Jean 3 - Le sens du baptême
Jean 3 - Le sens du baptême
« L’homme peut maintenant changer l’homme lui-même. Il peut changer les organes de son prochain et le faire vivre avec le rein, la moelle osseuse, parfois le cœur d’autrui. Il reconnaît les fondements biologiques du comportement. Bien plus, il peut, par de puissantes médications chimiques, modifier ce comportement, modifier le système nerveux. Il peut régler la procréation avec la surprenante conséquence que, dans un proche avenir, l’amour et la fonction de la reproduction seront entièrement dissociés. On ne parviendra pas avant longtemps à fabriquer à volonté Mozart, Hitler ou des champions de saut en longueur, mais bientôt on pourra modifier le programme génétique, en corriger les défauts, y glisser des suppléments. »
Telles sont quelques-unes des affirmations du professeur Jean Bernard, de l’Académie française, dans un livre intitulé L’homme changé par l’homme.
« Cette triple maîtrise, maîtrise génétique, maîtrise du système nerveux, suscite à la fois l’espoir et l’inquiétude. À nouveaux pouvoirs de la science, nouveaux devoirs de l’homme. Comment orienter ces pouvoirs? Comment définir ces devoirs? Ne vaut-il pas mieux essayer de fixer les règles d’une médecine efficace qui appliqueraient les découvertes des biologistes en restant, même au 21e siècle, humains et adaptés à chaque personne? »
Telles sont aussi les questions que pose, et se pose, le savant français.
L’homme changé par l’homme? Permettez-moi de poser à mon tour une autre question. De quel homme s’agit-il? De celui qui, grisé par ses succès, ivre de gloire, est ambitieux au point que dans sa démesure il tente même de se substituer à Dieu, le Créateur du ciel et de la terre? Cet homme-là sait-il que l’essentielle limite n’est pas entre son pouvoir et ses devoirs, entre son ignorance de jadis et la somme des connaissances acquises, mais entre la nature humaine, ou « chair », et cette autre nature qui, selon Jésus, est nouvelle, donnée par l’Esprit divin? Le vrai changement, le changement radical, la nouveauté totale sont extérieurs à l’homme. Seul le miracle de la grâce peut les produire. Il s’appelle régénération, c’est-à-dire une naissance toute nouvelle.
Imaginons pourtant, ne serait-ce qu’un instant, que l’hypothèse scientifique d’une prodigieuse programmation de la vie se réalise et que des savants, après de longues et patientes recherches, parviennent à créer dans leurs laboratoires, non plus une seule cellule vivante, mais les millions de cellules qui constituent l’organisme vivant du corps humain; que les millions de neurones du cerveau humain, les molécules qui en agencent le fonctionnement s’assemblent, et que même les bébés-éprouvette ne soient plus le produit d’une fiction, mais commencent à peupler nos jardins d’enfants et bientôt la planète. Il ne s’agit que d’une hypothèse bien audacieuse, sans doute utopique, du moins je l’espère, car, dois-je l’ajouter, un tel projet me glace d’effroi. Ce serait une perspective de cauchemar que d’envisager un seul instant que les bocaux des biologistes, avec leurs savantes combinaisons chimiques, puissent produire non pas des Mozart, mais plutôt des êtres déshumanisés en série, plus proches d’un Hitler que d’un génie bienfaiteur.
Les problèmes d’éthique soulevés par la science moderne sont des problèmes que nul n’a le droit d’ignorer, tant ils sont terrifiants. Mais je ne m’attarderai pas sur l’aspect pratique et moral d’un tel projet et je reviendrai à ma première question : De quel homme s’agira-t-il?
En réalité, cette question nous est posée d’une manière directe par Jésus-Christ. Et pour des millions de chrétiens comme moi, sa personne n’est pas n’importe quelle personne. Il est le Fils de Dieu, la Source de toute vie, le Cerveau organisateur de l’univers tout entier.
Dans l’interview qu’il accorda à son illustre interlocuteur, le juif Nicodème venu lui poser des questions importantes, Jésus affirme sans perdre de temps que l’homme doit naître de nouveau. D’en haut, précise-t-il. De l’Esprit de Dieu. « Car ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est Esprit » (Jn 3.6).
Chair et Esprit, contraste radical qui va subsister jusqu’à la fin des siècles. Ici, sur ce terrain-là, aucune découverte scientifique et aucune modification biologique ne peuvent exercer une influence quelconque. Nous sommes chair, chair et néant, chair mortelle pétrie de péché et de corruption sujette à l’impératif catégorique résonnant tout au long de l’histoire humaine : « Il faut que vous naissiez de nouveau » (Jn 3.7). Si, par exemple, en l’an deux mille et quelques l’homme avait réussi à réaliser ce que les auteurs contemporains ont anticipé par leur imagination, je veux dire la création artificielle d’êtres humains tels que les décrivait Aldous Huxley dans Le meilleur des mondes, ce type d’homme aurait encore et toujours besoin d’une régénération radicale. Je ne fais pas là de la science-fiction et encore moins de la théologie-fiction. Mais à science anticipée, je propose une évangélisation anticipée. Car l’Évangile demeure la seule véritable puissance rénovatrice.
Jusqu’à la fin des siècles l’homme, dut-il naviguer dans l’espace, poser ses pieds sur des galaxies lointaines en y installant des ordinateurs, l’homme devra entendre, encore et toujours, l’Évangile du repentir et de l’humilité autant que son ancêtre d’il y a deux mille ans, celui du Moyen Âge, ou celui du 20e siècle. Son problème fondamental demeurera le même, car tel un amnésique ne sachant d’où il vient ni où il va, il doit apprendre ce qu’est le salut en Jésus-Christ et renoncer à soi-même, mourir avec le Christ pour renaître dans sa résurrection, être régénéré d’en haut par la puissance de l’Esprit Saint pour retrouver son identité première, celle que Dieu lui avait accordée aux origines de la création. C’est là le véritable changement, le changement radical qui transformera l’homme de fond en comble.
C’est de cette transformation que le baptême nous parle. « Nous avons donc été ensevelis avec lui dans la mort par le baptême, afin que, comme Christ est ressuscité d’entre les morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie » (Rm 6.4). Il s’agit de notre baptême personnel. Je ne m’arrêterai pas ici à son mode d’administration ni à des traditions ecclésiastiques particulières. Elles sont secondes par rapport au message contenu dans cet acte chrétien qui scelle la Parole de Dieu et confirme l’impératif catégorique de Jésus. Le baptême chrétien, et je suis persuadé qu’un lecteur des Écritures, quelles que soient certaines de ses opinions, ne mettra pas en question ce sens premier, est le signe de l’action radicale et miraculeuse appelée « la nouvelle naissance ».
La régénération n’est donc pas l’équivalent d’un changement biologique, d’une modification du caractère ou d’un progrès moral, ni du vernis de la culture, c’est une rupture totale avec notre chair et notre moi pour faire de nous des êtres tout autres, ceux que Dieu seul, par son Esprit et par son Fils, a recréés. Notre baptême n’est pas la cause mystérieuse de la vie nouvelle, mais la représentation de la grâce de Dieu, le signe et le sceau de l’alliance qu’il a conclue sur la croix.
C’est l’attestation selon laquelle nous participons par la foi au Vendredi saint et au matin de Pâques que nous devons chaque jour devenir ce que nous sommes déjà en Christ, la pierre angulaire. Elle nous appelle constamment vers lui, à nous convertir à lui, à nous engager à son service. De tout ceci, le baptême est le puissant rappel. Il est moyen de grâce.
Est-ce donc peu de chose que votre baptême? Pourriez-vous désormais l’assimiler à un simple rite? Ou bien le ranger parmi les affaires dont traitent les statistiques journalistiques? Il suppose, vous venez peut-être de l’apprendre, la foi personnelle au Sauveur divin.
De toute manière, il appelle votre foi, même et surtout si, enfant de parents croyants, vous en avez été bénéficiaires. Il n’existe aucune page dans l’Évangile dans laquelle on puisse dissocier un acte, un rite, de l’engagement de la foi personnelle.
Le baptême sociologique c’est du folklore, c’est même encore pire que cela. Reçu dans l’inconséquence spirituelle, il est le plus grand blasphème que vous pourriez proférer contre celui qui tient à vous régénérer et qui vous appelle à le suivre.
Qu’en est-il donc de votre baptême? Ce baptême que vous avez oublié, ignoré ou méprisé? Dieu, lui, n’oublie pas qu’un jour vous avez été appelé par votre nom personnel à suivre le bon Berger qui a donné sa vie pour ses brebis. Les racines de votre vie descendent plus profondément que ne le laissent supposer la recherche du savant et les expériences des laboratoires biologiques. Dieu vous connaît avant que personne d’autre ne vous connaisse. « C’est toi qui as formé mes reins, qui m’as tenu caché dans le sein de ma mère. […] Mon corps n’était pas caché devant toi, lorsque j’ai été fait en secret » (Ps 139.13,15).
L’auteur de ce Psaume 139 révèle à nos yeux ce que la science moderne vient de nous apprendre sur l’individualité absolument unique de l’être humain. Écoutez Jean Hamburger, auteur du livre L’Homme et les hommes :
« Voilà l’homme, une étrange espèce vivante. Une espèce en qui, selon la règle générale, chaque individu a son originalité propre, personnelle, unique… nos enfants ne nous ressemblent pas tout à fait autant, parfois, que nous le voudrions… Ainsi naît peu à peu l’image que nous pouvons nous faire de notre originalité personnelle. Les marqueurs de nos cellules, les HLA; chaque homme a sur sa cellule six marqueurs, trois de sa mère, et trois autres de son père. Voilà donc un premier modèle d’originalité qui suffirait à lui seul à expliquer que deux hommes différents ont peu de chance d’être chimiquement semblables. Les marqueurs de la personnalité, ceux qui différencient l’individu de tous les autres individus de la même espèce, nous sont donnés dès notre naissance; que dis-je, dès notre conception, sous forme d’un patrimoine héréditaire fort compliqué… ont fini par aboutir à la création de l’individu considéré… »
C’est une chose merveilleuse que d’être soi-même! C’est une chose extraordinaire que de se savoir irremplaçable. Et c’est un miracle de la grâce d’apprendre que Dieu s’occupe de vous. À sa manière, votre baptême en parle. Le baptême chrétien ne supporte pas de désinvolture. Alors, il faut naître d’eau et d’Esprit, ainsi que le dit Jésus-Christ.