La retraite: Vraiment…?
La retraite: Vraiment…?
- Le monde des retraités
- Le chrétien et la « retraite »
- Un aspect clairement spirituel
- Quelques découvertes personnelles
« Allons! Où est-ce que tu te penses? Dans un foyer pour personnes âgées? » J’ai émis un grognement pour montrer que j’avais bien compris cette remarque. Je me suis enfoui encore davantage sous les couvertures et (un peu plus tard!) j’ai étiré mon bras pour saisir la tasse de thé. Ma chère épouse, qui ne risque certainement pas de tomber dans la vénération de l’âge et qui par nature ne vise certainement pas la retraite, est néanmoins d’une nature bienveillante. Au moins, elle concède que ça prend une certaine motivation…
Je ne me souviens pas de l’idée que j’avais de la retraite officielle (la veille de sa tombée, il y a environ 13 ans), mais j’imagine qu’elle incluait la satisfaction de quelques grasses matinées! Anne et moi n’avions fait aucun plan précis, excepté peut-être que nous avions hâte de nous installer dans notre propre maison, d’avoir davantage de temps pour jardiner et surtout d’être de retour à proximité de notre famille immédiate. La « famille » d’un pasteur est nécessairement plutôt nombreuse et parfois très exigeante. Nous étions plus que prêts à abandonner les responsabilités quotidiennes incessantes et à envisager un scénario plus tranquille. Jusqu’à ce jour — à notre surprise et pour notre plus grand plaisir —, notre « retraite » est loin de ressembler à une retraite!
1. Le monde des retraités⤒🔗
Autrefois, en général, la « retraite » référait uniquement à ce qui arrivait à l’homme ou au mari qui était le « gagne-pain » de la famille. Pendant la plus grande partie de sa vie sur le marché du travail, il travaillait pour une même entreprise, en gravissait lentement les échelons et, à 65 ans, on lui faisait des adieux officiels. Si sa contribution avait été vraiment appréciée par la direction, on lui offrait une montre en or! Je me rappelle avoir lu que tout s’est passé ainsi pour mon grand-père maternel.
Cependant, il n’était pas rare que l’homme qui avait travaillé très fort toute sa vie et qui se retrouvait soudainement arrêté n’arrivait pas à apprécier les supposées joies de la retraite. Le travail était devenu une fin en soi, il n’y avait rien pour le remplacer et de nombreux retraités ont quitté ce monde peu après être entrés dans cette nouvelle étape de « liberté ». Ce ne fut pas le cas de mon grand-père qui, quant à lui, a continué à peindre avec plaisir des paysages.
De nos jours, il en est tout autrement. Avec deux revenus par famille, les cotisations au plan de retraite et les perspectives de retraite anticipée (ou de « retraites » multiples suite à plusieurs emplois différents), les facteurs économiques jouent un rôle beaucoup plus grand.
De nombreux couples attendent impatiemment le moment où ils deviendront des « nomades à tête grise », alors qu’ils pourront faire de nombreux voyages (parfois de longue durée) dans leur propre pays ou à l’étranger. Ils ont enfin l’occasion et les moyens financiers de voyager. Ils se mettent alors à dépenser joyeusement « l’héritage de leurs enfants » (comme ils le disent). Il arrive souvent aussi que, pour des raisons de confort, ils investissent leurs économies dans des demeures plus grandes et bien aménagées, même si leurs enfants ont quitté le « nid » depuis longtemps. La retraite est vue comme une occasion de vivre une vie à la fois cosmopolite et tranquille.
2. Le chrétien et la « retraite »←⤒🔗
Je dois confesser que je n’avais jamais réfléchi à cette question de la « retraite » d’un point de vue biblique avant qu’on me demande, il y a quelques années, d’écrire à ce sujet. J’imagine que la plupart d’entre nous, ayant nos pensées et nos projets modelés par le monde qui cherche toujours à imposer ses idées (voir Rm 12.2), ne feraient guère plus qu’en suivre la ligne de pensée générale… avec modération, bien entendu! Mais alors, quelle devrait être l’attitude chrétienne par rapport à la « retraite »?
Il est intéressant de noter que l’expression « prendre sa retraite » (« cesser ses fonctions » dans la version à la Colombe) n’apparaît qu’une seule fois dans la Bible, en Nombres 8.25. Dans ce chapitre, Moïse est amené par le Seigneur à traiter des devoirs des Lévites : leur consécration (Nb 8.6-13), leur mise à part pour le service du tabernacle (Nb 8.14-19) et leur acceptation des obligations qui leur sont imposées (Nb 8.20-22).
Vient ensuite une brève section (Nb 8.24-26) au sujet de leurs années de « retraite » lorsqu’ils atteignent l’âge de 50 ans. Nous lisons :
« Voici ce qui concerne les Lévites. Depuis l’âge de vingt-cinq ans et au-dessus, tout Lévite entrera en fonction pour faire le service de la tente de la rencontre. À partir de l’âge de cinquante ans, il cessera ses fonctions et ne servira plus. Il assistera ses frères dans la tente de la rencontre pour prendre soin de ce qui est remis à leur garde, mais il ne fera plus de service. »
D’après les versets 21 et suivants du chapitre 3, il est clair que l’immense main-d’œuvre des Lévites était engagée dans « le travail exigeant d’ériger, de démanteler et de transporter le tabernacle, un travail fait pour des hommes dans la fleur de l’âge » (selon un commentaire du théologien Wenham publié chez Tyndale). Cela signifie que l’instruction de cesser ses fonctions et d’arrêter de servir est reliée aux exigences physiques du travail : à partir de 50 ans, des « travaux légers » étaient assignés aux Lévites, avec l’obligation « d’assister » (ou de « servir ») leurs frères dans le tabernacle (verset 26). Nous constatons donc qu’ils n’étaient pas libérés de l’obligation de servir, mais que les tâches de ce service étaient simplement allégées en raison de leur âge plus avancé.
Au cas où l’on serait tenté de penser que la seule application pertinente de cette section de la Bible ne concerne que le travail des pasteurs-prédicateurs ordonnés, rappelons-nous que les Lévites étaient mis à part pour servir à la place du premier-né de chaque maisonnée (Nb 3.13; 8.14, etc.). Ainsi, ils devaient représenter le service de chaque Israélite envers le Seigneur! Deux choses importantes ressortent. Premièrement, peu importe la vocation ou la profession dans laquelle nous sommes engagés, nous sommes là pour servir le Seigneur (voir Ép 6.5-9; Rm 12.1). Deuxièmement, peu importe combien de temps nous vivons, nous demeurons en « service actif » pour lui. Même dans la gloire, il ne sera pas question de « démobilisation »… mais plutôt de « promotion »! (voir 2 Tm 2.12a; Ap 7.9-17). Il n’est pas difficile d’imaginer l’apôtre Paul rejetant rapidement toute notion de « retraite » de son apostolat. Notre Sauveur, le plus grand des serviteurs du Seigneur Dieu — bien qu’ayant parfaitement accompli le travail qui lui avait été confié — continue de servir en tant que grand Sacrificateur, « étant toujours vivant pour intercéder » en faveur de ses frères, à la droite de Dieu le Père (Hé 7.25).
3. Un aspect clairement spirituel←⤒🔗
Lorsque nous réfléchissons au sujet de la « retraite », l’aspect spirituel nous échappe peut-être. Oui, il est vrai qu’à mesure que nous avançons en âge (et que nos forces diminuent), nous avons besoin — comme c’était le cas pour les Lévites — de laisser de côté les aspects de notre travail devenus trop exigeants pour nos forces. Cela ne signifie pas que nous avons toute liberté de nous transformer en « poche de patates »… et d’abandonner tout travail. Comme nous l’avons vu précédemment, le mot « retraite » ne se trouve pas dans le livre que le Seigneur nous a donné pour nous enseigner à le servir. Nous avons besoin de prendre de nouveau conscience à quel point il est bon pour nous d’être engagés dans un travail utile (voir le « mandat créationnel » de Gn 1.28).
Je vous l’accorde, le « travail pénible » au milieu des « chardons et des broussailles » en pleine croissance peut finir par nous dépasser quand nous atteignons la soixantaine et au-delà, mais nous pouvons encore donner un coup de main avec les mauvaises herbes plus petites. L’exhortation de Galates 6.9, « Ne nous lassons pas de faire le bien », s’adresse à nous tous… tout comme la promesse qui s’y rattache : « Car nous moissonnerons au temps convenable, si nous ne nous relâchons pas »! Le Seigneur Dieu n’a pas fixé de limite d’âge pour l’observance du quatrième commandement : le « repos » du sabbat peut devenir de plus en plus invitant à mesure que les années avancent, mais les six autres jours de « travail » demeurent une exigence qui n’a pas été abrogée pour ceux qui ont quitté le marché du travail!
Finalement, notons que l’Ecclésiaste a lui aussi des choses à dire au sujet des « saisons » de la vie. Au chapitre trois, un chapitre mémorable dans lequel il nous dit qu’il « y a un moment pour tout, un temps pour toute chose sous le ciel » (verset 1), nous constatons qu’il n’y a pas de cessation d’activité et qu’il n’est fait aucune mention de quelque saison de « retraite » que ce soit! Dans son survol de tous les hauts et les bas de la vie de ceux qui vivent « sous le soleil », tout est englobé à l’intérieur des paramètres « d’un temps pour enfanter et un temps pour mourir » (verset 2).
Au cœur de cette évaluation radicale des actions providentielles de Dieu envers l’homme qu’il a créé, l’Ecclésiaste ne nous laisse pas à la merci d’un cycle d’événements sans fin et sans signification, mais il nous donne un aperçu des activités de la vie se déroulant « sous le Créateur ». Nous sommes appelés à constater que « tout ce qu’il fait est beau en son temps » (verset 11a); nous n’aurons jamais fini d’explorer ses merveilles. « Et même il a mis dans leur cœur la pensée de l’éternité… » (verset 11b); nous sommes sans cesse confrontés aux dimensions éternelles de tout ce qui se passe sous la souveraineté absolue de Dieu. Toutes nos actions, la façon dont nous utilisons notre temps, seront amenées en jugement (verset 17). Nous devrons rendre compte de la façon dont nous aurons utilisé chacune de nos journées. Voilà des vérités qui font réfléchir; pourtant, elles présentent des défis passionnants.
4. Quelques découvertes personnelles←⤒🔗
En général, il n’est pas toujours facile pour celui qui a été le gagne-pain de la famille de s’ajuster à la « retraite ». La transition peut être stressante. Tout se passe maintenant à l’intérieur du foyer. Alors que nos épouses sont occupées et productives depuis bien longtemps dans ce cadre, le changement de lieu et de rythme peut être plutôt perturbant pour les « réfugiés » du marché du travail que nous sommes. Si notre travail était devenu une fin en soi, il risque fort d’en être de même pour la « retraite ». La cessation d’un horaire hebdomadaire bien défini peut entraîner une certaine errance sans but et une certaine indolence. Avec le temps, nous pouvons en venir à « accrocher nos patins » dans tous les domaines où nous pourrions encore apporter une contribution utile. Nous pouvons finir par nous sentir de plus en plus inutiles à mesure que nous avançons en âge.
Toutefois, comme nous l’avons déjà souligné, à aucun moment dans la vie du croyant ne devrait-il être question d’abandonner, de cesser de s’impliquer, de disparaître graduellement de la scène. Serviteur un jour, serviteur toujours! Le Seigneur Dieu ne nous offre aucune « montre en or » qui marquerait la fin de notre service actif dans cette vie; l’apôtre Paul attendait avec impatience la « couronne de justice » gardée en réserve pour lui dans la gloire à venir! La sanctification n’est pas complétée au moment de notre « retraite » officielle. Nous avons tous l’obligation d’utiliser « les moyens de grâce » (lecture de la Bible, prière, écoute de la prédication de la Parole, etc.), peu importe le nombre d’années que nous avons vécu. En fait, les retraités ont la magnifique occasion d’utiliser ces moyens de grâce dans une mesure encore plus grande. Moïse, qui a vécu bien au-delà de 80 ans, a prié l’Éternel : « Enseigne-nous ainsi à compter nos jours, afin que nous conduisions notre cœur avec sagesse » (Ps 90.12). La longueur des jours peut devenir un fardeau, à moins que ces jours ne soient remplis de l’amour bienveillant de notre Sauveur et à moins que nous ne goûtions la faveur du Seigneur sur « le travail (continu!) de nos mains ».
Chers co-retraités, vous êtes toujours et encore des enfants de Dieu et vous avez besoin de continuer à grandir. Renouvelez votre engagement dans le service chrétien — saisissez chaque occasion de vous édifier vous-mêmes ou d’édifier le peuple de Dieu à travers l’adoration, la communion fraternelle et le service. Par-dessus tout, attachez-vous au Christ, que la Parole de vie demeure en vous et trouvez-y votre nourriture. Même quand les jambes deviennent chancelantes, cherchez à « marcher par l’Esprit » (Ga 5.25). Finalement, quand l’étendue de ce qu’il est possible de faire diminue, c’est l’être qui devient la dimension principale (voir Tt 2.2-3). Puissions-nous tous être « encore féconds dans la vieillesse », puissions-nous tous être « pleins de sève et verdoyants » (Ps 92.15) — avec la force du Seigneur et par sa grâce!