Marc 1 - Guérison de la belle-mère de Pierre - La présence du Christ dans nos foyers
Marc 1 - Guérison de la belle-mère de Pierre - La présence du Christ dans nos foyers
« En sortant de la synagogue, ils se rendirent avec Jacques et Jean à la maison de Simon et André. La belle-mère de Simon était couchée, elle avait de la fièvre; aussitôt, on parla d’elle à Jésus. Il s’approcha, la fit lever en lui saisissant la main; la fièvre la quitta, et elle se mit à les servir. »
Marc 1.29-31
Voir aussi Matthieu 8.14-15 et Luc 4.38-39
Son discours produit un effet tel que tous en sont frappés, car il est tellement différent de celui des professionnels de la synagogue, les scribes-interprètes officiels! Jésus ne se distingue pas des scribes en matière de style ou dans la nouveauté des idées; Jésus se légitime comme l’envoyé de Dieu par l’irrésistible puissance de ses paroles. Il remue ce peuple assommé et saturé par les discours de ses théologiens… Jésus n’imagine point une forme nouvelle de prédication ou d’enseignement. Pour lui, en effet, ce n’est pas un style périmé qui rend la prédication inefficace, comme nous avons tendance à le penser aujourd’hui. Jésus adopte, au contraire, les formes traditionnelles, mais les remplit de vie nouvelle. Le contenu de sa prédication se dégage de ces paroles : « Je dois annoncer la bonne nouvelle du Royaume de Dieu. »
Dieu s’est levé pour accomplir les promesses faites depuis si longtemps. Jésus fait ainsi preuve d’une puissance que les scribes ne possèdent pas. Et cette puissance n’est autre que la présence même de Dieu en ce lieu de culte, au milieu de son peuple, méditant sa loi, grâce à la médiation par excellence en celui qui est venu non pour abolir la loi, mais pour l’accomplir.
Je reviendrai dans un autre exposé sur une autre manifestation de cette puissance, manifestation en acte, lors de la guérison d’un homme possédé par le démon.
Après la synagogue, Jésus se rend au domicile de celui qu’il venait d’appeler, de même qu’André son frère, à devenir son disciple : Simon Pierre. Or, la belle-mère de Simon est alitée. Informé de la chose, Jésus s’approche d’elle, étend sa main, et selon la version de Luc, il réprimande la fièvre (comme si la fièvre fut une manifestation concrète, voire personnifiée d’une puissance maléfique), prend la main de la malade et aussitôt elle est guérie (Lc 4.38-39).
Des commentateurs signalent que ce geste, c’est-à-dire prendre les mains de quelqu’un, est un geste rituel bien connu dans l’Ancien Testament; il signifie à l’origine que la personne de celui qui étendait les mains se substituait à celui — homme ou animal — qui était l’objet de ce geste (voir Ex 29.10; Nb 8.10). Par extension, ce geste signifie aussi une bénédiction et une consécration au service de Dieu, et en particulier la transmission de l’Esprit de Dieu en vue d’une charge spéciale. C’est ce geste que Jésus adopta dans nombre de guérisons; par là, il signifiait qu’il transmettait aux malades l’Esprit de Dieu, et que c’était par cette puissance qu’ils étaient guéris.
Nous ne saurons pas la cause de la fièvre. Nous savons toutefois que la maladie, toute maladie, est signe d’un asservissement de l’humanité, et en levant cette malédiction par la guérison des malades, Jésus substitue à ce signe un autre signe : celui du Royaume qu’il vient inaugurer. Ce sera le temps où personne ne dira plus : « Je suis malade! » (És 33.24). Le ministère de guérison du Seigneur est la confrontation de sa sainteté et de sa puissance avec la misère humaine issue du péché. Ces victoires sur le mal sont des signes du Royaume, où il n’y aura plus ni maladies ni infirmités (1 Co 15.42-43). Jésus ne se contente pas comme nous d’une « aide spirituelle »; c’est l’homme tout entier qu’il est venu rénover. Cette lutte devait exiger de sa part un grand effort, car il ne guérit pas en série et par magie; il s’arrête devant chaque cas et le « prend sur lui » (És 53.4).
Tout ceci se passa en un jour de sabbat, immédiatement après le service divin. Au cours de ce service, quelque chose d’extraordinaire s’était produit. La guérison d’un démoniaque, à laquelle nous avons déjà fait allusion. Nous y reviendrons. Mais combien il est précieux de savoir que la puissance du Christ peut et veut se manifester également au cours de ces simples, mais fervents services que nous rendons lorsque nous sommes rassemblés aussi pour l’adorer. Christ vient à nous dans l’Église avec la même puissance que dans la synagogue de Capernaüm, car Satan ne se borne pas de hanter seulement les lieux arides ou les sinistres cimetières… Il est assidu des lieux où l’on soupçonnera le moins sa présence.
C’est dans l’Église que la Parole libératrice de Dieu est proclamée et expliquée et que la puissance de son Esprit opère et transforme. Il nous saisit avec nos passions enfiévrées et touche à nos vices secrets; quand Satan nous ensorcelle et séduit, Christ — par la Parole et les sacrements, avec l’opération efficace de son Esprit — nous saisit et nous arrache aux servitudes sous lesquelles nous gémissions impuissants. Rappelons-nous de la présence toute particulière du Seigneur de nos vies dans nos sanctuaires; il y mène une bataille décisive en vue de notre libération, afin de nous convertir totalement à lui, de nous arracher à des chaînes dégradantes, secrètes ou visibles. L’Église, le culte et les célébrations communautaires ne sont pas peu de chose pour la foi chrétienne; ce ne sont pas des routines stéréotypées pour des gens blasés, mais des lieux privilégiés où nous nous plaçons au bénéfice de l’action toute-puissante et transformatrice du Seigneur Dieu. Allez à une Église où sa Parole n’est pas liée et son Esprit n’est pas éteint.
Il y a aussi l’après-culte; ne nous imaginons pas que Jésus soit confiné dans les murs de nos sanctuaires. Sa puissance déborde l’enclos de ses bergeries pour se manifester également, de manière souvent déroutante, dans les endroits les plus ordinaires, les moins soupçonnés de notre vie quotidienne. Après des Psaumes et des prières exaltées viennent les va-et-vient précipités, l’affairement et les bousculades, les emportements et les fièvres quotidiennes; dans la rue et dans l’atelier, sur la place publique comme sous le toit familial. Hélas!, oui, dans ces foyers où couvent des fièvres malsaines qui dévorent l’amour, détruisent les responsabilités, divisent les membres en clans, dressent les conjoints l’un contre l’autre et rendent la famille un lieu d’habitation infernale… J’entends encore l’exclamation à la fois haineuse et déchirante de l’auteur français : « Famille, je vous hais! » Foyers où sont couvées les fièvres de la jalousie, de la mesquinerie, de la médiocrité et des médisances. Des infidélités aussi, passées de nos jours au rang de droit élémentaire et essentiel de l’époux et de l’épouse…
La bonne nouvelle est que Christ s’y rend aussi. Par compassion; il étend sa main de guérison, il signifie qu’il se charge de nos fièvres, il promet de nous accorder sa bénédiction, il nous assure de la paix et de l’harmonie que lui seul peut procurer.
Le foyer où Jésus dut se rendre après la synagogue n’était, certes pas, celui que je viens de décrire, mais un endroit ordinaire; l’Évangile ne nous autorise pas à soupçonner la moindre trace de conflit entre la belle-mère réaliste, terre-à-terre, et le gendre, qui vient de se décharger de ses obligations familiales… Nous n’avons aucune raison d’assimiler la maison du bord de la Tibériade du modeste pêcheur galiléen, avec nos familles modernes, occidentales ou pas.
Ma comparaison veut simplement signaler qu’après le sanctuaire, Jésus se rend là ou il existe un drame, quelle que soit la nature de celui-ci ou ses dimensions. Il est présent au cœur de toutes nos crises et de chacune de nos agitations. Là, chez nous-mêmes, nous sommes impuissants à trouver une solution. À moins que le Fils libérateur n’y pénètre, et que par ce geste de divine bienfaisance il nous saisisse par la main et nous rétablisse.
Je crois que Jésus s’est promené davantage dans des endroits fréquentés par des hommes et des femmes ordinaires qu’il n’a fréquenté le Temple ou la synagogue comme docteur de la loi. Il a côtoyé les misères des uns, compati aux malheurs des autres, entendu les gémissements des malades, s’est associé à la douleur d’une mère ou d’un père pleurant la disparition d’un enfant bien-aimé… Christ est présent, hôte invisible autour de nos tables familiales.
Je suppose que, parmi vous, rares seraient ceux qui peuvent échapper, même durant une journée, à la menace d’un nouvel accès de fièvre, aux soucis causés par la perspective d’un nouveau conflit avec l’entourage, effrayés dans l’attente d’une crise plus grave encore que les précédentes dans les relations avec autrui… Je connais bien ces difficultés qui s’accumulent sans que nous ayons recours à quelqu’un de plus fort que nous; nous voyant seuls, absolument seuls, nous ne faisons que gémir, que ce soit discrètement ou en hurlant parfois notre douleur, tandis que nul ne dresse l’oreille ni ne penche son cœur pour nous assister. Nos désirs les plus naturels peuvent dégénérer en fièvre de consomption; les plaisirs et les loisirs les plus normaux risquent de se dégrader en passion et nous enchaîner au vice.
Ne réservons pas le Christ et sa puissance salvatrice seulement pour l’occasion ultime, le point de non-retour, la crise inévitable… Christ est présent dans nos situations les plus banales, nos occupations les plus insignifiantes ne passent pas inaperçues à sa sollicitude bienveillante. Un jour mémorable il se ceignit d’un linge, et remplissant une bassine d’eau, se mit à laver les pieds fatigués de ses compagnons de route.
Et parce qu’il a saisi nos mains et nous a relevés, parce que nos fièvres mortelles nous ont abandonnés, parce qu’il a d’abord lavé nos pieds et purifie nos esprits, comme la belle-mère de Simon Pierre, nous sommes disposés désormais à le servir; en signe de gratitude. Christ se trouva parmi les convives de cette mémorable première journée à Capernaüm. Christ ne doit être tenu en réserve pour un hypothétique : « Qui sait, on peut bien avoir besoin de lui un jour, à l’hôpital, en période de catastrophe inévitable ». Lui, il ne veut pas davantage nous maintenir en réserve.
Son armée ne connaît point de réservistes, mais des soldats actifs, des combattants de première ligne, des serviteurs qui, quoique las, ne s’arrêteront pas de le servir et de servir le prochain. Il appelle certains à s’enrôler dans l’armée missionnaire, il en place d’autres dans le rang des ministres, mais il les appelle tous, comme des administrateurs là où ils se trouvent. Dans l’humble tâche de servir à table ou dans la noble profession médicale ou éducative, il les engage tous à sa suite, parce qu’il les a guéris, les a arrachés à leur égocentrisme et à leurs intérêts futiles. Il a même mis dans leurs os un feu qui brûle, comme un sacrifice agréable, ce qui sera de leur part le culte raisonnable qu’ils doivent rendre au Seigneur de leurs destinées, à leur divin Médecin.