L'usage de la parole dans le livre des Proverbes
L'usage de la parole dans le livre des Proverbes
- Source de vie ou de mort
-
Le pouvoir de la parole
a. Pouvoir de pénétration
b. Pouvoir de diffusion - La faiblesse de la parole
- La valeur élevée des paroles justes
- Le cœur et la bouche
Le livre des Proverbes peut constituer une « porte d’entrée » dans la Bible, car il est accessible à tous (ou presque : non-croyants, enfants…); en tout cas, il suscite aisément la réflexion. La notion clé de « la crainte de Dieu » (Pr 1.7), par exemple, existe au-delà du peuple de Dieu (même si certains chrétiens peinent à la recevoir…).
L’usage de la parole (humaine) est un thème assez fréquemment traité dans la Bible. Il n’est pas exagéré de dire que la parole est la marque la plus visible de « l’image de Dieu » en l’homme. Les animaux ne parlent pas. Ainsi, la responsabilité de toute personne est grande à cet égard, et les effets de cet usage sont plus importants que l’on peut le penser — soit pour le mal, soit pour le bien.
On lira avec intérêt quelques passages en dehors du livre des Proverbes :
« Tu ne porteras pas de faux témoignage… » (Ex 20.16).
« Dieu est au ciel, tu es sur la terre : ne te presse pas d’ouvrir la bouche… » (Ec 5.1-6).
« Dieu me donne une langue exercée pour que je sache soutenir… » (És 50.4).
« Que ton oui soit oui, que ton non soit non. Tout ce qu’on y ajoute vient du Malin » (Mt 5.37).« C’est de l’abondance du cœur que la bouche parle. […] Par tes paroles, tu seras justifié, et par tes paroles, tu seras condamné… » (Mt 12.34-37).
« Tout ce qui a été chuchoté à l’oreille sera crié sur les toits… » (Lc 12.3).
« En croyant du cœur, on parvient à la justice, en confessant de la bouche, on parvient au salut » (Rm 10.10).
« L’amour ne se vante pas » (1 Co 13.4).
« Qu’on n’entende parmi vous aucune mauvaise parole, mais s’il y a lieu, une bonne parole qui serve à l’édification et communique une grâce à ceux qui l’entendent » (Ép 4.29).
« Qu’on n’entende ni paroles déshonnêtes ni propos insensés… » (Ép 5.3-4).
« Si quelqu’un ne bronche pas en paroles, c’est un homme parfait » (Jc 3.2).
« La langue aussi est un feu; c’est le monde de l’injustice » (Jc 3.6).
1. Source de vie ou de mort⤒🔗
« Celui qui cligne des yeux est une cause de chagrin et celui qui est insensé par ses lèvres court à sa perte » (Pr 10.10; voir Pr 6.12-13). On pourrait se demander si une parole peut être neutre… Un regard peut-il être neutre? Si la vocation du regard ou de la bouche est de communiquer la grâce, un bienfait de la part de Dieu, marqué par l’amour et la vérité (Ép 4.15), la neutralité devient alors coupable…, y compris dans les choses en apparence banales1. En fait, rien n’est banal!
« La bouche des justes est une source de vie » (Pr 10.11); « mais la bouche des insensés est une ruine prochaine » (Pr 10.14). Ainsi, la solution n’est pas de se taire : il est aussi regrettable de ne pas dire des paroles justes et bonnes que d’en dire de fausses ou de mauvaises.
Un autre enseignement paraît dans ces passages : l’effet des paroles prononcées affecte celui qui les dit comme celui qui les entend. « La bouche de l’insensé cause sa ruine, et ses lèvres sont un piège pour son âme » (Pr 18.7). « La vie et la mort sont au pouvoir de la langue; qui aime parler en portera le fruit » (Pr 18.21; voir Pr 10.10).
2. Le pouvoir de la parole←⤒🔗
Le gouvernail est une petite pièce, mais il oriente tout le bateau (Jc 3.4). Le pouvoir de la bouche est plus grand qu’on l’imagine. On peut évoquer un double pouvoir.
a. Pouvoir de pénétration←↰⤒🔗
On pense à la parole de Dieu semblable à « une épée à deux tranchants » (Hé 4.12). Il peut paraître étonnant que nos paroles puissent avoir un pouvoir semblable : « Tel, qui parle légèrement, blesse comme un glaive; mais la langue des sages apporte la guérison » (Pr 12.18). « La langue douce est un arbre de vie, mais la langue perverse brise l’âme » (Pr 15.4).
Elles sont comparables à un médicament dont la chimie va produire des effets étonnants, y compris sur le corps, y compris sur les douleurs du corps. « Les paroles agréables [aimables, porteuses d’amour et de vérité] sont un rayon de miel, douces pour l’âme et salutaires pour le corps » (Pr 16.24; voir Pr 18.8).
Heureusement, les effets positifs sont également très importants. C’est une vocation à laquelle nous ne devons pas nous soustraire de dire des paroles qui secourent. Les besoins sont permanents! (És 35.3-4).
b. Pouvoir de diffusion←↰⤒🔗
Cela correspond au pouvoir du feu dont parle Jacques (Jc 3.5). On peut penser aussi à un colorant qui se répand dans l’eau ou à une semence que le vent disperse. Une fois lâchés, il est impossible de les retenir. « L’homme pervers prépare le malheur, et il y a sur ses lèvres comme un feu ardent » (Pr 16.27). On pense à la gravité du « faux témoignage contre son prochain » (Ex 20.16).
On peut noter ici que toute parole engage celui qui la dit. Toute parole est signée. « Mieux vaut pour toi ne pas faire de vœu que d’en faire un et de ne pas l’accomplir » (Ec 5.4). Cela court dans l’espace, mais aussi dans le temps. Cela est d’autant plus important qu’une parole peut être dite légèrement, paraître anodine, être oubliée par celui qui l’a dite; mais son effet demeure cependant, qui ne s’effacera pas tout seul.
3. La faiblesse de la parole←⤒🔗
Les paroles sont très importantes…, mais elles ne suffisent pas! De Jésus, on a dit : « Nul n’a parlé comme cet homme » (Jn 7.46). Mais Jésus n’a pas fait que parler. Il s’est même abstenu de parler à certains moments cruciaux…
« Tout travail procure l’abondance, mais les paroles en l’air ne mènent qu’à la disette » (Pr 14.23; voir 2 Tm 2.14). Les paroles, fussent-elles justes, ne constituent jamais une dispense de faire ce que Dieu nous demande de faire (Mt 23.3).
Cela vaut aussi pour la prière. « Si quelqu’un détourne l’oreille pour ne pas écouter la loi, sa prière même est une abomination » (Pr 28.9; voir 1 Jn 5.14-15). Les longues et belles prières ne sont pas forcément les plus utiles. « Ceux qui disent : Seigneur! Seigneur! n’entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père » (Mt 7.21; voir Mt 21.28-31)2.
Cela nous parle de la diaconie dans l’Église. « Celui qui donne au pauvre prête à l’Éternel qui lui rendra selon ses œuvres » (Pr 19.17; voir Hé 6.10). Le soutien des frères et des sœurs fragiles ne peut pas consister qu’en paroles (2 Co 9.1).
« Si un frère ou une sœur sont nus et manquent de la nourriture de chaque jour, et que l’un d’entre vous leur dise : Allez en paix, chauffez-vous et vous rassasiez! et que vous ne leur donniez pas ce qui est nécessaire au corps, à quoi cela sert-il? » (Jc 2.15-16; voir 1 Jn 3.16-18).
Dans le cas de la diaconie, les paroles viendront après, sous forme d’actions de grâces (2 Co 9.12).
Il y a une application de cela qui touche au principe de toute discipline : dans l’éducation des enfants (Pr 22.15), dans l’exercice de la justice civile (Rm 13.4), et même dans la discipline au sein de l’Église (2 Co 7.8-9). Les paroles sont importantes (instruction, encouragement, avertissement), mais ne suffisent pas toujours. « Celui qui épargne le bâton n’aime pas son fils, mais celui qui l’aime n’hésite pas à le corriger » (Pr 13.24; voir Pr 29.15). Dieu lui-même ne se contente pas de parler. Il intervient aussi dans la vie des hommes par des événements qui peuvent être marquants et qui ont valeur d’avertissement (Lc 12.5; Hé 12.10-11). Nier cette réalité, c’est mentir, à la manière des faux prophètes : « Ils disent Paix! Paix! et il n’y a pas de paix » (Jr 6.14). On connaît cette attitude qui, aujourd’hui aussi, consiste à prononcer des mots positifs en pensant que cela peut suffire…
4. La valeur élevée des paroles justes←⤒🔗
« Comme des pommes d’or sur des ciselures d’argent, ainsi est une parole dite à propos » (Pr 25.11). La parole dite à propos n’est pas seulement une parole bienveillante ou vraie : c’est une parole donnée au bon moment et de la bonne manière. La précision de la parole juste ne vient pas seulement de celui qui la dit : Dieu est celui qui accorde cette grâce (És 50.4). Cela signifie-t-il que seuls des chrétiens peuvent dire de telles paroles? Sans doute pas. Mais les chrétiens devraient en dire, cela est sûr (1 Co 12.7-11; Ép 4.29).
« La bouche des hommes droits est une délivrance » (Pr 12.6). Le contexte fait penser à un rayon de lumière dans l’obscurité ou à la porte d’une prison qu’on ouvre. On comprend aussi que cela peut toucher une personne, quelques personnes ou un grand nombre de personnes. Ainsi, il n’est pas exclu qu’un seul soit en bénédiction à beaucoup.
Noter que c’est exactement le cas des « dons spirituels » dont parle Paul en 1 Corinthiens 12. « À l’un est donnée, par le même Esprit, une parole de sagesse, etc » (1 Co 12.8). Tous ces dons vont s’exprimer en paroles. Ils viennent très précisément de Dieu : « Un même Dieu qui opère tout en tous » (1 Co 12.6). La Bible contient plusieurs exemples (1 R 4.29; Lc 2.25-35; Jn 4.16; 11.51; Ac 5.33-39).
« On éprouve de la joie à donner une réponse de sa bouche; combien est agréable une parole dite à propos! » (Pr 15.23). Une parole juste réjouit celui qui la donne et celui qui l’entend, avons-nous dit déjà. Cette joie-là est le signe de la grâce de Dieu agissante. Elle est féconde. Rien n’est plus précieux que la parole dite à propos. C’est la parole qui vient de Dieu. « Tu es heureux, Simon. Mon père te l’a révélé » (Mt 16.17).
« Une réponse douce calme la fureur. […] La langue douce est un arbre de vie » (Pr 15.1, 4). Ces versets confirment que la parole n’est pas qu’un son. La parole puise dans le cœur ce qui a été versé dans le cœur. Or le cœur est le lieu où le Saint-Esprit verse l’amour et la paix et la vie même de Dieu (Jn 14.27; Rm 5.5).
5. Le cœur et la bouche←⤒🔗
De nombreux passages dans la Bible établissent un lien étroit, direct, entre le cœur et la bouche (Mt 12.34; Rm 10.10). Cela est bien visible aussi dans le livre des Proverbes.
« Celui qui est sage de cœur manifeste la sagesse par sa bouche » (Pr 16.23). En un sens, la bouche est l’organe du cœur, et s’il est possible de donner illusion pour un temps (Pr 17.28), ce qui est dans le cœur finit toujours par se révéler.
« Un cœur faux ne trouve pas le bonheur, et celui dont la langue est perverse tombe dans le malheur » (Pr 17.20). La répétition de deux vérités semblables avec des mots différents, en poésie hébraïque, permet d’établir des équivalences. Ainsi en est-il de la bouche et du cœur, à maintes reprises (Pr 10.8, 20; 12.25; 15.7, 14, 28; 16.21; 22.11; 24.2; 26.23).
Le lien entre la bouche et le cœur est étroit et réciproque. Cela signifie que tout travail sur le cœur (humiliation, brisement, acceptation de la grâce, pardon, confiance, accueil de la foi, de la joie, de l’amour…) ne manquera pas de transparaître dans les paroles prononcées (Mt 12.34; Pr 16.23). Inversement, toute maîtrise de la langue (s’abstenir de paroles insensées, de faux témoignages, etc.) aura aussi un impact sur le cœur (Pr 17.27; Ép 5.4). Cela se démontre par exemple avec les demandes de pardon : c’est à l’instant où je demande pardon que le cœur est touché (le mien et celui de l’autre). « Tant que je me suis tu, mes os se consumaient… » (Ps 32.3).
Nous avons donc une double possibilité d’agir pour travailler à notre sanctification. Garder notre cœur plus que tout autre chose; mais aussi veiller sur nos lèvres. « Celui qui veille sur sa bouche garde son âme » (Pr 10.19; 13.3). N’est-ce pas aussi ce qui s’opère dans la prière où la parole prononcée suit et précède tout à la fois l’inclinaison du cœur?
« Sonde-moi, ô Dieu, et connais mon cœur! Éprouve-moi et connais mes pensées!
Regarde si je suis sur une mauvaise voie, et conduis-moi dans la voie de l’éternité! » (Ps 139.23-24).
Notes
1. On pourrait comparer avec l’usage de l’argent, ou encore à celui d’une arme…
2. L’Imitation de Jésus-Christ (15e s.) dit : « Il vaut mieux plaire au Saint-Esprit que d’en connaître la définition. »