Cet article sur le Symbole de Nicée-Constantinople a pour sujet l'Esprit donné à l'Église à la Pentecôte, sa procession du Père et du Fils, son témoignage intérieur, l'inspiration des Écritures, et le don qu'il fait de la vie nouvelle.

Source: Nous croyons - Explication de la foi chrétienne en suivant l'ordre du Symbole de Nicée-Constantinople. 9 pages.

Nous croyons - L'Esprit Saint

« Je prierai le Père, et il vous donnera un autre consolateur, afin qu’il demeure éternellement avec vous, l’Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu’il ne le voit point et ne le connaît point; mais vous, vous le connaissez, car il demeure avec vous, et il sera en vous. Je ne vous laisserai pas orphelins, je viendrai à vous. »

Jean 14.16-18

« Nous croyons en l’Esprit Saint, qui règne et donne la vie, qui procède du Père et du Fils, qui a parlé par les prophètes, qui avec le Père et avec le Fils est adoré et glorifié. »

En abordant le troisième article du Symbole de Nicée-Constantinople, rappelons-nous que les chrétiens de l’époque, c’est-à-dire ceux qui ont rédigé la confession de la foi, de même que les chrétiens de l’ère apostolique, n’avaient pas besoin de le confesser avec les préoccupations qui sont les nôtres à l’heure actuelle. L’existence comme les diverses manifestations du Saint-Esprit ne faisaient pas de doute pour leur foi. L’Esprit Saint constituait le fondement même de leur vie nouvelle; il créait l’atmosphère dans laquelle ils devaient évoluer; il devenait le moteur de chacune de leurs actions, l’inspirateur de chaque témoignage; ils n’avaient ni le temps ni le loisir d’en faire le sujet de dissertations théologiques aussi rigoureuses que nécessitent, hélas de nos jours, les questions confuses qu’on se pose à son sujet. L’Esprit Saint était une réalité concrète et une expérience vibrante. Cela, ils le savaient et ils en vivaient.

Pour l’apôtre Paul, pour le disciple Pierre, pour l’écrivain Jean, pour la multitude de croyants qui partageaient les mêmes convictions à son sujet, pour tous ceux qui, aussitôt après la résurrection du Christ et son ascension triomphante, se virent chargés de la glorieuse mission de la communication de la Bonne Nouvelle de l’espérance et de la grâce libératrice, l’Esprit Saint était une présence réelle et une puissance révolutionnaire. Non seulement les premiers chrétiens croyaient en l’Esprit, mais encore savaient-ils, sans l’ombre d’un doute, qu’il opérait efficacement dans leur existence de chaque jour. Comment auraient-ils pu oublier l’extraordinaire événement de la Pentecôte, survenu dans l’enceinte d’une demeure jérusalémite leur servant depuis quelques semaines de lieu de rassemblement et presque de sanctuaire? Cet événement n’était pas un simple souvenir qui s’effacerait avec le temps, mais l’acte fondateur de l’Église, l’inauguration de l’âge nouveau, la date de naissance de la nouvelle création.

L’époque était encore celle de l’occupation romaine; Tibère avait succédé à César Auguste; la Palestine était toujours soumise au gouvernement de Ponce Pilate; cinquante jours exactement après des faits qui, humainement parlant, pouvaient être considérés comme tragiques, dans cette matinée inoubliable où l’on exécutait la peine capitale — la crucifixion — prononcée contre le seul Juste, Jésus-Christ, le Fils de Dieu; une période de temps relativement brève les séparait donc de ces événements douloureux.

Soudain, dans l’humble habitat de Jérusalem, une voix semblable à un vent impétueux, phénomène extraordinaire, annonçait non pas un fait éphémère, mais signalait le tournant décisif aussi bien de l’existence individuelle des disciples que celui du cours de l’histoire universelle. La promesse faite durant les heures précédant la passion du Christ se réalisait durant ces heures qui allaient ébranler l’univers. Le Seigneur exalté accomplissait le dessein qu’il avait annoncé déjà depuis plusieurs siècles. Les cent vingt personnes rassemblées dans la chambre étaient les tout premiers récipiendaires privilégiés du don de l’Esprit.

Le Paraclet, c’est-à-dire le divin Défenseur, le céleste Consolateur, l’Esprit Saint de Dieu, allait désormais habiter, et ceci pour toujours, la communauté des fidèles. Il allait animer l’existence du nouveau peuple de Dieu et faire de lui le sanctuaire dans lequel Dieu venait d’élire son domicile; il allait lui révéler la profondeur du salut achevé, objet de l’étonnement des anges; il allait lui permettre de témoigner de la rédemption en une langue nouvelle et le conduire et l’inspirer durant le difficile accomplissement de sa mission; il allait répandre dans le monde la lumière céleste, sans laquelle aucun homme ne peut voir la lumière. Finalement, ce même Esprit allait devenir l’auteur véritable du livre de la révélation, contenant tout ce qui est nécessaire, clair et suffisant pour la connaissance de Dieu et l’accueil de sa divine grâce.

Redisons-le : les chrétiens des temps apostoliques et leurs successeurs immédiats n’avaient pas comme préoccupation première l’élaboration d’une doctrine de l’Esprit, ainsi que nous devons le faire à présent, pour se mettre en garde contre les confusions et les déviations qui ont surgi par la suite au sujet de sa personne. Ils en vivaient, et cela leur suffisait.

Néanmoins, il a fallu que la doctrine de sa divine personne et celle de sa mission soit formulée et trouve sa place légitime dans la confession de la foi, comme cela avait été nécessaire pour la doctrine du Père et du Fils.

Je crois en l’Esprit Saint; nous croyons en l’Esprit Saint. Le Symbole de Nicée-Constantinople a élaboré davantage le troisième article que ne le fera au cours des quelques siècles suivants le Symbole dit des apôtres. Le voici : « Nous croyons en l’Esprit Saint, qui règne et donne la vie, qui procède du Père et du Fils, qui a parlé par les prophètes, qui avec le Père et avec le Fils est adoré et glorifié. »

Certaines versions anciennes, et c’est notamment le cas pour la version arménienne du Symbole, omettent dans l’article le membre de phrase qui avait suscité l’une des controverses les plus âpres au sein de l’Église. Cette controverse eut lieu dès l’origine et finit par achever le schisme de celle-ci en l’an 1054. L’Église orientale ou grecque et l’Église occidentale ou romaine se divisèrent à cause de ce membre de phrase plus connu dans la célèbre expression latine de « filioque ». Le « filioque », c’est-à-dire « et du Fils », admettait que l’Esprit Saint procédait non seulement du Père, mais encore du Fils.

Pour les Grecs orientaux, l’Esprit procédait seulement du Père. Les théologiens de l’Église latine, quant à eux, affirmèrent qu’il procédait également du Fils. D’où le latin « filioque ». Tous les efforts déployés durant de longs siècles pour parvenir à un accord entre les deux grandes branches du christianisme ont échoué; depuis la date en question, le schisme demeure comme une lamentable déchirure dans le corps de l’Église, alors que l’Esprit aurait dû être le facteur d’une unité indissoluble.

Des experts ne manqueront pas de préciser que d’autres facteurs contribuèrent aussi à cette rupture, qui existait virtuellement depuis des siècles, entre Constantinople et Rome, cette dernière prétendant au siège apostolique suprême. Le « filioque » ne fut que le détonateur de la crise définitive et, à ce jour, il semble qu’il demeure encore l’un des obstacles majeurs à la réunion entre Grecs orthodoxes et catholiques romains. Depuis 1054, les premiers ont résolu de ne pas céder sur ce sujet et les seconds ont refusé catégoriquement la moindre concession.

C’est en vain que nous nous étonnerions de l’ardeur des débats et des profondes dissensions à ce sujet, les taxant de discussions byzantines sans le moindre intérêt pour notre actualité. Quant à moi, je serai moins catégorique, même si dans le cadre d’un exposé comme celui-ci je ne puis donner toutes les raisons de ma propre adhésion au « filioque ».

L’une d’elles est que je souscris, avec la Réforme du 16siècle, à la version occidentale du Symbole; une autre, plus sérieuse encore, parce que je comprends la raison pour laquelle l’Église occidentale a défendu cette relation entre la personne du Fils et celle du Saint-Esprit. Qu’il me soit permis de signaler en passant et sans trop alourdir mon propos, que le point en litige était d’abord d’ordre culturel et linguistique; le terme latin de « procession » n’était pas l’équivalent exact du grec « ekporeueté », ce qui change passablement la teneur du débat. Certes, les Orientaux ont fait remarquer qu’en faisant procéder l’Esprit Saint du Fils comme du Père, on faisait du premier la source de la Trinité, au même titre que le Père. Les Occidentaux ont eu cependant l’excellente intuition, pour ne pas dire l’inspiration même du Saint-Esprit, en faisant du Fils la source d’où le Saint-Esprit procédait. Ils revendiquaient ainsi pour lui une seigneurie totale sur l’existence du fidèle, voire sur la totalité de l’histoire.

Cela peut expliquer en partie, en dépit de ses lacunes et de ses défauts, le caractère tellement dynamique du christianisme occidental, contrastant avec une position par moment hélas figée et statique du christianisme oriental au cours des siècles. Ce n’est donc pas d’une simple querelle de clercs qu’il s’agit, car, à vrai dire, cette clause et l’idée qu’elle défend expliquent et fondent même une foi qui est à la fois correcte et active dans la vie courante.

Une étude théologique récente, faite par des évêques catholiques romains de Grèce, a signalé d’une manière remarquable que l’on pouvait maintenir l’expression latine « filioque », sans pour autant renoncer à la clause grecque du fait du vocabulaire différent dans les deux langues. Bien entendu, le débat ne relevait pas purement et simplement d’un vocabulaire inadéquatement équivalent.

D’aucuns estimeront qu’il est impossible, voire inutile, de sonder ainsi les mystères de la déité qui devrait rester inaccessible à notre intelligence humaine. Mais si tel était le cas, nous devrions alors renoncer à tout jamais à saisir le message pourtant clair et suffisant de la révélation, renoncer à parler de la personne une et des deux natures divine et humaine du Christ. En ce qui concerne l’essentiel, l’Écriture sainte nous permet de réfléchir et de bien formuler les points capitaux de la foi et de la doctrine.

Nous laisserons cependant de côté ce débat, qu’il nous a semblé pourtant nécessaire de signaler, pour nous occuper à présent de ce qui est plus facilement accessible au fidèle, non-théologien de métier.

« Il est arrivé à bien des gens d’ouvrir la Bible, de la feuilleter un peu, de regarder de côté et d’autre, et de la reposer; rien pour moi. Quelques années plus tard, parce qu’ils ont passé par une expérience, ces mêmes versets ont retenti dans leur cœur comme une réponse directe de Dieu. Pourquoi ce changement? On peut l’expliquer de deux façons : sur le plan humain, et sur l’autre. On peut dire d’eux, comme pour la marchande de pourpre de Philippes : “Dieu ouvrit son cœur” (Ac 16.14). On peut dire aussi : l’Esprit de Dieu lui a parlé par le moyen de la Bible. Nous ne pouvons pas comprendre le sens de la Bible si l’Esprit de Dieu lui-même n’ouvre le cœur. Elle peut nous paraître intéressante, instructive, saisissante, mais de là à nous bouleverser au point de nous dire : Dieu te parle, là, en personne, il y a loin. Quand l’Esprit Saint est présent, la Parole biblique agit… Car Dieu n’a pas parlé seulement dans le passé, par les prophètes et les apôtres : Il parle aussi aujourd’hui.1 »

De son côté, Helmut Thielecke, théologien allemand de Hambourg, se sert d’une illustration fort à propos pour expliquer cette même opération de l’Esprit. Je le cite de mémoire :

« Connaissez-vous les cathédrales anciennes aux vitraux multicolores? Ceux-ci reproduisent et relatent à leur manière des vérités bibliques. L’histoire des origines, celle des prophètes, des scènes des Évangiles y figurent et toutes ensemble nous offrent une merveilleuse prédication en image. Si nous demeurions en dehors de ces sanctuaires, les vitraux en question n’attireraient pas notre attention. Nous n’y verrions qu’obscurité opaque, mais une fois à l’intérieur, nous nous trouvons en présence d’un univers admirable. À l’extérieur, nous y restions indifférents, mais une fois entrés à l’intérieur, notre vision change et nous sommes alors plongés dans l’émerveillement devant la richesse des couleurs, la finesse de l’art et la puissance d’évocation déployées par ces mêmes images. Le Saint-Esprit accomplit précisément une telle œuvre. Il nous introduit dans la vie en Christ, illumine notre être en sorte que les vérités auparavant incompréhensibles apparaissent sous un jour totalement nouveau. Peut-être jusque-là la foi et la vie chrétiennes n’avaient aucun attrait pour nous. Nous étions restés en dehors de celle-ci tels des observateurs neutres, voire indifférents, ne regardant les choses que du côté opposé. Le miracle du Saint-Esprit ne nous avait pas touchés. Notre regard était en somme bloqué. N’est-ce pas le même phénomène qui se produit dans d’autres domaines? Si par exemple nous examinions l’amour maternel du côté extérieur seulement, comme le feraient des observateurs neutres et froids, cet amour nous paraîtrait terne, presque une anomalie dans les sentiments d’une femme; nous l’expliquerions même en fonction de ses sécrétions endocrines! Mais pensons seulement à l’amour de notre propre mère, à la protection désintéressée dont elle nous entoure, à la chaleur de son cœur, à ses pensées affectueuses… alors l’image de la mère s’éclairera d’un jour nouveau. Soudain, nous serons émerveillés et les couleurs chaudes et les sentiments de son dévouement nous convaincront que le cœur qui bat devant nous n’est autre que celui de notre propre mère. »

Le Saint-Esprit est celui qui éclaire les pages de la Bible, et à son tour, la Bible rend un lumineux témoignage à sa personne et à ses opérations salutaires.

Elle nous apprend que, lorsque Dieu créait les cieux et la terre, quand celle-ci n’était encore qu’un amas informe et vide, que les ténèbres couvraient l’espace, l’Esprit de Dieu se mouvait au-dessus du chaos. Plus tard, et cette fois-ci, ce sont les premières pages des Évangiles qui nous en informent, il descendit sur les berges du Jourdain en Palestine, sous forme de colombe, pour se reposer sur le saint élu de Dieu, sur le Christ, dont il avait été à l’origine de la conception dans le sein de la vierge Marie.

C’est un fait indéniable que jamais l’Esprit divin n’a laissé l’humanité abandonnée à elle-même, sans rendre témoignage à la divine vérité, sans lui rendre visite et sans l’avertir… Les saints patriarches Abraham, Isaac et Jacob, tandis qu’ils dirigeaient leurs pas incertains hors des frontières de leur territoire vers la Terre promise, furent dirigés par lui. Il les conduisit dans chacun de leurs pas dans l’aventure de la foi, en vue du culte et de l’adoration du seul vrai Dieu des cieux et de la terre, du El Shaddaï, de l’Adonaï, et bientôt de Jahvé, le Dieu de l’alliance.

Si Moïse, il y a de cela plus de trente siècles, rédigea la loi et toutes les ordonnances divinement reçues, c’est encore le Saint-Esprit qui en explique l’entreprise. Si Ésaïe a consigné par écrit les oracles divins, si Jérémie, à la sensibilité extrême, a prononcé des discours qui nous bouleversent encore vingt-cinq siècles après, c’est parce que l’inspiration du Saint-Esprit les menait dans l’accomplissement de leur mission, souvent périlleuse. Si David a chanté des psaumes dont les chrétiens, depuis des siècles, ont fait leurs hymnes de louange, cela ne s’explique que par l’inspiration accordée par l’Esprit. Si des prophètes sont devenus les défenseurs de l’honneur de Dieu et ont été les infatigables proclamateurs de sa vérité au milieu d’apostats et d’incrédules; si des apôtres ont noté tout ce qui nous est indispensable pour parvenir à la connaissance de l’événement central de notre salut, à leur tour ils ont agi sous la conduite souveraine de l’Esprit Saint. Aussi, avec nos Pères dans la foi, les théologiens de Nicée, nous confesserons toujours : « Qui a parlé par les prophètes » et dans l’Évangile.

L’Esprit Saint n’est jamais resté inactif durant la dispensation de l’ancien Israël, mais ses puissantes opérations se sont fait surtout sentir depuis la résurrection du Christ, le Fils de Dieu. C’est lui qui prépara les siens, ainsi que le monde, pour cette opération miraculeuse. Il consola ses disciples désemparés, il les encouragea en leur rappelant la promesse de l’envoi du Paraclet, du Soutien et Défenseur divin. Lors de la dernière Cène, peu d’heures avant son arrestation, lorsque le traître Judas se précipitait hors de la compagnie des disciples pour mettre à exécution son funeste projet poussé par le diable, Jésus révélait les choses suivantes à ses fidèles perplexes et attristés qui lui posaient des questions : l’heure était arrivée de se séparer d’eux; il ne verrait plus ceux qu’il avait aimés depuis le début. Si leur cœur était appesanti, qu’ils se rassurent! Il était préférable qu’il s’en aille, autrement le Défenseur ne pourrait pas leur être envoyé (voir Jn 16.5-7).

Le Paraclet allait venir pour transformer leur tristesse en joie, pour raffermir leur confiance et rendre durable la communion entre eux, les disciples, et avec le Père et le Fils (l’Esprit, disent les anciens théologiens, est « vinculum caritatis », le lien ou l’agent de charité qui unit le Père au Fils).

Le nouveau Guide et Défenseur n’apparaîtrait pas de manière intermittente, spasmodique, pour des séjours éphémères, mais pour demeurer auprès d’eux de manière permanente, avec eux, en eux.

Un jour nouveau se levait dans la réalisation des pensées divines. La date allait en être rappelée avec une reconnaissance émue par tous ceux qui, depuis lors, confessent avec sincérité le saint nom de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit.

« L’Esprit qui a fécondé l’abîme au jour de la création et fécondé le sein de Marie au jour de la rédemption a fécondé l’âme humaine au jour de la régénération. Le racheté de la Pentecôte a senti, palpitant d’allégresse et d’enthousiasme, l’énergie créatrice entrer en lui et la flamme rénovatrice qu’a installé Dieu lui-même au centre de sa personnalité. Dès lors, il a pu dire avec son Sauveur : “Je ne suis jamais seul” et avec Paul : “Christ est ma vie”. Dans les froides solitudes du monde, dans le duel poignant qui se livre entre puissances démoniaques et célestes, dans les déceptions de l’effort et dans la peur du lendemain, dans les deuils, dans la maladie, dans l’agonie et dans la mort, l’homme de la foi n’est plus un pèlerin solitaire, un lutteur isolé, car où qu’il aille, quoi qu’il fasse, quel que soit le sort qu’il subisse, l’Esprit subvient, Dieu intervient. Voilà pour quelle raison, fort de sa reconnaissance et conscient de ses ressources, le peuple chrétien ose entreprendre la mission divine de réconciliation entre Dieu et les hommes, cherche à restituer à Dieu le monde apostat. S’il ose, la raison en est que l’Esprit de Dieu besogne avec lui, Esprit créateur de vie et source de lumière, Esprit de renouveau.2 »

Tout ceci, nous le recueillons, faut-il encore le rappeler, des pages du Livre saint; et tout cela à la lumière de la Bible devient une conviction incontestable. Nous ne traitons pas ici d’une théorie abstraite, mais, au contraire, d’une expérience vécue, concrète, indéniable et merveilleuse.

Nous attribuons au Saint-Esprit aussi bien les détails des périples missionnaires et l’activité évangélisatrice de l’Église apostolique que la hauteur et la profondeur de la pensée chrétienne, ainsi que la fermeté et la clarté des doctrines ecclésiastiques.

Portons encore un bref regard sur les premières expériences des chrétiens de l’ère apostolique. Chez eux, pas de trépidations frénétiques, d’émotions désordonnées, ni de débordements psychiques. En fait, pas la moindre manifestation irrationnelle pour signaler la présence de l’Esprit de Dieu!

Voyez Pierre, homme par nature légaliste et nationaliste farouche. Il visite la demeure d’un officier païen, s’attable avec ceux qu’on appelle les incirconcis et les accueille comme membres de l’Église naissante. En expliquant plus tard son comportement inhabituel, il en attribuera le motif à l’inspiration de l’Esprit Saint.

D’innombrables autres incidents dans l’existence de ces chrétiens ordinaires, parfois aussi hors du commun, ne laissent planer l’ombre d’un doute que l’Esprit, présent, actif et efficace, inspirait, guidait, défendait et encourageait l’Église des apôtres, tant dans les détails secondaires que lorsqu’il fallait faire des « bonds en avant ». Le règne de Dieu avait commencé parmi eux, l’Esprit Saint en était la manifestation la plus concrète.

Sommes-nous conscients de ce même règne qui était, qui est, et qui sans cesse vient? Si tel est le cas, en faisons-nous l’objet de notre requête quotidienne, de notre attente impatiente, le sujet de nos actions de grâces?

Le règne de Dieu s’est approché de nous en son Fils Jésus-Christ. Les hommes peuvent l’accueillir si l’Esprit prépare le terrain. Il les conduira vers lui, le Seigneur et le Sauveur.

Telle est la condition unique pour une authentique vie spirituelle. Les attributs divins n’ont pas changé depuis les premiers jours. Sa puissance ne s’est point épuisée; son autorité ne s’est pas amoindrie, bien au contraire, elle s’étend par son Esprit et remplit l’univers. L’Esprit conduit la création vers son affranchissement définitif et son perfectionnement ultime.

Pourquoi des hommes, actuellement comme toujours, restent-ils indifférents à cette réalité spirituelle? Les choses visibles et matérielles, et du coup périssables, auraient-elles une plus grande valeur que les choses invisibles et éternelles? Ce qui est palpable pèserait-il davantage que l’objet de notre attente?

Pourtant, l’histoire plusieurs fois millénaire aurait dû nous aider à assimiler la leçon. Après de multiples expériences pénibles et décevantes, nous devrions savoir une fois pour toutes que les choses matérielles se fanent comme la fleur des champs, pour reprendre une image biblique. Seul perdure ce qui appartient au domaine de l’Esprit, de l’Esprit Saint. Chacune de nos journées, même la plus radieuse d’entre elles, connaîtra son crépuscule; le soleil cachera invariablement son visage derrière l’horizon et de sombres nuages s’amoncelleront annonçant l’orage qui ne manquera pas d’éclater. L’obscurité nous enveloppera et le silence de la nuit nous remplira de frayeur. Qu’elle est effrayante l’immensité de l’espace, lorsqu’aucune voix rassurante ne la perce pour nous apaiser et pour nous annoncer la présence de l’amour!

Devrions-nous nous occuper seulement de la vie présente, avec ses multiples vicissitudes et tant de vains efforts, d’inutiles labeurs et de travail infructueux? Quel profit en tirons-nous, je vous le demande? N’avançons-nous pas, que ce soit à pas lents ou avec de grandes enjambées, vers notre tombe, vers une nuit sans aurore, seuls, ayant définitivement fermé nos yeux à la lumière du jour, où nos lèvres scellées ne pourront plus communiquer avec ceux que nous avons chéris, où ni passion ardente ni même amour tendre ne pourront survivre. Ce cœur qui palpite si frénétiquement mettra un terme à ses agitations et s’éteindra à toute aspiration, même la plus noble…

Mais voici que telle n’est pas la totalité de la réalité. Elle n’est même pas la réalité réelle, si j’ose m’exprimer avec pléonasme! Il n’y a de réel que ce qui est permanent, même s’il reste encore invisible pour le moment. Nous pouvons déjà le percevoir et même y goûter. Nous aurions tort de nous représenter notre existence comme un souffle passager, entre un berceau bien chaud et une tombe glacée… Nous aurions mille raisons de désespérer de tout, même des plaisirs les plus innocents et les plus légitimes, si notre horizon devait s’arrêter devant le spectre de la mort, l’insatiable dévoreuse qui ne manque jamais son funeste rendez-vous…

Mais depuis la mort et la résurrection du Christ, il y a une seule réalité permanente pour celui qui croit, et elle s’appelle vie éternelle. C’est la seule vie qui ne soit pas éphémère et qui nous enveloppe déjà dès à présent. Lorsque ce corps de chair et de sang périra, se désagrégera irrémédiablement, notre être profond, notre âme, ne connaîtra pas une fin tragique. Qu’importe si les choses passagères sont décevantes et se dissipent comme un souffle! Qu’importe, si ce corps mortel est délogé comme une vulgaire tente qu’on lève n’importe quand, et si souvent à l’improviste! Ou encore si tous ceux qui, adonnés uniquement au « mangeons et buvons, car demain nous mourrons », affirment que le parcours terrestre ne peut immanquablement aboutir qu’à l’arrêt, le dernier, appelé cimetière! Qu’importe encore si demain le soleil se couchait pour nous la dernière fois et que ce cœur las se reposait enfin de ses futiles agitations…

Le dernier coucher du soleil n’est pas la fin pour celui qui s’est engagé dans la vie réelle, qui a appris à détourner son regard du crépuscule pour le tourner vers le soleil levant, dont les yeux sont fixés non sur le couchant, mais sur l’Orient. Ma vie fragile accueille la promesse d’un lendemain éternel. Mes expériences douloureuses emportent dans leur sein les germes d’une expérience plus merveilleuse encore que tout ce que je pourrais imaginer; elles sont grosses d’une gloire incorruptible, d’un héritage qui ne se ternit jamais.

La fin du printemps et le passage de l’été précipitent les journées de la moisson, et la mort du corps mortel augure l’immortalité de la personne tout entière, refaite entièrement à neuf par la puissance de l’Esprit Saint que je confesse avec la multitude des croyants. Il existe l’autre vie, ami désabusé, sceptique ou cynique, une vie spirituelle; elle est l’unique réalité à laquelle nous pouvons nous atteler et devant laquelle nous devrions jubiler avec une infinie reconnaissance. Puissions-nous la saisir avant qu’il ne soit trop tard, avant que le dernier coucher de soleil ne nous enveloppe définitivement des ténèbres de la mort.

C’est en vue de cette vie-là, vie promise et proposée à notre foi, que tout a été créé; aussi bien le soleil que la lune, le cosmos que la nature. C’est à cause d’elle, de cette réalité totalement nouvelle qui refait entièrement notre moi, que le Fils unique de Dieu s’est incarné, qu’il a souffert, a été crucifié, est mort, a été enseveli, est descendu aux enfers… Mais qu’il est aussi ressuscité le troisième jour.

C’est pour cette raison-là que l’Esprit du Dieu Créateur et Rénovateur nous a été accordé, lui qui a parlé par les prophètes et dans l’Évangile, qui descendit au Jourdain et habita le cœur des saints élus. Il nous habitera aussi, pour faire de nous des sanctuaires purifiés de toute souillure, et nous accordera l’héritage « qui ne peut se corrompre ni se flétrir » (1 Pi 1.4).

« Ne savez-vous pas que vos corps sont le Temple du Saint-Esprit qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu et que vous ne vous appartenez pas à vous-mêmes », écrivait saint Paul aux chrétiens de l’Église de Corinthe (1 Co 6.19), et à leur suite, à tous les hommes de la foi. À vous aussi, ami chrétien, mon frère, amie chrétienne, ma sœur qui persistez contre vents et marées à confesser avec l’Église universelle : « Nous croyons en l’Esprit Saint. »

Notes

1. Emil Brunner.

2. A. Westphal.