Daniel 7 - Que signifie "Il espérera changer les temps et la loi"? Réponse à un adventiste du septième jour
Daniel 7 - Que signifie "Il espérera changer les temps et la loi"? Réponse à un adventiste du septième jour
Texte biblique
« Il prononcera des paroles contre le Très-Haut, il opprimera les saints du Très-Haut, il espérera changer les temps et la loi, et les saints seront livrés entre ses mains pendant un temps, des temps et la moitié d’un temps. »
Daniel 7.25
Question reçue d’un adventiste
« Pourriez-vous me dire comment vous voyez Daniel 7.25? Si je comprends bien cette prophétie qui nous est donnée, cela nous présente une suite de puissances qui seront ou qui ont été en place dans le monde et qui régiront celui-ci. Ce verset présente spécifiquement une puissance qui lors de son règne cherchera à changer la loi de Dieu, mais plus spécifiquement le quatrième commandement qui se rapporte au temps. Dieu semble dire que, bien que cette puissance essaiera, cela ne changera rien aux commandements, surtout pas au temps. Qu’en pensez-vous? »
- Quelques observations initiales
- La loi selon Daniel, Esdras et Esther
- Le temps selon Esther et Daniel
- Conclusion
Les adventistes du septième jour croient que les chrétiens ont l’obligation d’observer le samedi comme jour d’adoration et de repos. Le sabbat du samedi serait le sceau de Dieu, tandis que l’observation du dimanche serait la marque de la bête. Ceux qui adorent Dieu le dimanche adoreraient en réalité le diable. L’interprétation adventiste traditionnelle du texte de Daniel 7.25, basée sur les écrits de la prétendue prophétesse Ellen G. White et du théologien Uriah Smith, est la suivante : La puissance qui « espérera changer les temps et la loi » serait la papauté au début du Moyen-Âge qui aurait essayé de modifier le quatrième commandement pour changer le jour du repos du samedi au dimanche et pour imposer le dimanche comme jour d’adoration. La durée pendant laquelle « les saints seront livrés entre ses mains », désignée par « un temps, des temps et la moitié d’un temps », correspondrait à 1260 ans (trois temps et demi où chaque « temps » serait 360 jours/années). Il s’agirait de la période pendant laquelle la papauté aurait prétendument régné, imposant sa suprématie politico-religieuse à partir de l’an 538 jusqu’à l’an 1798 (dates arbitrairement choisies pour arriver au nombre précis de 1260 ans). Dans le système adventiste, cette étrange interprétation de Daniel 7.25 fait partie d’un casse-tête prophétique complexe où chaque morceau occupe une place bien précise. À partir du moment où l’on s’aperçoit que l’un des morceaux n’est pas à sa place — par exemple que leur interprétation de Daniel 7.25 est fausse — l’ensemble du système s’écroule, incluant le rôle prophétique que les adventistes estiment avoir reçu de Dieu dans l’histoire (« advent » : pour préparer la venue du Christ). Il est donc extrêmement difficile pour un adventiste conventionnel de remettre en question son interprétation de l’un ou l’autre passage des Écritures faisant partie de l’ensemble de son système prophétique.
Pour être bien honnête avec vous, j’avoue ne pas comprendre quelle méthode exégétique vous avez employée pour en arriver à cette conclusion. Je ne vois rien dans le texte de Daniel 7.25 ni dans le contexte qui justifie une telle interprétation. Peut-être pourriez-vous m’éclairer au sujet de votre méthode d’étude et d’interprétation afin que j’arrive à mieux vous suivre. Entre-temps, je vous propose ce que je comprends de ce verset, en prenant le temps nécessaire d’examiner le contexte plus large.
Le texte de Daniel 7.25 se lit comme suit :
« Il prononcera des paroles contre le Très-Haut, il opprimera les saints du Très-Haut, il espérera changer les temps et la loi, et les saints seront livrés entre ses mains pendant un temps, des temps et la moitié d’un temps. »
1. Quelques observations initiales⤒🔗
Je remarque tout d’abord que ce verset ne parle pas d’espérer changer « la loi concernant le temps », ni « la loi divine concernant le temps », ni « la loi du Très-Haut concernant le temps ». La puissance en question espérera changer « les temps et la loi », sans autre précision. Les deux éléments du temps et de la loi semblent distincts et ne se rapportent pas nécessairement à la loi de Dieu. En tout cas, rien ne le spécifie dans ce texte.
Je remarque ensuite que ce verset présente trois actions mises en parallèle accomplies par cette puissance :
- Il prononcera des paroles contre le Très-Haut,
- il opprimera les saints du Très-Haut,
- il espérera changer les temps et la loi.
Ces actions semblent toutes les trois de nature vague, imprécise et générale, sans que l’on puisse les identifier précisément en mettant le doigt sur une date ou un événement particulier de l’histoire. Quelles sont les paroles exactes qu’il prononcera? À quel moment précisément les prononcera-t-il et dans quelles circonstances le fera-t-il? De quelle façon opprimera-t-il les saints du Très-Haut? Qui seront exactement ces saints opprimés? À quelle occasion particulière et dans quel contexte les opprimera-t-il? Qui peut me donner des dates dans l’histoire, des citations de paroles précises, des événements concrets correspondant exactement à ce que l’Esprit de Dieu nous a révélé dans cette prophétie? Bien malin est celui qui peut répondre à ces questions. Ce verset ne semble pas avoir pour but de nous donner la réponse ni même de nous inviter à spéculer sur des réponses possibles. Son but se situe peut-être ailleurs…
Puisque la troisième action (« il espérera changer les temps et la loi ») est présentée de façon tout aussi vague que les deux premières, il semble normal de penser, du moins à première vue, que cette expression décrit une action tout aussi générale et non précisément identifiable sur le calendrier de l’histoire. Quelle est cette loi? Pourquoi ne pas avoir dit « la loi du Très-Haut », comme il est fait mention du Très-Haut dans les deux phrases précédentes? Quels sont ces temps? De quelle manière seront-ils changés? Pourquoi Dieu ne nous l’a-t-il pas dit plus précisément dans ce verset? Le texte n’en dit rien et il y a sans doute une raison à cela : pour que nous nous gardions de tomber dans la tentation d’identifier un événement précis sur le calendrier. La raison pour laquelle Dieu nous a donné cette parole dans la Bible semble se situer ailleurs.
Je remarque en troisième lieu que, si cette puissance « espérera changer les temps et la loi », cela ne changera rien au fait que la période pendant laquelle elle sera autorisée à persécuter les saints demeurera d’une durée fixe, inchangeable et limitée, « pendant un temps, des temps et la moitié d’un temps ». Il semble à première vue que l’effort que déploiera cette puissance pour essayer de changer les temps a quelque chose à voir avec cette durée de temps souverainement déterminée par Dieu pendant laquelle elle persécutera les saints et qui ne peut donc pas être changé.
Une étude plus détaillée de ces mots et du contexte nous permettra de mieux comprendre cette expression, en particulier lorsque nous examinerons l’usage de ces mots ailleurs dans le livre de Daniel et dans d’autres livres de l’Ancien Testament datant à peu près de la même période.
2. La loi selon Daniel, Esdras et Esther←⤒🔗
Daniel 7.25 se trouve dans la section araméenne du livre de Daniel (cette section s’étend de Daniel 2.4b à 7.28, le reste du livre est en hébreu). En araméen, l’expression « il espérera changer les temps et la loi » se lit comme suit : « weyissebar lehashenayah zimenin wedath ». Le verbe « sabar » signifie « espérer », « essayer » ou « s’efforcer » (seul usage dans tout l’Ancien Testament); le verbe « shanah » signifie « changer »; le nom « zeman » (« zimenin » au pluriel) signifie « temps » et le nom « dath » signifie « loi ». Les préfixes sont soit des conjonctions soit la conjugaison des verbes qui nous indique le temps et la personne de ces verbes. À la fin du verset, l’expression « un temps, des temps et la moitié d’un temps » ne traduit pas le mot « zeman », mais un autre mot araméen, « ‘idan » qui désigne aussi le temps. En faisant une petite recherche dans ma concordance, voici ce que j’ai trouvé au sujet de ces mots araméens.
Le nom « loi » (« dath ») peut effectivement désigner la loi de Dieu. Les dirigeants au service du roi Darius ont dit : « Nous ne trouverons aucun motif contre ce Daniel, à moins que nous n’en trouvions un dans la loi de son Dieu » (Dn 6.6). C’est le seul passage de Daniel où le mot « dath » désigne spécifiquement la loi de Dieu. Ailleurs, dans les sections du livre d’Esdras écrites également en araméen (Esd 4.8 à 6.18 et 7.12-26), le chapitre 7 utilise cinq fois le mot « dath » pour désigner la loi de Dieu (Esd 7.12,14,21,25,26). Chaque fois, le roi Artaxerxès précise qu’il s’agit d’un « scribe versé dans la loi du Dieu des cieux » s’il parle d’Esdras (Esd 7.12,21), ou de « la loi de ton Dieu » s’il s’adresse directement à Esdras (Esd 7.14,26,27). Cela signifie que, parmi les différents usages du mot « dath », lorsque ce mot désigne la loi de Dieu, la mention « de son Dieu », « de ton Dieu » ou « du Dieu des cieux » accompagne toujours le mot « loi » pour bien distinguer cette loi divine de la loi des Babyloniens ou des Mèdes et des Perses. (À noter que, dans la section du livre de Daniel écrite en hébreu, le mot « tôrah » est utilisé seulement dans la prière de confession de Daniel en Daniel 9.10-13; cette loi « tôrah » désigne l’ensemble de « la loi de Moïse » qu’Israël a transgressée de multiples manières et qui annonçait d’avance les grands malheurs qui ont frappé Israël pendant son exil).
En Daniel 7.25, le mot « loi » (« dath ») est employé tout seul, sans préciser s’il s’agit de la loi de Dieu ou d’une autre loi. Il n’est donc pas prouvé qu’il s’agit de la loi de Dieu. Et même s’il s’agissait de la loi de Dieu, il n’est pas non plus prouvé qu’il s’agit des dix commandements ou même spécifiquement du quatrième commandement. Par exemple, quand il est dit en Esdras 7 qu’Esdras était « un scribe versé dans la loi du Dieu des cieux », nous comprenons qu’il était versé dans l’ensemble des Écritures saintes léguées par Moïse au peuple de Dieu. Il n’était pas versé seulement dans les dix commandements ni même seulement dans le quatrième commandement. Nous ne restreignons pas le sens de l’expression « loi de Dieu » dans ces passages.
De plus, dans Daniel comme dans Esdras, il n’y a jamais la notion d’un « changement » de la loi de Dieu ou d’une impossibilité d’un changement dans la loi de Dieu. Il n’est pas non plus question, dans Daniel ou dans Esdras, de loi de Dieu concernant le temps ou concernant le quatrième commandement. Je ne comprends donc pas que vous puissiez affirmer que la « loi » de Daniel 7.25 désigne le quatrième commandement, d’autant plus que, comme déjà observé, il n’est pas question de changer « la loi concernant le temps » dans ce verset, mais seulement de changer « les temps et la loi », qui semble indiquer les temps en général et la loi en général.
La recherche devient plus intéressante lorsqu’on découvre que le mot « dath » en araméen désigne aussi la loi des peuples auxquels Israël a été soumis pendant et après son exil à Babylone. Dans le livre de Daniel, le roi babylonien Neboukadnetsar a prononcé une « sentence » de mort (une « loi ») sur tous les magiciens, astrologues et sorciers de son royaume qui n’ont pas réussi à lui révéler quel rêve le roi avait fait et quelle en était la signification (Dn 2.9,13,15). Cette loi devait également s’appliquer à Daniel et à ses compagnons qui devaient eux aussi être mis à mort.
Un peu plus tard, sous le roi Darius le Mède, une autre vague de persécution est venue menacer Daniel à cause du décret royal (« loi ») interdisant à toute personne du royaume des Mèdes et des Perses d’adresser des prières à quelque dieu que ce soit ou à quelque homme autre que le roi Darius. Les chefs du royaume lui ont demandé : « Maintenant, ô roi, confirme l’interdiction et signe le décret, afin qu’il soit irrévocable [“shanah”], selon la loi [“dath”] des Mèdes et des Perses qui ne peut être abrogée » (Dn 6.9). Le mot « irrévocable » en araméen est le verbe « shanah », exactement le même verbe qu’au chapitre suivant, dans notre texte de Daniel 7.25. Voilà un premier rapprochement intéressant avec notre texte. La loi des Mèdes et des Perses ne doit pas et ne peut pas être changée.
Nous connaissons la suite de l’histoire. Lorsque Daniel a su que le décret royal était signé, il n’en a tenu aucun compte. Il est allé prier et louer son Dieu comme auparavant, à la fenêtre de sa chambre. Il a transgressé ou changé la loi des Mèdes et des Perses, en gardant pleinement confiance en son Dieu. Quand les chefs du royaume l’ont vu prier, ils sont allés trouver le roi pour lui rappeler l’interdiction royale : « N’as-tu pas signé une interdiction? […] Le roi répondit : La chose est certaine, selon la loi [“dath”] des Mèdes et des Perses qui ne peut être abrogée » (Dn 6.13). Les chefs du royaume dirent alors au roi qu’ils ont vu Daniel transgresser l’ordre royal. Le roi en fut très affligé. Mais ces hommes revinrent à la charge pour presser le roi d’exécuter la loi promulguée :
« Sache, ô roi, que la loi [“dath”] des Mèdes et des Perses exige que toute interdiction ou tout décret confirmé par le roi soit irrévocable [“shanah” précédé de la négation = non changée] » (Dn 6.16).
Nous avons encore la « loi » et son impossibilité de « changement ». Daniel a donc dû être jeté dans la fosse aux lions…
Pour être bien certain que la loi promulguée produise l’effet désiré, « on apporta une pierre et on la mit sur l’ouverture de la fosse; le roi la scella de son anneau et de l’anneau de ses grands, afin que rien ne soit changé [“shanah”] à l’égard de Daniel » (Dn 6.18). Nous savons pourtant comment Dieu a changé les circonstances pour que, malgré l’irrévocabilité de la loi, son serviteur Daniel soit sauvé. Sans directement changer la loi des Mèdes et des Perses, Dieu a utilisé cette loi pour en changer miraculeusement sa conséquence meurtrière, afin de sauver son serviteur et se glorifier lui-même.
On se rappelle que, précédemment, le roi babylonien Neboukadnetsar avait lui aussi promulgué un ordre irrévocable ordonnant la mise à mort de tous ceux qui refusaient d’adorer la statue d’or. Les trois amis de Daniel n’ont tenu aucun compte de l’ordre du roi. Ils l’ont transgressé, ce qui rendit furieux le roi Neboukadnetsar. Jetés dans la fournaise ardente, les trois amis furent miraculeusement protégés.
« Neboukadnetsar prit la parole et dit : Béni soit le Dieu de Chadrak, de Méchak et d’Abed-Nego, lui qui a envoyé son ange et délivré ses serviteurs. Ils ont eu confiance en lui. Ils ont violé [= changé, “shanah”] l’ordre du roi et livré leurs corps plutôt que de servir et d’adorer tout autre dieu que leur Dieu! » (Dn 3.28).
Le texte dit explicitement que les amis de Daniel ont « changé » l’ordre du roi. Neboukadnetsar a bien été obligé de reconnaître que le Dieu de Daniel avait également changé la conséquence de l’exécution de son ordre…
La section araméenne du livre d’Esdras contient elle aussi la notion selon laquelle la loi du roi ne doit pas être changée. Bien que ce ne soit pas le mot « dath » qui est employé dans ce passage, le verbe « shanah » s’y trouve, avec cette notion de décret royal qui ne peut être changé ni abrogé. Il s’agit de l’édit de Darius qui donna l’ordre de faire rebâtir le temple à Jérusalem.
« Et voici l’ordre que je donne au sujet de quiconque transgressera [= changera, “shanah”] cette parole : on arrachera de sa maison une pièce de bois, pour l’y pendre et l’y frapper, et l’on fera de sa maison un tas d’immondices. Que le Dieu qui fait résider en ce lieu son nom renverse tout roi et tout peuple qui étendraient la main pour transgresser [= changer, “shanah”] cet édit en détruisant cette maison de Dieu qui est à Jérusalem! Moi Darius, j’ai donné cet ordre. Qu’il soit ponctuellement exécuté » (Esd 6.11-12).
Nous voyons que Dieu change le cœur des rois, comme il a « changé » (« shanah ») le cœur du roi Neboukadnetsar (Dn 4.13). Le roi de Babylone avait menacé Daniel de mort par son décret irrévocable. Maintenant, le roi Darius est favorable à la reconstruction du temple à Jérusalem. Dieu change les circonstances et dirige les événements en faveur de son peuple. Il est le Maître souverain de la situation, même si son peuple vit à l’intérieur d’un royaume qui menace de le persécuter durement.
Le livre d’Esther, qui a été écrit dans le même contexte post-exilique, utilise vingt fois le mot « dath ». Cette fois-ci, le mot n’est pas en araméen, mais en hébreu, puisque le livre d’Esther est écrit en hébreu. Cependant, le mot « dath » en hébreu a le même sens qu’en araméen. Une seule fois, ce mot désigne les lois des Juifs à propos desquelles Haman a dit : « leurs lois les distinguent de tout peuple » (Est 3.8). Il n’est pas spécifié que c’est la loi « de Dieu », mais le possessif « leurs » ne laisse pas de doute quant à l’identité de ces lois. Nous comprenons que ces lois, au pluriel, ne se limitent pas aux dix commandements, mais incluent naturellement l’ensemble de la loi mosaïque.
Les dix-neuf autres usages du mot « dath » dans le livre d’Esther désignent « les lois de Perse et de Médie » en général (Est 1.19) ou encore des lois, des ordonnances ou des édits particuliers qui devaient être inclus dans « les lois » de Perse et de Médie. Immédiatement après avoir fait mention des lois des Juifs qui les distinguent, Haman s’est plaint que les Juifs « n’exécutent pas les lois du roi » (Est 3.8), qui est évidemment le roi perse. Dans le royaume perse du roi Assuérus, il y avait une « loi protocolaire » pour boire le vin (Est 1.8) ainsi qu’une « loi protocolaire » pour s’approcher du roi (Est 1.13). La reine Vasthi ayant désobéi à l’ordre du roi à cet égard (Est 1.12), on s’est demandé quelle « loi » appliquer dans son cas (Est 1.15). Le roi a ensuite promulgué un « édit » pour rassembler de jeunes filles et trouver une nouvelle reine (Est 2.8). Il y eut alors une « loi protocolaire » pour la préparation des femmes avant qu’elles soient présentées au roi (Est 2.12).
La « loi » (« dath ») sans doute la plus terrible du livre d’Esther est l’édit d’extermination ordonnant que tous les Juifs habitant dans le royaume perse soient tués le 13 du 12e mois (Est 3.14-15; 4.3,8, le mot « dath » est utilisé quatre fois dans ces versets). Il y avait également la « loi » ordonnant la mise à mort de quiconque se présentait au roi dans la cour intérieure sans avoir été convoqué (Est 4.11). Cette loi fut défiée par Esther : « J’irai chez le roi malgré la loi » (Est 4.16). Et pourtant, malgré cette transgression, Esther obtint providentiellement la faveur du roi! (Est 5.2) Le roi Assuérus promulgua par la suite un nouvel « édit » autorisant les Juifs à défendre leur vie et à mettre à mort tous ceux qui les persécuteraient (Est 8.13-14,17; 9.1). Le même « édit » fut promulgué pour qu’il soit encore en vigueur le jour suivant (Est 9.13,14).
Dans tous ces passages, c’est le même mot « dath » qui est employé pour désigner une loi, un protocole ou un édit du roi perse. Ces lois ont toutes la même caractéristique : « Un texte écrit au nom du roi et scellé du sceau royal est irrévocable » (Est 8.8). Le verbe utilisé ici qui est traduit par « irrévocable » est différent du verbe araméen « shanah » (« changer »), puisque ce verbe est en hébreu. Il a cependant la même signification que « shanah ». Dans Esther, la notion de « loi irrévocable des Perses » est exactement la même que dans le livre de Daniel et le livre d’Esdras, puisqu’il s’agit des mêmes Perses dominateurs qui ont imité et renforcé la façon de faire de leurs prédécesseurs babyloniens en matière législative. Cette fois-ci, dans l’histoire d’Esther, le caractère inchangeable de la loi des Perses menaçait de mort, non pas un ou trois serviteurs de Dieu en exil, comme avec Daniel et ses amis, mais l’ensemble du peuple juif habitant sur tout le territoire de l’Empire perse. Malgré le fait que cette loi était scellée du sceau irrévocable du roi, Esther, la servante de Dieu, l’a transgressée en mettant sa confiance en Dieu. Puis Dieu, sans changer directement la loi du roi perse, s’en est servie en changeant l’issue du conflit. Dieu a même utilisé une nouvelle loi perse irrévocable pour changer le cours des événements en faveur de son peuple.
Tous ces usages du mot « dath » dans Daniel, dans Esdras et dans Esther nous aideront à mieux comprendre de quelle « loi » il s’agit dans Daniel 7.25. Nous y reviendrons plus loin. Mais auparavant, examinons la notion du « temps » dans Esther et dans Daniel. (Dans Esdras, le « temps » « zeman » se trouve seulement en 5.3 et ne m’apparaît pas significatif pour notre sujet).
3. Le temps selon Esther et Daniel←⤒🔗
Le livre d’Esther utilise deux fois le mot temps (« zeman » en hébreu et non en araméen) pour désigner la fête des Pourim que les Juifs ont instituée pour commémorer leur éclatante victoire contre leurs agresseurs.
« Les Juifs instituèrent une tradition irrévocable pour eux, pour leur descendance et pour ceux qui se joindraient à eux : on célébrerait ces deux journées selon le mode prescrit et au temps fixé, d’année en année. […] Ces jours de Pourim furent institués à leur date, à l’occasion de leur jeûne et de leur clameur… » (Est 9.27,31).
Le mot « zeman » peut donc désigner le moment où l’on célèbre une fête religieuse périodique qui est instituée pour être irrévocable. Les chrétiens s’entendent toutefois pour dire (je présume que c’est aussi ce que croient les adventistes) que le caractère irrévocable de la fête des Pourim avait une durée limitée à l’intérieur de l’économie du salut, puisque depuis la venue de Jésus-Christ, cette fête n’est plus célébrée par l’Église.
Il serait cependant possible de proposer que, puisque ce mot « zeman » désigne la fête des Pourim, il puisse également servir ailleurs à désigner le jour du sabbat. C’est une possibilité théorique. La réalité est toutefois différente. Que ce soit en araméen ou en hébreu, ce mot n’est jamais employé dans l’Ancien Testament pour désigner le sabbat. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait qu’il désigne le sabbat en Daniel 7.25, d’autant plus que ce verset ne nous donne aucune précision sur ce « temps », contrairement à Esther 9 qui nous précise que le « temps » fixé concernait la fête des Pourim.
Il est intéressant de découvrir un autre aspect du temps dans le livre d’Esther qui rejoint ce que nous avons déjà vu à propos de la « loi ». L’ensemble de la montée dramatique de l’histoire du livre d’Esther tourne autour de cette notion du temps dirigée par la main providentielle de Dieu. Malgré la menace d’extermination du peuple juif qui s’annonce dévastatrice et impossible à changer d’un point de vue humain, les événements finissent par concourir au bien du peuple de Dieu, selon une synchronisation temporelle très précise. Le mot « temps » dans les deux passages suivants n’est pas « zeman », mais « ‘eth ». C’est un mot qui est utilisé très fréquemment en hébreu et qui, sans éclairer directement le mot « zeman », permet d’approfondir notre sujet.
Il est dit tout d’abord que les sages astrologues avaient la connaissance du « temps » (Est 1.13). Cependant, à travers la vie de Mardochée et d’Esther, nous voyons que c’est le Maître de l’histoire qui détient une connaissance parfaite du temps. Mardochée fit dire à Esther :
« Si tu continues à te taire en cette occasion [= en ce temps], le soulagement et la libération des Juifs surgiront d’un autre côté, alors que toi et la maison de ton père, vous périrez. D’ailleurs, qui sait si ce n’est pas pour une occasion [= un temps] comme celle-ci que tu es parvenue à la royauté? » (Est 4.13).
Les « coïncidences » temporelles des événements relatés dans les chapitres 5 et 6 ont donné raison à Mardochée et ont ensuite transformé radicalement la destinée de l’histoire d’Israël. Pour mieux apprécier la précision temporelle de la providence de Dieu dans cette histoire, il faudrait faire une étude plus détaillée de la chronologie précise des événements et des indices temporels contenus dans ces chapitres (« le 3e jour », « au moment même », « aujourd’hui », « ce jour-là », « demain », « cette nuit-là », etc.). Bref, Esther est allée à la cour persane précisément au temps prévu par Dieu pour la délivrance providentielle de son peuple. Le temps de persécution, qui semblait conduire irrémédiablement à l’anéantissement complet d’Israël, a été changé en grande victoire par la main souveraine de Dieu.
Revenons maintenant au livre de Daniel et considérons la notion de « temps » dans ce livre. En Daniel 7.25, deux mots araméens différents sont employés pour désigner le « temps » : « zeman » dans l’expression « changer les temps », qui nous intéresse particulièrement, et « ‘idan » dans l’expression « un temps, des temps et la moitié d’un temps », qui suit immédiatement. Ailleurs dans le livre, le « temps » (« zeman ») peut désigner le nombre de « fois » que Daniel priait par jour (Dn 6.11,14), ou encore le « moment » où les peuples entendaient jouer les instruments de musique leur indiquant qu’il fallait adorer la statue (Dn 3.7). L’autre mot pour le temps (« ‘idan ») indique également « le moment » où les gens entendaient les instruments de musique (Dn 3.5,15). C’était « dans le même temps » (« zeman ») que quelques Chaldéens s’approchèrent du roi Neboukadnetsar pour accuser les Juifs parce qu’ils n’adoraient pas la statue (Dn 3.8). Afin d’abaisser l’orgueil démesuré de ce roi babylonien, Dieu a par la suite décidé que « sept temps passeront sur lui » (répété quatre fois, avec le mot « ‘idan » : Dn 4.13,20,22,29). Ces « sept temps » sont en quelque sorte une période de « plénitude » (symbolisée par le nombre sept) pendant laquelle le roi allait être abaissé au niveau des bêtes, « avec un cœur de bête ». Après cette période de « sept temps », Neboukadnetsar fut rétabli, comme il l’a confessé : « En ce temps-là [“zeman”], la raison me revint; l’honneur de ma royauté, ma gloire et ma splendeur me furent rendus » (Dn 4.33).
Ainsi donc, malgré le fait que le roi Neboukadnetsar voulait imposer à tout le peuple un temps ou un moment particulier pour qu’ils adorent de force la statue (au son de la musique), Dieu demeurait continuellement et parfaitement souverain sur la vie, les temps et les circonstances de ce roi babylonien. Une vérité semblable est dite plus loin à propos des bêtes de la vision de Daniel 7 : « Une prolongation de vie leur fut accordée jusqu’à un certain moment [“zeman”] et un certain temps [“‘idan”] » (Dn 7.12). Neboukadnetsar et le royaume babylonien sont symboliquement représentés par la 1re bête de Daniel 7. Les autres bêtes, tout aussi féroces et même davantage dans leur volonté d’écraser le peuple de Dieu, n’auront pas d’autre choix que de se soumettre au « moment » et au « temps » de leur vie qui leur sera imposé par le Dieu souverain.
Si l’existence de la 1re bête (Neboukadnetsar) a été littéralement abaissée au niveau de la bête, « avec un cœur de bête », pendant une période pleine de « sept temps » (« ‘idan ») fixée par Dieu lui-même, la période pendant laquelle la 11e petite corne de la 4e bête aura la permission de persécuter les saints sera, quant à elle, seulement de « un temps, des temps et la moitié d’un temps » (le même « ‘idan », Dn 7.25). Cette période de « un temps, des temps et la moitié d’un temps » est vraisemblablement plus courte (symboliquement) que la période de « sept temps » accordée à Neboukadnetsar (1 + des + ½ = 3½? 4½? 5½? 6½? À la lumière d’autres textes bibliques, on serait porté à croire que cette expression correspond au nombre 3½, soit le « demi-temps » symbolique de la durée de l’humiliation de Neboukadnetsar). Neboukadnetsar, qui a persécuté Daniel et ses compagnons, a dû reconnaître la royauté universelle et la souveraineté absolue du Très-Haut. Il lui a fallu en tout « sept temps » pour y parvenir! Les autres bêtes, incluant la petite corne de la 4e bête, devront aussi reconnaître la parfaite souveraineté du Très-Haut. Il semble que la petite corne, qui voudra encore davantage persécuter les saints, aura toutefois symboliquement moins de temps à sa disposition pour faire des ravages que Neboukadnetsar n’en a eu pour s’abaisser. Dans ce contexte de persécution, les saints peuvent avoir l’assurance que l’Ancien des jours viendra au moment voulu « pour rendre justice aux saints du Très-Haut. Le temps [“zeman”] arriva où les saints furent en possession du royaume » (Dn 7.22).
Les chapitres 8 à 12 du livre de Daniel utilisent deux autres mots en hébreu pour désigner le temps. Le mot « ‘eth » (déjà vu dans Esther) désigne divers aspects du temps (Dn 9.21,25; 11.6,13,14,24), incluant l’expression « le temps de la fin » (Dn 8.17; 11.35,40). Le mot « me‘od » désigne « le temps fixé pour la fin » (Dn 8.19; 11.27,29,35) ou encore « un temps, des temps et la moitié » (Dn 12.7). Ces passages ne m’apparaissent pas ajouter beaucoup de nouveauté par rapport à ce que nous avons déjà vu, si ce n’est de confirmer que Dieu est parfaitement souverain sur le moment où arrivera la fin et sur la période de temps qui la précède. L’action souveraine de Dieu apportera la victoire à son peuple au moment fixé, malgré toutes les persécutions des ennemis de Dieu.
Faisons encore un pas dans notre recherche et revenons à la première menace de mort en Daniel 2, quand Neboukadnetsar avait ordonné la mise à mort de tous les sages de son royaume qui n’avaient pas pu lui dire son rêve. Pour essayer de se sortir de cette terrible menace, les magiciens, les astrologues et les sorciers du royaume ont demandé au roi de leur raconter son rêve afin qu’ils puissent lui en donner l’explication. Le roi leur dit alors :
« Je sais, en vérité, que vous voulez gagner du temps [“‘idan”], parce que vous voyez ce que j’ai décidé. Si donc vous ne me faites pas connaître le rêve, la même sentence vous enveloppera; vous êtes prêts à me dire des paroles mensongères et erronées, en attendant que les temps [“‘idan”] soient changés [“shanah”] » (Dn 2.8-9).
Nous touchons ici de très près à la signification de l’expression « changer les temps » de Daniel 7.25. Il est vrai que ce n’est pas le nom « zeman » qui est employé pour désigner le temps, cependant « ‘idan » et « zeman » sont très proches et parfois interchangeables (comme dans le cas du moment où les instruments de musique devaient être joués). Ainsi, les magiciens du royaume ont essayé de changer les temps et les circonstances de leur malheur pour tâcher d’éviter la mort que le roi avait brutalement décrétée. Cependant, le roi qui décrétait des lois et des sentences qui ne devaient pas être changées ne voulait pas non plus que les temps qu’il décrétait pour leur exécution soient changés.
Nous connaissons la suite de cette histoire. Daniel est allé faire cette demande au roi :
« Et Daniel se rendit vers le roi et le pria de lui accorder un délai [= un temps, “zeman”] pour donner au roi l’explication » (Dn 2.16).
Sans en comprendre la raison, ce temps lui fut accordé! Le roi Neboukadnetsar n’a pas mis immédiatement son ordre à exécution, ce qui a laissé du temps à Daniel pour faire connaître cette affaire à ses trois compagnons, et :
« pour implorer la compassion du Dieu des cieux au sujet de ce mystère, afin qu’on ne fasse pas périr Daniel et ses compagnons avec le reste des sages de Babylone » (Dn 2.18).
Dans sa compassion, Dieu a répondu à sa prière et lui a révélé le mystère du rêve. Et alors, Daniel prit la parole et dit :
« Béni soit le nom de Dieu, d’éternité en éternité! À lui appartiennent la sagesse et la force. C’est lui qui change [“shanah”] les temps [“‘idan”] et les circonstances [“zeman”], qui renverse les rois et qui établit les rois, qui donne la sagesse aux sages et la science à ceux qui ont de l’intelligence… » (Dn 2.20-21).
Il vaut la peine de nous arrêter et de bien relire : C’EST LUI QUI CHANGE LES TEMPS ET LES CIRCONSTANCES. Pour nous conformer à d’autres usages du mot « ‘idan » dans le reste de Daniel (incluant Dn 7.25), nous pourrions traduire : « C’est lui qui change les temps et les temps. » Voilà une affirmation de Daniel qui rend gloire à Dieu et qui, dès le deuxième chapitre du livre, viendra éclairer le reste du livre, aussi bien la section historique que la section visionnaire.
Avant d’aller plus loin, faisons ici une petite pause devant ce verset très important. Si l’on dit que l’expression « changer les temps et la loi » de Daniel 7.25 se rapporte au changement du quatrième commandement qu’une puissance aurait tenté de faire, pour être cohérent, il faudrait dire que l’expression « c’est lui qui change les temps et les circonstances » de Daniel 2.21 se rapporte également au changement du quatrième commandement. Sinon nos règles d’interprétation deviennent arbitraires. Il faudrait donc dire ceci : La puissance symbolisée dans Daniel 7 espérera faire ce changement du samedi au dimanche sans vraiment réussir; mais Dieu, lui, a le pouvoir, l’autorité et la légitimité de changer le samedi au dimanche. Je crois toutefois qu’une telle interprétation serait une utilisation abusive de Daniel 2.21, tout comme je crois que votre interprétation de Daniel 7.25 est une utilisation abusive de ce verset.
D’après ce que cette recherche a pu découvrir jusqu’à maintenant, ni l’un ni l’autre de ces deux textes ne parle du changement du quatrième commandement. De quel « changement de temps » Daniel 2.21 parle-t-il? Quand on prend le contexte en considération, la réponse est très simple et très claire. Ceux qui prétendaient posséder de la sagesse et des pouvoirs magiques dans le royaume de Babylone (magiciens, astrologues, sorciers, etc.) ont été incapables de changer les temps. Ils se sont efforcés d’amadouer le roi et de modifier le cours des événements pour éviter la mort, mais leurs tentatives ont été vaines. Leurs prétendus pouvoirs magiques n’y pouvaient rien. Qu’en est-il de Daniel? Il était lui aussi un homme impuissant à changer les temps, mais il a prié son Dieu et s’en est remis à lui. Dieu est le seul capable de changer les temps dans le sens de modifier le cours des événements, même ceux décrétés par les rois les plus puissants de la terre. Dieu l’a réellement fait, par pure grâce, en faveur de Daniel et de ses compagnons qui ont eu la vie sauve.
Puisque les passages de Daniel 2.21 et 7.25 utilisent les trois mêmes mots araméens (« shanah », « zeman » et « ‘idan »), et puisque Daniel 2.21 se trouve dans la section historique du livre, plus facile à comprendre, alors que Daniel 7.25 se trouve dans la section visionnaire du livre, plus énigmatique et symbolique, il me semble tout à fait normal d’utiliser le passage le plus clair pour éclairer le plus obscur. Nous savons par ailleurs qu’il existe plusieurs liens entre Daniel 2 et Daniel 7, en particulier entre le rêve de Neboukadnetsar et la vision des bêtes que Daniel a reçue. Le rêve de Daniel 2 révèle une succession de quatre royaumes persécuteurs commençant par Babylone, tandis que la vision de Daniel 7 révèle une succession semblable de quatre rois ou royaumes persécuteurs commençant aussi par Babylone. Il est donc normal que ces deux chapitres s’éclairent mutuellement quant à la signification de l’expression « changer les temps ».
Cette puissance de Daniel 7 semble donc vouloir changer de stratégie par rapport aux puissances précédentes. En Daniel 2, le roi babylonien Neboukadnetsar (symbolisé par la 1re bête de Daniel 7) s’est vu frustré de ne pas avoir pu mettre à mort les « sages » de son royaume à cause de l’explication que Daniel lui a finalement donnée à propos de son rêve et parce que Dieu est celui qui a la puissance de changer les temps et les circonstances. En Daniel 7, la petite corne de la 4e bête semble avoir tiré des leçons des histoires des rois et des royaumes précédents, incluant babyloniens et perses. Elle possède une volonté dominatrice et persécutrice encore plus féroce.
Dans sa volonté et son action d’opprimer les saints, elle « espérera changer les temps et la loi ». En d’autres mots, cette puissance voudra imiter Dieu encore davantage. Elle sait ce que Dieu a fait avec la 1re bête (le royaume babylonien, représenté par Neboukadnetsar dans le livre de Daniel). Elle sait aussi ce que Dieu a fait avec la 2e bête (possiblement le royaume médo-perse, représenté par Darius dans le livre Daniel et par Assuérus dans le livre d’Esther). Ces premières bêtes avaient pour stratégie de décréter des lois inchangeables et irrévocables, ce qui rendait certain à vue humaine la mise à mort de serviteurs de Dieu individuels (Daniel et ses amis) ou de l’ensemble du peuple d’Israël. Dieu a toutefois changé les temps et la loi à son gré pendant plusieurs étapes décisives de l’empire babylonien et de l’empire médo-perse. Même les décrets irrévocables des rois les plus puissants de la terre qui menaçaient de mort son peuple, Dieu s’en est moqué en transformant ces sentences de mort en victoires éclatantes.
Après les multiples défaites des premières bêtes, la dernière corne de la dernière bête essaiera maintenant de faire comme Dieu et prétendra être capable de « changer les temps et la loi ». Nous constatons cependant deux différences fondamentales entre Dieu et cette puissance : D’une part, cette puissance n’en est pas vraiment capable, elle ne fait « qu’espérer ». D’autre part, le but qu’elle poursuit en essayant de « changer les temps et la loi » est à l’opposé du but que Dieu poursuit lorsqu’il change réellement les temps et la loi. Cette puissance veut détruire l’Église, tandis que Dieu protège son Église contre toute attaque bestiale.
4. Conclusion←⤒🔗
Il est maintenant « temps » de boucler la boucle et de faire la synthèse! Nous avons en mains tous les éléments nécessaires pour bien comprendre l’expression « changer les temps et la loi » de Daniel 7.25. Jusqu’à maintenant, nous avions étudié séparément les notions de « loi » et de « temps » dans le livre de Daniel et dans les livres d’Esdras et d’Esther, qui appartiennent au même contexte exilique et post-exilique. Lorsqu’on considère ensemble les deux termes de l’expression « changer les temps et la loi », on s’aperçoit que ces deux termes se rejoignent dans une même notion commune. Cette notion, c’est que Dieu est le Maître absolu sur les lois humaines décrétées par les rois persécuteurs, tout comme il est le Maître absolu des temps et des circonstances que son peuple et ses serviteurs peuvent vivre sous la domination de ces rois humains.
Alors, que fera la mystérieuse puissance de Daniel 7 lorsqu’elle « espérera changer les temps et la loi »? Elle essaiera tout simplement de faire comme Dieu. Elle s’efforcera d’imiter Dieu. Elle cherchera par tous les moyens à diriger souverainement les événements de l’histoire et à changer le cours de ces événements en vue de persécuter encore davantage l’Église de Dieu. Mais ses efforts seront absolument inutiles! Dieu demeure le seul souverain sur le monde, sur l’histoire, sur les décrets humains, sur les temps et sur les circonstances vécus par son peuple sous diverses dominations hostiles au règne de Dieu. Même la période pendant laquelle cette puissance sera autorisée à persécuter les saints est de durée fixe, limitée par Dieu à « un temps, des temps et la moitié d’un temps » (Dn 7.25). Il sera impossible pour cette puissance de prolonger cette période, d’en changer le cours ou d’en modifier la conclusion.
« Puis viendra le jugement, et on lui ôtera sa domination, qui sera détruite et perdue pour jamais. Le royaume, la domination et la grandeur de tous les royaumes qui sont sous le ciel seront donnés au peuple des saints du Très-Haut. Son royaume est un royaume éternel, et tous les dominateurs le serviront et lui obéiront » (Dn 7.26-27).
Daniel 7.25 n’annonce donc pas un événement précis qui surviendrait à un moment précis de l’histoire, mais annonce une stratégie globale de la petite corne, tout aussi globale et générale que son action de « prononcer des paroles contre le Très-Haut » et « d’opprimer les saints du Très-Haut ». Cela confirme les observations initiales faites au début de cette recherche. Cette triple stratégie de la petite corne caractérisera l’ensemble de ses actions tout au long de la période où elle cherchera à exercer sa domination sur le monde et sur l’Église.
Il reste une dernière question : Pour quelle raison Dieu nous a-t-il donné ce texte dans sa Parole? Vous l’aurez certainement compris, je ne crois pas que ce soit pour spéculer sur un événement précis qui serait arrivé dans le passé ou qui arriverait à l’avenir. Ce texte ne concerne donc pas, par exemple, un changement présumé qu’une puissance aurait essayé de faire à un moment donné dans l’histoire de l’Église à propos de l’observation du dimanche. Je crois plutôt que les chrétiens qui ont été durement persécutés dans le passé, qui sont durement persécutés aujourd’hui ou qui seront durement persécutés encore à l’avenir sont probablement ceux qui saisissent le mieux la signification et la portée de ce verset. Je crois que cette parole de Daniel 7.25-27 est très concrète et très pratique pour eux.
Pensez par exemple à ceux qui vivent en ce moment sous le régime implacable nord-coréen, ou sous le régime communiste chinois, ou encore dans les pays musulmans qui persécutent durement les chrétiens. Pensez à ceux qui ont vécu sous la férule de Staline et du monde soviétique, sous le régime cruel de Pol Pot au Cambodge ou sous la botte hitlérienne. On peut ajouter une longue liste de persécutions des chrétiens tout au long de l’histoire de l’Église. Ces chrétiens persécutés n’ont probablement pas le temps ni les moyens de faire une exégèse approfondie de Daniel 7.25. Ils ne vivent pas dans des conditions pour se permettre le luxe de spéculer sur l’identité précise de la petite corne à un moment précis de l’histoire dans le passé ou dans l’avenir. Ils sont eux-mêmes aux prises avec la puissance qui se dégage de cette corne. Ils attendent avec impatience la destruction de cette puissance, telle que décrite en Daniel 7.26 et ils espèrent avec ardeur l’arrivée finale du royaume de Dieu qui sera donné au peuple des saints du Très-Haut, comme annoncé en Daniel 7.27. Je crois donc que ce passage des Écritures est très pratique et très encourageant pour ces chrétiens persécutés. Et pour nous qui vivons dans le confort, ce passage devrait nous encourager à persévérer dans nos propres épreuves, souvent bien plus petites que ces dures persécutions, et aussi à prier pour nos frères persécutés ailleurs dans le monde.
Relisons encore une fois ce beau texte rempli de réalisme qui met en garde l’Église contre les puissances déchaînées cherchant à la détruire, mais qui en même temps donne à l’Église un puissant réconfort et une espérance certaine que nous avons en Jésus-Christ seul.
« Il prononcera des paroles contre le Très-Haut, il opprimera les saints du Très-Haut, il espérera changer les temps et la loi, et les saints seront livrés entre ses mains pendant un temps, des temps et la moitié d’un temps. Puis viendra le jugement, et on lui ôtera sa domination, qui sera détruite et perdue pour jamais. Le royaume, la domination et la grandeur de tous les royaumes qui sont sous le ciel seront donnés au peuple des saints du Très-Haut. Son royaume est un royaume éternel, et tous les dominateurs le serviront et lui obéiront » (Dn 7.25-27).
Que cette réponse puisse communiquer des paroles édifiantes et encourageantes.