La recherche sur les tremblements de terre nous force à l'humilité Ce que nous ne connaissons pas dépasse, et de loin, ce que nous connaissons
La recherche sur les tremblements de terre nous force à l'humilité Ce que nous ne connaissons pas dépasse, et de loin, ce que nous connaissons
- Les tremblements de terre continuent d’échapper aux prévisions
- Des tremblements de terre loin des lignes de faille?
- Difficile de faire des prédictions même le long des lignes de faille
- Plus complexe que l’on pensait
- Trop dépassés pour prédire, mais réagir est à notre portée
On dit que la capacité d’évaluer rétrospectivement est une chose merveilleuse — tout semble si clair et si évident après un événement, lorsque tout est terminé. Toute la question de la prévision des tremblements de terre en Italie en constitue un des exemples les plus frappants. Après le tremblement de terre dévastateur qui a décimé leur ville le 6 avril 2009, les citoyens de L’Aquila ont voulu savoir pourquoi ils n’avaient pas été prévenus. Ils cherchaient qui mettre en cause et ce sont les plus grands sismologues de leur pays qu’ils ont accusés. Le 11 juillet 2010, sept d’entre eux ont été inculpés d’homicide pour avoir omis d’avertir les citoyens de l’événement imminent.
Les citoyens de la ville de L’Aquila ont, sans l’ombre d’un doute, grandement souffert. L’amplitude 6,3 du tremblement de terre a entraîné la destruction de la ville et des villages avoisinants, tuant près de 300 personnes. Le séisme a détruit une grande partie de l’université locale et a laissé la plupart des professeurs sans foyer. Par la suite, les habitants de la place ont déclaré qu’une grande partie de cette agonie aurait pu être évitée. Les scientifiques avaient observé une série de petits événements sismiques dans la région au cours des premiers mois de 2009. Ces événements ont finalement conduit à un tremblement de terre mineur d’amplitude 4,0 le 30 mars 2009. Le jour suivant, les plus grands sismologues du pays se sont rejoints dans la ville pour discuter des possibilités qu’un événement majeur se produise et, si oui, à quel moment. Cette réunion leur a permis de parvenir à un consensus : ils étaient d’avis que bien qu’un événement majeur soit peu probable, la possibilité ne pouvait en être complètement écartée.
À la suite de la réunion (qui ne dura qu’une heure), deux des scientifiques ont rencontré les médias. On rapporte que Bernardo De Bernardinis, député à la tête de l’Agence de Protection civile du gouvernement, aurait déclaré qu’il n’y avait pas de danger puisque les événements plus petits serviraient à dissiper tout stress dans les roches. Ces paroles ne sont pas valables, mais il serait juste de se demander si les médias ont cité correctement ce que De Bernardinis a dit.
1. Les tremblements de terre continuent d’échapper aux prévisions⤒🔗
De toute façon, même si cette remarque peut avoir communiqué un faux sentiment de sécurité, le fait est que personne n’aurait pu prédire si un événement majeur se produirait, ni quand ni où il se produirait, ni de quelle force il serait. En effet, de toutes les disciplines scientifiques défiant les solutions, la prévision de tremblements de terre occupe certainement une des premières places sur la liste. Il suffit de revoir l’histoire des événements majeurs récents pour se rendre compte à quel point ces prévisions sont difficiles.
Pensons, par exemple, au tremblement de terre de magnitude 7,9 qui s’est produit le 12 mai 2008 dans la province du Sichuan, en Chine centrale. Un commentateur de la revue Nature1 a déclaré au sujet de cet événement : « Plus que tout autre tremblement de terre, celui-ci a mis en lumière les lacunes qui demeurent dans la recherche sur les risques de tremblements de terre, que ce soit en Chine ou ailleurs. »
Voici ce qui s’est passé. Au début d’octobre 2006, le gouvernement chinois a commencé à mettre sur pied un réseau de 300 stations à large bande dans la partie occidentale de la province du Sichuan. Espacés en moyenne de 5 km à 30 km, ces récepteurs fonctionnant à l’énergie solaire recevaient des signaux couvrant une région d’environ 370 000 kilomètres carrés. C’était le déploiement le plus dense de tels détecteurs dans le monde et qui suscitait indéniablement l’envie des scientifiques occidentaux. Néanmoins, lorsque le tremblement de terre s’est produit près des villes de Yingxiu et Bailu, tout le monde a été surpris, y compris les scientifiques.
Il se trouve que les scientifiques avaient, par le passé, étudié la faille de Beichuan avoisinante. Les données indiquaient une région très tranquille en matière de l’activité sismique. De plus, aucune augmentation des secousses n’avait été enregistrée avant l’événement majeur de mai 2008. Alors, comment les scientifiques auraient-ils pu prévoir cet événement? De toute évidence, ils n’auraient pas pu.
Il n’est pas surprenant que les scientifiques aient tendance à concentrer leur attention sur les failles qui démontrent une activité et qui ont été le site d’événements importants dans le passé. Ils prêtent attention aux régions susceptibles de voir des événements significatifs se produire au moins à tous les quelques siècles, plutôt qu’aux régions où les événements significatifs sont espacés de plusieurs millénaires!
Le tremblement de terre du Sichuan en 2008 a été une surprise parce que la région n’avait démontré que très peu d’activité sismique récente. À la suite de cette situation, les scientifiques ont conclu qu’ils avaient prêté trop d’attention aux régions où il y avait eu de l’activité sismique récente et que, par conséquent, ils avaient sous-estimé le potentiel de risques d’autres régions. Mais il s’agit d’une conclusion futile. En effet, quels autres indices les scientifiques pourraient-ils utiliser pour prédire les dangers de tremblement de terre partout sur la terre?
2. Des tremblements de terre loin des lignes de faille?←⤒🔗
Le tremblement de terre en Chine est un exemple d’un tremblement de terre majeur se produisant à l’intérieur d’une « plaque tectonique ». Selon la théorie en vigueur, la sphère terrestre est divisée en un certain nombre de grandes plaques qui interagissent les unes avec les autres sur leurs bords, se déplaçant sous ou par-dessus le bord d’une plaque adjacente. La théorie veut que les événements les plus violents, tels que les éruptions volcaniques et les tremblements de terre, se produisent aux limites de ces plaques. Cependant, la théorie des plaques tectoniques ne nous éclaire absolument pas « sur l’endroit ou le moment où un tremblement de terre se produira à l’intérieur des plaques, parce que les parties intérieures de plaques idéales ne devraient pas se déformer2 ».
Il est donc évident que les scientifiques ne comprennent pas vraiment pourquoi des tremblements de terre se produisent à l’intérieur des plaques et qu’ils ne sont certainement pas en mesure de prédire de tels événements.
Une des régions où l’activité intraplaque (à l’intérieur de la plaque) a été le plus étudiée, c’est la ville de New Madrid au Missouri, qui est située à 2000 kilomètres de la limite la plus proche d’une plaque. C’est pourtant dans cette région que le 16 décembre 1811, et pendant les trois mois qui ont suivi, une série de tremblements de terre importants se sont produits, secouant toute la moitié orientale du pays.
En même temps, des « éruptions de sable » se sont produites à de nombreux endroits. Ce phénomène se produit lorsqu’un tremblement de terre d’amplitude 7,6 ou plus provoque la liquéfaction de sédiments de sable saturés. Une violente éruption s’en suit à la surface et les sédiments liquéfiés se déposent sur le terrain autour de l’éruption. Le sable qui s’est répandu pendant les événements de 1811-1812 a couvert de vastes régions agricoles d’une couche tellement épaisse qu’il a été difficile de cultiver le sol pendant plusieurs années par la suite. De plus, une analyse géologique de la région indique que trois ou quatre événements majeurs similaires se seraient produits au cours des deux mille dernières années.
Le mystère relatif aux événements qui se sont déroulés aux environs de New Madrid persiste, les mesures prises par GPS au cours des vingt dernières années ne révélant aucune activité décelable au niveau du sol. Il n’y a aucune différence évidente entre la région de New Madrid et le reste du centre et de l’est des États-Unis. Alors, pourquoi de tels événements se sont-ils produits près de New Madrid? Personne ne le sait et les experts ont des opinions différentes quant à la possibilité que de tels événements se produisent à nouveau ou non dans la région. Même si ces événements sont chose du passé, cela n’explique pas pour autant pourquoi des tremblements de terre majeurs se sont produits à cet endroit.
3. Difficile de faire des prédictions même le long des lignes de faille←⤒🔗
S’il est difficile de prévoir les tremblements de terre dans les régions intraplaques du monde, en fait, il n’est guère plus facile de le faire près des limites des plaques. L’amplitude désastreuse de 9,0 du tremblement de terre qui est survenu au Japon le 11 mars 2011 en est un exemple frappant. Selon le National Geographic, déjà en 1978 et à nouveau en avril 2006, le gouvernement japonais avait identifié la région de Tokai, à 160 km au sud-ouest de Tokyo, comme site le plus probable du prochain grand tremblement de terre au Japon. Des plans pour parer à toute éventualité de tremblement de terre, précis jusque dans les moindres détails, ont été préparés pour la région. Malheureusement, quand le terrible tremblement de terre — le pire qui a jamais eu lieu — s’est finalement produit, c’est près de Sendai, à 270 km au nord-est de Tokyo, qu’il a eu lieu plutôt qu’au sud-ouest, comme il avait été prédit.
De même, l’effroyable tremblement de terre d’amplitude 9,1-9,2 qui s’est produit à Sumatra-Andaman le 26 décembre 2004 avait surpris tout le monde. Alors que les scientifiques avaient déployé leur équipement en Indonésie dans diverses régions estimées dangereuses et qu’ils y exerçaient leur surveillance, un événement monumental s’est déroulé dans une région où peu de détecteurs avaient été installés, étant donné que pour ainsi dire personne ne s’attendait à ce qu’un événement d’une telle ampleur s’y produise3. Cet événement a été le premier événement d’envergure colossale duquel certains détecteurs ont pu enregistrer la progression. Apparemment, en l’espace de huit minutes, une rupture s’est produite et a parcouru une distance de plus de 1300 km, provoquant un déplacement d’environ 20 mètres d’un bloc d’une largeur de 150 km. Personne n’aurait pu s’attendre à un événement d’une telle ampleur dans cette région. Les scientifiques en ont conclu que des événements importants pouvaient potentiellement se produire dans toute faille comparable. Quelle évaluation précise des risques spécifiques!
4. Plus complexe que l’on pensait←⤒🔗
Depuis que les scientifiques ont à leur disposition des détecteurs plus sophistiqués et plus nombreux, ils se sont rendu compte à quel point ces phénomènes sont complexes. Après le terrible tremblement de terre survenu à San Francisco en 1906, Henry Fielding Reid de l’Université John Hopkins avait avancé l’idée que les tremblements de terre seraient caractérisés par une alternance à répétition d’une accumulation de pression suivie d’une libération de la pression. Pendant près d’un siècle, c’est cette idée qui a été à la base des prédictions de la plupart des tremblements de terre. Cependant, il apparaît maintenant que ces événements sont beaucoup plus complexes que ce dont on avait présumé jusqu’à récemment. En fait, les facteurs responsables semblent trop chaotiques ou complexes pour notre compréhension.
Par exemple, selon la « théorie du retour de l’élastique » de Reid, le site d’un événement majeur devrait profiter d’un intervalle de récupération avant qu’un désastre similaire frappe à nouveau. Il apparaît cependant maintenant qu’un événement d’envergure peut en déclencher d’autres, certains éloignés et d’autres à proximité. Certains scientifiques craignent par conséquent qu’il soit pratiquement impossible de prédire des événements en se fondant sur des mesures physiques ou que ce soit même totalement impossible. De plus, une longue liste de signaux préliminaires possibles a été étudiée, mais aucun d’entre eux n’a pu être retenu comme signal avertisseur.
La liste inclut des changements de pression accélérés, des soulèvements de courte durée, des échappements de gaz du sol, des données électriques ou magnétiques inhabituelles, des changements de vitesse de déplacements le long d’une faille et des changements au niveau de la nappe phréatique. Aucun de ces éléments ne s’est avéré un indice adéquat permettant de dire qu’un tremblement de terre allait s’ensuivre4. À vrai dire, certains tremblements de terre, comme celui de 2008 en Chine, se sont produits sans aucun signal préliminaire, de quelque nature que ce soit.
San Andreas en Californie (près de San Francisco) constitue un excellent lieu de recherche sur les mouvements de la croûte terrestre et sur les risques de tremblements de terre. Par exemple, près de la ville de Parkfield, un dense réseau d’instruments a été mis en place dans les années 1980 parce qu’on s’attendait à ce que des tremblements de terre d’intensité modérée s’y produisent selon un cycle de 22 ans. On s’attendait à ce qu’un tremblement de terre se produise en 1993, mais il ne s’est produit qu’en 2004, 11 ans plus tard.
En septembre 2008, des scientifiques ont descendu un ensemble de neuf instruments dans un puits profond de 3100 mètres, à proximité de la faille. L’ensemble comprenait trois sismomètres pour mesurer le mouvement, trois accéléromètres pour mesurer la vitesse du mouvement, deux tiltmètres et une bobine électromagnétique pour détecter tout changement électrique ou magnétique pouvant précéder un tremblement de terre. Malheureusement, ces capteurs ont cessé de fonctionner quelques jours à peine après leur installation. Un an plus tard, aucun plan n’avait encore été établi ni aucuns fonds débloqués pour régler le problème. Cette situation représentait des pertes potentielles de 25 millions de dollars. La recherche sur les tremblements de terre présente vraiment de multiples difficultés!
5. Trop dépassés pour prédire, mais réagir est à notre portée←⤒🔗
Par conséquent, même si les Italiens aimeraient accuser leurs scientifiques en cour criminelle de ne pas avoir mis les citoyens en garde devant un désastre imminent, d’autres terribles événements semblables un peu partout dans le monde démontrent clairement qu’il n’est pas possible de faire des prévisions exactes. Nous plaçons bien trop souvent une foi totalement injustifiée dans le pouvoir de la science et de la technologie modernes. Même si nous aimons croire que nous pouvons contrôler tous les risques, nous demeurons des créatures fragiles dont la vie dépend encore et toujours de la bonne faveur de notre Dieu. Cela dit, les sociétés et les gouvernements se doivent tout de même d’adopter toutes les mesures de prudence possibles dans les régions estimées « à risque », telles que des normes sévères pour la construction. Et lorsque de tels événements terribles se produisent, nous devons faire preuve de compassion et apporter une aide rapide et généreuse aux victimes.
Notes
1. Nature, 14 mai 2009.
2. Nature, 5 novembre 2009.
3. Nature, 2 mars 2006.
4. Nature, 11 février 2010.