Malachie 2 - Le divorce que Dieu déteste
Malachie 2 - Le divorce que Dieu déteste
Dans l’interprétation biblique, un crux interpretum est un passage qui fait l’objet de nombreux débats. Dans l’Ancien Testament, un bon exemple de crux interpretum est Malachie 2.16. Ce passage est parfois cité pour prouver que Dieu déteste le divorce. En fait, dans notre liturgie pour la célébration du mariage1, il s’agit en effet d’un texte cité pour prouver cette affirmation. Mais est-ce vraiment ce qu’il dit?
Pas si l’on lit le texte principal de l’ESV2. Dans Malachie 2.16, l’ESV lit :
« Car l’homme qui n’aime pas sa femme et qui divorce d’elle, dit l’Éternel, le Dieu d’Israël, couvre son vêtement de violence, dit l’Éternel des armées. Veillez donc sur votre esprit, et ne soyez pas infidèles. »
Certaines des premières traductions de la Bible en anglais contiennent quelque chose de similaire, notamment la traduction de Wycliffe et la Bible de Genève de 1599. Les traductions plus récentes qui adoptent cette lecture (ou quelque chose de similaire) comprennent la NIV, la CSB et la HCSB3.
Toutefois, l’ESV comporte une note de bas de page indiquant une autre traduction : « L’Éternel, le Dieu d’Israël, dit qu’il hait le divorce… » Cette traduction a également une longue histoire, puisqu’on la trouve très tôt dans la KJV de 1611. Elle a ensuite été adoptée par de nombreuses autres traductions, dont la RSV/NRSV, la NASB, la NET, la NLT et la CEV4.
Quelle que soit l’approche adoptée, nous savons, grâce au reste des Écritures, que Dieu n’a pas une attitude positive à l’égard du divorce. Le mariage est censé être un engagement d’alliance à vie entre un homme et une femme. Dieu autorise le divorce pour plusieurs raisons, mais cela ne signifie pas qu’il soit satisfait lorsqu’il se produit pour ces raisons valables. Plus spécifiquement, son mécontentement repose sur la (ou les) partie(s) coupable(s). Cependant, toute partie innocente peut avoir la conscience tranquille devant l’Éternel et dormir sur ses deux oreilles, même si c’est elle qui demande le divorce. Elle a le droit de le faire et ce n’est pas un péché de demander le divorce pour une raison que Dieu autorise.
Mais qu’en est-il de Malachie 2.16? Cela signifie-t-il que Dieu déteste le divorce de manière générale? Je ne le crois pas. Il est possible de devenir très technique avec l’hébreu, mais je ne le ferai pas. Il suffit de dire que je crois que la grammaire indique une phrase conditionnelle. Je vais l’expliquer aussi simplement que possible.
Le premier mot de l’hébreu, souvent traduit par « Car », peut également être traduit par « Si ». Il introduit la protase, ou la première partie de la phrase conditionnelle. Littéralement : « Si un homme a détesté en divorçant… » Il s’agit d’un type particulier de divorce. On l’appelle parfois « divorce par aversion ». Le mari déteste sa femme et veut donc divorcer.
La deuxième partie de la phrase conditionnelle est connue sous le nom d’apodose. En hébreu, la particule qui l’introduit est souvent traduite par « et », mais dans une phrase conditionnelle, elle peut être traduite par « alors ». Littéralement, dans Malachie 2.16, l’apodose se lit comme suit : « … alors il couvre de violence son vêtement ».
Pris ensemble, la protase et l’apodose, la phrase conditionnelle se lit littéralement : « Si un homme a détesté en divorçant, alors il couvre de violence son vêtement. » Dit de manière plus idiomatique : « Si un homme a détesté sa femme et l’a répudiée, il couvre son vêtement de violence. »
Ce passage fait référence à un type particulier de divorce, et non au divorce en général. On peut également affirmer, en raisonnant à partir du reste de l’Écriture, que Dieu déteste ce type de divorce. Ce « divorce par aversion » est une forme de violence, selon l’Éternel. Dieu déteste la violence (Ps 11.5; Pr 6.17; etc.). Par conséquent, Dieu déteste le « divorce par aversion » décrit dans Malachie 2.16. Si vous avez divorcé de votre conjoint simplement parce que vous ne l’aimiez plus, Dieu dit qu’il déteste cela. Il s’agit là d’une interprétation contextuelle responsable de ce passage, même à notre époque.
Si le péché et la chute n’avaient jamais eu lieu, le divorce n’aurait pas été nécessaire. Nous vivons dans un monde déchu et cela a également eu un impact sur le mariage. Malheureusement, les péchés que les maris et les femmes commettent l’un envers l’autre peuvent parfois être si profondément dévastateurs qu’ils rompent l’alliance du mariage. Le divorce est causé par le péché — le péché de la personne qui a rompu l’alliance. Et Dieu déteste le péché. C’est pourquoi nous ne pouvons jamais dire que Dieu approuve le divorce ou qu’il l’aime. Nous pouvons dire, toutefois, que, dans sa miséricorde, il continue à le permettre. Nous pouvons être reconnaissants que Dieu le permette sous certaines conditions, mais le divorce ne devrait jamais être considéré comme un bien inhérent. Le divorce (quelle qu’en soit la raison) ne devrait jamais être célébré, mais déploré.
Qu’en est-il de la liturgie pour la célébration du mariage? Je peux m’en accommoder tel qu’elle est actuellement, mais je préférerais que la référence à Malachie 2.16 soit supprimée. De plus, la formulation pourrait également être améliorée comme suit :
« Puisqu’il a établi le mariage pour être un lien si fort, le divorce lui déplaît et est en dehors de son plan original pour le mariage, qui est un engagement à vie entre un homme et une femme. Notre Seigneur Jésus nous l’enseigne également en ces termes… »
Je pense que cela refléterait plus fidèlement l’enseignement biblique sous cette forme.
Notes
1. NDT : Voir par exemple cette Liturgie du mariage.
2. NDT : Voici les versions de la Bible en anglais citées en abréviation dans cet article : ESV : English Standard Version; NIV : New International Version; CSB : Christian Standard Bible; HCSB : Holman Christian Standard Bible; KJV : King James Version; RSV : Revised Standard Version; NRSV : New Revised Standard Version; NASB : New American Standard Bible; NET : New English Translation; NLT : New Living Translation; CEV : Contemporary English Version.
3. NDT : Parmi les versions françaises de la Bible qui suivent une traduction similaire, on compte la Bible d’Olivétan, la Bible de Robert Estienne 1553, la Bible de Genève 1562, la TOB, la Parole de Vie 2000, la Bible du Semeur 2015.
4. NDT : Parmi les versions françaises de la Bible qui suivent une traduction similaire, on compte la Bible de David Martin 1707, la Bible d’Ostervald 1887, la Segond 1910, la Version Synodale 1920, la Nouvelle version Segond 1978 (à la Colombe), la Nouvelle édition de Genève 1979, la NBS, la Segond 21.