Cet article contient le texte de la Confession de foi de Guanabara écrite au Brésil en 1558 par Jean du Bordel, Matthieu Vermeil, Pierre Bourdon et André La Fon.

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La Confession de foi de Guanabara

Note de la rédaction

La Confession de foi de Guanabara, une des premières déclarations de la foi réformée, a été rédigée par Jean du Bordel, Matthieu Vermeil, Pierre Bourdon et André La Fon en 1558 dans la « France antarctique », une colonie française du 16e siècle située dans la baie de Guanabara, à Rio de Janeiro, au Brésil. Pour une introduction historique à cette confession de foi, on pourra consulter avec profit l’article intitulé À popos de la confession de foi de Guanabara.

Selon la doctrine de saint Pierre apôtre, dans sa première épître, tous les chrétiens doivent toujours être prêts à donner raison de l’espérance qui est en eux, et ce, en toute douceur et tout respect (1 Pi 3.15). Nous soussignés, seigneur de Villegagnon, avons unanimement (selon la mesure de grâce que notre Seigneur nous a faite) donné raison à chaque point, comme vous nous avez enjoint et commandé, et en commençant par l’article premier :

Article 1 – Dieu

Nous croyons en un seul Dieu, immortel et invisible, Créateur du ciel et de la terre, et de toutes choses visibles et invisibles, qui est distingué en trois personnes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit, qui ne font qu’une même substance en essence éternelle et une même volonté. Le Père est la source et le commencement de tout bien. Le Fils, engendré du Père éternellement, a été manifesté en chair au monde quand la plénitude du temps fut accomplie, ayant été conçu du Saint-Esprit, né de la vierge Marie, fait sous la loi pour racheter ceux qui étaient sous la loi, afin que nous recevions l’adoption pour être ses propres enfants. Le Saint-Esprit, procédant du Père et du Fils, est docteur de toute vérité, parlant par la bouche des prophètes, inspirant toutes choses qui ont été dites aux apôtres par notre Seigneur Jésus-Christ. Il est le seul Consolateur dans l’affliction, donnant constance et persévérance en tout bien.

Nous croyons qu’il faut seulement adorer et parfaitement aimer, prier et invoquer la majesté de Dieu par la foi, individuellement.

Article 2 – Jésus-Christ

Adorant notre Seigneur Jésus-Christ, nous ne séparons pas une nature de l’autre, confessant les deux natures, divine et humaine, qui sont inséparables en lui.

Article 3 – Jésus-Christ et le Saint-Esprit

Nous croyons au sujet du Fils de Dieu et du Saint-Esprit ce que la Parole de Dieu, la doctrine apostolique et le symbole nous enseignent.

Article 4 – Le jugement dernier

Nous croyons que notre Seigneur Jésus viendra juger les vivants et les morts, sous forme visible et humaine, comme il est monté au ciel, exécutant ce jugement, de la manière qu’il nous a prédit en Matthieu 25, ayant toute puissance de juger, qui lui a été donnée par le Père, étant donné qu’il est un homme. Et quand nous disons dans nos prières que le Père apparaîtra en jugement en la personne de son Fils, nous comprenons par cela que la puissance du Père donnée au Fils sera manifestée lors de ce jugement. Ce n’est pas, toutefois, que nous voulions confondre les personnes, sachant qu’elles sont réellement distinctes l’une de l’autre.

Article 5 – La cène

Nous croyons que, dans le saint sacrement de la Cène, avec les signes corporels du pain et du vin, les âmes fidèles sont réellement et effectivement nourries de la substance même de notre Seigneur Jésus, comme nos corps sont nourris d’aliments. Nous ne voulons pas dire ni croire que le pain et le vin sont transformés ou transsubstantiés en son corps et en son sang, car le pain conserve sa nature et sa substance, de même que le vin, et il n’y a pas de changement ou d’altération. Nous distinguons toutefois ce pain et ce vin de l’autre pain qui est destiné à l’usage habituel, car il s’agit d’un signe sacramentel sous lequel la vérité est infailliblement reçue.

Or, cette communication ne se fait que par le moyen de la foi. Il ne convient pas d’imaginer qu’elle soit charnelle ni de préparer les dents pour le manger, comme saint Augustin nous enseigne : « Pourquoi prépares-tu les dents et le ventre? Croie, et tu l’as mangé. » Le signe, donc, ne nous donne pas la vérité ni la chose signifiée; mais notre Seigneur Jésus-Christ, par sa puissance, sa vertu et sa bonté, nourrit et entretient nos âmes, et les fait participants de sa chair et de son sang, et de tous ses bienfaits. Venons à l’interprétation des paroles de Jésus-Christ : « Ceci est mon corps » (Mt 26.26). Tertullien, dans le quatrième livre contre Marcion, explique ces paroles ainsi : « Ceci est le signe et la figure de mon corps. » Saint Augustin dit : « Le Seigneur n’a pas évité de dire : “Ceci est mon corps”, quand il n’a donné que le signe de son corps. » Par conséquent (comme il nous est commandé au premier canon du Concile de Nicée), dans ce saint sacrement, nous ne devons rien imaginer de charnel ni nous distraire par le pain et le vin, qui nous sont proposés pour signes, mais nous devons élever notre esprit vers les cieux et contempler par la foi le Fils de Dieu, notre Seigneur Jésus, assis à la droite de Dieu, son Père. Nous pourrions ajouter à ce sujet l’article sur l’ascension, ainsi que plusieurs autres phrases d’Augustin, que nous omettons, parce qu’elles sont longues.

Article 6 – Le vin de la cène

Nous croyons que, s’il avait été nécessaire de mettre de l’eau dans le vin, les évangélistes et même saint Paul n’auraient pas omis une chose d’une si grande conséquence. Pour ce qui est des anciens docteurs qui l’ont observé (en se basant sur le sang mêlé d’eau qui sortit du côté de Jésus-Christ), puisque cette observation n’a aucun fondement dans la Parole de Dieu, et que c’est même après l’institution de la Cène que cela arriva, nous ne pouvons nécessairement pas l’admettre aujourd’hui.

Article 7 – La consécration de la cène

Nous croyons qu’il n’y a pas d’autre consécration que celle qui est faite par le ministre, lors de la célébration de la Cène. Le ministre récite au peuple, dans une langue connue, l’institution de la Cène, selon la manière dont notre Seigneur Jésus-Christ nous a prescrite, en avertissant le peuple au sujet de la mort et de la passion de notre Seigneur Jésus. Et, comme l’a dit saint Augustin, la consécration est la parole de foi qui est prêchée et reçue dans la foi. Il en résulte que les paroles prononcées secrètement sur les signes ne peuvent pas être la consécration telle qu’elle apparaît dans l’institution que notre Seigneur Jésus-Christ a laissée à ses apôtres, en adressant ses paroles aux disciples présents, à qui il a ordonné de boire et de manger.

Article 8 – La nourriture spirituelle de la cène

Le saint sacrement de la Cène n’est pas une nourriture pour le corps, mais pour les âmes (car nous n’imaginons rien de charnel, comme nous l’avons déclaré dans le cinquième article), le recevant par la foi, qui n’est pas charnelle.

Article 9 – Le baptême

Nous croyons que le baptême est le sacrement de la pénitence et comme une entrée dans l’Église de Dieu, pour être incorporé au corps de Jésus-Christ. Il nous représente la rémission de nos péchés passés et futurs, qui n’est pleinement acquise que par la mort de notre Seigneur Jésus-Christ. De plus, la mortification de notre chair nous y est signifiée, et le lavage nous est représenté par l’eau versée sur l’enfant, qui est le signe et le sceau du sang de notre Seigneur Jésus, qui est la véritable purification de nos âmes. L’institution de ce sacrement nous est enseignée dans la Parole de Dieu, que les saints apôtres ont observée, en utilisant de l’eau au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

En ce qui concerne les exorcismes, les abjurations de Satan, le chrême, la salive et le sel, nous les rejetons comme des traditions d’hommes, nous contentant de la manière et de l’institution que nous a laissées notre Seigneur Jésus.

Article 10 – Le libre arbitre

En ce qui concerne le libre arbitre, nous croyons que le premier homme, ayant été créé à l’image de Dieu, avait la liberté et la volonté autant de faire le bien que le mal. Lui seul a su ce qu’était le libre arbitre, étant dans son intégrité. Or, il n’a pas gardé ce don de Dieu, mais il en a été privé par son péché, de même que tous ceux qui descendent de lui, à tel point qu’aucun descendant d’Adam n’a une étincelle de bien. C’est pourquoi saint Paul dit que l’homme charnel ne comprend pas les choses de Dieu (1 Co 2.14). Et Osée a crié aux enfants d’Israël : « La perdition est de toi, ô Israël » (Os 13.9). Nous comprenons cela de l’homme qui n’est pas régénéré par le Saint-Esprit de Dieu.

Quant à l’homme chrétien, baptisé dans le sang de Jésus-Christ, qui marche en nouveauté de vie, notre Seigneur Jésus-Christ restaure en lui le libre arbitre et réforme sa volonté pour toutes bonnes œuvres, non pas toutefois à la perfection, car l’exécution de sa bonne volonté ne dépend pas de ses capacités, mais vient de Dieu, comme le déclare amplement le saint apôtre, dans le septième chapitre aux Romains, en disant : « J’ai la volonté, mais non le pouvoir de faire le bien » (Rm 7.18). L’homme prédestiné à la vie éternelle, bien qu’il pèche à cause de sa fragilité humaine, ne peut toutefois pas tomber dans l’impénitence. À ce propos, saint Jean dit qu’il ne pèche pas, car l’élection demeure en lui (1 Jn 5.18).

Article 11 – Le pardon des péchés

Nous croyons que le pardon des péchés n’appartient qu’à la Parole de Dieu, dont, dit saint Ambroise, l’homme n’est que le ministre. Ainsi, s’il condamne ou acquitte, ce n’est pas lui, mais la Parole de Dieu qu’il annonce. À cet égard, saint Augustin dit que ce n’est point par le mérite des hommes que les péchés sont pardonnés, mais par la puissance du Saint-Esprit. Car le Seigneur a dit à ses apôtres : « Recevez le Saint-Esprit », et ensuite il ajoute : « Ceux à qui vous pardonnez les péchés, ils leur seront pardonnés » (Jn 20.22-23). Cyprien dit que le serviteur ne peut pas pardonner l’offense commise contre son maître.

Article 12 – L’imposition des mains

En ce qui concerne l’imposition des mains, celle-ci a servi en son temps, et nous n’avons pas besoin maintenant de la conserver, car par l’imposition des mains, on ne peut pas donner le Saint-Esprit, car c’est Dieu seul qui le fait. En ce qui concerne l’ordre ecclésiastique, nous croyons ce que saint Paul a écrit à ce sujet dans la première épître à Timothée et à d’autres endroits.

Article 13 – Le divorce et le remariage

La séparation entre un homme et une femme légitimement unis par le mariage ne peut se faire que dans le cas d’un adultère, comme notre Seigneur nous l’enseigne (Mt 19.5). Et non seulement la séparation peut-elle se faire à la suite d’un tel adultère, mais aussi, la cause une fois bien examinée par le magistrat, si la partie non coupable ne peut se contenir, elle peut se remarier, comme le dit saint Ambroise à propos du septième chapitre de la première épître aux Corinthiens. Le magistrat doit cependant procéder après mûre réflexion.

Article 14 – Être mari d’une seule femme

Saint Paul, en enseignant que l’évêque doit être mari d’une seule femme (1 Tm 3.2), ne lui interdit pas de se remarier après le décès de sa première femme. Mais le saint apôtre condamne la bigamie à laquelle les hommes de cette époque étaient grandement portés. Toutefois, nous laissons cela au jugement de ceux qui sont plus versés dans les saintes Écritures, et nous ne fondons pas notre foi sur ce point.

Article 15 – Les vœux et le célibat

Il n’est pas permis de faire des vœux à Dieu, à moins qu’il ne les approuve. Ainsi, les vœux monastiques ne tendent qu’à corrompre le vrai service de Dieu. C’est aussi une grande témérité et une grande présomption de l’homme que de faire des vœux au-delà de la mesure de sa vocation, étant donné que la sainte Écriture nous enseigne que l’abstinence est un don spécial (Mt 15 et 1 Co 7). Il s’ensuit que ceux qui s’imposent cette nécessité, en renonçant au mariage toute leur vie, ne peuvent être excusés d’une extrême témérité et d’une confiance excessive et insolente en eux-mêmes. Ils tentent ainsi Dieu, car le don de l’abstinence n’est que temporaire chez certaines personnes, et celui qui l’aura pour un certain temps ne l’aura pas forcément pour tout le reste de sa vie1. C’est pourquoi les moines, les prêtres et les autres qui s’obligent et promettent de vivre dans la chasteté tentent Dieu, car ils n’ont pas en eux ce qu’il faut pour tenir ce qu’ils promettent.

Saint Cyprien, dans sa onzième épître, parle ainsi : « Si les vierges se sont consacrées de bon cœur au Christ, qu’elles persévèrent dans la chasteté sans défaillance; étant ainsi fortes et constantes, qu’elles attendent la récompense qui leur est préparée pour leur virginité. Si elles ne veulent ou ne peuvent persévérer comme elles ont fait vœu, il vaut mieux qu’elles se marient plutôt que d’être précipitées dans le feu de la luxure avec ses plaisirs et ses délices. » En ce qui concerne le passage de l’apôtre Paul (1 Tm 5.3-13), il est vrai que les veuves que l’on choisissait pour servir l’Église devaient accepter de ne pas se remarier tant qu’elles seraient engagées dans cette fonction, non pas parce que cela leur conférait ou attribuait une certaine sainteté, mais parce qu’elles ne pouvaient pas bien s’acquitter de leur devoir en étant mariées. Et, si elles voulaient se marier, elles devaient renoncer à la vocation à laquelle Dieu les avait appelées; néanmoins, elles accomplissaient les promesses faites dans l’Église, sans violer la promesse faite au baptême, qui est contenue dans ce point : « Que chacun serve Dieu dans la vocation à laquelle il est appelé. » Les veuves ne faisaient donc pas le vœu d’abstinence, sauf quand le mariage ne convenait pas à la fonction qui leur était assignée, et qu’elles n’avaient pas d’autre considération que de s’en acquitter. Elles n’étaient pas contraintes au point qu’il ne leur était pas permis de se marier plutôt que de brûler et de tomber dans l’infamie ou la malhonnêteté.

En outre, pour éviter de tels inconvénients, l’apôtre saint Paul, dans le chapitre cité, leur défend de prononcer de tels vœux, à moins qu’elles n’aient atteint l’âge de soixante ans, âge ordinairement peu sujet à l’incontinence. Il ajoute que celles qu’on choisira doivent avoir été mariées qu’une seule fois, afin que, par ce moyen, elles aient déjà fait preuve de leur chasteté (1 Tm 5.9).

Article 16 – L’intercession

Nous croyons que Jésus-Christ est notre seul médiateur, intercesseur et avocat, par lequel nous avons accès au Père, et par lequel, étant justifiés par son sang, nous serons délivrés de la mort, et par lequel, étant déjà réconciliés par lui, nous obtiendrons une entière victoire sur la mort.

En ce qui concerne les saints qui sont morts, nous disons qu’ils désirent notre salut et l’accomplissement du Royaume de Dieu, et que le nombre des élus soit complet. Toutefois, nous ne devons pas nous adresser à eux dans l’intercession pour obtenir quoi que ce soit, car nous désobéirions au commandement de Dieu. Quant à nous, pendant que nous vivons, étant unis ensemble comme membres d’un corps, nous devons prier les uns pour les autres, comme nous l’enseignent plusieurs passages de la sainte Écriture.

Article 17 – Les morts

En ce qui concerne les morts, saint Paul, dans 1 Thessaloniciens 4, nous défend d’être attristés pour eux, car ce sont les païens qui se comportent ainsi, eux qui n’ont aucune espérance de la résurrection. Le saint apôtre ne nous commande pas et ne nous enseigne pas de prier pour eux, ce qu’il n’aurait pas oublié si cela lui avait convenu. Saint Augustin, à propos du Psaume 48, dit que les esprits des morts reçoivent selon ce qu’ils ont fait pendant leur vie; s’ils n’ont rien fait de leur vivant, ils ne reçoivent rien à leur mort.

C’est la réponse que nous donnons aux articles que vous nous avez envoyés, selon la mesure et la part de foi que Dieu nous a données, en priant qu’il lui plaise que cette foi ne soit pas morte en nous, mais qu’elle produise des fruits dignes de ses enfants, et qu’ainsi, en nous faisant grandir et persévérer dans cette foi, nous puissions lui rendre grâce et le louer à jamais. Amen.

Note

1. Une autre version dit ceci : « celui qui l’aura eu pour trente ans comme Jésus ne l’aura pas pour le reste de sa vie ».