Science moderne et foi chrétienne
Science moderne et foi chrétienne
L’augmentation constante et sans précédent des connaissances scientifiques passe de nos jours pour être la preuve irréfutable du progrès et de l’amélioration du genre humain. On admet généralement que l’homme par son ingéniosité saura façonner un monde nouveau, libre à l’égard du mal, de la douleur et de toute autre servitude. Un tel développement purement matériel répond-il vraiment aux besoins de l’homme et le délivrera-t-il de la maladie mortelle dont il est atteint depuis toujours? Telle est la question que nous ne saurions éviter dans toute discussion relative à la science moderne et la foi chrétienne. Aussi faut-il d’abord connaître ce qu’est la science ainsi que la nature du conflit qui, au dire de certains, l’opposerait aux affirmations chrétiennes.
En tant que chrétiens, nous participons à la fois au monde présent, dont l’esprit est dominé par les idées scientifiques, et à la vie de l’Esprit de Dieu et à l’Église, laquelle, dans la société moderne apparaît de plus en plus comme un corps étranger, héritière d’un passé à jamais révolu, et dont les modernes clament à cor et à cri la complète désuétude et dénoncent son langage inintelligible.
Mais la science moderne elle aussi est l’objet d’appréciations diverses et d’interprétations qui en indiquent les limites. Qu’est-ce que, par exemple, une méthode scientifique? Pour des savants, dont l’intégrité intellectuelle est hors de doute, il n’existe pas une seule méthode scientifique qui soit valable pour toutes les recherches. Au contraire, il en existe de nombreuses, chacune étant caractéristique d’une science particulière. Ainsi, on parlera de méthode scientifique ad hoc. Le profane ignorera tout des erreurs et des fautes commises lors des recherches et des travaux scientifiques. Les ouvrages scientifiques ne l’en informeront pas.
Whitehead, qui est l’une des grandes autorités scientifiques mondiales, a écrit quelque part : « L’entreprise scientifique est le domaine où la raison est fondée sur une foi, et non vice versa! Il y a ici un mouvement essentiellement anti-rationaliste. » L’intuition et la foi « naïve » du savant ont donc une très large part dans sa recherche. Whitehead ajoute : « Il est impossible d’exiger un rationalisme consistant et conséquent avec lui-même. Ici, il serait possible, voire permis de parler d’art plutôt que d’une méthode scientifique rigoureuse. » Quelqu’un d’autre emploie l’image de la carte ou d’un plan indicateur. La carte ou bien le plan sont conçus pour représenter le monde et des objets réels. Cependant, nous n’y avons que la représentation, et non point la réalité. Jamais une ville, par exemple, située sur une carte géographique, n’est le point noir ou rouge, cerné de lignes et de couleurs diverses, comme l’indique la carte qui nous informe de sa position.
Je cite encore un autre savant qui délimite la nature et le rôle de la science dans les termes suivants :
« Les savants, dit-il, sont considérés comme les supermen d’aujourd’hui. Pourtant, il existe un très sérieux malentendu, qui consiste à croire que les savants peuvent établir une série complète de faits et de relations au sujet de l’univers, faits et relations pouvant être rigoureusement démontrés. Ceux-ci étant alors le fondement solide sur lequel ils peuvent construire une philosophie personnelle, exempte de toute erreur ou de doute. Certes, ajoute-t-il, le pouvoir de la science moderne est énorme et l’enthousiasme qu’elle suscite, grand. Comment en serait-il autrement, puisqu’on a l’impression que, grâce à elle, l’univers nous livre tous ses secrets. Malheureusement, beaucoup d’hommes et surtout des jeunes sont amenés vers un nouveau matérialisme. »
Quel que soit le régime politique et social, il faut s’inquiéter au sujet de tous ceux qui suivent aveuglément sur cette pente, et s’adonnent à ce nouveau culte païen.
Or, la science ne prouve pas les choses d’une manière absolue. Elle réussit à expliquer certains mécanismes, elle explore même celui pourtant tellement délicat et complexe du cerveau. Mais elle s’arrête là. Elle ne peut pas fournir des renseignements au sujet de la conscience de l’homme ou au sujet de sa liberté de choix et de ses décisions. Si on appuyait sur elle sa philosophie de vie ou sa religion, on n’aurait en réalité aucun appui solide.
Quelle est alors la nature exacte du conflit qui, suivant les apparences, oppose la science à la foi chrétienne? Certes, le conflit ancien dans sa forme aiguë entre savants d’une part et hommes d’Église d’autre part, a disparu. Il a pourtant laissé des traces. Le feu qui brûle fait des cicatrices même après la guérison! Pour ma part, je crois que le souvenir du passé devrait inciter les chrétiens à plus d’humilité et de modestie, et surtout les amener à une certaine repentance des fautes et erreurs commises autrefois, au nom d’une prétendue conception biblique du monde et des choses, alors qu’il s’agissait purement d’un conservatisme opiniâtre des idées, qui n’étaient ni scientifiques ni surtout bibliques!
Mais ceci ne doit pas empêcher de refuser les prétentions arrogantes de ceux qui se réclament purement de la science et qui l’absolutisent. Il n’est pas vrai que, si un énoncé n’est pas prouvé scientifiquement, il est faux et qu’il faut le rejeter. Car nous savons que nos convictions les plus profondes et les plus intimes ne peuvent pas être démontrées par une telle méthode. Nous croyons que la santé est meilleure que la maladie; que la paix vaut plus que la guerre et que la vérité est préférable au mensonge. Nous savons qu’il est impossible d’expliquer l’amour maternel; ou bien tenter de l’expliquer en fonction disons des sécrétions endocrines de son organisme féminin! Une telle explication serait absurde, voire hideuse, et proprement grotesque. Il existe un domaine et une réalité qui ne peuvent pas être analysés de manière objective et rigide. Nous avons des convictions qui font partie de nous-mêmes et que, sans elles, nous connaîtrions la dislocation de notre personnalité, nous amènerions aussi la désintégration de toute vie sociale.
Mais le conflit réside ailleurs. Il n’est pas dans ce que la science dit au sujet de l’univers. La contradiction n’est non pas dans la recherche, mais dans le laboratoire intime qu’est notre esprit; c’est lui qui formule des critiques, des jugements et des révisions avant même d’appliquer une méthode quelconque. Le trouble prend son origine dans les présuppositions du cerveau humain. L’opposition consiste non pas dans l’acquisition scientifique, mais dans l’orientation que l’homme veut donner à toute son existence, soit en niant Dieu, soit en l’affirmant. Or, l’homme ne reconnaît pas volontiers son Créateur. Il ne se considère pas comme la créature qui doit se tenir devant lui, en tant qu’être responsable. Dès lors, il n’aura pas d’autres choix que de le rejeter, mais aussi de forger à la place du vrai Dieu un faux dieu, une idole. Ayant renoncé à la vérité, il optera pour le mensonge.
En réalité, Dieu et Dieu seul est le vrai problème de l’homme, « son éternel tourment », comme l’écrivait un auteur chrétien. Il existe plusieurs manières de mentir. Mais il n’y a qu’une seule pour dire la vérité. Dieu donne un sens à la vie lorsqu’il nous place dans le contexte de sa création terrestre. Nous ne pouvons pas fabriquer un sens à notre vie. Nous choisissons toujours celui qui existait avant nous. Lorsque l’homme se rend compte de son aliénation d’avec Dieu, il se débat à chercher un sens. Il fouille dans le fond trouble de son esprit, ou bien pour employer l’image saisissante du prophète Jérémie, « dans les citernes crevassées » de son existence. L’homme tente d’annuler le sens de sa faute. Et pourtant, il voudrait satisfaire ses aspirations les plus profondes. Sa culpabilité et son hostilité à Dieu surgissent à la surface et le troublent et l’inquiètent dans chacune de ses entreprises et recherches.
Dieu est un être personnel, vivant, et nous ne pouvons le rencontrer et le connaître que d’une manière personnelle et vivante. Nous ne pouvons pas nous approcher de lui comme des observateurs neutres. Lorsque nous abandonnons le rôle de l’expérimentateur scientifique et que nous sommes disposés à le rencontrer, à lui donner notre vie, alors il fait surgir son visage et vient transformer notre monde de l’intérieur. La foi en Dieu, de même que l’amour et l’amitié, exigent la rencontre et l’engagement personnels. Dieu ne se laisse pas manipuler par nous. Il ne subit pas notre contrôle. Nous pouvons agir en tant que scientifiques lorsque nous nous occupons de la nature et des choses. Mais en ce qui le concerne, il nous faut apprendre le langage de la foi.
Que devient alors la relation entre la foi et la science? La foi chrétienne et biblique place le monde et l’univers dans les plans et les limites conçus par Dieu. La science n’a pas à s’interférer dans la manière dont la foi regarde au monde créé par Dieu. La foi est le lien direct avec la source. Elle communie sans intermédiaire avec la révélation de Dieu. Le croyant n’attend pas du savant le sens ultime de sa vie. Il est convaincu que le point de vue de la Bible concernant l’homme et sa destinée, l’univers et la création entière, est la plus satisfaisante de toutes les explications ou de toutes les tentatives d’explication. Il sait que Dieu continue à s’occuper de l’univers. Sa foi n’est pas dépendante de la connaissance détaillée de la structure de la réalité physique pour maintenir sa conviction que le monde possède un sens et un but. Pour lui, il existe des niveaux différents où se révèle la vérité et où elle agit, de telle sorte que, dans sa complexité actuelle, nous ne pouvons la saisir totalement et la maîtriser.
Nous connaissons en partie. Mais nous connaissons suffisamment ce qui nous est indispensable. La fragmentation de la vérité ne nous satisfait point. Nous avons à mener un certain combat contre les forces du mensonge qui viennent tisser leurs toiles pernicieuses autour de la vérité et nous font cacher sa clarté.
La foi et la science pourraient cependant aller ensemble. Car en définitive, il n’existe pas qu’une seule vérité dans notre monde. Elle concerne tous les aspects de notre vie. Or, cette vérité s’est manifestée en celui qui affirme être la vérité, le chemin et la vie. C’est Jésus-Christ, le Fils de Dieu. Cette vérité s’est approchée de nous dans son amour parfait, afin de nous libérer de tout esclavage et de toute erreur et du péché. Lui seul est l’Absolu; notre science, de même que notre foi devraient lui être totalement soumises.