Jacques 5 - Égarement et salut
Jacques 5 - Égarement et salut
« Mes frères, si quelqu’un parmi vous s’est égaré loin de la vérité, et qu’un autre l’y ramène, sachez que celui qui ramène un pécheur de la voie où il s’était égaré sauvera une âme de la mort et couvrira une multitude de péchés. »
Jacques 5.19-20
Dans les paragraphes précédents, Jacques a parlé de la maladie. Il existe un adversaire pire que la maladie : c’est l’abandon de la vérité. C’est une chose très importante que de pouvoir aider un malade à guérir; c’est incomparablement plus important et plus utile de pouvoir aider même un seul homme à renoncer à son égarement et à retrouver le chemin de la vérité.
Qu’est-ce que la vérité? Jacques ne donne pas de définition. Il part du principe que dans l’Église l’on sait ce qu’est la vérité. La vérité ce n’est pas ce que je tiens moi-même pour vrai; la vérité n’est pas une chose, mais une personne. C’est la personne de Jésus-Christ. Il a dit de lui-même : « Je suis la vérité » (Jn 14.6).
Devant Dieu, nous ne sommes que « des pauvres pécheurs, nés dans la corruption et incapables par nous-mêmes de faire le bien, et que tous les jours et de plusieurs manières nous transgressons la loi de Dieu », ainsi que le dit l’admirable prière réformée de confession des péchés. Mais il est tout aussi vrai que ce Dieu détourne son regard de notre péché, le rejette derrière lui et le couvre pour éviter que nous recevions la punition qu’il mérite. C’est à ce geste que nous devons notre salut. Ce geste, c’est l’œuvre de Jésus-Christ. Au Calvaire, il nous a protégés en versant son sang, luttant seul contre le jugement éternel de Dieu. Il a payé là le prix qu’aucun de nous ne pouvait payer, tant il est élevé.
C’est de cette vérité que nous vivons. Nous le savons tous, mais il ne suffit pas de le savoir, il faut encore croire qu’il y a un pardon en Christ. Nous devons avoir la certitude du salut, de la vie éternelle, afin de pouvoir dire comme saint Paul : « Je suis persuadé que ni la mort ni la vie […] ne pourront nous séparer de l’amour de Dieu, manifesté en Jésus-Christ, notre Seigneur » (Rm 8.38-39). Nous devons saisir cette vérité nous-mêmes, de telle sorte que notre vie soit fondée en lui. C’est à cela que Jacques faisait allusion, quand au premier chapitre de sa lettre il disait qu’il ne suffit pas d’écouter la Parole de Dieu, mais qu’il faut encore la mettre en pratique.
Dans ces deux derniers versets de son épître, Jacques revient, une fois encore, sur ce même sujet pour montrer, en guise de conclusion, quel est le chemin qui conduit à la certitude du salut. C’est vraiment un chemin remarquable. La certitude du salut est une très grande grâce qui nous est offerte. Nous, hommes de notre siècle, malgré nos épreuves et bien que nous soyons sans grande importance, nous aussi nous pouvons devenir d’heureux enfants de la grâce de Dieu.
Comment cela est-il possible? Vous connaissez la vérité, répond Jacques, vous savez que Jésus-Christ est là pour vous, vous savez que vous pouvez et que vous devez vivre par lui et pour lui; mais cette connaissance reste inefficace, parce qu’elle reste beaucoup trop intellectuelle. La grâce ne signifie pas grand-chose si l’on n’en vit pas. Regardez autour de vous! Il y a là autour tant d’hommes qui ne connaissent ni la vérité ni la grâce parce que personne ne leur en a parlé correctement… Ils ne l’ont jamais rencontrée. Ils ignorent même s’ils ont besoin de grâce; alors ils passent à côté, en suivant les indications des hommes. Ils ne prient pas, ils ne lisent pas la Bible, ils ne fréquentent pas le culte. Ils ne sont pas heureux, car quelque chose n’est pas en règle dans leur vie. Les problèmes de notre temps les font souffrir; ils sont déchirés à la pensée que notre monde va si mal. Ils prétendent parfois qu’ils ne peuvent croire qu’il y ait un Dieu à cause des horreurs qui se passent dans le monde. Ils vivent sans but, sans salut.
Jacques nous dit : Allez vers les hommes, dites-leur ce que vous savez; dites-leur la vérité. Apprenez-leur que Dieu vit, qu’il est plein de bonté, plein de miséricorde, qu’il est votre espérance et votre salut. Même lorsque nous traversons des temps difficiles, nous devons nous rappeler constamment que Dieu vit, que nous sommes ses enfants, qu’il est notre Père. C’est cela que vous devez leur dire. Vous aurez alors, avec les autres, l’assurance de votre salut. Vous saurez que vous êtes sauvés, que Jésus-Christ a payé le prix de ce salut, qu’il ne vous a pas abandonnés. Il arrivera alors qu’en détournant les autres du chemin de l’erreur vous serez sauvés vous-mêmes de la mort; vos péchés vous seront pardonnés.
En nous envoyant vers les autres, Jacques ne complique-t-il pas les choses? N’arriverions-nous pas plus rapidement à cette assurance du salut en lisant simplement nos Bibles? À vivre chacun pour soi, en participant au culte et à la sainte Cène, moyens pour connaître la grâce et la consolation de Dieu? Il est, bien sûr, indispensable que nous soyons consolés les tout premiers si nous voulons consoler les autres. Mais nous ne devons en aucun cas garder pour nous seuls la consolation, la vérité et la grâce, comme l’on garde enfermé dans un coffre-fort un capital improductif. Ce serait avoir une foi morte. Il est évident que l’on ne peut thésauriser la vérité de Dieu comme on thésaurise des billets de banque.
Tel est le conseil que Jacques nous donne ici. Si notre foi est insignifiante, si nous n’avons aucune assurance de notre salut, si nous sommes incapables de prier correctement, si la Bible ne nous dit plus rien, nous devons nous poser la question de savoir si cela ne vient pas du fait que tout ce que nous avons reçu de Dieu, nous l’avons gardé jalousement pour nous…
Pour saisir toute l’importance de ce conseil, il faut encore ajouter une autre chose. Nous avons certainement tous essayé, une fois ou l’autre, de transmettre la vérité et la consolation qui nous avaient été données. Mais nous avons fait l’expérience que nous n’y parvenions pas. L’autre était là, face à nous avec sa souffrance, avec sa maladie, avec ses péchés… et tout cela était si lourd, si sombre, si confus, que tous nos encouragements, que toute notre consolation n’y pouvaient rien. À la misère de l’autre s’ajoutait encore notre propre misère. Et nous étions perplexes et abandonnés en face d’un homme lui-même perplexe et abandonné. Et pourtant, paradoxalement, c’était là une bonne situation, car nous avons découvert, l’un et l’autre, que nous avions besoin de secours, non du secours qui viendrait de nous, mais bien du secours que Dieu offre. Comme une lumière éclate dans la nuit, ainsi nous fut révélée toute la puissance de la grâce de Jésus-Christ.
Tel est le but que veut atteindre Jacques en nous donnant ce conseil. La détresse de l’autre doit devenir notre propre détresse. Alors nous pouvons ensemble nous décharger sur Jésus, qui a porté toute notre misère, qui s’est chargé de tout notre péché. Chaque fois que nous parlons à notre prochain du salut et de la grâce, nous nous exposons au jugement, nous dévoilons qui nous sommes. Mais Dieu supprime notre insuffisance et notre faute, il n’en tient rigueur ni à notre prochain ni à nous-mêmes. Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu. C’est Dieu seul qui nous plonge dans la détresse et nous en fait ressortir. Dieu seul peut sauver et délivrer de nos péchés. Seule la Parole de Dieu lie et délie. L’erreur d’une certaine confession auriculaire est de laisser à un homme le pouvoir de dire : « je t’absous », « je te pardonne ». Or, ce qui est important dans la confession évangélique, c’est que le pasteur et le fidèle se tiennent ensemble sous le regard de Dieu et s’attendent ensemble au pardon qui vient d’en haut.
Nous devons le dire, le proclamer, l’annoncer aux autres. Il est possible aux hommes, malgré les temps que nous vivons, d’entendre l’appel de Dieu. C’est au monde asservi au péché et menacé par la mort que Dieu offre la grâce. Nous avons le devoir de transmettre aux autres cette Bonne Nouvelle. Il n’est pas nécessaire d’imaginer des choses extraordinaires. Mais « si quelqu’un s’est égaré loin de la vérité… », alors nous devons nous préoccuper de lui, ce prochain égaré loin de la vérité, qui ne comprend pas son Dieu, qui ignore qu’il a besoin de Jésus-Christ, qu’il lui est plus indispensable que son pain quotidien, que c’est pour lui aussi qu’il est mort et ressuscité. Alors nous ne pouvons plus l’abandonner, ce prochain, nous restons à ses côtés pour croire et pour prier pour lui, ayant l’assurance que la grâce de Dieu a tout pouvoir sur le monde entier. Jésus est vainqueur; il le reste éternellement. Tel est le message essentiel de la lettre de Jacques.