Les raisons favorables au célibat
Les raisons favorables au célibat
Ayant étudié l’origine de l’institution du mariage, celle de son organisation et la nature sexuelle de l’être humain, on pourrait en conclure hâtivement que le mariage est la condition normale de tout homme. Le célibat pourrait alors être considéré comme un état anormal. Tout autre est l’avis de l’Écriture sur ce sujet. Si elle s’oppose, de manière d’ailleurs fort explicite, à un célibat forcé pour « motif religieux » — le célibataire chrétien ne pouvant prétendre appartenir à une classe spirituelle supérieure —, elle ne nous autorise certainement pas à aller à l’autre extrême et considérer le célibat comme une condition inférieure à l’union conjugale.
Il importe pour le chrétien de rechercher, avant toute autre chose, le Royaume de Dieu. Tout parent chrétien peut se réjouir du projet de son ou de ses enfants de se mettre au service de la Parole de Dieu. Dieu n’exige pourtant pas de nous tous, de chacun de nous, d’embrasser la carrière « ecclésiastique » et de devenir pasteurs, missionnaires ou évangélistes. Chacun d’entre nous a reçu une vocation différente, une responsabilité qu’il assumera là où il a été placé. Il serait tout aussi faux et même dangereux d’entrer dans une carrière à plein temps au service de l’Église si l’on n’a pas reçu une vocation que d’empêcher quelqu’un de se consacrer à un ministère chrétien spécifique s’il s’y sent vraiment appelé.
En ce qui concerne le mariage, une grande partie de nos erreurs provient de l’idée que nous considérons les choses comme étant bonnes en soi. Or, le mot « naturel » est pris dans la Bible en mauvaise part. Rien n’est naturellement droit ou juste en soi. Et le chrétien n’est nullement invité à se comporter de manière « naturelle ». Au contraire, il doit sans cesse chercher à dépasser ce qu’il considère, lui, comme naturel et demander : « Seigneur, que veux-tu que je fasse? » La volonté de Dieu nous préoccupera exclusivement et primera tout.
Par exemple, lorsque Jésus, dans son discours eschatologique, prédisait l’apostasie des derniers temps, il ne mentionnait pas uniquement des événements extraordinaires comme signes précurseurs de la fin, mais il faisait aussi allusion à tout ce qui se passe comme étant très « naturel », comme le manger et le boire, se marier et se donner en mariage… En effet, rien de mauvais en soi en tout cela. À l’époque de Jésus, on devait se dire : N’est-il pas tout naturel de se marier? Or, le Christ a une opinion différente, et cela nous surprend. C’est justement parce que c’est « très naturel » que cela peut devenir mauvais dans de telles circonstances. Dans le même ordre d’arguments, rappelons que nulle part la Bible n’affirme que le fait même de vivre est quelque chose de naturel. Bien au contraire, elle rappelle que tout homme doit mourir.
Ainsi, pour un chrétien, vivre de manière apparemment innocente risque d’être cause de scandale! C’est pourquoi il doit veiller et ne pas prétendre trop complaisamment vivre de manière « naturelle ». Prenons l’exemple du manger et du jeûne. Jean Calvin, ainsi que d’autres réformateurs à sa suite, a clairement parlé de la nécessité de jeûner. Certes, il semble tout à fait bon et naturel de manger. Mais nous devrions mettre en question la force contraignante, absolue, de ce qui nous paraît naturel. Ceci s’applique aussi à l’idée largement répandue d’après laquelle le mariage est une chose naturelle et l’unique voie normale à suivre, et qu’il serait anormal qu’un chrétien demeure célibataire! On ne s’imagine pire malheur que de rester « vieux garçon » ou « vieille fille »! Mais qu’aperçoit-on autour de soi? Des personnes qui se sont mariées et qui cependant auraient bien fait de ne pas se marier et d’autres qui ne se marient pas par pure passivité ou résignation devant les circonstances. Or, il est certain que Dieu n’a pas qualifié tout le monde en vue de contracter mariage; et pas seulement sur le plan purement physique, mais encore psychique, affectif et moral.
Insisterons-nous suffisamment sur le fait que le mariage est une relation extrêmement délicate, qu’il requiert des soins constants et une extrême vigilance dans le moindre comportement? Tel a reçu le don pour entrer dans ce rapport, tel autre pas. Le problème ne consiste pas en ce que chaque génération connaît un grand nombre de célibataires, mais dans le fait que ce ne sont pas nécessairement les personnes les plus indiquées qui le soient restées. En d’autres mots, une grande partie de ces personnes auraient dû se marier. De la même manière, nous constatons que bien des personnes qui se sont précipitées sous le joug du lien conjugal auraient dû s’en abstenir, pour leur propre équilibre et surtout pour le bonheur de leur conjoint…
Quels sont les arguments chrétiens en faveur du célibat? D’ordinaire, on objecte contre le célibat le texte de Genèse 2.18 : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. » On oublie facilement que ce texte authentique s’appliquait premièrement et principalement au cas d’un personnage historique. Imaginons un instant ce qu’aurait été le destin d’Adam, et le nôtre, si notre ancêtre à tous n’avait pas reçu des mains de Dieu sa compagne et épouse! S’il était resté célibataire, il n’y aurait pas eu d’humanité… Ce texte s’applique surtout à ceux qui sont forcés, pour une raison insuffisante, de prolonger leur état de célibataire (voir à ce sujet le texte paulinien de 1 Co 7.8,25-27,38).
On arguera que Paul se prononce, lui aussi, dans des circonstances historiques précises. À notre avis, si l’apôtre n’avait écrit qu’en vue d’une situation précise et passagère, sa parole perdrait, pour nous aujourd’hui, son autorité de message inspiré. D’autres ont conclu que, motivé par son expérience personnelle de célibataire, Paul se prononce en faveur du célibat. Or, le célibat de Paul n’est pas tout à fait certain. Certains exégètes pensent qu’il a pu être marié et qu’il était veuf au moment où il rédigeait certaines de ses lettres. En tout cas, quelle que soit la situation personnelle de Paul, nul autre que lui ne parle avec autant d’éloquence, de manière aussi positive, du mariage. Ailleurs, il s’oppose au célibat forcé (1 Tm 4.3 et 1 Co 7.28,37).
Certains soutiennent contre le célibat que, devenu un principe général et une pratique courante, la race risquerait vite de s’éteindre. Mais cet argument contre le célibat ne tient pas debout. Le mariage, institution divine, n’existe pas simplement en vue de la procréation. Après tout, les animaux de genre inférieur sont les plus prolifiques… Même si la procréation est une chose merveilleuse, rappelons qu’il n’engage pas toutes nos forces et toute notre raison. De toute manière, il est improbable que tout le monde reste célibataire en même temps! Certains arguments en faveur du mariage, comme ceux qui vantent l’instinct maternel chez la femme ou le désir normal de l’homme de procréer, ne paraissent pas davantage convaincants. Que de mères enfantent par une sorte d’égoïsme, et que dire de celles qui sont dépourvues même d’affection naturelle?
Peut-on conclure que, si tous ceux qui semblent ne pas correspondre aux normes étaient éliminés comme candidats au mariage et déclarés inaptes à le contracter, celui-ci nous offrirait l’image idéale de la condition humaine? Ceux qui ont éliminé tout ce qui est laid, défectueux ou équivoque auraient-ils une garantie de bonheur? Faudrait-il n’autoriser que les unions des gens en parfaite santé, beaux, intelligents et que sais-je encore? La réalité nous offre chaque jour des exemples de faillite d’unions apparemment « parfaites » au départ, réunissant deux partenaires semblant cumuler tous les dons naturels…
Combien de jeunes femmes, belles et éduquées, peuvent être de pauvres têtes de linotte comme épouses et comme mères! Combien d’hommes, apparemment comblés de tous les dons, sont des maris détestables et des pères pitoyables! Tandis que d’autres, hommes et femmes, apparemment moins doués par la nature ou la fortune, peuvent réunir de grandes qualités de cœur et d’esprit, les qualifiant pour être des bons époux et épouses et d’excellents pères et mères, capables d’assumer leurs responsabilités dans les différents aspects de leur foyer et de former leurs enfants et en faire des hommes et des femmes dignes de ce nom. Là encore, une foi vivante et l’obéissance à la Parole de Dieu sont des atouts bien plus importants que les dons dits « naturels ».
Il convient de faire intervenir un facteur en faveur du célibat, même en ce qui concerne des personnes hautement qualifiées pour le mariage : à cause d’une mission à accomplir, elles peuvent s’en abstenir. Et cela n’est pas dit uniquement dans le dessein de renflouer les rangs clairsemés de nos « clergés » (voir Mt 19.12 et 1 Co 7.32-35). L’apôtre Paul ne fait pas qu’énoncer des principes, il en vit personnellement. Et lui qui nous paraît fort qualifié pour contracter mariage a dû y renoncer, ou renoncer à se remarier s’il était veuf. Parfois, on peut le soupçonner de se plaindre un peu du fait de son célibat ou veuvage (voir 1 Co 9.5,13).
Une très grande attention devrait être portée à l’âge du couple se préparant au mariage. Les chrétiens devraient attendre jusqu’à ce que la volonté de Dieu leur soit clairement révélée, c’est-à-dire faire preuve de maturité spirituelle pour prendre une décision à cet égard. Après tout, ils entament une étape de la première importance et les liens du mariage sont une relation délicate, extrêmement exigeante. Or, le chrétien le sait mieux que quiconque : le mariage n’est pas là que pour assouvir l’instinct sexuel.
Revenant à la situation des célibataires, soyons reconnaissants à Dieu de ce qu’il ait appelé tant d’entre d’eux, hommes et femmes, pour leur confier des tâches spécifiques. Il existe des pères et des mères spirituels qui, sans avoir engendré de progéniture physique, peuvent être fiers et heureux de compter une riche descendance spirituelle.
Voici le conseil évangélique : que celui qui est célibataire accepte son état sans se plaindre, car c’est un mal que de se plaindre de son état. C’est également un mal que de convoiter le mariage et le foyer d’autrui. Que le célibataire chrétien accepte son état comme une vocation ou même une épreuve, ainsi qu’il en aurait accepté une autre. Parfois, on est tellement obsédé par l’idée du mariage qu’on fait de celui-ci le plus idéal de tous les états.
Nous conclurons cette section par des conseils d’ordre pastoral. Si l’occasion se présente, mariez-vous « dans le Seigneur », en vous réjouissant et en remerciant Dieu (Ec 9.10; 1 Co 15.58). De toute manière, Dieu répond à nos prières, soit par un oui d’approbation, soit par un non catégorique, soit, troisième possibilité, par la recommandation d’attendre. Ceci exercera à la patience et remplira notre cœur d’espérance. Quiconque fait la volonté de Dieu est le frère ou la sœur de Jésus (Mt 12.50). Les célibataires chrétiens sont, eux aussi, les frères et les sœurs de Jésus s’ils acceptent la volonté de Dieu pour eux-mêmes.
Nous disions en commençant ce chapitre que rien n’était bon en soi, de façon « naturelle ». Il nous faut donc apprendre à nous comporter spirituellement avec maturité, avoir en toutes choses la pensée du Christ, faire tout pour la gloire de Dieu; au lieu de nous conformer au siècle présent, nous transformer par le nouvellement de l’intelligence, afin de connaître la volonté sage, parfaite et bonne de notre Dieu.