L'expérience chrétienne - Un aperçu historique - Introduction
L'expérience chrétienne - Un aperçu historique - Introduction
Selon James Dunn, l’Église chrétienne a connu à travers tous les âges un courant de pensée théologique aux yeux duquel le salut se présente sous les deux aspects suivants de l’expérience spirituelle : d’abord l’initiation à la foi, ensuite l’opération de l’Esprit.
Cette distinction entre deux étapes est déjà présente dans la doctrine romaine du sacrement de la confirmation. La Réforme avait fortement critiqué la confirmation considérée comme sacrement, en soulignant la primauté de la prédication, moyen de grâce par excellence qui conduit à la foi et à la repentance. Elle ne voyait pas la légitimité biblique de distinguer entre une première étape dans la vie de la foi et une seconde devant lui succéder.
Pourtant, du côté même de la Réforme, certains théologiens, notamment puritains, réintroduisirent l’idée d’une seconde étape en vue de l’enrichissement ou de la validation de l’expérience chrétienne, et prétendirent que l’assurance du salut accordée par l’Esprit était une deuxième bénédiction, distincte du salut lui-même. John Wesley promut l’idée en doctrine officielle. À ses yeux, la justification est accordée au fidèle comme sanctification partielle, ce qui permet au pécheur un rapport normal avec Dieu; elle n’est qu’une première étape dans la vie nouvellement inaugurée, étape qu’il faut franchir rapidement afin d’accéder à la suivante. Celle-ci, grâce à la « sanctification totale », est supposée aboutir à la perfection du fidèle.
Les divers « mouvements de sainteté » qui ont proliféré dans les pays anglo-saxons ont contribué de leur côté à l’idée de la double expérience ou de la double bénédiction (« the second blessing »). Comme il fallait s’y attendre, le baptême de l’Esprit occupa une place centrale dans ces mouvements. L’enseignement classique n’aurait pas suffisamment reconnu la différence entre le baptême d’eau et le baptême d’Esprit. Rien donc de vraiment nouveau sous le soleil ecclésiastique…
Vers la fin du 19e siècle, aux États-Unis d’Amérique du Nord, l’accent se déplacera de la sanctification vers « la vie puissante ». Des slogans tels que « vie triomphante » ou « puissance de l’Esprit » conquerront les esprits. Cette puissance serait accordée en vue du service chrétien. Simultanément, l’intérêt pour les dons va croître et ces expériences-là, ainsi que l’étude des Écritures, aboutiront aux positions actuelles.
On peut s’interroger sur la raison pour laquelle l’influence de ces mouvements sur des Églises fortement institutionnalisées soit actuellement aussi sensible. La réponse, d’ailleurs incomplète, révélera qu’en dépit du refus pentecôtiste d’un système théologique bien défini, l’on est en présence d’une véritable doctrine théologique du Saint-Esprit, même si ce n’est que sous une forme désarticulée. Ceci explique l’attrait que le pentecôtisme exerce sur nombre de théologiens et de membres d’Églises traditionnelles. On ne peut par conséquent envisager l’étude de ce mouvement sans avoir recours à l’aide d’une théologie biblique, au sens à la fois technique et noble du terme.
Les divers mouvements « spiritualistes » et les multiples théologies de l’expérience ayant vu le jour au cours des vingt siècles d’histoire de l’Église nous permettront certainement de mieux cerner les origines du pentecôtisme moderne et de voir aussi les constantes qui, à travers les siècles, réapparaissent au milieu d’elle.
Selon F.D. Bruner, la ligne ancestrale du mouvement remonte aux « enthousiastes » de Corinthe, voire aux « oints » et « extatiques » de l’Ancien Testament. Elle parcourt les rangs des gnostiques de toute coloration, passe par le montanisme, les spirituels du Moyen Âge et de la Réforme, les quakers, le piétisme et autres revivalismes anglo-saxons des 17e et 18e siècles, tant en Allemagne qu’en Grande-Bretagne et, à partir du 19e siècle, aux États-Unis d’Amérique du Nord, pour aboutir enfin aux tenants du pentecôtisme moderne.
Bien que cela ne soit pas d’une précision rigoureuse, à partir de maintenant et pour simplifier, nous emploierons les termes « pentecôtiste » et « charismatique » dans un sens équivalent. Si les premiers constituent une Église confessionnelle, les seconds se retrouvent dispersés dans presque toutes les confessions chrétiennes, aussi bien protestantes que catholique romaine.