Se préparer pour prêcher (3) - La prédication rédemptrice Quelques principes élémentaires
Se préparer pour prêcher (3) - La prédication rédemptrice Quelques principes élémentaires
- L’arrière-plan doctrinal de la prédication
- La prédication théocentrique
- La prédication christocentrique
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Construire des « prédications rédemptrices »
a. L’orientation rédemptrice
b. Les messages non rédempteurs - Annexe : Votre prédication est-elle chrétienne?
1. L’arrière-plan doctrinal de la prédication⤒🔗
« Ils persévéraient dans l’enseignement des apôtres, la communion fraternelle, la fraction du pain et les prières » (Ac 2.42).
« La religion d’une grande majorité de ceux qui professent la foi chrétienne consiste à se rendre à intervalles réguliers dans un lieu de culte. Mais ils ignorent tout de la doctrine et ne se préoccupent pas outre mesure de telle ou telle vérité » (Ch. Spurgeon).
Certes, tous les chrétiens n’ont pas la charge d’enseigner. Il est certain également que la doctrine seule ne suffit pas. Mais que devient la foi sans une connaissance suffisante des grandes vérités de l’Écriture? Certains considèrent que seuls les pasteurs sont concernés par les doctrines bibliques. C’est ignorer l’importance de la vérité biblique pour la foi et la vie chrétiennes. Si ma compréhension de l’enseignement biblique est erronée, comment ma conduite sera-t-elle juste? Comment ma prière sera-t-elle juste? Comment mon témoignage sera-t-il juste? Enfin, négliger l’importance des doctrines, c’est condamner les membres des Églises à se tromper avec le prédicateur qui se trompe, sans être en mesure de se mettre en garde, et peut-être de le mettre en garde, dans certains cas.
Charles Spurgeon disait à ses étudiants et futurs prédicateurs qu’il était préférable pour eux de tenir en main cinq doctrines essentielles plutôt qu’un grand nombre qui seraient confuses et peu facile à formuler clairement. Dans le même sens, Jean Calvin a écrit : « Toutes les doctrines sont importantes, mais toutes ne sont pas aussi importantes. »
Toute doctrine apporte sa part de lumière sur la révélation biblique, sur la manière d’y répondre avec foi. Certaines doctrines essentielles devraient être constamment présentes à notre esprit, comme les outils d’un bon artisan. Bien comprises, elles aideront à exercer un bon discernement, y compris dans les situations particulières qui ne semblent pas directement concernées. Ce sont en quelque sorte des doctrines « permanentes », la base et le soutien de toutes les autres. Un prédicateur médiocre édifiera quand même son auditoire si l’arrière-plan doctrinal de son message est solide.
S’il fallait en retenir une poignée, pour reprendre l’expression de Spurgeon, on devrait sans aucun doute mentionner : la création, la chute et la rédemption; la sainteté et la souveraineté de Dieu; la corruption totale et la nécessité de la grâce; la grâce générale et la grâce de rédemption; la notion d’alliance et la Parole écrite de Dieu; la personne et l’œuvre de Jésus-Christ : la croix, la résurrection, le retour du Seigneur; le Saint-Esprit, le ministère de tous, les ministères de direction pastorale.
2. La prédication théocentrique←⤒🔗
John Piper commence son livre1 en écrivant : « Je crois plus que jamais que la prédication fait partie intégrante de l’adoration de l’Église réunie. La prédication est un acte d’adoration. » Et il cite le grand prédicateur de Réveil Jonathan Edwards (1703-1758) :
« Dieu se fait connaître au cœur de ses créatures et se glorifie dans la joie, la satisfaction et le plaisir qu’elles éprouvent quand il se révèle. Sa gloire est alors accueillie par l’être tout entier, par l’entendement comme par le cœur… La raison pour laquelle la prédication est si essentielle lors de l’adoration de l’Église est qu’elle répond parfaitement aux besoins de l’entendement et des sentiments. »
Le but de la prédication est la gloire de Dieu. John Piper écrit : « Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit sont le commencement, le cœur et la finalité du ministère de la prédication. » Il cite un prédicateur écossais, James Stewart :
« Toute prédication authentique vise à stimuler la conscience par la sainteté de Dieu, nourrir la pensée par la vérité de Dieu, purifier l’imagination par la beauté de Dieu, ouvrir le cœur à l’amour de Dieu et susciter la soumission à la volonté de Dieu. »
Le pasteur Cotton Mather déclara en Nouvelle-Angleterre, il y a trois siècles : « La responsabilité du prédicateur chrétien est avant tout de restaurer le trône et le règne de Dieu dans le cœur des hommes. »
L’attention de l’homme naturel n’est pas centrée sur Dieu; elle est centrée sur lui-même. Les hommes centrés sur eux-mêmes sont étonnés que Dieu refuse la vie et la joie à ses créatures. Mais la Bible centrée sur Dieu s’étonne de ce que Dieu reporte son jugement sur les hommes. C’est bien une conversion de l’intelligence qui est requise!
3. La prédication christocentrique←⤒🔗
L’œuvre rédemptrice du Christ, dans ses diverses dimensions, est la pierre angulaire de toute la révélation des rapports entre Dieu et son peuple. Quel que soit le sujet traité, je dois le mettre en rapport avec la rédemption (qui est beaucoup plus que le pardon des péchés), sinon ma prédication risque de devenir moralisatrice. Une bonne prédication est une prédication rédemptrice, christocentrique. « Je n’ai pas estimé devoir vous apporter autre chose que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié » (1 Co 2.2). Trop de prédications sont anthropocentriques.
La Bible n’est pas un livre sur le « développement personnel ». La prédication chrétienne doit être centrée sur la croix de Jésus-Christ. La croix est la doctrine centrale des Écritures. La croix représente l’ensemble de l’œuvre rédemptrice de Dieu, passée, présente et future. Le message central de la croix est notamment présenté au début de Romains 6 : Jésus-Christ n’est pas seulement mort à notre place; il est aussi mort pour nous entraîner, dans l’union avec lui, dans sa mort et sa résurrection, afin que nous puissions marcher en nouveauté de vie.
Paul le dit également ainsi : « Christ ne m’a pas envoyé pour baptiser, mais pour annoncer l’Évangile, et cela sans la sagesse du langage, afin que la croix du Christ ne soit pas rendue vaine » (1 Co 1.17). « En d’autres termes, dit Piper, aucune prédication ne peut être valable sans la croix. »
La prédication christocentrique correctement comprise ne cherche pas à découvrir où le Christ est mentionné dans le texte, mais comment le texte se rapporte au Christ. Cette démarche christocentrique reflète les pratiques de Jésus lui-même : « Alors, commençant par les livres de Moïse et parcourant tous ceux des prophètes, Jésus leur expliqua ce qui se rapportait à lui dans toutes les Écritures » (Lc 24.27). L’épisode de la transfiguration illustre également ce principe : l’Ancien et le Nouveau Testament encerclent Jésus et parlent de lui.
Une erreur fréquente consiste à ajouter au texte un message rédempteur au lieu de le faire jaillir du texte. Il ne s’agit pas de mentionner arbitrairement la croix à la fin du sermon ni de faire des « sauts messianiques » hasardeux tout au long du message, mais de faire en sorte que l’ensemble de la prédication conduise les auditeurs à comprendre la place du texte dans le plan de la rédemption.
Lorsque tout est dit, le regard de l’auditeur est-il orienté vers lui-même ou vers le Rédempteur?
4. Construire des « prédications rédemptrices »←⤒🔗
a. L’orientation rédemptrice←↰⤒🔗
La Confession de foi de Westminster dit : « Nous ne pouvons pas, par nos meilleures actions, mériter le pardon de nos péchés […] ni payer, par elles, la dette de nos péchés antérieurs » (art. XVI, 5). La nature humaine est viscéralement attachée à l’idée de mérites et d’efforts à fournir. Une fillette résume ce qu’elle a retenu de son année de catéchisme : « Il faut être gentil avec ceux qui sont méchants avec nous »…
Construire une prédication rédemptrice consiste à repérer les principes rédempteurs qui apparaissent dans le texte ou en arrière-plan du texte :
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Repérer le ou les aspects de la nature divine qui sont à l’origine de la rédemption.
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Repérer le ou les aspects de la nature humaine qui exigent la rédemption.
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Définir l’application de ces principes rédempteurs dans la vie des auditeurs ou lecteurs originaux du texte.
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Appliquer ces principes rédempteurs à la vie présente, à la lumière des caractéristiques ou conditions humaines communes aux croyants d’aujourd’hui et aux auditeurs ou lecteurs originaux.
Ce n’est pas parce que le prédicateur a réussi à placer une mention de la personne ou de l’œuvre de Jésus dans son message que celui-ci est christocentrique et rédempteur. Il le sera s’il rend compte du rôle que joue le texte choisi dans l’histoire de la rédemption. Ainsi, Rahab ne renvoie pas à l’œuvre du Christ parce que le cordon de sa fenêtre est rouge, mais parce que Dieu démontre par son intermédiaire qu’il délivre quiconque croit parmi ceux qui sont méprisés et faibles, y compris en dehors de son peuple.
En se concentrant sur ce que Dieu cherche à accomplir, le prédicateur empêche son sermon de dégénérer en un message moralisateur. La prédication, si elle est théocentrique, devient inévitablement christocentrique, parce qu’elle démontre la réalité du problème humain qui exige une solution divine. Si l’on se concentre sur l’action rédemptrice de Dieu, on prépare le terrain à l’œuvre du Christ.
b. Les messages non rédempteurs←↰⤒🔗
Les messages qui ne sont pas christocentriques deviennent inévitablement anthropocentriques. Ces prédications ont souvent un thème repérable : elles exhortent les croyants à faire tous leurs efforts pour être aimés par Dieu. Ces prédications s’appuient sur la Bible, mais ne sont pas conformes à l’esprit de la Bible.
« Soyez comme. » Après avoir mis en lumière les caractéristiques exemplaires d’un personnage biblique, le prédicateur exhorte ses auditeurs à être comme lui. La prédication biographique présente souvent l’inconvénient de ne pas suffisamment rendre compte de la manière dont la Bible veille à ternir l’image de presque tous les saints qu’elle présente. Lorsqu’on invite à imiter la vertu d’un personnage biblique, il faut préciser que celle-ci a pour source la grâce de Dieu.
« Soyez bons. » Si un prédicateur consacre l’intégralité de sa prédication à exhorter les gens à être bons ou saints, il manque quelque chose à son message. Les croyants ont naturellement tendance à évaluer leur justification à la lumière des progrès de leur sanctification. Mais selon l’Évangile, la sanctification repose sur la valeur éternelle de ce que Jésus a fait. L’expérience que nous faisons des bénédictions divines dépend de notre obéissance dans la foi, mais la réalité de notre relation avec Dieu ne dépend pas de notre capacité à faire le bien.
« Soyez disciplinés. » La discipline est un moyen de ressourcement normal pour ceux qui ont faim et soif de communion avec Dieu, mais elle peut se changer en devoir désagréable ou en orgueil spirituel si nous pensons que notre consécration nous attirera la faveur de Dieu. Le problème des prédications non rédemptrices est qu’elles présentent une foi qu’il est difficile de distinguer de la pratique morale musulmane ou bouddhiste, y compris si le nom de Jésus est prononcé2. Ce qui fait la spécificité de la foi chrétienne, c’est que Dieu donne ce qu’il ordonne. Cela est tout aussi vrai pour la sanctification progressive que pour la justification initiale. En d’autres termes, la foi qui reçoit prime toujours sur la foi qui fait (Rm 11.36; Ép 2.8-9; Ph 2.13).
Dire cela conduit-il à écarter les passages si nombreux qui soulignent la responsabilité de l’homme (Rm 12.1-2; Ph 2.14-16; Jc 2.14; 1 Jn 3.18…) ou l’importance des œuvres de la foi? Bien sûr que non. Il s’agit de lire et de pratiquer ces textes en rappelant notre dépendance totale à l’égard de la grâce de Dieu qui est en Jésus-Christ. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire. Demeurez en moi » (Jn 15.4-5).
L’Écriture contient de nombreuses exhortations, mais elles sont toujours enracinées dans un contexte rédempteur. Les exhortations séparées de la grâce produisent le pharisaïsme ou le désespoir. Les prédicateurs christocentriques n’hésitent pas à présenter les commandements, mais ils veillent à ne pas ôter au Christ la place d’honneur. Tout prédicateur devrait se dire ceci à la fin de son sermon : « Lorsque mes auditeurs franchiront les portes de l’église pour aller accomplir la volonté de Dieu, avec qui marcheront-ils? S’ils repartent avec la grâce de Dieu, alors j’ai atteint mon but. »
5. Annexe : Votre prédication est-elle chrétienne?←⤒🔗
« Si le sermon que vous prêchez convient aux membres d’une synagogue juive ou d’une communauté unitarienne, cela pose un vrai problème. La prédication, si elle est véritablement chrétienne, possède des caractéristiques spécifiques, car le Christ sauveur et sanctificateur y est omniprésent. Jésus-Christ doit être au cœur du sermon que vous prêchez, qu’il s’agisse d’un sermon d’édification ou d’évangélisation. Vous ne devez pas exhorter votre communauté à faire ce que la Bible exige d’elle comme si elle pouvait le faire par elle-même, mais seulement en conséquence de la puissance salvatrice de la croix, de la présence du Christ qui demeure en nous et nous sanctifie, par son Saint-Esprit.3 »
Notes
1. John Piper, Replacer Dieu au cœur de la prédication. BLF, 2012.
2. Voir la citation de Jay E. Adams en annexe.
3. Jay E. Adams, Preaching with Purpose, p.147.