L'hindouisme
L'hindouisme
- Introduction
- L’hindouisme contemporain
- Les sectes hindoues
- Les écrits
- Mythes et croyances de l’hindouisme
- Les rites de l’hindouisme
- L’absolu dans l’hindouisme
- Le mal
- La réincarnation
- Le salut
- Le mal dont le salut délivre
-
Les voies du salut
a. La voie des œuvres
b. La voie du savoir
c. La voie de l’amour pour le dieu (bhakti) - Le salut final
- L’attitude des chrétiens vis-à-vis des autres religions
- Évaluation chrétienne de l’hindouisme
- Glossaire
- Bibliographie
1. Introduction⤒🔗
Au cours de sa longue histoire, le grand sous-continent indien a été fertile en idées et en systèmes religieux. D’une manière générale, le peuple qui l’occupa s’est préoccupé des choses de l’esprit et de l’âme, en tenant les réalités matérielles pour des choses secondaires, totalement dépourvues d’importance essentielle, si ce n’est carrément irréelles. La religion hindoue a cherché l’union avec le réel et avec l’éternel, au-delà de l’univers sensible matériel, qu’il considérait être un monde transitoire d’illusion.
Les premiers habitants de l’Inde étaient des aborigènes de complexion foncée. À peu près à l’époque où les Hébreux subissaient l’oppression égyptienne, autour du 15e siècle av. J.-C., le pays fut envahi du nord-ouest par un peuple connu sous le nom d’Aryens. Les Aryens étaient apparentés aux anciens Perses, ceux que mentionne l’histoire de l’Ancien Testament. Ils parlaient une langue assez proche du latin, du grec et d’autres langues européennes. Peuple essentiellement de pasteurs, ils prirent progressivement possession du pays, en en réduisant les autochtones à l’état de subordonnés. C’est ici que prend son origine la structure indienne rigide des classes sociales que nous connaissons sous le nom de système des castes.
2. L’hindouisme contemporain←⤒🔗
Le brâmasamaj (Église hindoue unitaire) est un mouvement fondé en 1828 par Ram Mohun Roy qui a tenté de synthétiser l’hindouisme, le bouddhisme, l’islam et le christianisme. Il a traduit en anglais de nombreux Upanishads. Il s’est heurté bien entendu à l’hostilité de ses compatriotes, mais aussi, et avec raison, aux missions chrétiennes. Dans la même lignée synthétique s’inscrivent Mahadev Govind Ranade, R.G. Bhandarkar et Gokhale.
Aryasamaj est un mouvement nationaliste et populaire créé en 1875 par le brahmane Dayananda Sarasvati qui appartenait à une communauté çankarienne; son objet était le retour à la pure tradition védique.
Çri Ramakrishna, né près de Calcutta (1836-1886), fut un brahmane mystique qui tenta lui aussi la synthèse religieuse; en outre, il pratiqua spécialement le yoga et le tantrisme. Swami Vivekananda fit connaître les doctrines de Ramakrishna par sa ferveur et son éloquence. Ces deux penseurs ont fait beaucoup pour introduire la philosophie « religieuse » du vedanta en Occident. La mission Ramakrishna fondée en 1877 est un mouvement culturel, philanthropique et international, dont le centre est à Belur, près de Calcutta. Elle a ouvert des monastères libres où peuvent se recueillir et se livrer à la contemplation des hommes et des femmes de tous les pays.
À côté de ces mouvements, il faut citer, parmi les principaux, les noms de l’hindouisme contemporain : Çri Aurobindo Ghore, que ses disciples appellent Çri Aurobindo, philosophe spiritualiste qui propose une certaine conception religieuse du surhomme; Ramana Maharshi, de la région de Madras, théoricien du salut par le silence; Çivananda, fondateur de la société de la Vie divine et propagateur du yoga; Bal Gandhahar Tilak, homme politique et commentateur de la Bhagavad-Gitâ; le philosophe Radhakrishnan et le poète Rabindranath Tagore.
La vie religieuse hindoue, intimement liée à la vie philosophique et même à la vie politique du pays, est aussi représentée à l’heure actuelle par des milliers de sages, de maîtres (gourou shri, swami, pandit) autour desquels méditent quelques disciples, parfois venus d’Occident pour une retraite provisoire ou bien par pure curiosité touristico-religieuse. On y médite, on y étudie le vedanta, on pratique le yoga, on s’efforce d’atteindre la passivité mystique et l’on croit parfois y parvenir.
Du yoga naît la connaissance, de la connaissance naît le yoga. Pour qui possède le yoga et la connaissance, il ne reste rien d’autre à obtenir de l’existence.
3. Les sectes hindoues←⤒🔗
L’histoire de l’hindouisme est marquée, jusqu’au 7e siècle apr. J.-C. environ, par une longue rivalité avec le bouddhisme et le jaïnisme. C’est au cours de ces conflits qu’apparurent sans doute les premières sectes tentant de présenter à leurs adeptes une doctrine et une mythologie plus simplifiées ou, au contraire, plus approfondies sur certains points. Les fondateurs de sectes sont énumérés, quelquefois d’une façon un peu légendaire, dans un ouvrage récent. Les innombrables sectes hindoues se répartissent en deux grandes catégories : les sectes vishnuites et les sectes çivaïtes.
4. Les écrits←⤒🔗
Théoriquement, l’hindouisme continue le védisme et le brahmanisme, et si les Brahmanas et les Sutras restent des textes d’écoles, la tradition des Upanishads est encore vivante. La langue des livres sacrés de l’hindouisme est toujours le sanskrit, mais un sanskrit modernisé.
Les textes post-védiques sont les épopées, les textes à tendance religieuse et les textes littéraires et philosophiques.
Le livre le plus ancien de l’Inde est le Rig-Véda, un recueil d’hymnes et de louanges. Le mot Véda signifie savoir. Le recueil contient plus de mille morceaux; il fut composé au 8e siècle av. J.-C. et il est contemporain du livre d’Ésaïe, quoique certains hymnes soient antérieurs à cette date. La religion qui s’y exprime est un type de culte polythéiste de la nature, avec des dieux du ciel, des tempêtes, de la guerre, du soleil et autres. Elle était assez semblable à la religion de la Grèce classique et romaine, peuples qui sont des parents éloignés des Aryens de l’Inde. Elle était proche aussi des religions païennes de l’Europe nordique.
Parmi les écrits ultérieurs importants de l’Inde, il convient de mentionner les Upanishads, qui datent d’environ 700-300 avant notre ère. Le terme signifie « s’asseoir près d’un maître » (enseignant). Les écrits posent la question : « Qu’est-ce que la réalité? » Ils s’occupent également avec grand sérieux du problème du sens de l’existence et de l’univers. Le monde de la vie quotidienne est-il réel ou n’est-il qu’illusion? Exprime-t-il quelque chose d’invisible qui serait vraiment réel? Comment la vie et l’expérience sont-elles apparues?
La réponse donnée à ces questions est que l’unique réalité est un être nommé Brahma. Brahma est considéré comme étant impersonnel, bien que certains des écrits ultérieurs semblent lui attribuer une sorte de personnalité. Il existe par lui-même, il est infini, omniprésent, réel surtout, tandis que le monde matériel, lui, est irréel, pure illusion. Par une méditation profonde, le mystique hindou cherche l’union avec Brahma, le réel véritable. Atteindre le même état que lui est la sublime expérience spirituelle; c’est dépasser toute conscience ordinaire, dans laquelle une personne est consciente des objets externes et de ses propres pensées.
5. Mythes et croyances de l’hindouisme←⤒🔗
Dominant tout le panthéon hindou, trois dieux suprêmes, les trois forces, constituent une véritable trinité : Brahma le créateur, Vishnu le conservateur, Çiva le destructeur.
Tous les dieux issus du védisme, les huit grands dieux Surya, Candra, Agni, Yama, Varuna, Indra, Vayu (le vent) et Kubera (les richesses), de même que Mitra, les Açvins, les Maruts et les divinités secondaires sont conservés, mais ils passent au second plan; Vishnu et Çiva ont été absorbés, même Brahma, source et fin de toute chose, reste étranger à la mythologie populaire.
Vishnu : Le Vishnu védique est la divinité mineure du védisme; Vishnu est présent cependant dans le Rig-Véda comme l’allié d’Indra et le sauveur des dieux. Ceux-ci étaient combattus avec succès par des démons commandés par le géant Bali; Vishnu, sous la forme d’un nain, fait un pacte avec Bali.
Le dieu séjourne dans le Vaikuntha, au sommet du mont Meru, toujours disposé à répondre aux prières de ceux qui lui offrent des sacrifices; il a deux épouses : l’une est déesse de la beauté, l’autre déesse de la terre. Sa monture est l’oiseau mythique Garuda. Il a pour attribut la conque, le disque, la massue et le lotus. On le représente généralement sous la forme d’un jeune à quatre bras, chaque bras brandissant un de ses attributs, ou encore allongé, reposant sur Shesha, le serpent à mille têtes.
Les avatars de Vishnu : Vishnu est un dieu essentiellement passif. Sa respiration détermine les cycles du monde. À la fin de chaque kulpa (cycle), le mal triomphe dans l’univers. C’est alors que Vishnu sort de sa méditation éternelle et s’incarne en un homme ou dans un animal pour lutter contre le mal; ces incarnations sont appelées des avatars ou descentes. Il peut aussi déléguer une partie de lui-même. C’est le vyuha ou déploiement partiel. Les textes classiques mentionnent dix avatars de Vishnu, mais l’imagination populaire en a proposé bien davantage.
Rama, le héros de Ramayana, sa femme Sita et son frère Lakhsmana subissent par le roi-démon un exil de quatorze ans au cours duquel Sita est enlevée par le roi-démon Ravana qui, à la suite d’une longue guerre, est vaincu par le héros Rama, dépositaire depuis sa naissance de la moitié de la puissance divine de Vishnu. Après avoir récupéré sa femme, le héros la répudie par la rumeur publique l’accusant d’avoir été souillée par Ravana; Sita se réfugie dans un monastère et donne naissance à deux garçons. Quand ceux-ci atteignent l’âge de quinze ans, Sita meurt et Rama la suit dans la mort.
Çiva : Vishnu était le conservateur de la création; Çiva en est le destructeur : il est le dieu terrible et porte parfois le nom védique de Rudra (le Terrible). Il est aussi Hara (celui qui emporte, c’est-à-dire le temps), ou encore l’Épouvante aux soixante-quatre variétés. Il séjourne en un ciel nommé Kalaisâ et vit presque nu, car il est le premier ascète. On le représente généralement avec des cheveux relevés en chignon sur le haut de la tête, le front barré de trois raies horizontales; il a parfois cinq visages et quatre yeux et porte un trident, une massue, une hache ou une foudre. Il arbore souvent un collier de têtes de mort et des bracelets de serpents.
La destruction étant la condition de toute création, Çiva possède aussi un aspect positif. Il est aussi le dieu de la fécondité; son symbole est alors le phallus ou encore le phallus et l’organe sexuel féminin qui a la forme d’une sorte de creuset. Sa monture est le taureau blanc Nandin. Il est le premier des sages.
Les émanations de Çiva : Il se manifeste par l’intermédiaire de çakti, c’est-à-dire son énergie, personnifiée en une divinité féminine.
Ganeça est le fils que Pârvati fabriqua avec la rosée de son corps et qui défendait l’entrée de ses appartements; il se heurte à Çiva et tient en échec les dieux et les démons qui assistent ce dernier. Vishnu lui envoie la belle Maya (illusion) qui capte l’attention du vaillant Ganeça auquel les dieux coupent la tête. Pour apaiser sa mère Pârvati, Çiva ressuscite Ganeça et remplace sa tête par celle d’un éléphant; il en fera par la suite le chef de ses troupes en raison de sa vaillance. Ganeça est aussi considéré comme le dieu de l’intelligence, il aurait écrit la Mahâbhârata avec une de ses défenses.
6. Les rites de l’hindouisme←⤒🔗
Le culte hindouiste comprend des pratiques et des cérémonies nombreuses, célébrées soit par des prêtres soit par les chefs de famille, dans le cadre du village, de la province ou même de la nation, aussi bien à propos des événements particuliers de la vie individuelle (naissance, mariage, mort) que pour commémorer certains événements religieux (les fêtes). Il est impossible de décrire ici tous les détails du culte, ils varient d’une région à une autre, parfois d’un village à un autre; on peut retenir cependant ceci : l’hindouisme n’est pas seulement mythologie, il repose sur une conception générale de l’univers et de l’homme qui peut se résumer ainsi :
Le dieu suprême, Brahma, n’a pas créé le monde d’une façon sérieuse, mais par l’effet d’un jeu, d’une illusion (Maya). Selon de nombreux textes, il est lui-même un produit; avant Brahma, il y avait une matière primitive qui, à un instant donné, sans qu’on sache pourquoi, forme l’œuf cosmique, Brâhmânda, d’où sort Brahma, créateur notamment de l’homme. Le monde traverse une série de kalpas, se terminant chacun par une période de destruction.
Parmi les rites, mentionnons en passant la prière (mantra, ou formule sacrée); l’idolâtrie (culte des images de la divinité) qui est le prolongement de la prière; les Sutras domestiques, recueils très anciens (ils remontent à la période védique) qui décrivent les éléments du culte privé rendu non pas tellement à un dieu particulier, mais à la divinité dans l’ensemble (ablution, suivie de la récitation d’une formule védique).
Il n’y a pas de hiérarchie dans le clergé hindou. La fonction sacerdotale appartient uniquement à ceux qui font partie de la caste des brahmanes. On exerce la fonction de brahmane après avoir passé par quatre états : étudiant brahmanique, maître de maison, puis ermite et enfin « renonçant ».
Ce sont les brahmanes qui, assistés de leurs épouses brahmines, organisent les grandes fêtes religieuses et entretiennent les temples et autres lieux sacrés.
7. L’absolu dans l’hindouisme←⤒🔗
Si l’on doit chercher les affirmations les plus chères au brahmanisme et à l’hindouisme, là où ont porté certaines des réserves les plus fortes, les plus conscientes et les plus constantes du bouddhisme, il faut dire qu’elles concernent Dieu et l’âme.
À l’appel de l’unique répond une démarche spirituelle que l’on dénomme voie de connaissance (jânâna) s’il s’agit de réaliser, dans la surconscience de soi, l’éternelle identité de l’âme et de l’absolu, et voie de la dévotion s’il s’agit d’une attitude personnelle de reconnaissance et d’amour fervent suscitée par l’initiative gracieuse de la divinité.
Bien que la religion primitive des Indo-Aryens fût une forme de polythéisme non totalement développé, l’hindouisme avança graduellement vers la direction du panthéisme, c’est-à-dire vers la croyance d’après laquelle Dieu seul existe et alors tout est dieu. La vision religieuse du Rig-Véda était optimiste et joyeuse, mais au cours de son évolution, l’hindouisme, lui, s’abîma dans un foncier pessimisme relatif à l’existence humaine et au monde sensible de l’expérience.
La dévaluation du temporel est caractéristique de l’hindouisme qui a une conception pessimiste de la vie temporelle. Ce pessimisme ne saurait être envisagé comme un fait de nature. C’est un fait de culture, solidaire de la croyance aux renaissances et aux re-morts. La conversion spirituelle par laquelle s’ouvre la voie du salut consiste en une réévaluation du monde, de l’acte et de la transmigration, surévalués par l’homme naïf.
8. Le mal←⤒🔗
Le mal est le désir qui implique l’homme dans le cycle de la renaissance. La racine du mal est le désir, lequel détermine la volonté, et à son tour la volonté détermine l’acte et son fruit.
Du fait que tous les désirs, sauf celui du soi, sont égoïstes, autrement dit que l’âme s’y considère elle-même et le plus possible comme le seul agent de son activité et y recherche son propre bien, l’activité est la cause première du désir et doit par conséquent être retranchée en vue du salut.
Le désir et l’égoïsme naissent tous deux de l’ignorance spirituelle, cause dernière de toute misère et de toute peine, de laquelle il faut se libérer à jamais.
9. La réincarnation←⤒🔗
L’une des principales idées de l’hindouisme est celle de la réincarnation, que l’on appelle aussi « la transmigration des âmes ». Selon le point de vue hindou, le résultat le plus désirable de la mort serait l’absorption de la personnalité en l’être du Brahma. L’âme humaine est soumise au karman qui la fait vivre dans un corps animal ou humain, dont la nature se définit par la qualité des actes antérieurs : nous sommes ce que nous avons fait et nous devenons ce que nous méritons de devenir.
Après la mort, l’âme individuelle, qui peut avoir séjourné quelque temps aux enfers ou dans un paradis sensuel, se réincarne dans un autre corps, en vertu du karman qu’elle possède. C’est le samsara. Mais cela ne se réalise pas ordinairement lors de la mort. Car la personne qui meurt renaît pour vivre dans une autre vie, soit sur la terre présente, soit dans l’un des multiples cieux ou enfers.
La vie dans laquelle l’âme renaît peut être humaine, végétale, animale, même celle d’un insecte. Le type de vie dans laquelle l’on renaît dépend de l’œuvre sur la loi de karma (mot qui signifie œuvres). La totalité des œuvres d’une vie détermine alors le type de renaissance après sa mort. Une personne ordinaire ne peut s’attendre qu’à des milliers de renaissances, dont la plupart, sinon la totalité, se déroulent dans la misère et la souffrance.
10. Le salut←⤒🔗
Il suffit d’avoir une connaissance moyenne de l’hindouisme pour être frappé par son souci primordial du salut et son insistance sans relâche pour que l’on suive les voies qui y conduisent. L’hindouisme est une religion tout imprégnée d’une profonde expérience mystique qui caractérise précisément sa nature salvifique. L’expérience extraordinaire du divin est pour lui l’essence de la religion elle-même et un saint est à ses yeux un homme achevé qui a, d’une manière ou d’une autre, réalisé son ultime essence spirituelle. La recherche du salut a donc toujours été la note caractéristique de l’histoire de l’hindouisme depuis ses débuts.
L’ancien hindou ne se contente pas d’avoir découvert la foi, mais il essaie de la réaliser dans une expérience personnelle. Pour lui, la religion naquit sous la force d’une nécessité pratique provoquée par la présence dans la vie du mal moral et physique. Comment écarter ce mal, tel est le sérieux problème auquel répond la nécessité du salut.
Selon la croyance védique, le bien et le mal sont tous deux nés dans un autre monde; aucune allusion à la transmigration, sauf peut-être dans un seul passage du Brahma. Le vertueux et le pieux vont au ciel où ils se réjouissent dans la compagnie des dieux. Plus tard, cette existence bienheureuse est représentée en compagnie des ancêtres qui se réjouissent avec Yama au plus haut des cieux. Le ciel est décrit comme le royaume de l’éternelle lumière, brillant du même éclat que les dieux, le lieu le plus délectable, exempt de toutes les imperfections, où tous les désirs sont comblés.
Cette croyance a inculqué profondément, de manière presque indélébile, le sentiment de malheur et de pessimisme des gens de l’Inde. En effet, il s’agit d’une religion qui n’inspire aucune espérance. La croyance dans le Brahma en tant qu’unique réalité a brisé les nerfs de l’initiative individuelle et encouragé une attitude fataliste de la part de tous. Elle a également sous-évalué la vie morale, car si le monde et la personne individuelle ne sont, en dernière analyse, que des non-réalités, rarement trouverait-on une forte motivation pour combattre le mal et agir en faveur de la justice. La croyance dans le vieux karma a plongé celui qui réfléchit dans une profonde dépression morale, bien que le peuple ordinaire absorbé dans le gagne-pain n’en fut pas atteint au même degré.
La recherche de l’immortalité est formulée dans les Upanishads de manière plus mystique et philosophique. L’idéal eschatologique des Upanishads est une version très modifiée de la littérature brahmanique primitive et servira de fondement à l’hindouisme. Le ciel et l’enfer sont admis, mais ils ne sont plus des lieux permanents. Une fois que les âmes défuntes y ont reçu leur récompense ou leur punition, elles renaissent sur terre.
Le mot clé pour désigner le salut est moksha ou mukti, dont la racine signifie faire partir, libérer, décharger, délivrer. Négativement, ce mot signifie la délivrance non seulement de l’enchaînement à une forme d’existence passagère et de souffrance, mais aussi de l’enchaînement à une forme d’existence vile et sans valeur, quand les liens du cœur qui attellent l’homme au cycle des renaissances (samsara) sont unis par la grâce qui agit secrètement en lui. Positivement, ce terme exprime une idée de calme, un sentiment de sécurité et de satisfaction, de félicité. Au-delà de cette description, il est tout à fait impossible d’exprimer l’essence de l’état de libération, car elle consiste en une expérience transobjective et la forme négative employée pour exprimer l’absolu, qui lui aussi s’applique à l’état suprême de libération finale.
Le mot samadhi appartient au système yoga et signifie concentration. Rakshana signifie protection, garder, sauver. Sreyas signifie le bien, le bien-être, la félicité, la fortune, en tant que contraire du mal, du malheur, de l’infortune, et dans le contexte du salut il indique la félicité de l’émancipation finale. Parama gatib est le terme le plus élevé où puisse parvenir l’homme libéré. Para purushârta, le bien suprême de l’homme, est la moksha même. Pour parler de la libération comme étant union avec Dieu, on se sert des expressions sayujya (conjonction), sarupya (conformité), samipiya (proximité) et sâlokya (participer au même monde ou à la même nature).
11. Le mal dont le salut délivre←⤒🔗
Les écritures hindoues enseignent que les principales causes de l’enchaînement de l’homme à l’existence phénoménale s’articulent comme suit :
La renaissance (samsara) est la conséquence nécessaire de nos actions (karma); nos actions procèdent de nos désirs et sont qualifiées par eux (kama) et nos désirs ont pour cause notre égoïsme (abamkâra); les hommes sont le jouet des désirs et de l’égoïsme parce qu’ils ignorent la vraie nature de la réalité.
Action et renaissance lient l’âme au monde phénoménal du temps et du changement et le salut se réalise par l’affranchissement de cet esclavage. Celui qui fait le bien devient bon, celui qui fait le mal devient mauvais.
12. Les voies du salut←⤒🔗
Dans une période tardive, l’hindouisme est devenu davantage pratique. Il reconnaît actuellement trois voies du salut. Les voies spirituelles du salut seront déterminées par la nature du mal dont il faut se libérer. Vis-à-vis de l’action déméritoire, le remède sera de faire le bien et d’éviter le mal. Vis-à-vis du désir, il s’agira de contrôler et de soumettre ses passions en tendant à une activité désintéressée par des exercices ascétiques, de purifier et de transcender tous les désirs par le pur et seul amour de Dieu.
a. La voie des œuvres←↰⤒🔗
L’homme est exhorté à remplir ses tâches parce que Dieu lui-même travaille sans cesse pour soutenir le monde en existence. Quand il remplit bien sa tâche, l’homme ressemble à Dieu non seulement dans son essence hors du temps, mais aussi dans son activité. De même que dans son agir Dieu n’est jamais prisonnier de son opération ou affecté par elle, l’homme doit demeurer détaché de l’objet de son activité. La première prescrit des sacrifices à offrir aux dieux, l’étude des Védas, au bénéfice des esprits d’ancêtres, et l’hospitalité envers son prochain. Ces bonnes œuvres ajoutent des mérites au karma personnel, de telle manière que, lors de la prochaine renaissance, qui n’est en réalité qu’une réincarnation, la vie soit meilleure plutôt que l’opposé. Outre les bonnes œuvres mentionnées, il en existe de nombreuses autres de nature légaliste. Ainsi, une veuve qui se remarie renaîtra comme un chacal. Aux yeux de centaines de millions, ces œuvres stériles représentent leur seul espoir et consolation.
b. La voie du savoir←↰⤒🔗
En abordant la voie du savoir salvifique, il faut se rappeler qu’elle inclut celle des bonnes actions et qu’elle ne dispense personne de continuer à mener une vie morale. Le détachement moral est une condition préalable du vrai savoir. Par vrai savoir, on entend la perception éclairante qui, telle une récompense, illumine une vie passée dans une ardente contemplation, consacrée aux plus hauts idéaux éthiques et spirituels. Ici, il n’est pas simplement question d’une science livresque ni d’un savoir rationnel, serait-ce du genre le plus élevé, mais d’une pénétration intuitive de la réalité divine et du moi spirituel de l’homme.
La voie du savoir est fondée sur les Upanishads. D’après celles-ci, l’ignorance est la cause de la misère humaine et de tout mal. Très spécialement, ce genre d’ignorance consiste à croire en l’existence réelle de soi, indépendamment du Brahma, le tout. La vie individuelle est tenue pour une goutte d’eau jaillie de la vague de l’océan et qui y retombe, disparaît et perd définitivement son identité individuelle. La voie du savoir cherche le salut en cherchant à atteindre l’intuition et suivant une profonde méditation.
c. La voie de l’amour pour le dieu (bhakti)←↰⤒🔗
Le bhakti est une attitude et un sentiment spécifiquement religieux, c’est-à-dire une dévotion envers le dieu ou la déesse particuliers qu’on choisit; ces caractéristiques essentielles sont la foi en Dieu, l’amour de Dieu, l’abandon confiant à Dieu. C’est une participation affective de l’âme à la nature divine; un plus vif amour de Dieu, une adhésion du cœur au Dieu suprême dont la majesté est perçue d’une manière plus aiguë par l’âme religieuse.
Cette voie du salut attire nombre de personnes pour qui la voie précédente était sinon rebutante, au moins impraticable. Aussi a-t-elle exercé une immense influence sur l’hindouisme. Naturellement, elle est à l’origine de l’éclosion de l’idolâtrie, car cette dévotion n’a pas pour objet le Dieu véritable, mais des dieux et des déesses de l’hindouisme. Parmi les plus grands, il y a Çiva, le destructeur, et Vishnu, le protecteur.
13. Le salut final←⤒🔗
L’idée principale des Upanishads est que Moksha se confond avec Brahma, principe suprême, comme une rivière se confond avec la mer dans laquelle elle se jette.
La créature est délivrée des entraves de la vie temporaire et passe dans un monde d’être qui est infini, omniprésent et immortel. Elle est alors Brahma, et Brahma est l’être pur, le sentiment intérieur, la félicité. L’implication panthéiste ressort de l’enseignement que l’homme qui a achevé la moksha est capable de voir l’éternel dans le temporel, et le temporel établi dans l’éternel et y participant. En résumé, le mysticisme des Upanishads consiste à réaliser dans l’âme humaine une réalité éternelle qui participe à l’absolu immortel, qui est de même nature ou qui lui est actuellement identique. Cet absolu soutient et anime le cosmos totalement objectif.
L’homme ordinaire connaît peu la philosophie et la théologie hindoues; d’ordinaire, il adore les dieux à la façon traditionnelle et sans un esprit critique. Des pèlerinages sont organisés vers des lieux saints, notamment vers le Gange, le fleuve sacré, qui, dit-on, prend sa source dans le ciel, aux pieds mêmes de Vishnu.
14. L’attitude des chrétiens vis-à-vis des autres religions←⤒🔗
Il nous reste à évaluer l’hindouisme à la lumière de la révélation chrétienne et biblique. Auparavant, examinons les attitudes et les approches des chrétiens vis-à-vis d’autres religions.
D’un certain point de vue, le christianisme est une « autre » religion parmi les nombreuses que compte l’humanité. Mais pour les chrétiens qui confrontent le pluralisme religieux dans un esprit et un souci missionnaires d’évangélisation, dès l’origine ils ont, avec raison, affirmé l’unicité et l’absolu de leur foi en Jésus-Christ, dont les Écritures saintes sont la seule et ultime révélation spéciale de Dieu faite aux hommes.
Le mouvement chrétien avait pris son origine et son essor en Palestine et bientôt il se répandit dans le monde gréco-romain, où il dut faire face aux systèmes religieux multiples parmi les plus complexes. La toute première rencontre du christianisme avec une « autre religion » était le judaïsme. Au cours du 1er siècle avant notre ère jusqu’au premier apr. J.-C., le judaïsme rabbinique, avec un zèle fanatique, était engagé dans une activité missionnaire au milieu du monde païen. Certains de ces païens gagnés furent nommés les « craignant Dieu », sans pour autant embrasser toutes les doctrines et pratiques du judaïsme. Quant aux missionnaires chrétiens, ils ne pouvaient envisager de demi-mesure et, en évangélisant les païens, ils exigèrent une allégeance totale dans la foi au Christ, le Seigneur.
La question moderne de la rencontre avec d’autres religions est d’un caractère particulier, du fait des développements importants qui se sont produits depuis les quelques dernières décennies. Certes, le pluralisme religieux a toujours existé aussi bien en Afrique qu’en Asie. En ce qui concerne l’Occident, ce furent des missionnaires se rendant sur d’autres continents qui se rendirent familiers du phénomène. Cependant, à l’heure actuelle, l’invasion agressive de l’Occident par des religions autres que le christianisme change totalement la situation et devrait également permettre l’adoption de nouvelles stratégies missionnaires vis-à-vis des religions de l’humanité. En outre, si depuis le 4e siècle, et après la « conversion » de Constantin, le christianisme fut reconnu religion officielle de l’Empire romain, ce n’est plus le cas actuellement, quand, par les avancées fulgurantes de la sécularisation, on est habitué à parler, à tort ou à raison, de « feu la chrétienté ». Il faudrait également signaler qu’après près de cinq siècles d’entreprise missionnaire romaine et de deux cent cinquante ans d’effort missionnaire protestant, à peine 5 % de la population de l’Asie peut se réclamer de la foi chrétienne.
Ceci devrait amener l’Église missionnaire à réévaluer sa propre position, non pas d’abord vis-à-vis d’autres religions, mais par rapport à sa propre identité. Ne faut-il pas qu’elle revienne à ses débuts de « pauvrette Église », ainsi qu’aimait l’appeler le grand Calvin, c’est-à-dire à assumer son rôle de servante de la Parole divine au milieu des religions des hommes? Une certaine flexibilité et humilité s’impose et, de toute manière, la prétention, l’arrogance, le triomphalisme de certains missionnaires de jadis devraient définitivement être abandonnés. L’approche de l’hindouisme gagnera certainement beaucoup d’une telle conversion des mentalités missionnaires.
Ce bref essai n’a nulle prétention d’apporter de solutions missionnaires radicales, même pas de proposer des méthodes et des manières de dialogue fructueux entre les « grandes religions spirituelles de l’humanité ». Nous y affirmons nos convictions chrétiennes qui sont partagées par l’Église confessante depuis vingt siècles d’histoire. Nous n’avons aucune révolution à déclencher, même pas d’aggiornamento à proposer. L’essentiel de notre foi, transmise une fois pour toutes, demeurera jusqu’à la fin. Nous tenons cependant à attirer l’attention et, autant que possible, à remédier à des situations où les certitudes de la foi au Christ Seigneur et Sauveur se sont figées en des triomphalismes incompatibles avec l’esprit du Christ.
Reconnaissons l’attitude négative, trop négative, que des chrétiens ont eue à l’égard d’adeptes d’autres religions. Dans les meilleurs des cas, l’intérêt porté fut purement académique, c’est-à-dire qu’approchant d’autres religions, ils les ont étudiées du point de vue strictement anthropologique ou historique. Même l’étude comparée des religions ne pouvait toujours rendre justice à l’objet étudié. Car comparer une religion à une autre est une entreprise futile. Il n’y a pas de sens à comparer les formes élevées de la foi évangélique à des formes inférieures, sinon abâtardies de l’hindouisme, par exemple.
La question importante consiste à dire : De quelle manière Dieu traite-t-il les adeptes d’autres religions? Pour nombre de chrétiens, il est exclu que Dieu puisse s’intéresser à ceux-ci. Car toute autre religion est trompeuse et n’est qu’un système d’égarement, voire satanique et démoniaque.
Il convient cependant de rappeler que l’histoire de l’humanité n’est pas uniquement enveloppée d’ombres et de ténèbres, mais à cause de la bonté de Dieu envers tous, la nuit et le jour, les ténèbres et les lumières, le bien et le mal cheminent sous le contrôle et la sage providence de Dieu. La situation est la même aussi pour les religions. Il est clair que ceux qui se trouvent en dehors du cadre de l’Alliance de grâce ont néanmoins une certaine connaissance de Dieu. Les exemples de personnages aussi bien dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau Testament rendent témoignage à cette révélation générale de Dieu, ainsi qu’à la possibilité de connaître Dieu hors de la révélation spéciale. Ceci ne signifie nullement que ces personnages ont « obtenu » le salut, du fait de leur connaissance générale de la révélation; néanmoins, la lumière de Dieu les avait atteints dans une certaine mesure et avec une intensité telle que nous n’avons pas le droit d’ignorer. Et si nous lisons bien le discours de Paul à l’Aréopage, Dieu a permis que des hommes puissent le chercher, ne serait-ce qu’en tâtonnant (Ac 17.16-34). Les données bibliques relatives à la grâce générale et à la révélation générale sont d’une importance décisive pour notre évaluation de toute « religion » de l’humanité autant que pour notre méthodologie missionnaire et nos styles d’approches.
15. Évaluation chrétienne de l’hindouisme←⤒🔗
Reconnaissons que la religion hindouiste est, dans ce qu’elle a de meilleur, un effort très sérieux qui cherche à s’occuper des graves problèmes de l’existence. Elle offre l’exemple clair de la pensée humaine qui reste pourtant sans ressource et sans recours en dehors et indépendamment de la révélation divine spéciale. Car l’esprit de tout homme, même du plus sérieux, est enténébré par le péché et sa réflexion la plus sincère aboutit hélas! à de fausses solutions.
Le christianisme et l’hindouisme prétendent l’un et l’autre être la révélation du message du salut. Mais il est très important de savoir ce que chacune de ces deux entend par révélation et salut. Il est clair qu’elles ne parlent pas de la même chose et que le principe même diffère.
La révélation chrétienne manifeste l’intervention et l’action de Dieu dans l’histoire du salut, la révélation hindoue vise la réalisation progressive par l’homme de son essence spirituelle et éternelle, dans son identité ou dans l’union avec l’être suprême, avec ou sans l’assistance de l’être suprême.
Qu’enseigne l’hindouisme sur Dieu? Le Brahman c’est l’univers, en même temps l’absolu, le divin. L’Atman c’est l’esprit. Quand Brahman est présent en l’homme, il est alors en même temps l’Atman.
L’hindouisme est un mélange de voies religieuses. Cependant, il peut être caractérisé par deux d’entre elles, particulièrement discernables : le panthéisme et la mystique, ou la philosophie de l’identité.
Dans l’hindouisme, les bêtes, les arbres, les eaux des montagnes sont pour une part révélation du divin et sont en partie considérés comme saints. Qui se baigne dans les eaux du Gange se purifie de ses péchés, acquiert beaucoup de mérites et gagne son salut. Les vaches, les singes et les rhinocéros sont particulièrement saints parce qu’ils sont la révélation de Dieu. Gandhi disait que « l’essence spécifique de l’hindouisme consiste en la protection de la vache ». Même les rats sont saints.
La révélation chrétienne est centrée sur la personne de Jésus-Christ, Dieu incarné, sur ses paroles, ses gestes, son œuvre salvifique. La révélation hindoue n’est pas centrée sur une personne, divine ou humaine. Elle est éternelle parole qui doit être reçue et réalisée intérieurement par chaque homme. Le salut hindou consiste à échapper au cycle des renaissances et à la sphère de l’action pour s’établir dans un état d’existence éternel, hors du temps et de l’espace. Dans cette tradition s’est infiltrée la religion bhakti, pour laquelle la rencontre directe et l’union avec la personne de Dieu est supérieure à l’état dans lequel l’homme, dans le centre silencieux de l’âme, réalise son soi infini, immortel et sans changement.
On peut même dire que l’hindouisme n’a jamais éprouvé la nécessité d’une révélation divine particulière, par voie prophétique. Voilà ce qui la rend incomplète, car une religion ne peut pleinement satisfaire quand elle repose fondamentalement sur le rejet du monde phénoménal considéré comme une prison ou une illusion dont il faut se libérer. Même à considérer l’hindouisme dans ses excellentes croyances théistes, l’absence d’une juste doctrine de la création ne rend pas le théisme hindou exempt d’une teinte de semi-panthéisme; le divin qui est dans l’homme n’est pas, comme participation à la nature divine, un don purement gratuit que Dieu accorde à l’homme en vertu d’une élévation surnaturelle.
De plus, quelles que soient la divinité et la clémence attribuées à Krishna, il n’est jamais un sauveur comme le Christ qui nous a personnellement libérés de nos péchés. Car Krishna n’a jamais porté sur ses épaules la faute de l’humanité et la conséquence du péché; il ne pouvait assumer pleinement et sérieusement notre salut puisqu’il ne lui coûtait rien.
En résumé, l’hindouisme met toujours l’accent sur l’aspect mystique et interne de la religion. Cet accent sur l’expérience mystique est beaucoup trop exclusif. Il faut remarquer que le dieu de l’expérience mystique est tantôt lié au Çiva tantôt à Vishnu, les dieux mythologiques dont les exploits ne sont pas toujours édifiants. C’est dans le Christ que la mystique personnaliste et prophétique et la morale se rencontrent comme elles ne le font dans aucune autre religion.
Ainsi, voici résumées les faiblesses et insuffisances de ce système religio-philosophique de l’Inde :
L’hindouisme se caractérise par l’absence de la foi en un Dieu personnel, tout-puissant, Créateur des cieux et de la terre, Gouverneur des choses visibles et invisibles, celui qui est distinct de l’univers qu’il a créé, ne s’identifiant pas avec celui-ci; l’absence d’une foi en la doctrine de la création, qui est fondamentale à toute véritable compréhension de l’univers; l’absence d’une véritable conception des obligations morales ou de la loi morale; l’absence d’une conception adéquate et vraie du péché humain et de la faute, l’hindouisme cherchant à sauver l’homme de l’irréel plutôt que du mal moral, dont il est à la fois la victime et le responsable; l’absence d’un Sauveur qui s’est offert comme sacrifice pour expier les péchés des hommes qui est mort, mais qui a vaincu la mort par sa résurrection triomphante; l’absence de la foi en l’immortalité de l’homme et en la vie éternelle.
L’hindouisme n’a aucun fondateur. Dans l’hindouisme, tout trouve place. Il ne connaît aucun précepte solide. Il n’a aucun dogme propre. Il embrasse tout sur le plan de l’enseignement. Tout est religion en Inde. Mais celle de l’hindouisme est semblable à une mosaïque bariolée. C’est du syncrétisme, c’est-à-dire un mélange de tout, l’association des contraires.
Dans le mélange religieux hindouiste, tous trouvent donc place : les théistes, qui croient bien en un Dieu personnel transcendant, mais non à la révélation en Jésus-Christ; les déistes, qui, par le raisonnement, croient en un Dieu créateur du monde, mais pour qui le divin architecte est maintenant éloigné de lui et n’y agit plus, semblable à un horloger qui fabriqua bien une fois une montre, la remonta, mais la laisse à elle-même pour continuer sa course; les monothéistes, qui croient en un seul Dieu; les polythéistes, qui croient en plusieurs dieux, et même les athées, qui nient l’existence d’un Dieu personnel.
Il y a place aussi pour Jésus-Christ et son christianisme. Mais sa prétention à être la pleine vérité est récusée. Jésus-Christ n’est qu’un personnage parmi d’autres. Il arrive donc que, dans des sanctuaires de l’Inde, on voit accrochés au mur et voisinant en paix des tableaux montrant pacifiquement côte à côte le dieu Krishna, le Bouddha, Jésus-Christ et Gandhi. Ainsi, non pas « le Christ seul », mais « le Christ aussi ».
Il y a eu des tentatives de purification de l’hindouisme de son idolâtrie, en cherchant à le marier avec l’enseignement de l’Évangile chrétien. On a cherché à abolir certaines pratiques cruelles, parmi les plus notoires, par exemple celle de brûler la veuve sur le cadavre de son défunt mari, ou de marier de très jeunes enfants, ainsi que la polygamie. Bien que ce mouvement de réforme exerçât une certaine influence, il n’a pourtant pu transformer le caractère de l’hindouisme, lequel, dans une très grande mesure, continue à exercer son hégémonie religieuse et sociale.
Les missions chrétiennes, de même que la sécularisation moderne, la science occidentale et le système des communications modernes ont à leur façon et dans une certaine mesure affecté l’Inde et ses habitants; néanmoins, l’hindouisme demeure essentiellement inchangé et dominant. Il existe certes ceux parmi les penseurs et conducteurs qui poursuivent leurs tentatives d’amélioration des conditions d’existence plutôt que l’absorption de la personnalité humaine dans le tout, le Brahma, comme objectif ultime.
Que réserve l’avenir pour l’Inde? Nul ne saurait prédire. L’espoir pour l’Inde réside non pas en des réformes ou en des adaptations de l’hindouisme, même pas en une mission chrétienne absorbée par des questions sociales, mais par la claire et fidèle proclamation du Dieu véritable, celui de la Bible, de Jésus-Christ, de Jésus-Christ crucifié, comme unique salut des pécheurs; la seule Voie, l’unique Vérité, la Vie éternelle, sans qui nul ne peut venir à Dieu.
16. Glossaire←⤒🔗
Atman : Terme sanskrit désignant l’ultime réalité en tant qu’esprit individuel, ou soi, en union possible avec l’un suprême, l’âme universelle, avec le Brahman.
Bénarès : Ville la plus sacrée de l’Inde, située sur le Gange. Elle a une signification importante pour l’hindouisme et le bouddhisme. Bouddha y fit sa première prédication.
Bhagavad-Gitâ : Le « Chant du sublime », appelé en général Gitâ.
Brahma : Divinité hindoue, membre de la triade Brahma, Çiva, Vishnu.
Brahman : Dans la philosophie hindoue, l’âme universelle, l’unique, l’un dans la diversité.
Brahmanisme : La doctrine du Brahman.
Çiva : Le plus grand des dieux de l’hindouisme. Il apparaît sous de nombreuses formes.
Hindou : Adepte de l’hindouisme.
Jaïnisme : Une des religions indiennes proches du bouddhisme, fondée au 6e siècle av. J.-C. Elle compte aujourd’hui encore un million et demi d’adeptes. Elle préconise l’autodélivrance par une vie ascétique.
Karman, karma : « Œuvre », « acte ». Doctrine commune à l’hindouisme et au bouddhisme au sujet de la faute et de la rémunération qui s’ensuit. Toute action et toute intention sont inscrites dans le destin des êtres vivants. Elle enseigne la réincarnation, soit comme homme, bête ou plante, d’après le bilan des bonnes ou mauvaises actions accomplies dans la vie présente ou au cours de vies antérieures.
Krishna : Un dieu de l’hindouisme, l’une des incarnations de Vishnu. Il aurait eu 16 000 femmes et 180 000 fils.
Maya : Illusion, œuvre aveuglante, affirmation que le monde des sens est uniquement une apparence.
Nirvana : Extinction. C’est le calme de la mer pour les sens; le fait d’être plongé dans une paix de l’âme inaltérable, un bonheur extratemporel, un état de salut. On peut accéder au nirvana déjà pendant cette vie en tant qu’illuminé. Dans cet état, les trois maux principaux de l’existence sont éteints : le plaisir des sens, la haine, la non-connaissance. Selon le bouddhisme, le nirvana est très proche du néant.
Samsara : Dans l’hindouisme, désignation de la migration des âmes, la roue des renaissances, le cycle éternel de la vie.
Sanskrit : Langue des érudits, la langue par excellence de la littérature classique des Indo-Aryens.
Upanishads : Enseignement secret. Commentaires ultérieurs des Védas, contenant la doctrine de la voie de la délivrance du cycle des renaissances.
Védas : Connaissance, savoir. Nom des écrits saints de la religion hindoue. On distingue en particulier le Rig-Véda et l’Athar-Véda.
Vishnu : L’un des dieux principaux de l’hindouisme. On lui attribuer une série d’incarnations.
Yoga : Atteler. Un système de l’hindouisme, qui prétend libérer l’âme de la matière et du monde des souffrances et lui permettre de s’unir avec l’esprit universel. Il exige l’exercice sévère de la volonté, le contrôle de soi, la mortification, la méditation, la régulation de la respiration, l’hypnose et une grande concentration. En Occident, on prétend utiliser le yoga au service de la santé.
17. Bibliographie←⤒🔗
-
Encyclopédie Bordas. 10-19, « philosophie », 20-29, « religions », Paris, 1968.
-
Encyclopaedia Universalis. Article « hindouisme », vol. 8, p. 408ss.
-
L’État des religions dans le monde. Ouvrage collectif, sous la direction de Michel Clévenot, La Découverte/Le Cerf/boréal, 1987.
-
Kenneth Cragg, The Christ and the Faiths. Westminster Press, Philadelphia, 1986.
-
Herbert Jean, Spiritualité hindoue. Albin Michel, 1971.
-
Josh McDowell, Don Stewart, Handbook of Today’s Religions. Campus Crusade, California, 1982.
-
Secretariatus pro non christianis, Religions. Éditrice Ancora, Roma, Milano, 1970.
-
Neil Stephen, Christian Faith and Other Faiths. IVP, Downers Grove, 1984.
-
Shri Aurobindo, Trois Upanishads. Albin Michel, 1972.
-
Zaehner R.C. ed., Encyclopedia of Living Faiths. Hutchinson, 1959.