La deuxième clé du Royaume
La deuxième clé du Royaume
Comment le Royaume des cieux est-il ouvert et fermé par la discipline ecclésiale?
Selon l’ordre du Christ, ceux qui, se prétendant chrétiens, enseignent une doctrine ou mènent une vie non chrétienne reçoivent plusieurs avertissements fraternels1. S’ils ne renoncent pas à leurs erreurs et à leurs vices, ils sont cités devant l’Église ou devant ceux qui ont été établis pour cela par l’Église. Et s’ils méprisent aussi ces exhortations, ils sont exclus, par l’interdiction des sacrements, de la communauté chrétienne et, par Dieu lui-même, du Royaume du Christ2. Mais ils sont reçus à nouveau comme membres du Christ et de l’Église s’ils promettent et manifestent un réel amendement3.
1. Ga 6.1-2; 1 Tm 5.1-2,20; 2 Tm 2.25-26; 2 Tm 4.2; Tt 2.15; Tt 3.10-11.
2. Mt 18.15-20; Rm 16.17-18; 1 Co 5.1-13; 2 Th 3.6-15; 1 Tm 1.18-20; 2 Jn 1.9-11.
3. Lc 15.20-24; 2 Co 2.5-11; Jc 5.19-20.Catéchisme de Heidelberg, Q&R 85
La discipline ecclésiale! Voilà des mots pas très agréables à entendre. La discipline a souvent un sens négatif à nos oreilles. Elle nous fait penser à une punition avec un fouet. La discipline est pourtant l’une des marques caractéristiques d’une Église véritable. C’est un don précieux de Jésus-Christ à son Église. Il est important d’apprécier ce don à sa juste valeur et d’apprendre à l’utiliser correctement pour le bien de l’Église et pour la gloire de Dieu.
Jésus a donné à son Église les clés du Royaume des cieux. Ce sont des clés qui ouvrent et qui ferment l’entrée du Royaume. Nous avons déjà vu la première clé qu’est la prédication de l’Évangile. Par la prédication, le Royaume est ouvert aux croyants et fermé aux incrédules. La deuxième clé s’appelle la discipline ecclésiale. Les deux clés fonctionnent ensemble. Elles sont données par le même Seigneur. Elles sont attachées au même trousseau et sont utilisées par la même Église et dans le même but.
1. Que veut dire « discipline »?⤒🔗
Le mot « discipline » vient d’un mot latin de même racine que le mot « disciple ». Un disciple est celui qui reçoit une instruction, un enseignement. La discipline est l’instruction reçue par le disciple. Voilà qui est très positif! Jésus s’est choisi des disciples. Il leur a enseigné sa Parole, il les a formés, corrigés, encouragés, préparés à la mission. Il leur a dit : « Faites de toutes les nations des disciples […], enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit » (Mt 28.20). Le premier aspect de la discipline est donc étroitement lié à la première clé du Royaume. La prédication de l’Évangile est une instruction, une discipline pour toute l’Église.
Nous avons toujours besoin d’entendre la Parole et de comprendre les implications pratiques de l’Évangile dans nos vies. Nous avons tous besoin d’une discipline régulière qui nous permettra de grandir en tant que disciples. De quelle façon cette discipline s’exerce-t-elle? Par la prédication le dimanche, par les études bibliques, par les visites pastorales, mais aussi par la communion fraternelle. Nous sommes appelés à nous encourager les uns les autres à mieux servir Dieu, à nous aimer les uns les autres, à faire de bonnes œuvres. Cette forme de discipline s’exerce en public, mais aussi durant des conversations privées et lors des visites pastorales. Nos conversations entre nous devraient être assaisonnées du sel de la Parole de Dieu. Tout cela aura inévitablement pour effet de nous décourager de pécher et de nous encourager à la sainteté. Bref, nous grandirons en tant que disciples. La discipline préventive est une très grande bénédiction! Personne dans l’Église ne doit s’en passer, car elle est salutaire.
Malheureusement, la prévention n’est pas toujours suffisante. Nous avons parfois besoin d’ajouter la discipline corrective. C’est là que la deuxième clé du Royaume entre en jeu. La discipline corrective n’est pas toujours appréciée à sa juste valeur, puisque la correction est parfois douloureuse. C’est pourtant, là aussi, un don du Seigneur qu’il nous a accordé pour notre bien.
2. Pourquoi devrions-nous exercer la discipline?←⤒🔗
La discipline devrait être exercée pour deux grandes raisons. D’abord parce que Dieu est saint. « Vous serez saints, car je suis saint, moi, l’Éternel, votre Dieu » (Lv 19.2). Dieu déteste le péché et veut que nous détestions le péché. Il ne tolère pas le péché sous aucune forme. C’est pourquoi il avait demandé à son peuple d’ôter le mal du milieu d’eux (Dt 17.2). Que ce soit des « petits » péchés ou des « grands » péchés, que ce soit l’adultère en plein jour ou l’orgueil caché, les paroles déplacées, l’amour de l’argent, le bavardage, la jalousie, l’attitude grincheuse, peu importe. N’attendons pas que les péchés deviennent gros, manifestes et publics avant de commencer à corriger nos frères. La discipline corrective n’est pas seulement pour les « gros » péchés, elle est aussi pour les « petits », parce qu’en fait Dieu ne fait pas de différence.
Il n’est pas facile d’avertir et d’exhorter son frère quand nous sommes témoins d’un péché sortant de sa bouche ou se manifestant dans ses actions ou dans son attitude; nous préférons souvent passer outre, fermer les yeux, laisser tomber. N’oublions pas toutefois que Dieu déteste le péché et que nous sommes appelés à le détester autant que lui.
La deuxième raison qui nous motive à exercer la discipline est que Dieu aime ses enfants. Il veut leur bien, il se soucie d’eux. Il veut que nous aimions nos frères et sœurs, que nous leur fassions du bien et que nous ayons un réel souci pour eux. La discipline ecclésiale est une clé donnée à l’Église avant tout à cause de l’amour de Jésus-Christ. C’est une clé pour ouvrir l’accès au Royaume! Jésus a commandé d’exercer la discipline parce qu’il aime son Église! Dans le livre des Proverbes, nous lisons qu’un père qui aime vraiment son fils le corrige. S’il ne se donne pas la peine de le faire, c’est qu’il ne l’aime pas vraiment et le laisse aller à la ruine. « Car l’Éternel réprimande celui qu’il aime, comme un père l’enfant qu’il chérit » (Pr 3.12). Si notre frère vit dans le péché et que nous ne disons rien, nous faisons preuve non pas d’amour, mais d’indifférence ou de manque de courage à son égard. Si nous avons réellement de l’amour pour ce frère qui s’éloigne, nous irons vers lui pour tâcher de le ramener sur la bonne voie.
Il peut bien sûr nous arriver d’exercer la discipline et d’oublier l’amour. Nous pouvons vouloir prendre des mesures fermes et ne jamais aller réconforter un frère ou une sœur qui est tombé. La vraie discipline corrective selon Dieu sera motivée par l’amour. Dans l’Apocalypse, Jésus a fait des reproches sévères à certaines Églises. Ceux qu’il aime, il les discipline. Ceux que nous aimons, nous nous donnerons la peine de les corriger, avec douceur et humilité, reconnaissant que nous sommes pécheurs nous aussi et que nous avons tout autant besoin de la même grâce en Jésus-Christ. Mais nous irons vers eux avec amour et courage. Sinon, si nous permettons que le péché demeure dans l’Église, ce péché agira comme du levain qui finira par contaminer toute l’Église (1 Co 5.6).
3. Qui exerce la discipline corrective dans l’Église?←⤒🔗
Nous sommes portés à dire que l’exercice de la discipline corrective est la responsabilité des anciens. Attention! La discipline corrective commence par chacun de nous. Paul a dit aux Colossiens : « Instruisez-vous et avertissez-vous réciproquement » (Col 3.16). Jésus a dit : « Si ton frère a péché, va et reprends-le seul à seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère » (Mt 18.15). Jésus n’a pas dit : « Si ton frère a péché, va le dire aux anciens pour que les anciens fassent quelque chose. » Il a dit : « Va et reprends-le seul à seul. » C’est la responsabilité de chacun d’entre nous d’aller voir notre frère ou notre sœur qui a péché. Les anciens n’ont même pas à le savoir. Si vous allez rapporter au conseil de l’Église un péché dont vous avez eu connaissance, le conseil devrait refuser de vous entendre et devrait vous dire : « Va voir ton frère et reprends-le seul à seul. » Lorsque cette première étape est respectée, très souvent elle porte du fruit par la grâce de Dieu, ce qui garde l’Église en bonne santé et diminue grandement le besoin d’exercer par la suite une discipline corrective officielle.
Cette première approche individuelle n’est malheureusement pas toujours fructueuse. Le frère ou la sœur s’obstine dans son péché. Que faire dans ce cas? Jésus a dit : « S’il ne t’écoute pas, prends avec toi une ou deux personnes, afin que toute l’affaire se règle sur la parole de deux ou trois témoins » (Mt 18.16). Encore là, il n’est pas nécessaire d’impliquer des anciens. L’important est de continuer la démarche, ne pas laisser tomber en se disant : « Mon frère a déjà commis ce péché, il va toujours continuer, il est fait comme ça, nous n’y pouvons rien. » N’abandonnons pas nos frères. Continuons à les aimer, ayons confiance dans la puissance du Saint-Esprit.
« Selon l’ordre du Christ, ceux qui, se prétendant chrétiens, enseignent une doctrine ou mènent une vie non chrétienne reçoivent plusieurs avertissements fraternels » (Q&R 85).
Plusieurs avertissements fraternels sont parfois nécessaires. Remarquez que ces avertissements peuvent viser aussi bien de fausses doctrines que des agissements non chrétiens.
Quand ces exhortations ne sont toujours pas suffisantes, une démarche officielle devient alors nécessaire. Jésus lui-même nous commande de poursuivre la démarche jusqu’à cette étape : « S’il refuse de les écouter [les deux ou trois témoins], dis-le à l’Église » (Mt 18.17). Jésus n’a pas précisé exactement de quelle manière cette démarche publique doit être faite. Les Églises réformées prévoient généralement des étapes effectuées par le conseil des anciens avant de rendre public le nom de la personne disciplinée, pour que la personne ait le plus d’occasions possible de se repentir. « S’ils ne renoncent pas à leurs erreurs et à leurs vices, ils sont cités devant l’Église ou devant ceux qui ont été établis pour cela par l’Église » (Q&R 85). Puis, l’ensemble de l’Église doit être impliqué dans le processus afin de prier publiquement pour le frère ou la sœur qui s’est endurci, l’exhorter avec amour et lui donner encore le temps de se détourner de sa mauvaise voie. Si toutes ces démarches ne portent toujours pas de fruit, la personne devra être excommuniée de l’Église.
4. Comment cette clé ferme-t-elle l’accès au Royaume?←⤒🔗
C’est le refus de se repentir qui ferme l’accès au Royaume à cette personne. Dieu a cependant demandé à l’Église d’agir en son nom. « Et s’il refuse aussi d’écouter l’Église, qu’il soit pour toi comme un païen et un péager » (Mt 18.17). L’Église devra prononcer son excommunication en priant encore pour sa guérison et en demandant aux membres de l’Église de ne plus avoir de communion avec lui, afin qu’il ait honte, qu’il se ressaisisse et qu’il revienne au Seigneur. Sinon, tant qu’il persiste dans sa mauvaise voie, il ne peut plus prétendre ni espérer avoir de part dans le Royaume de Dieu. « Et s’ils méprisent aussi ces exhortations, ils sont exclus, par l’interdiction des sacrements, de la communauté chrétienne et, par Dieu lui-même, du Royaume du Christ » (Q&R 85). C’est Dieu lui-même qui a l’autorité suprême d’exclure des gens de son Royaume. Il a cependant donné à son Église le droit et l’autorité de parler en son nom. « En vérité, je vous le dis, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel » (Mt 18.18). L’exclusion de l’Église du Christ est une affaire très sérieuse!
5. Quel est le fruit de la discipline?←⤒🔗
La véritable discipline n’a pas pour but de nous débarrasser d’une personne que nous n’aimons pas ou qui ne fait plus notre affaire. Elle a pour triple but la préservation de l’honneur de Dieu, la pureté de l’Église et la restauration du pécheur. Le fruit que nous espérons de tout cœur et pour lequel nous prions ardemment, c’est bien entendu la repentance et la guérison du pécheur. Quelle joie dans le ciel lorsqu’un seul pécheur se repent! Quelle joie également cette œuvre de la grâce divine en action devrait produire dans l’Église!
Les trois paraboles de la brebis perdue et retrouvée, de la pièce de monnaie perdue et retrouvée et du fils prodigue perdu et retrouvé (Lc 15.1-32) illustrent magnifiquement cette joie dans le ciel qui devrait se répercuter dans l’Église. « Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent » (Lc 15.10). La personne qui a été exclue de la communauté de l’Église et qui reçoit du Seigneur la grâce de s’humilier et de demander pardon publiquement devrait être reçue les bras grands ouverts par les frères et sœurs, tout comme elle est reçue les bras grands ouverts par son Père céleste. « Mais ils sont reçus à nouveau comme membres du Christ et de l’Église s’ils promettent et manifestent un réel amendement » (Q&R 85). Les anciens doivent s’assurer que la repentance est sincère et produit du fruit de la repentance. La personne exprimera alors publiquement sa repentance et prendra de nouveau l’engagement de servir le Seigneur dans son Église. Les anciens doivent tout autant s’assurer que la démarche de pardon et de restauration avec l’ensemble de l’Église est complète.
Dans la parabole du fils prodigue, le père organise un festin en l’honneur de son fils qui était perdu et qui est maintenant retrouvé. Il y a malheureusement une ombre au tableau : le fils aîné est jaloux et ne comprend pas qu’on puisse se réjouir. Cette parabole vise les pharisiens qui n’arrivaient pas à se réjouir de ce que Jésus accueillait des pécheurs et leur faisait grâce. Les fruits de la discipline sont donc la repentance et la joie, mais aussi la vie! « Car mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie; il était perdu et il est retrouvé » (Lc 15.24). Cela ne veut pas dire que le pécheur avait totalement perdu la vie nouvelle que le Saint-Esprit lui avait donnée à sa nouvelle naissance, car il n’est pas possible de perdre en nous la bonne semence de la régénération. Celui qui est excommunié peut avoir été hypocrite pendant des années, n’avoir jamais reçu la vie nouvelle et ne jamais revenir à Dieu. Il est possible aussi qu’il revienne à Dieu dans la repentance et la foi, et qu’il fasse l’expérience de la vie nouvelle pour la première fois. Il peut également avoir été un véritable enfant de Dieu depuis longtemps, mais s’être égaré pendant un temps. Le pécheur repentant est ainsi ramené par le Seigneur sur la voie qui mène à la vie. Il peut de nouveau goûter à la bonté du Seigneur et vivre dans la joie de son salut, car la face de Dieu brille de nouveau sur lui. Toute la communauté de l’Église est alors appelée à l’accueillir sans réserve et à se réjouir de sa restauration par la pure grâce de Dieu.