Le projet de loi C-6 sur la "thérapie de conversion" a des implications légales majeures pour le ministère pastoral
Le projet de loi C-6 sur la "thérapie de conversion" a des implications légales majeures pour le ministère pastoral
Le 1er octobre 2020, le gouvernement libéral fédéral a déposé le projet de loi C-6 (qui a été présenté au Parlement plus tôt cette année sous le nom de projet de loi C-8). Le projet de loi définit la thérapie de conversion comme étant :
« … toute pratique, tout traitement ou tout service visant à modifier l’orientation sexuelle d’une personne vers l’hétérosexualité ou l’identité de genre vers le cisgenre, ou à réprimer ou réduire l’attraction ou le comportement sexuel non hétérosexuel ».
Si cela n’est pas clair, permettez-moi de l’appliquer directement au travail pastoral de l’Église. Ce projet de loi, s’il est adopté tel quel, érigerait en infraction pénale le fait d’aider une personne en lutte avec son orientation sexuelle (par exemple un chrétien attiré par le même sexe) ou avec ses pensées ou ses comportements sexuels (par exemple en regardant de la pornographie gaie) ou avec son identité de genre (par exemple en croyant être un homme emprisonné dans un corps de femme) à mettre ses pensées, ses paroles et ses actes en conformité avec la Parole de Dieu. Par contre, le pasteur ou le conseiller serait libre d’encourager un homme à explorer ses désirs homosexuels ou à faire l’expérience de comportements homosexuels. De même, ce serait un acte criminel d’encourager une adolescente à aimer, apprécier et prendre soin du corps féminin que Dieu a conçu et associé à son âme. Toutefois, l’inverse serait permis (encourager un enfant ou un adolescent à faire l’expérience du passage du cisgenre au genre queer, au non binaire, au transgenre, etc.).
L’un des principaux défauts des interdictions des thérapies de conversion est qu’elles confondent les conseils d’affirmation corporelle avec d’autres formes de thérapies de conversion désuètes et nuisibles.
Les conseils d’affirmation corporelle soulignent que l’orientation sexuelle et l’identité de genre sont normativement liées au sexe biologique. Ce conseil implique que le conseiller et le client explorent ensemble l’orientation sexuelle non désirée ou la dysphorie de genre, puis définissent le problème, les résultats souhaités et la voie à suivre pour atteindre ces résultats. Si le client n’est pas d’accord avec l’évaluation, les méthodes ou les résultats de son conseiller, il peut mettre fin à sa participation.
Pour limiter sa portée, la loi proposée n’interdit pas les services ou les traitements liés à la « transition de genre » d’une personne (par exemple, les hormones sexuelles croisées) ou à « l’exploration de son identité » (vague, mais envisageant probablement des services de conseil ou de psychiatrie « adaptés aux LGBT »).
La majeure partie de la législation est axée sur la manière dont la thérapie de conversion serait limitée. La législation propose d’interdire les thérapies de conversion de cinq manières. Elle interdirait :
- de dispenser une thérapie de conversion à un mineur (toute personne de moins de 18 ans);
- d’emmener un mineur en dehors du pays pour qu’il suive une thérapie de conversion;
- de faire suivre une thérapie de conversion à une personne (mineure ou adulte) « contre sa volonté »;
- de tirer profit d’une thérapie de conversion; et
- de faire de la publicité pour la thérapie de conversion.
Le projet de loi donnerait également à la police les mêmes pouvoirs de saisir et de censurer les publicités pour la « thérapie de conversion » que ceux dont elle dispose en matière de pornographie juvénile.
Les peines prévues pour ces infractions comprennent une peine maximale de cinq ans de prison ou une lourde amende. Dans le Code pénal, un « délit » signifie non seulement le fait de commettre l’acte, mais aussi :
- la tentative,
- l’aide ou la complicité (par exemple, un ancien qui organise une rencontre avec un conseiller chrétien pour un membre de son Église),
- le fait de conseiller à quelqu’un de commettre l’infraction (par exemple, un pasteur enseignant et encourageant un ancien à conseiller un membre de son Église), ou
- le fait d’être complice après coup.
Cela (en particulier le deuxième point) signifie que, si un conseil d’anciens décide ensemble de procéder à des consultations bibliques sur la sexualité, tous les anciens sont potentiellement responsables pénalement, même si seul le pasteur fait les consultations.
Il est difficile de décrire avec précision la portée de l’interdiction pénale proposée pour la thérapie de conversion, car les termes « pratique », « traitement » ou « service » ne sont pas définis. Il semble cependant évident qu’elle s’appliquerait au-delà des services fournis par les professionnels de santé réglementés ou les conseillers agréés (d’autres parties du Code pénal parlent de médecins et de traitements médicaux, mais pas le projet de loi C-6). Ce que nous verrions probablement, c’est une mise en œuvre progressive de l’interdiction, la police et les procureurs choisissant les cas les plus clairs au début, puis utilisant ces précédents pour poursuivre les cas moins évidents.
Le ministre de la Justice, David Lametti, a expliqué les raisons de cette interdiction, en déclarant :
« La thérapie de conversion est fondée sur un mensonge, à savoir qu’être homosexuel, lesbienne, bisexuel ou trans est mal et a besoin d’être corrigé. Non seulement c’est faux, mais cela envoie un message humiliant et dégradant qui porte atteinte à la dignité des personnes. »
De plus, le projet de loi C-6 stipule dans son préambule :
« La thérapie de conversion […] est basée sur des mythes et des stéréotypes sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre qu’elle propage, y compris le mythe selon lequel l’orientation sexuelle et l’identité de genre d’une personne peuvent et doivent être modifiées. »
Cette formulation suggère que l’objectif du gouvernement avec ce projet de loi est de supprimer des croyances religieuses particulières (c’est-à-dire des « mythes ») et de protéger et promouvoir d’autres croyances religieuses (c’est-à-dire des croyances humanistes et gnostiques laïques) qui touchent à l’anthropologie, la sexualité et l’identité1.
Que cela vous plaise ou non, croyez-le ou non, les chrétiens trouvent leur identité entièrement et complètement dans la personne et l’œuvre de Jésus-Christ. Et donc, lorsqu’ils seront en lutte pour savoir qui ils sont et comment ils devraient vivre leur vie à la lumière de cette réalité, les réponses auront des implications sur leur identité sexuelle et sur leur éthique sexuelle. Les chrétiens savent également que la dignité humaine, notre valeur intrinsèque, ne dépend pas des pulsions sexuelles auxquelles nous cédons (ou non) ou dont nous nous repentons (ou non). Les chrétiens reconnaissent la vérité claire et évidente que de nombreuses personnes peuvent changer et ont changé leur « identité de genre » ou leur « orientation sexuelle », parfois plus d’une fois. Par exemple, de nombreuses personnes – chrétiennes ou non – ont regretté d’avoir adopté une identité « transgenre » et ont « transité » à nouveau. Par amour et par souci pour les personnes qui se débattent avec des questions profondes et existentielles sur leur identité, leur appartenance ou leur mode de vie, les chrétiens ont des réponses et ne peuvent pas abandonner ces personnes ayant ces interrogations aux idées dominantes et destructrices de notre époque.
Si le projet de loi C-6 est adopté sans amendement, certains aspects du ministère de l’Église (auprès des jeunes en particulier) à une époque de confusion seront criminalisés. Non seulement les pasteurs et les conseillers risquent des amendes et des peines de prison s’ils continuent à donner des conseils fidèles à la Bible, mais il serait également très simple et logique par la suite de supprimer le statut d’organisme de bienfaisance d’une Église : pourquoi l’Agence du revenu du Canada donnerait-elle des reçus fiscaux à une soi-disant organisation criminelle? Dans tout cela, le témoignage de l’Évangile serait marginalisé, ce qui empêcherait un plus grand nombre de personnes d’entendre et d’expérimenter la joie et la liberté que l’on trouve en Jésus-Christ.
À la lumière de ce qui précède, ARPA Canada2 vous demande d’envisager de faire ce qui suit :
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Priez, en privé et en public, en demandant à Dieu de préserver notre liberté de proclamer et d’appliquer hardiment l’Évangile à toute la vie et de protéger les enfants vulnérables des idées destructrices, isolantes et païennes de l’humanisme séculier;
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Informez-vous en approfondissant le sujet de la thérapie de conversion en consultant le rapport politique d’ARPA Canada sur le sujet, disponible en ligne3;
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Téléchargez notre fiche d’action sur la thérapie de conversion4 et partagez-la avec vos Églises, votre famille, vos amis, en les encourageant à répondre aux appels à l’action qu’elle contient.
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Envoyez un courriel à votre député pour lui faire part de vos préoccupations concernant ce nouveau projet de loi. Nous avons rédigé des bribes pour que vous puissiez composer votre lettre en utilisant notre système EasyMail ici!
Et puissions-nous tous continuer à prier et à travailler pour que la volonté parfaite de Dieu, et non la volonté déchue de l’homme, soit faite ici sur la terre comme au ciel.
Notes
1. Pour en savoir plus sur la nature profondément religieuse de ce projet de loi, consultez cet article d’André Schutten, « Les interdictions de thérapie de conversion sont-elles en fait des interdictions de conversion religieuse… habillées en travestis? », Reformed Perspective, 7 juillet 2020.
2. Association for Reformed Political Action [l’Association pour une action politique réformée].
3. Voir « Thérapie de conversion. Rapport politique pour les parlementaires », ARPA Canada, automne 2019.
4. Voir « The Criminalization of Conversion Therapy: Talking Points and Action Items », ARPA Canada.