Ecclésiaste 12 - Appel aux jeunes... et qui s'imaginent le rester
Ecclésiaste 12 - Appel aux jeunes... et qui s'imaginent le rester
« Mais souviens-toi de ton créateur pendant les jours de ta jeunesse, avant que les jours du malheur viennent et que les années soient proches, dont tu diras : Je n’y trouve aucun agrément; avant que s’obscurcissent le soleil et la lumière, la lune et les étoiles, et que les nuages reviennent après la pluie. Ce jour-là les gardiens de la maison tremblent, les hommes vaillants se courbent, celles qui doivent moudre s’arrêtent parce qu’elles sont devenues peu nombreuses, ceux qui regardent par les fenêtres sont obscurcis, les deux battants de la porte se ferment sur la rue quand s’abaisse le bruit de la meule, l’on se lève au chant de l’oiseau, toutes les chanteuses s’affaiblissent, l’on craint ce qui est élevé, l’on a des terreurs en chemin, l’amandier fleurit, la sauterelle devient pesante, la câpre n’a plus d’effet, car l’homme s’en va vers sa demeure éternelle, et les pleureurs circulent dans la rue; avant que le cordon d’argent se détache, que le globe d’or se casse, que la jarre se brise sur la source, et que la roue se casse sur la citerne; avant que la poussière retourne à la terre, comme elle y était, et que l’esprit retourne à Dieu qui l’a donné. Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste, tout est vanité. Outre que l’Ecclésiaste fut un sage, il a encore enseigné la connaissance au peuple; il a écouté, sondé, mis en ordre un grand nombre de proverbes. L’Ecclésiaste a tâché de trouver des paroles agréables; transcrites exactement, ce sont des paroles véridiques. Les paroles des sages sont comme des aiguillons; les auteurs de recueils sont comme des clous plantés. C’est le don d’un seul pasteur. Du reste, mon fils, tires-en instruction; on ne finirait point de faire un grand nombre de livres, et beaucoup d’étude est une fatigue pour le corps. Écoutons la conclusion de tout le discours : crains Dieu et observe ses commandements. C’est là tout l’homme. Car Dieu fera passer toute œuvre en jugement, au sujet de tout ce qui est caché, soit bien, soit mal. »
Ecclésiaste 12
Ce chapitre douzième du livre de l’Ecclésiaste termine cette série de méditations basées sur ce livre exceptionnel de l’Écriture sainte. Nous ne lierons pas la gerbe pour apporter une conclusion générale à ce livre. Laissons seulement ces dernières lignes nous parler une fois de plus.
Il est remarquable que ce passage, et justement le dernier paragraphe, s’adresse précisément aux jeunes. En cela, il nous rappelle nos contemporains qui, eux aussi, s’occupent des jeunes et leur adressent, les submergent même de messages. De nombreux magazines s’adressant aux jeunes et aux animateurs de jeunesse, aux psychologues et aux éducateurs, aux sociologues et aux politiciens, voire aux évangélistes, les entourent de leurs soins et ont des discours spécialement destinés à cette tranche d’âge. Chacun à sa manière propose une orientation, donne son avis et cherche à conquérir, si ce n’est à séduire la jeunesse.
Mais on ne peut vraiment pas dire que l’Ecclésiaste, lui, cherche à produire un effet séducteur! Même lorsqu’il convie les jeunes à goûter aux plaisirs innocents de l’existence, il leur rappelle aussitôt une autre dimension de celle-ci; c’est même un devoir sacré qu’il leur rappelle : « Souviens-toi de ton Créateur » (Ec 12.1).
« La jeunesse, écrit Walter Lüthi, de tout temps et de tout pays a pourtant l’habitude d’être freinée plutôt qu’entraînée dans ce domaine par les vieux. C’est bien dans la manière de ces derniers, ils savent pourquoi, d’appréhender les joies de la jeunesse, de s’en méfier et de clamer leurs pressentiments et leurs avertissements. Et ne voilà-t-il pas que surgit un vieil homme qui, après avoir lui-même entrevu jusque dans leur tréfonds les vaines joies de ce monde, engage les jeunes à se réjouir de tout leur cœur et de tout leur être pendant le temps de leur jeunesse! »
Ce rappel à se souvenir du Créateur ne veut pas être un rabat-joie, gâcher une joie si généreusement offerte. Alors que toi, jeune homme ou jeune fille, tu t’adonnes à ces joies avec passion, parfois goulûment, souviens-toi de ton Créateur, de ton Dieu, devant qui tu comparaîtras et à qui tu rendras compte de tes actions comme de tes motifs les plus intimes.
Dieu ne réclame pas de droit sur nos personnes parce qu’il serait simplement plus grand et plus fort que nous. Il le fait parce qu’il est l’Auteur de nos jours. Je n’entamerai pas ici un exposé pour prouver qu’il est véritablement notre Créateur et que ce n’est ni d’un singe ni d’un protozoaire monocellulaire que nous serions sortis par hasard. Je prends plus simplement à la lettre ce passage et je voudrais témoigner de ma foi en lui. De toute manière, nous vivons devant sa face, en rapport avec lui. Nous ne sommes pas autonomes par rapport à ce Créateur. Nul n’est le maître de sa destinée.
En revanche, nous sommes tous appelés à nous soumettre consciemment, c’est-à-dire dans la foi, au Seigneur qui nous a faits et à qui nous sommes. En quoi les jeunes auraient-ils besoin d’être rappelés à ces vérités aussi essentielles qu’élémentaires? Il existe des raisons évidentes. Le modèle de vie choisi à cet âge-là est décisif pour le reste du parcours. La jeunesse développe des sentiments d’indépendance, elle cultive des tendances à l’insoumission. Elle risque de se laisser entraîner plus facilement par les instincts vitaux, par des désirs sans retenue et hors contrôle. Dans son désir légitime de se chercher une place sous le soleil, le jeune risque plus facilement d’oublier ses racines, la source de sa vie, de s’aliéner de Dieu.
Aussi, l’appel de se souvenir de Dieu doit retentir à chaque étape de la vie et en toute circonstance. Cet appel se résume et se récapitule en quelques phrases lapidaires. Dieu est grand; il est saint; il est juste; il est amour. Vers lui s’élèvera le cœur croyant : « Tes commandements font mes délices » (Ps 119.143) et « je m’attends à ta parole » (Ps 119.147). Alors changera de manière décisive le cours de la vie et le style d’action.
Autre raison expliquant l’appel particulier aux jeunes : « Les mauvais jours s’approchent. » Lorsque l’orage éclatera, ce sera l’heure d’éprouver la solidité de l’édifice bâti. Sera-ce une maison construite précipitamment sur le sable ou bien une demeure fondée sur le roc? Autrement dit, les années de vieillesse seront-elles des années de tragédie? En fait, ce qu’on appelle le troisième âge est considéré souvent comme celui du déclin, en tout cas, celui de la détérioration des forces physiques et de l’usure du corps. Des tâches autrefois accomplies avec vigueur ne peuvent plus être poursuivies. Pour une mentalité qui s’oriente exclusivement autour et vers la jeunesse, cet âge est considéré comme une tragédie irrémédiable.
Même si au temps où ce livre a été écrit la vieillesse était considérée comme la période de la sagesse et que les vieux jouissaient de l’estime générale, l’Ecclésiaste exhorte vivement les jeunes : « Souviens-toi de ton Créateur. » Autrement, tu risques de rester sans appui à l’âge mûr. Pour le moment, ta jeunesse peut supporter la vanité et le vide, mais la vieillesse ne pourra pas y résister. La fièvre des années de fraîcheur dissimule souvent les valeurs réelles, mais cela ne peut durer indéfiniment. Viendra l’époque où tu chercheras autre chose que fantaisie et étincelles éblouissantes! Les jouisseurs vivent constamment en sursis. Le jour vient où le plus séduisant des dandys contemplera son visage défait et ses traits ravagés par le temps ou la débauche. Il lui sera insupportable de se regarder dans un miroir. Ou bien il brisera, bien vainement d’ailleurs, le miroir pour échapper à son image, ou bien il mettra fin à son existence inexorablement gâchée. Mais Dieu est le roc solide sur lequel tu peux bâtir. Oui, si tu ne t’es pas souvenu de ton Créateur durant les années de ta jeunesse, ta fin sera encore plus vide que la vanité de tes jeunes années.
À notre époque, nous n’avons pas besoin d’attendre le troisième âge pour vérifier la justesse des propos de l’Ecclésiaste. La crise commence à se manifester à peine l’âge mûr entamé. « Qu’ai-je accompli? » se dit l’homme de cinquante ans en regardant le demi-siècle qui s’étend derrière lui. Le démon de midi donne à certains l’illusion de la jeunesse. Pour d’autres, cette illusion prendra la forme d’une activité nouvelle et fiévreuse. « Quelles sont mes espérances pour l’avenir? » « Ma vie a-t-elle réellement une valeur? » Même pour celui qui a remporté des succès enviables, aussi bien dans sa profession que dans la société, la question reste inévitable et lancinante. L’âge mûr est si souvent, si cruellement, l’âge des désillusions ou encore celui de la recherche pitoyable et désespérée de nouvelles illusions!
Peut-être nombre de chrétiens, membres d’Église, se posent avec amertume de telles questions, se sentent pris au piège. Et ceci parce que, au fond, malgré leur profession de foi, ils ont vécu à leur manière comme des athées, sans avoir tenu réellement compte de la présence de Dieu. Il n’est pas nécessaire de professer un athéisme théorique. Il existe un grand nombre d’athées pratiques qui s’ignorent! On peut conserver toutes les apparences du christianisme et n’avoir jamais donné sa vie à Jésus-Christ, ne s’être jamais vraiment converti au Seigneur, ne rien connaître du salut et, par conséquent, de la paix intérieure.
Alors jeune homme, mais toi aussi, homme d’âge mûr, la question, la seule et vraie question qui compte est la suivante : Quel est le fondement de ta vie? Est-elle entourée de vide ou bien illuminée par la présence du Dieu Créateur et Sauveur? La foi en Christ vous rend-elle confiants, vous accorde-t-elle une certitude sereine? Vous accorde-t-elle des heures fertiles en beauté, en bonté, en sagesse? De toute manière, pour chacun d’entre nous, l’horizon est barré par la ligne de démarcation inévitable qui s’appelle « mort », la mort qui, selon un mot célèbre de George Bernard Shaw, est la dernière statistique : « un homme sur un mourra ». Il en est ainsi jusqu’au moment où le Christ revient nous arracher définitivement à la faucheuse impitoyable. L’esprit, dit l’Ecclésiaste, retourne vers son Créateur. N’oublions pas que cet auteur est un croyant de l’Ancien Testament. Il n’envisage pas encore la félicité éternelle comme nous le faisons, nous autres fidèles de l’Église du Christ. Il n’anticipe pas, par la foi, la gloire qui transformera nos destinées. Il ne connaît encore que le shéol. Pour celui qui ne s’est pas souvenu de son Créateur, la mort est la tragédie dernière et définitive; en fait, il moissonne ce qu’il a semé.
La mort n’est pas un anéantissement, car Dieu se trouve au-delà d’elle, au-dessus d’elle, Maître aussi bien de la vie que de la mort. Sa présence sera positive pour les uns et négative pour ceux qui n’auront ni pensé ni obéi à son appel.
La pensée de la mort, elle aussi, est un appel à une conversion urgente, à une conversion immédiate. « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs » (Hé 3.7-8). Mais pour celui qui aura fait son choix, qui se sera souvenu de son Créateur, qui aura entendu son invitation et vécu de sa grâce, dans sa joie, communiant à sa félicité, la vanité de la jeunesse ou le vide qu’accumulent les années seront chassés. La mort de quelqu’un d’autre, celle de Jésus-Christ, aura rempli et transformé notre vie.
À présent, nous vivons par la foi en Christ. Nous vivons de sa plénitude, au bénéfice de tous les trésors de la divinité cachés en lui, avec lui, Dieu Créateur et Dieu Rédempteur, Sauveur crucifié et Seigneur de l’univers. Nous ne serons donc pas voués au vide effroyable. La plénitude d’une vie rachetée et transformée en l’image même du Fils de Dieu sera, en définitive, la jeunesse éternelle et la plénitude de la vie. Aussi, jusqu’à la dernière heure, nous savons que l’appel le plus grand, le plus émouvant, le plus extraordinaire, le plus contraignant que nous aurons entendu sera le sien : « Voici, dit Jésus-Christ, je me tiens à la porte et je frappe, si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui et lui avec moi » (Ap 3.20).