Ainsi, le livre des Actes sert-il d’introduction utile aux lettres du Nouveau Testament lesquelles, comme on le sait, offrent l’interprétation correcte et autorisée de la foi chrétienne, tant pour l’Église primitive que pour l’Église universelle de toutes les époques. En un vrai sens, ces lettres sont des lettres de missionnaires, adressées à des Églises de la mission.
Le grand thème du livre des Actes des apôtres nous est donné dans le chapitre 1 et au verset 8 :
« Vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre. »
On peut dire que tout le livre s’occupe de manière systématique de cet unique thème. Les chapitres 2 à 12 s’occupent de ce témoignage à Jérusalem et le reste du livre de sa diffusion jusqu’aux extrémités de la terre. La figure principale dans la première partie, nous l’avons vue, est Pierre, et dans la seconde, Paul.
Cependant, la ligne de démarcation entre les missions juive et païenne n’est pas aussi nette. Car le fondement de la mission auprès des païens se trouve déjà dans la Parole du Christ dans Actes 1.8, l’effusion de l’Esprit (1.1-13), la conversion de l’officier éthiopien (8), celle de Saul (9), la vision de Pierre des animaux purs et impurs (10.9-16), la conversion de Corneille et de sa famille (10.23-48) et la proclamation de l’Évangile aux gentils à Antioche de Syrie (10.19-25).
Pareillement, la mission parmi les païens est évidente de l’activité missionnaire de Paul et de ses voyages, mais elle n’a point ignoré les juifs de la diaspora ni les besoins et l’autorité de l’Église de Jérusalem (13.13-52; 14.1-7; 16.11-15; 17.10-15; 18.1-7; 19.1-10; 22.1-23; 26.1-29; 28.17-28).
L’inclusion des gentils dans la famille de Dieu et la perte de la priorité d’Israël telle que les juifs l’avaient comprise ne se produisit pas sans peine ni conflit. Mais Actes 28.14 (« nous arrivâmes à Rome ») est très éloquent. Un tremplin de l’Évangile avait été placé dans la capitale de l’empire le plus puissant du monde. À Rome vivaient des soldats, des artistes, des commerçants, des écrivains et des visiteurs de tous les coins de l’empire, et même d’au-delà. L’Église établie à Rome devait ainsi atteindre les extrémités de la terre par le moyen de voyageurs autant que de missionnaires. Le christianisme primitif était orienté de manière urbaine, et de ces centres urbains l’Évangile rayonna vers les campagnes environnantes. Ainsi, Paul peut écrire à l’Église de Thessalonique :
« Car la parole du Seigneur a retenti de chez vous, non seulement en Macédoine et en Achaïe, mais votre foi en Dieu s’est fait connaître en tout lieu, à tel point que nous n’avons pas besoin d’en parler » (1 Th 1.8).
Luc peut envisager dans l’ensemble le témoignage de l’Église de Rome dans l’empire de la même manière que Paul liait Thessalonique à la Macédoine et à l’Achaïe.
Outre cette intention première de montrer comment l’ordre donné par Jésus de prêcher l’Évangile dans la puissance de l’Esprit a été accompli par l’Église, Luc avait également une seconde intention. Elle est la même que celle que nous mentionnions dans l’introduction à l’Évangile qui porte son nom5. Bien qu’il n’en parle pas directement, l’Évangile donne souvent la preuve de l’effort qui est fait pour désarmer la suspicion des autorités romaines envers l’Église et les chrétiens. Ce thème revient souvent dans Actes. Dès le début, Luc établit un lien fondamental entre l’Évangile et l’ancienne foi d’Israël (Ac 2.14).
Ceci était très important du point de vue politique, car aux yeux des Romains le judaïsme était religio licita. Le christianisme devait par conséquent être accepté comme l’accomplissement naturel ou le développement de la religion d’Israël. L’effusion de l’Esprit avait été prophétisée dans l’Ancien Testament et le Messie est le descendant du plus grand monarque juif, lequel avait prédit la résurrection. Nous ne voulons pas affirmer que Luc écrivit le chapitre 2 des Actes en ayant à l’esprit les officiels romains. Le discours de Pierre s’adresse à des juifs. Ces paroles sont compréhensibles et justifiées de ce seul point de vue. Mais son message est la base de la défense ultérieure qu’utilisera Paul devant les autorités romaines. Les Romains sont donc déchargés de toute responsabilité directe, et Paul peut louer une maison personnelle pour y enseigner librement durant les deux années de son séjour à Rome.
Du point de vue religieux, civil et juridique, Luc présente Paul comme le principal porte-parole chrétien dans le monde païen, de manière à disposer favorablement les Romains à son égard d’une part, et l’Église a l’égard de son message, d’autre part. Son intention est de créer un climat favorable envers l’Évangile chez les Romains, mais également d’expliquer la manière dont le ministère a été conclu.
Il ne donne pas d’information sur la mort de Paul. Il est possible que Luc s’arrête à ce point du ministère de Paul pour ne pas mentionner l’exécution de Paul par les autorités romaines.
Christ et son Église, tel est pourtant l’essentiel du thème du livre. Le message qui se dégage de ces pages toutes palpitantes de vie veut que l’Église soit la création même de Jésus-Christ, de sa Parole proclamée, et de son Esprit répandu. Il l’a enfanté par sa vie, son ministère, sa passion, et sa victoire sur le péché et sur la mort. Sa résurrection triomphante, son ascension glorieuse et l’effusion de l’Esprit Saint, voilà ce qui explique encore qu’une communauté faible de quelques hommes incultes, sans influence sociale ou culturelle, ait pu devenir le peuple de Dieu, chargé de la plus dynamique et de la plus révolutionnaire des missions. Ceux qui sont unis à Christ par son Esprit font désormais partie de son Église.
Ainsi, l’unité de l’Église n’a rien de théorique ni de mécanique. C’est l’unité par le baptême de l’Esprit, qui unit au Christ vivant tous ceux qui croient en lui. La fonction de l’Église produit en elle la vie de Jésus. Il la guide, appelant des hommes et des femmes en leur indiquant le lieu de leur ministère, il lui communique l’amour du Seigneur qui devient sa passion, le motif de toute son action.
Le but de l’Église est la gloire de Dieu sur terre, sa règle la loyauté à son chef Jésus-Christ, et sa puissance la présence en elle du Saint-Esprit. Autrement, on ne saurait expliquer comment ces prédicateurs incultes ont pu produire une impression aussi profonde sur le monde contemporain. Ils le refaçonnèrent même. Comment l’enseignement des épîtres, lié à celui des Évangiles, et le mouvement commencé chez les juifs et centré autour d’un Messie juif, fondé sur des écrits juifs, aboutirent-ils à une religion universelle, donnant naissance à la civilisation occidentale? Ces questions et nombre d’autres trouvent leur réponse dans le livre des Actes; le lien entre le ministère et l’enseignement du Christ d’une part et le christianisme d’autre part apparaît pleinement développé déjà dans les épîtres du Nouveau Testament.
i. Le Saint-Esprit←↰⤒🔗
Le récit de la Pentecôte dans Actes 2 est de caractère étrange et inhabituel. Peu de gens, même dans le ministère, savent comment il faut le saisir. On prêche rarement sur ce sujet si ce n’est d’une manière générale qui a peu de lien avec le fait lui-même. Il semble que tout est plutôt mis en œuvre pour que Pentecôte puisse demeurer quelque chose de mystérieux.
Cette incompréhension conduit à une conception du Saint-Esprit en tant que puissance qui mène nombre de chrétiens à des croyances et conduites bien étranges. Mais cela est à peine en rapport avec l’enseignement que Paul donne à l’Église de Corinthe concernant le Saint-Esprit et ses dons.
Une brève explication d’Actes 2.1-13 montrera que le Saint-Esprit ne mérite point d’être associé avec la confusion et la conduite anormale que l’on connaît. Il faut l’associer plutôt avec la structure fondamentale de l’Église du Christ. Nous verrons, en effet, qu’il y a un mystère dans le récit de la Pentecôte. Mais comme lors de la création, c’est un mystère éminemment ordonné et fructueux.
Le terme de Pentecôte signifie en grec le cinquantième. C’est la fête de l’Ancien Testament pour la moisson, cinquante jours après la Pâque. Dans l’Ancien Testament, elle s’appelle la fête des semaines. Le jour particulier décrit dans Actes 2, les disciples de Jésus, au nombre de 120, se trouvent réunis ensemble. L’Esprit se révèle à eux par trois signes distinctifs remarquables : l’Esprit n’est pas venu précisément le jour de Pentecôte seulement, comme s’il n’était jamais venu, ou n’était point connu auparavant. Il vint pour demeurer d’une manière spéciale.
Si l’on ôte cette manière nouvelle, alors on retire l’Esprit de la Pentecôte et plus rien ne reste; ces signes indiquent le sens et la nature de sa venue : feu, vent, langues.
Notons le caractère et la relation mutuelle de ces trois signes. Les signes du vent et du feu ne vinrent pas sous forme de vent réel ou de feu. Il y eut une voix comme celle du vent, mais point de vent, il eut des langues de feu comme le feu, mais il n’y eut point de feu matériel. C’étaient des apparitions symboliques. Le parler en langues d’autre part est présenté par Luc comme un parler réel, un témoignage, une proclamation en paroles parfaitement comprises dans des langues parlées à l’époque dans diverses parties de l’Empire romain. Cependant, en tant que symbole, le vent et le feu ont leur importance. Le vent annonce la puissance et la force de la tempête. Et comme le feu purifie et donne la lumière, il demeure, avec le vent, le symbole de l’efficacité et du pouvoir de l’Esprit.
Mais le récit insiste beaucoup sur le parler en langues. Le symbole du vent n’est mentionné qu’ici et ne le sera plus jamais. Il en est de même pour les langues de feu. Le reste des versets s’occupe du parler en langues qui est présenté de manière variée aussi bien ici que dans le discours de Pierre. Le vent et le feu restent à l’arrière-plan. Car le centre de l’intérêt est occupé par le parler. Examinons ce qui se passe à cet égard.
Pour de multiples raisons, des milliers de juifs vivent dans la diaspora depuis déjà l’exil babylonien (6e siècle avant Jésus-Christ). Mais d’autres se sont expatriés, soit à cause de la captivité soit pour affaires. Ils conservent cependant leur religion. Chaque année, des milliers d’entre eux reviennent au pays pour la fête de Pentecôte ou à Pâque (deux fêtes religieuses favorites). C’est pour cette raison-là qu’on voit tant de juifs réunis à Jérusalem lors du drame de Pentecôte.
Les païens ne reçurent pas l’Esprit. La préparation de l’Évangile à partir d’Abraham jusqu’à l’ascension de Jésus se fit dans un cadre strictement juif. Mais Luc considère ces milliers de juifs de la dispersion comme des représentants « des extrémités de la terre » et des peuples païens qui, un jour proche, allaient embrasser l’Évangile. La proclamation de l’Évangile en différentes langues est un double symbole du caractère et de l’intention de l’Église du Christ.
Le parler en langues à des gens venant de toutes les parties du monde romain fait de l’Église un corps qui témoigne et qui est universel. Lors de cette Pentecôte, le Saint-Esprit devint une partie intégrale et permanente de l’organisation et de la vie du peuple de Dieu comme il ne le fut jamais auparavant. Le prédicateur remplaça le prêtre, la chaire prit la place de l’autel, la prédication et le service celle du sacrifice. L’Église devint une communauté prêchant, enseignant et parlant. L’assemblée chrétienne pour le culte remplaça la synagogue et le Temple. Ainsi, la promesse de Jésus se réalisa-t-elle : « Vous serez mes témoins. » Ce qui veut dire que la prédication, l’enseignement et le témoignage ne sont pas des activités mineures à côté d’autres plus importantes dans l’Église. Il s’agit de la nature essentielle de l’être de l’Église. Elle devra prêcher, enseigner et témoigner. Ce ne sont pas des activités qu’elle invente elle-même, mais, en les accomplissant, elle manifeste sa nature et son essence. L’attente vétérotestamentaire de l’avènement messianique est remplacée par la proclamation néotestamentaire de l’avènement du Messie.
Avec cela, le symbolisme du Temple, du sacrifice, du prêtre disparut et à sa place vint l’Église du Christ avec sa proclamation et le sacrement au centre de sa vie.
Le même jour, et pour la même cause, l’Église devint l’Église universelle : De Judée, elle alla donc vers les extrémités de la terre.
Corps mondial, œcuménique au sens originel et biblique du terme, elle ne connaît point de barrières. Pentecôte ôta la malédiction de Babel. Les grandes œuvres de Dieu furent magnifiées ce jour-là. Il est vrai que ce grand changement ne fut pas aussitôt compris. Mais au cours du livre, nous rencontrons souvent l’Esprit.
Les occasions où on en entend parler sont l’ordre de Jésus de témoigner, l’avènement de l’Esprit, les premières conversions, le jugement sur Ananias et Saphira, la réprimande d’Étienne adressée aux chefs juifs, la conversion de Corneille et de sa famille, Saul et Barnabas comme premiers missionnaires envoyés vers les gentils, l’admission officielle des païens dans l’Église, l’Europe atteinte, le baptême d’Apollos et de ses amis, la tâche des anciens dans l’Église, la relation de l’Évangile avec les juifs et les païens.
C’est pourquoi nombre de spécialistes de ce livre l’appellent le livre du Saint-Esprit, ou des Actes du Saint-Esprit, mais que nous appellerons, pour conclure, le livre du Royaume et de la mission.
7. Questions←⤒🔗
- Quelles sont les fausses idées que Jésus dut corriger chez les disciples avant son ascension?
- Qui a remplacé Judas? Expliquer le mode d’élection employé pour la succession de celui-ci.
- Quel est le sens des signes apparus à Pentecôte?
- Quelles sont les fautes d’Ananias et de Saphira, celle de Simon le Magicien?
- Pourquoi l’expérience de la communauté totale a-t-elle échoué?
- Quelles sont les qualités des premiers diacres?
- Quelles sont les questions soulevées lors du concile de Jérusalem?
- Quelles sont les accusations que Tertullus adressa à Paul?
- Décrivez brièvement l’Église apostolique d’après Actes 2.41-47?
- Résumez le récit de la conversion de Paul, de Corneille, du geôlier de Philippe?
- Résumez brièvement les trois voyages missionnaires de Paul.
- Faites un bref plan des sermons-discours du livre des Actes.
- Étudiez l’expansion missionnaire de l’Église en Judée, en Samarie et au-delà.
- Quel est le rapport entre le livre des Actes et l’Évangile selon Luc?
- Quel est le sens du terme « témoigner » dans ce livre?
- De quelle manière l’Église d’Antioche s’est-elle engagée dans l’œuvre missionnaire?
- Expliquez la cause du premier martyr chrétien.
Notes
1. Voir mon Introduction à l’Évangile selon Luc.
2. Manuel Biblique, vol. 4, p. 171.
3. Manuel Biblique, vol. 4, p. 172.
4. Manuel Biblique.
5. Voir mon Introduction à l’Évangile selon Luc.