Proverbes et sagesse (3) - Sagesse, prévoyance, paroles sages et maîtrise de soi
Proverbes et sagesse (3) - Sagesse, prévoyance, paroles sages et maîtrise de soi
Continuons à parcourir ensemble le livre des Proverbes dans l’Ancien Testament de la Bible. Ce livre qui parle de la vraie sagesse, celle qui prend sa source en Dieu et non dans les hommes, était sans doute destiné aux jeunes gens qui se préparaient à des offices administratifs, afin de leur apprendre à bien gouverner; mais par delà ce but particulier, il s’adresse à tous les jeunes gens, afin de leur apprendre à bien se gouverner eux-mêmes. Dans l’introduction, ce but est énoncé de la façon suivante : « Ces proverbes donneront aux gens sans expérience le bon sens, et aux jeunes gens la connaissance et le jugement » (Pr 1.4).
Le livre des Proverbes aborde une telle variété de sujets et de situations qu’il ne peut être pris pour un manuel de morale ou encore pour un recueil de recettes toutes faites. Il nous présente plutôt un enseignement sur la vie en général, sur l’attitude qu’il convient d’adopter en toutes situations, sur le jugement qu’on doit porter sur ce qui nous arrive et sur ce qui arrive aux autres.
Un des enseignements qui revient régulièrement, concerne la prévoyance dans les affaires matérielles et autres, la faculté de prévoir et de planifier sans précipitation. Plusieurs Proverbes nous en parlent :
« Les projets d’un homme actif sont profitables, mais agir avec précipitation, c’est courir vers le dénuement » (Pr 21.5). « Dans un désir irréfléchi, il n’y a rien de bon et précipiter les pas fait commettre une faute » (Pr 19.2). « Lorsque tu fais des projets, prends conseil, et ne te lance pas dans une bataille sans une stratégie bien conçue » (Pr 20.18).
Cette sagesse ne s’applique pas seulement aux personnes, mais également aux États et à leurs gouvernements, qui bien souvent se ridiculisent justement à cause de leur manque de prévoyance et de leurs initiatives mal calculées.
Dans l’Évangile selon Luc, au chapitre 14, Jésus-Christ reprend cet enseignement sur la prévoyance, mais en l’appliquant au coût qu’il convient de payer pour être son disciple :
« Celui qui ne porte pas sa croix et qui ne me suit pas ne peut être mon disciple. En effet si l’un de vous veut bâtir une tour, est-ce qu’il ne prend pas d’abord le temps de s’asseoir pour calculer ce qu’elle lui coûtera et de vérifier s’il a les moyens de mener son entreprise à bonne fin? Sans quoi, s’il n’arrive pas à terminer sa construction après avoir posé les fondations, il risque d’être la risée de tous les témoins de son échec. Regardez, diront-ils, c’est lui qui a commencé et qui n’a pas pu terminer! Ou bien, supposez qu’un roi soit sur le point de déclarer la guerre à un autre. Ne prendra-t-il pas le temps de s’asseoir pour examiner s’il peut, avec dix mille hommes, affronter celui qui est sur le point de marcher contre lui avec vingt milles? S’il se rend compte qu’il en est incapable, il lui enverra une délégation, pendant que l’ennemi est encore loin, pour négocier la paix avec lui » (Lc 14.27-32).
La précipitation à parler est tout aussi nocive que celle dans l’action. Un grand nombre de Proverbes le soulignent, notamment à la fin du chapitre 17 : « L’homme d’expérience limite ses paroles et celui qui garde son sang-froid est intelligent. Le sot lui-même passe pour sage s’il sait se taire; qui tient sa bouche close est intelligent » (Pr 17.27-28). Et, un peu plus loin au début du chapitre 18 : « Le sot n’aime pas réfléchir, il ne demande qu’à faire étalage de son opinion » (Pr 18.2). Même chose au chapitre 13 : « Qui veille sur ses paroles préserve sa vie, mais celui qui ouvre grand la bouche court à sa ruine » (Pr 13.3). Dans le même ordre d’idées, nous lisons au début du chapitre 27 qu’il est stupide de se vanter de ce que l’on n’a pas encore accompli : « Ne te vante pas de ce que tu feras demain, car tu ne sais même pas ce qui arrivera aujourd’hui » (Pr 27.1).
Le livre des Proverbes met d’ailleurs en garde contre les abus de parole en toutes sortes de situations : « Celui qui va colportant des racontars trahit des secrets; n’aie donc pas de relations avec un bavard » (Pr 20.19). Dans le Nouveau Testament, la lettre de Jacques fait écho à cette sagesse. Jacques avertit ses lecteurs de la façon suivante : « Que chacun de vous soit toujours prêt à écouter, qu’il ne se hâte pas de parler ni de se mettre en colère » (Jc 1.19). Et au chapitre 3, tout un passage est destiné à apprendre à dompter sa langue, organe qui peut faire bien des ravages, surtout quand on s’en sert pour assouvir sa soif de pouvoir sur les autres. Beaucoup se donnent pour des maîtres à penser, des gourous, des leaders spirituels, alors que leurs paroles n’ont pour but que d’asseoir leur pouvoir et contrôler les autres pour leur propre profit. Je vous cite ce passage :
« Mes frères, ne soyez pas nombreux à enseigner; vous le savez : nous qui enseignons, nous serons jugés plus sévèrement. Car chacun de nous commet des fautes de bien des manières. Celui qui ne commet jamais de faute dans ses paroles est un homme parvenu à l’état d’adulte, capable de maîtriser aussi son corps tout entier. Quand nous mettons un mors dans la bouche des chevaux, pour qu’ils nous obéissent, nous dirigeons aussi tout leur corps. Pensez encore aux bateaux : même s’il s’agit de grands navires et s’ils sont poussés par des vents violents, il suffit d’un tout petit gouvernail pour les diriger au gré du pilote. Il en va de même pour la langue : c’est un petit organe, mais elle se vante de grandes choses. Ne suffit-il pas d’un petit feu pour incendier une vaste forêt? La langue aussi est un feu : c’est tout un monde de mal. Elle est là, parmi les autres organes de notre corps, et contamine notre être entier. Allumée au feu de l’enfer, elle enflamme toute notre existence. L’homme est capable de dompter toutes sortes de bêtes sauvages, d’oiseaux, de reptiles, d’animaux marins et il les a effectivement domptés. Mais la langue, aucun homme ne peut la dompter. C’est un fléau impossible à maîtriser : elle est pleine d’un venin mortel. Nous nous en servons pour louer le Seigneur, notre Père, et nous nous en servons aussi pour maudire les hommes, pourtant créés à son image et à sa ressemblance. De la même bouche sortent bénédiction et malédiction. Mes frères, il ne faut pas qu’il en soit ainsi. Avez-vous déjà vu de l’eau douce et de l’eau salée jaillir d’une même source par la même ouverture? Un figuier, mes frères, peut-il porter des olives, ou une vigne des figues? Une source salée ne peut pas non plus donner de l’eau douce » (Jc 3.1-12).
Ce dont il est question ici c’est de la maîtrise de soi, une qualité qui s’acquiert, souvent au prix d’un très gros effort sur soi-même : « Celui qui ne commet jamais de faute dans ses paroles est un homme parvenu à l’état d’adulte, capable de maîtriser aussi son corps tout entier » (Jc 3.2). Ni le livre des Proverbes dans l’Ancien Testament ni la lettre de Jacques, dans le Nouveau Testament, n’enseignent que la maîtrise de soi est un don particulier accordé à certains et pas à d’autres, et que si on ne l’a pas reçu, il est impossible ou inutile de l’acquérir. Au contraire, dans plusieurs passages la Bible exhorte ses lecteurs à chercher à développer la maîtrise de soi. Les conséquences du manque de maîtrise de soi sont clairement énoncées dans le livre des Proverbes :
« L’homme qui se met dans une grande colère paiera une amende, si tu l’en exemptes, tu l’incites à recommencer » (Pr 19.19). « L’homme coléreux fait des sottises; celui qui a de mauvais desseins s’attire la haine » (Pr 14.17). « Ne te lie pas d’amitié avec un homme coléreux et ne fréquente pas celui qui s’emporte pour un rien de peur d’acquérir le même comportement et de mettre ta vie en péril » (Pr 22.24). « L’homme prompt à la colère provoque des querelles et celui qui s’emporte facilement commet beaucoup de fautes » (Pr 29.22).
À l’opposé, les sages déjouent les pièges de la colère : « Les moqueurs jettent des brandons de discorde dans une ville, mais les sages apaisent la colère » (Pr 29.8).
La maîtrise de soi concerne aussi l’abus de l’alcool, dont les conséquences sont décrites avec beaucoup de vivacité et même d’humour dans le portrait de l’ivrogne qui conclut le chapitre 23 :
« Pour qui les : “Hélas, malheur à moi!”? Pour qui les querelles sans raison et les coups sans cause? Pour qui les yeux rouges? Pour ceux qui restent jusque tard à boire du vin, pour ceux qui sont en quête de vin parfumé. Ne couve pas de tes regards le vin vermeil quand il brille de son éclat dans la coupe : il descend si aisément, mais finit par mordre comme un serpent et te piquer comme une vipère. Tes yeux verront alors des choses étranges et tu laisseras échapper des paroles incohérentes, tu auras l’impression d’être couché en pleine mer, ballotté comme un matelot en haut d’un mât. “On me frappe, diras-tu, mais je n’ai pas mal, on m’a roué de coups, je n’ai rien senti. Quand me réveillerai-je? Il faudra que je trouve encore quelque chose à boire” » (Pr 23.29-35).
Un peu auparavant, au même chapitre, on lit le conseil suivant : « Ne t’associe pas à des ivrognes ni à ceux qui aiment la bonne chère, car l’ivrogne et le gourmand tombent dans la misère, et ceux qui somnolent seront bientôt vêtus de haillons » (Pr 23.20-21). Le chapitre 20, quant à lui, débute sur cet adage : « Le vin est rempli d’insolence et l’alcool rempli de tapage, celui qui s’en laisse griser ne pourra être sage » (Pr 20.1).
Nous continuerons dans un article suivant cette série de méditations sur le livre des Proverbes en montrant le lien dont ce livre témoigne avec la loi de Dieu dans l’Ancien Testament, dont il est à bien des égards une sorte de commentaire appliqué. Puis nous nous pencherons sur le chapitre 8, le fameux poème de la Sagesse, qui nous révèle quelque chose de très profond sur l’être de Dieu lui-même, sur la Sagesse qui est un de ses attributs éternels, et qui était présente lors de la création de l’univers.