Cet article a pour sujet la corruption de l'homme qui est esclave du péché et mort spirituellement, comme Martin Luther l'a enseigné à la suite de la Bible, contre Érasme.

Source: Souveraineté de Dieu et responsabilité de l'homme. 4 pages.

La corruption de l'homme

  1. Le monde corrompu
  2. L’homme : libre ou esclave?
  3. Que dit la Bible?
  4. Est-ce que la Bible exagère?
  5. Est-ce morbide?
  6. Annexe 1 – Martin Luther et la liberté
  7. Annexe 2 – Le marchandage

1. Le monde corrompu🔗

J’ai utilisé l’expression « dans ce monde tel qu’il est devenu » pour rappeler que la réalité actuelle, même quand elle semble aller bien (quand on est en bonne santé, etc.), même quand elle est belle (les fleurs, les papillons, etc.), n’est pas telle que Dieu l’a créée. L’Ecclésiaste décrit bien le monde créé par Dieu, avec les rivières qui vont à la mer et la mer qui n’est jamais remplie, etc. (Ec 1.7), mais il décrit une création « soumise à la vanité » (Rm 8.20)1, soupirant et attendant une condition meilleure (Rm 8.18-23). C’est le réalisme de la Bible!

Dire cela ne contredit pas le principe de la souveraineté de Dieu. Nous l’avons vu en parlant de la providence de Dieu : Dieu est bien souverain sur toutes choses, bien que les hommes ont choisi de vivre selon leurs propres pensées, avec toutes les conséquences que cela entraîne2. Par exemple, Jésus n’est pas venu… quand il a pu, mais « au temps marqué » (Rm 5.6). L’Écriture témoigne bien de cette double réalité : la souveraineté de Dieu et la responsabilité de l’homme. Il arrive aux hommes conformément à leurs choix3; et cependant, Dieu demeure souverain sur toutes choses. Tout est dans sa main (Ps 95.4; Pr 16.7; Dn 5.23).

2. L’homme : libre ou esclave?🔗

L’étendue et la portée de la corruption consécutive à la désobéissance de l’homme n’ont pas été perçues par tous de la même manière.

Au début de la Réforme, un débat a opposé Érasme et Luther à ce sujet. Érasme considère que le péché souille l’homme et l’amoindrit dans ses facultés, sans cependant le corrompre entièrement. Il demeure en l’homme une certaine capacité à faire le bien, capacité qui peut être développée par l’étude et la religion. Érasme a développé sa pensée dans un livre appelé Du libre arbitre. La position de Luther est différente : il considère que la conséquence du péché n’est pas une maladie, mais bel et bien une mort, et que de cette mort rien de bon ne peut venir si Dieu ne le suscite par sa grâce. Ce point est extrêmement important. Luther a exposé sa pensée dans un livre appelé Du serf arbitre. Toute la pensée de la Réforme, en opposition avec la théologie du Moyen Âge finissant, s’est appuyée sur cette compréhension-là4.

Rompant avec tous les schémas religieux traditionnels, avec les idées de mérites et de marchandages incertains, Luther pense que l’homme ne peut pas coopérer le moins du monde à son salut, étant captif du péché5. Cette pensée est-elle totalement nouvelle? C’était celle de saint Augustin (354-430) qui écrit, dans son livre Contre Pélage : « Une action que nous appellerions bonne sur le plan humain ne peut être considérée comme méritoire devant Dieu. » Calvin comme Luther suivront Augustin : leur regard sur l’homme peut être considéré comme « pessimiste », mais ce qui en découle, c’est un recours total à Dieu de qui procèdent « toute grâce excellente et tout don parfait » (Jc 1.17). Est-ce un détail? Pas du tout. La piété qui est nourrie par cette pensée n’est plus tournée vers l’homme et ses efforts, mais vers Dieu et sa gloire. « C’est de lui, par lui, et pour lui que sont toutes choses. À lui la gloire dans tous les siècles! Amen! » (Rm 11.36).

3. Que dit la Bible?🔗

La Bible dit-elle que l’homme est amoindri par le péché? Dieu avait dit à Adam : « Si tu en manges, tu mourras!6 » (Gn 2.17). Paul écrit :

« Vous étiez morts par vos offenses et par vos péchés. […] Mais Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions morts par nos offenses, nous a rendus à la vie avec Christ! Il nous a ressuscités ensemble » (Ép 2.1, 4-5). Avant d’ajouter : « Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu » (Ép 2.8).

Je cite Charles Spurgeon (1834-1892) :

« Je suis attaché à la doctrine de la dépravation totale du cœur humain, parce que je trouve mon cœur dépravé, et j’ai chaque jour des preuves qu’il n’y a rien de bon dans ma chair. »

L’apôtre Paul le dit avec d’autres mots : « L’homme naturel [psychique] ne reçoit pas les choses de l’Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui : il ne peut les connaître » (1 Co 2.14). La Bible, dans ce texte, montre qu’il n’y a pas seulement une distance qui s’est instaurée entre Dieu et les hommes, distance qui pourrait se résorber peu à peu. Il y a une séparation, voire une opposition.

4. Est-ce que la Bible exagère?🔗

Elle est comme un miroir dans lequel l’homme découvre ce qu’il est réellement (Jc 1.22-24). Je cite Paul :

« Il n’y a pas de juste, pas même un seul. Nul n’est intelligent, nul ne cherche Dieu. Tous sont égarés, tous sont pervertis. Il n’en est aucun qui fasse le bien, pas même un seul » (Rm 3.11.12).

Je le cite encore :

« Ils ont l’intelligence obscurcie, ils sont étrangers à la vie de Dieu, à cause de l’ignorance qui est en eux, à cause de l’endurcissement de leur cœur. Ayant perdu tout sentiment, ils se sont livrés à la dissolution, pour commettre toute espèce d’impureté jointe à la cupidité » (Ép 4.18-19)7.

5. Est-ce morbide?🔗

Non, car à la radicalité du mal va correspondre la radicalité du secours de Dieu! Cette compréhension du message biblique, dans sa radicalité, contrarie fortement l’ambition innée de l’homme à trouver par lui-même le remède à ses problèmes8. Pour celui qui reçoit ce message, c’est le nécessaire constat d’un échec et d’une très grande humiliation. « Ô homme, toi plutôt, qui es-tu pour contester avec Dieu? Le vase d’argile dira-t-il à celui qui l’a formé : Pourquoi m’as-tu fait ainsi? » (Rm 9.20). Cette humiliation, cependant, est à même de dissuader l’homme de se confier en lui-même en vue de trouver en Dieu le salut dont il a besoin. En réalité, plus l’homme (se) sera humilié, c’est-à-dire dépossédé de toute illusion, de toute prétention, plus il pourra être enrichi par Dieu sans que cela soit pour sa perte… C’est bien ce que montre l’Écriture tout au long. « L’humilité précède la gloire » (Pr 15.33; 1 Pi 5.6)9.

6. Annexe 1 – Martin Luther et la liberté🔗

Je cite les paroles d’un cantique écrit par Luther (Nun freut euch, lieben Christen g’mein), toujours chantées aujourd’hui :

« J’étais prisonnier du diable, perdu dans la mort.
Le péché, dans lequel je suis né, me torturait nuit et jour.
Je m’enfonçais de plus en plus. Il n’y avait rien de bon dans ma vie.
Le péché avait pris possession de moi. »

Luther écrit dans le traité Du serf arbitre de 1525 que la liberté est, d’abord et exclusivement, un attribut de Dieu.

« Le libre arbitre [la liberté] est un attribut divin et ne peut convenir qu’à la majesté divine. Celle-ci, en effet, comme le chante le psalmiste, peut faire et fait tout ce qu’elle veut au ciel et sur la terre. Attribuer [le libre arbitre] aux hommes, ce serait leur attribuer la divinité, c’est-à-dire proférer le plus grand blasphème que l’on puisse concevoir. »

7. Annexe 2 – Le marchandage🔗

Je lis dans une brochure catholique récente :

« Néanmoins, afin de respecter notre liberté au risque de nous perdre, Dieu a créé un monde où des créatures imparfaites, mais perfectibles peuvent, en choisissant leur manière de vivre, choisir aussi leur devenir. »

D’un point de vue strictement rationnel, horizontal, cela paraît réaliste. Mais la Bible dit autre chose : Dieu n’a pas créé des hommes imparfaits en espérant qu’ils parviendraient à s’améliorer. Cette vision-là ressemble plutôt à celle des mythologies païennes…

Un peu plus loin, dans la même brochure, on lit :

« Même nos efforts et nos bonnes actions sont conditionnés par notre vitalité, par notre énergie! Par nous-mêmes, nous n’avons peut-être que le mérite de choisir de faire ce qui est bien, en conformité avec nos convictions! »

Notes

1. Le mot vanité, en hébreu, peut être traduit par vapeur, buée.

2. On peut dire ici que Dieu limite les conséquences du mal, sans pour autant les empêcher.

3. « Puisqu’ils ont semé du vent, ils moissonneront la tempête » (Os 8.7).

4. Voir l’annexe 1 sur Martin Luther et la liberté.

5. Voir l’annexe 2 sur le marchandage.

6. L’hébreu dit : « Mourir, tu mourras », pour marquer une forte insistance. Quand un chêne ou un hêtre brûlent dans un incendie, la vie peut repartir de ses racines. Mais quand un pin brûle, la racine elle-même est brûlée.

7. Paul nous oblige à réfléchir quand il affirme qu’un homme pourrait distribuer tous ses biens pour la nourriture des pauvres… sans amour (1 Co 13.3). Concernant la corruption de l’homme, voir l’article intitulé La souveraineté de Dieu et la responsabilité humaine selon la Confession de foi de La Rochelle.

8. Cette réticence est assez nettement visible dans le catholicisme (héritier d’Érasme et de la scolastique), dans le protestantisme libéral attaché à une forme de rationalisme, mais aussi dans certaines Églises évangéliques.

9. « La crainte de l’Éternel enseigne la sagesse, et l’humilité précède la gloire » (Pr 15.33). « Avant la ruine, le cœur de l’homme s’élève; mais l’humilité précède la gloire » (Pr 18.12).