Cet article a pour sujet la pratique de la pleine conscience qui s'enracine dans le bouddhisme et cherche à effacer la distinction entre le Créateur et la créature (monisme).

4 pages. Traduit par Paulin Bédard

La pleine conscience est-elle chrétienne?

Dans son article intitulé « Is “Mindfulness” Christian ? » [La « pleine conscience » est-elle chrétienne?]1, Ian Paul, pasteur anglican, commente avec enthousiasme le livret écrit par son confrère anglican, Tim Stead, Mindfulness and Prayer [Pleine conscience et prière], dans la série Grove Spirituality. Stead consacre sa brochure et une grande partie de son ministère à normaliser pour les chrétiens une technique bouddhiste de spiritualité connue sous le nom de Mindfulness [la pleine conscience]. La pleine conscience est-elle chrétienne? Ian Paul répond avec enthousiasme : « oui! ».

Le pasteur Paul nous assure que les valeurs de la pleine conscience se trouvent dans la Bible. Selon lui, la réflexion profonde de la pleine conscience est exactement ce qu’a fait le fils prodigue. Il est « rentré en lui-même » : « L’attention est simplement une compétence qui doit être pratiquée. » Il nous assure que nous ne devons pas craindre la pleine conscience, car elle est désormais présente dans les contextes cliniques et psychologiques courants (bien qu’il soit certainement erroné de penser que ces domaines sont neutres). Le pasteur Paul nous assure que la pleine conscience est une technique totalement inoffensive qui permet de ralentir jusqu’à un état de lucidité afin d’entrer dans la présence de Dieu dans la prière.

Selon le pasteur Paul :

« Nous devrions noter à quel point certaines des techniques de la pleine conscience sont similaires à celles suggérées par les grands mystiques qui ont exploré les formes contemplatives de la prière. Mes propres inspirations ont été Thérèse d’Avila et la tradition orthodoxe orientale de la Prière de Jésus. »

Malheureusement, il peut être démontré que ces mystiques médiévaux et leurs techniques spirituelles étaient dangereusement hérétiques, adoptant une forme bouddhiste similaire de spiritualité contemplative, à savoir le néo-platonisme non-duel. C’est une autre et longue histoire2.

En soulevant cette question de la pleine conscience, nous ne devons pas ignorer ce qui a transpiré dans l’histoire occidentale depuis les années 1960 — et auquel on ne prête pas suffisamment d’attention consciente. De nombreux Occidentaux se sont tournés vers la méditation orientale, dont notamment le yoga, qui est une introduction subtile, mais manifeste à la spiritualité hindoue3. Ainsi, en Occident, le yoga (hindouisme) nous donne des corps sains et la pleine conscience (bouddhisme) nous donne des esprits sains. Mais que se passe-t-il? Sommes-nous, dans l’Église, comme les Occidentaux en général, en train d’être subjugués par des influences spirituelles étrangères? Philip Goldberg répond par l’affirmative. Dans son livre important, American Veda : How Indian Spirituality Changed the West [Veda américaine : Comment la spiritualité indienne a changé l'Occident]4, à la lumière du grand succès du yoga et de la pleine conscience, il conclut que les Américains (et nous pouvons inclure l’Occident en général) ont subi un profond lavage de cerveau. Au Canada, la pleine conscience ou MindUP est imposée aux enfants dans les écoles publiques comme une pratique normative, sans l’autorisation des parents. Sans doute sans s’en rendre compte, l’Occident a adhéré à la philosophie indienne Advaita, qui signifie « pas deux » (« non-dualité » ou « monisme »). Cette notion de l’existence est censée être la vérité, de sorte que toutes les distinctions sont effacées et que le monisme règne. Goldberg, qui est convaincu qu’il s’agit d’une bonne chose, est certainement sur la bonne voie, puisque nous assistons à une éradication constante et déterminée du « binaire », ou de la dualité, en particulier dans le domaine de la sexualité et de la spiritualité. Notre monde est séduit par l’idéalisme utopique du monisme ou de l’unité, tant sur le plan politique que religieux.

Derrière ces techniques spirituelles orientales se cache une vision du monde moniste en conflit avec la spiritualité biblique, que j’appelle la binarité ou la dualité5. La binarité est l’insistance biblique sur la vérité des distinctions — le bien et le mal, le vrai et le faux, l’homme et la femme, Dieu et la création. La vision orientale du monde prétend qu’en « allant à l’intérieur », nous trouvons notre divinité intérieure, de sorte que notre problème n’est pas le péché, mais l’ignorance. Nous ignorons le dieu qui est en nous, le dieu que nous possédons tous. Dieu n’est pas séparé de nous, il est en nous. Nous sommes dieu. Cette vision orientale du monde prône donc la méditation spirituelle et les formes altérées de conscience pour se concentrer sur soi, précisément pour acquérir la gnose, la connaissance du dieu qui est en nous. Il n’y a pas de distinction par rapport à Dieu. Nous sommes dieu. Nous devons nous demander si ces méthodes, le yoga et la pleine conscience, nées du monisme oriental, peuvent être débarrassées de leur contenu religieux.

Dans son essence, la pleine conscience est un concept et une pratique bouddhistes — pas du tout neutres — qui a un objectif profondément religieux. Comme le dit mon amie Marcia Montenegro, autrefois bouddhiste pratiquante :

« C’est une vision de la vie et de la réalité qui résulte idéalement d’un type de méditation visant à cultiver le détachement. Dans le bouddhisme, le détachement est nécessaire, car le bouddhisme enseigne que l’attachement à ce monde, à notre pensée, à notre identité en tant qu’individu, et d’autres attachements, tels que les désirs, nous maintiennent dans le cycle des renaissances. […] La pleine conscience est souvent définie comme une conscience du présent, sans jugement, moment après moment6. »

D’une manière subtile, cette technique apparemment inoffensive, qui soulage le stress, favorise en fait le « détachement » du moi de la réalité créée, qui est marquée par le passé et le présent, et par les questions du bien et du mal. La pleine conscience nous détache ainsi du Créateur qui se cache derrière cette création. C’est comme dire à un poisson de se détacher de la réalité de l’eau. Cela a des conséquences. Les pratiques orientales finissent par conduire les gens à une vision orientale du monde. Le but de ces pratiques est d’avoir une expérience spirituelle particulière, de parvenir à « un état de perception béate que le vide unificateur est la réalité la plus élevée au-delà de l’illusion de l’existence matérielle7 ».

Si vraiment ce n’est pas le cas dans la pratique de la pleine conscience « chrétienne », pourquoi alors l’appeler pleine conscience? Dans la pleine conscience contemporaine, les notions de réalité créatrice et de responsabilité morale sont éliminées de l’équation du stress. Pourquoi ne pas parler plutôt de méditation biblique ou d’examen de conscience, comme le faisaient les puritains? La pleine conscience bouddhiste recherche la libération ultime du cycle de vie de l’existence humaine terrestre par le « détachement », en niant sa « condition de créature » et en devenant un esprit sans corps, intemporel et amoral. Je suis convaincu que la pratique de la libération du stress par la pleine conscience ouvrira l’esprit des Occidentaux à la pensée orientale, à une solution finalement impie de libération de soi qui nie la création et produit une fausse paix qui détruit l’âme. En outre, les chrétiens commenceront à penser que l’interreligieux est la meilleure chose à faire pour l’Église, puisque toutes les religions pratiquent une forme similaire de spiritualité.

John Kabat Zin est un professeur de médecine bouddhiste zen qui a popularisé l’utilisation de la pleine conscience dans le domaine médical. Il considère qu’il s’agit d’un système neutre, utile à toutes les religions. Il note que les rabbins, les prêtres et les imams qui utilisent la pleine conscience ont découvert une expérience approfondie de leur propre foi. Il ne dit pas à quel point cela a radicalement changé leur vision de leur propre foi.

Au lieu de cet abrutissement « sans conscience » qui réduit le stress, nous avons besoin de la présence rassurante de notre Sauveur Jésus-Christ qui nous débarrasse de notre véritable culpabilité et nous soulage réellement du stress spirituel. Nous avons besoin de l’esprit du Christ. Le fils prodigue est « rentré en lui-même », non pas en se détachant de sa porcherie, mais en prenant conscience qu’il était pécheur et qu’il aspirait aux joies de la réconciliation avec un Père aimant. Son stress s’est dissipé dans l’étreinte complète des bras de son père. Tel est le chemin de tous les vrais croyants : évaluation réaliste, repentir, foi et nouvelle naissance! Jésus pratiquait-il la pleine conscience aux moments cruciaux de sa vie, lorsqu’il priait dans le jardin de Gethsémani ou lorsqu’il se tenait devant Pilate? Certainement pas! Jésus était pleinement dans la réalité de sa souffrance, qu’il a portée pour nous. Il ne vivait pas une transe mystique pour rester déconnecté de la réalité. C’est parce qu’il a porté le poids du jugement du Père qu’il a pu nous apporter la paix. La paix du Christ vient de son œuvre objective, rédemptrice, car il a affronté le mal à notre place et il en a triomphé. Un autre « pasteur » Paul — l’apôtre Paul — nous assure : « Étant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ » (Rm 5.1). Chrétien, si cela ne soulage pas votre stress, rien ne le fera.

Notes

1. Ian Paul, « Is ‘mindfulness’ Christian? » [La « pleine conscience » est-elle chrétienne?], Psephizo, 7 octobre 2016.

3. NDT : Voir les articles que nous avons publiés sur le yoga.

4American Veda : How Indian Spirituality Changed the West [Veda américaine : Comment la spiritualité indienne a changé l’Occident], Harmony Books, New York, 2010.

5. NDT : L’auteur utilise les termes « Twoism » et « Oneism », que l’on peut traduire par « dualité » ou « binarité » et par « monisme ». Ce sont des concepts qu’il a beaucoup développés dans ses écrits et qui décrivent d’une part la foi chrétienne faisant la distinction entre le Créateur et la créature, et d’autre part la croyance païenne abolissant cette distinction et élevant la créature au niveau de divinité (voir Rm 1.18-25).

6. Marcia Montenegro, « Mindfulness: Taming the Monkey » [La pleine conscience : Apprivoiser le singe], Midwest Christian Outreach, 26 juillet 2022.