Un chant nouveau
Un chant nouveau
1. Réjouissez-vous!⤒🔗
La paix et la joie, en dépit des circonstances adverses, sont les signes authentiques de la vie chrétienne. Elles témoignent de la réalité de notre libération et sont la preuve de la liberté qui nous a été acquise. Ceci explique qu’il nous soit expressément recommandé de vivre dans la joie et dans la paix de l’esprit. « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur, je le répète, réjouissez-vous » (Ph 4.4).
Vivre une telle joie ne va pas de soi. Il faut en préparer l’avènement et veiller à sa constance. Il se pourrait fort bien que, par moments, nous éprouvions un peu de joie; mais celle-ci est-elle la joie dans le Seigneur? Il y a des natures joviales et des personnalités agréables et souriantes qu’on a plaisir à rencontrer. Elles ont reçu un don du ciel qu’il ne faut pas dédaigner. Encore faut-il que cette humeur heureuse soit la joie qui est le fruit de l’Esprit. La joie de l’esprit est plutôt une attitude fondamentale due au changement de nos mentalités, de notre volonté, voire de notre émotivité. À moins que la paix du Christ inonde notre cœur, nous ne saurons répondre à son appel nous invitant à nous réjouir. Notre vie en Christ ne se perçoit pas à l’œil nu. Elle n’est réalité qu’aux yeux de la foi. C’est la foi qui en discerne la nature nouvelle, c’est elle qui en mesure la véritable profondeur. Combien de passages bibliques nous incitent à cette joie? Écoutez le psalmiste : « C’est ici la journée que l’Éternel a faite : À cause d’elle, soyons dans l’allégresse et la joie! » (Ps 118.24).
C’est parce que Dieu a été victorieux que des chants joyeux s’élèvent sous les tentes des justes. Ainsi, chaque jour, chaque minute nous donne une raison suffisante pour être heureux et pour nous réjouir. Commençons donc ainsi nos matinées. Une raison toute spéciale pour les jeunes de se réjouir est donnée par le livre de l’Ecclésiaste : « Jeune homme, réjouis-toi pendant ton adolescence, que ton cœur te rende heureux pendant les jours de ta jeunesse » (Ec 11.9). Appartenir au Christ, avec toute la vigueur de sa jeunesse… Quelle raison formidable pour être et rester heureux! Alors, combien malheureux doit être le jeune triste!
Une autre raison biblique pour nous réjouir nous est donnée dans la contemplation des œuvres de la providence. « Nous savons, du reste, que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein » (Rm 8.28). « Qui nous séparera de l’amour du Christ? La tribulation, ou l’angoisse, ou la persécution, ou la faim, ou le dénuement, ou le péril, ou l’épée? » (Rm 8.35).
« Car je suis persuadé que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni le présent, ni l’avenir, ni les puissances, ni les êtres d’en-haut, ni ceux d’en-bas, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu en Jésus-Christ notre Seigneur » (Rm 8.38-39).
C’est encore une autre réalité immuable que le Christ révèle : « Ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis, mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont inscrits dans les cieux » (Lc 10.20).
Cette attitude est intimement associée à notre espérance. L’espérance qui attend le retour imminent, visible et victorieux de Jésus-Christ. Je pourrais, certes, poursuivre l’énumération de bien d’autres textes bibliques. Ils sont de puissants stimulants pour provoquer une saine joie et pour nourrir un bonheur sans mélange.
« Au reste, frères, que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l’approbation, ce qui est vertueux et digne de louange, soit l’objet de vos pensées. Ce que vous avez appris, reçu et entendu, et ce que vous avez vu en moi, pratiquez-le. Et le Dieu de paix sera avec vous » (Ph 4.8-9).
Saint Paul, qui signait ces lignes, explique :
« Je sais vivre dans l’humiliation et je sais vivre dans l’abondance. En tout et partout, j’ai appris à être rassasié et à avoir faim, à être dans l’abondance et à être dans la disette. Je puis tout par celui qui me fortifie » (Ph 4.12-13).
Le Christ est source de joie, de même que le modèle du vrai bonheur (Hé 12.2).
2. Joie et tristesse←⤒🔗
Cette exhortation à nous réjouir nous parvient dans le contexte même de la vie, placée pourtant sous le signe d’une malédiction initiale et sous l’emprise terrifiante de la mort. Nous naissons pour mourir. La mort et le péché sont de très proches collaborateurs. La douleur et la misère que produit l’un culminent dans l’autre. Où trouver une solution, si les masses rejettent la bonne solution, celle que Dieu nous offre? D’autant plus que certains chrétiens appliquent avec beaucoup de maladresse cette solution, dont ils connaissent pourtant l’origine. Lorsque les hommes s’imaginent avoir trouvé la bonne, elle engendre aussitôt d’autres maux, parfois pires que les premiers. Un cercle vicieux s’installe. Je n’ose presque pas mentionner de cas concrets. D’où un pessimisme foncier, surtout du côté de très nombreux jeunes qui se rendent compte de l’échec des adultes.
Certains refusent de vivre en profondeur, fuient dans le domaine du rêve. Ils se cachent en face de la pénible réalité quotidienne. D’autres même, plus lucides, n’ont pas le courage de résister et de s’opposer à l’enlisement et vivent résignés et repliés sur eux-mêmes.
On se demande alors : Comment se réjouir dans de telles conditions? Comment ne pas se rendre compte de la situation actuelle? Éprouver une quelconque joie, serait-ce faire preuve d’une insensibilité égoïste et coupable?
Se réjouir selon l’Évangile ce n’est pas avoir le regard de Sirius qui, serein et imperturbable du haut de son ciel inaccessible, regarde vivre les malheureux mortels sur une terre en sursis. Nous réjouir n’est pas une affaire uniquement intérieure, qui ne concerne que l’âme et son Seigneur. En effet, comment demeurer insensible devant la misère d’autrui? Nous aurons, au contraire, à nous identifier de manière sympathique à eux. « Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent; pleurez avec ceux qui pleurent » (Rm 12.15). Avez-vous le souvenir d’avoir versé une larme de compassion pour la douleur d’un ami, ou en présence d’un malade agonisant, ou d’une épouse délaissée, ou d’un enfant mal-aimé? Ou encore pour un délinquant qui s’est fourvoyé, pris au piège de sa propre aventure? Avez-vous été accablé à cause de victimes innocentes, dépourvues de toute défense? Jésus, lui, nous dévoile l’issue d’une telle tristesse : « Votre cœur se réjouira et nul ne vous ôtera votre joie » (Jn 16.22).
Toute cette vérité nous rappelle la perspective de la lettre de Paul aux Romains (et plus particulièrement du chapitre 8). Relisez ce texte. Vous chanterez alors votre joie avec l’apôtre.
3. La joie par le chant et la musique←⤒🔗
Il serait bon d’examiner l’état de notre joie. Nous pouvons nous rendre compte de sa qualité ou de son absence. Peut-être la théologie particulière à laquelle nous nous sommes attachés nous empêche-t-elle de nous réjouir parce qu’elle a placé l’accent majeur sur la réalité du péché, plutôt que sur la grâce? Précisément, c’est celle-ci qui est la racine de toute joie. Si nous n’en étions pas assurés, nous serions de tristes chrétiens. Je dis bien la grâce de Dieu et nos pas nos œuvres, nos règles, nos systèmes, plus souvent conçus pour nous étouffer que pour apporter la joie. Si nous échafaudons des artifices moraux et légalistes qui asphyxient nos sentiments, ils iront jusqu’à éteindre même le Saint-Esprit de Dieu.
Et, de grâce, laissons de côté la fausse idée selon laquelle le chrétien n’aurait pas le droit de jouir de la vie. Tous les plaisirs de l’existence ne sont pas frivoles. Pour ma part, j’aime à me réjouir de tout ce qui peut nous servir d’outil pour créer une saine joie. Il existe une foule de petites choses qui nous aident à découvrir un certain bonheur dans la vie. Je pense que vous en avez déjà découvert l’une des plus grandes : la musique. Je vous renvoie par exemple à votre Psautier, celui de l’Ancien Testament, mais aussi à celui de votre Église, ou bien à vos recueils de chants et de cantiques.
Mais certains estiment que la joie ne saurait se manifester autrement que par le chant de psaumes et de cantiques; ils ont l’idée que la vie chrétienne est divisée en deux parties, qu’il doit exister un domaine spirituel et puis un autre, profane. Je suis d’un avis différent. La musique peut réjouir notre cœur et devenir expression de notre louange. La variété musicale peut créer des états d’âme différents et engendrer des sentiments divers. Martiale, elle appellera à la résolution et à l’action; mélancolique, elle attendrira; harmonieuse, elle créera la paix et l’équilibre; discordante, elle sera source de tension et pourra même engendrer un désordre profond.
Admettons ici que les jeunes modernes ont droit à une attention particulière. Je pense à certaines formes modernes de musique. Nous fondant exclusivement sur des critères classiques, il nous serait facile de juger et de critiquer tout ce qui ne vient pas du passé. Je crois que toute musique (même celle qui n’est que tam-tam) a autant le droit d’exister que nos symphonies et chorals classiques. Il ne faut pas apprécier la musique uniquement en fonction de nos goûts personnels. Tout en conservant et cultivant ces goûts personnels, nous aurons à respecter ceux de nos prochains. Pour ma part, je n’aime guère la musique stridente qui martèle mes oreilles, déjà passablement fatiguées par les bruits de la grande ville. Mais devrais-je refuser au jeune voisin le droit d’aimer cette musique qui n’est que tam-tam, à condition bien entendu qu’il ne me l’impose pas à des heures indues?
Il ne faut pourtant pas mésestimer le danger de certains types de musique. Pour le chrétien, la question essentielle est la suivante : Tel type de musique est-il de nature à engendrer des sentiments mauvais? Donne-t-il lieu à la convoitise ou à la passion charnelle, incite-t-il à la révolte irresponsable? J’avoue que d’entendre Georges Brassens chanter avec sa guitare « L’Auvergnat » ou « Pauvre Martin » m’émeut parfois davantage qu’une certaine hymnologie évangélique! De même, lorsque j’entends la musique de Mikis Théodorakis, je communie avec la douleur et le martyre des peuples opprimés et il réussit à me faire partager les espérances de ceux-ci. Nous ne devons donc pas condamner la musique en soi. Notre jugement sera guidé par la recherche de notre sanctification.
En parlant de musique moderne, posons cependant la question : Exprime-t-elle une joie authentique? Reconnaissons que notre époque n’est pas celle de la joie. Sa musique révèle mieux encore que toute autre expression culturelle ses états d’esprit. Créons alors une bonne musique chrétienne; celle qui, à l’égale de Jean-Sébastien Bach, pourra nous aider à vivre et à témoigner de notre foi en Christ dont la source est Dieu.
À cet égard, je voudrais exprimer ici toute ma reconnaissance à Pierre Vidal, organiste spécialiste de Bach, dont l’interprétation me paraît l’une des plus fidèles au grand musicien et dont le jeu accompagne si souvent notre émission Perspectives Réformées. D’autres chrétiens, jeunes ou moins jeunes, sauront, je l’espère, contribuer à découvrir dans la musique un champ véritablement missionnaire pour leur propre joie, pour le bonheur des autres, et surtout pour la louange du Seigneur.