Jude 1 - L'auteur de l'épître de Jude
Jude 1 - L'auteur de l'épître de Jude
« Jude, serviteur de Jésus-Christ et frère de Jacques, à ceux qui sont appelés, aimés en Dieu le Père et gardés pour Jésus-Christ, que la miséricorde, la paix et l’amour vous soient multipliés! »
Jude 1.1-2
Depuis deux mille ans, personne n’a porté ce nom qui évoque l’un des actes les plus vils de l’histoire de l’humanité. Ce nom est devenu anathème, malédiction. Néanmoins, il a plu à celui qui a inspiré les auteurs de nos livres canoniques de choisir un autre Judas, afin que par son intermédiaire nous parvienne un avertissement solennel contre les apostasies ultérieures. Sa parénèse, à la fois exhortation et réconfort, l’emporte sur l’apostasie la plus rebelle, la plus obstinée, la plus radicale.
Peu de choses en disent autant sur un homme que la manière dont il parle de lui-même. Jude se dit le frère de Jacques. Sans doute s’agit-il du Jacques qui est considéré comme l’une des principales colonnes de l’Église de Jérusalem, l’un des quatre frères de notre Seigneur. Il ne s’agit donc pas de l’apôtre Jacques, frère de Jean et membre du collège des Douze, décapité sous Hérode Agrippa I, petit fils de Hérode le Grand. Il ne faut pas confondre ce dernier avec Hérode Antipas des Évangiles ni avec Hérode Agrippa II qui apparaît lors du procès de Paul dans Actes 25.13; celui-ci est le Hérode dont il est question dans Actes 12.13 et qui est mort en l’an un de notre ère.
Le Nouveau Testament mentionne plusieurs personnes portant ce même nom :
- Judas Iscariote qui trahira le Seigneur;
- Jude, l’un des frères de Jésus et de Jacques, Joses et Simon (Mt 13.55; Mc 6.3);
- Jude, fils de Jacques, un apôtre qui n’est pas l’Iscariote (Lc 6.16; Jn 14.22);
- Judas le Galiléen (Ac 5.37);
- Judas, qui a reçu Paul chez lui après sa conversion (Ac 9.11);
- Jude, appelé Barsabbas (Ac 15.22,27,32).
Il est généralement admis qu’il s’agit de Jude, le frère de Jacques, par conséquent l’un des frères de Jésus. D’ordinaire, on déclare être « le fils de », et on nomme son père; mais Jude se dit le frère de Jacques, celui qui occupe une position élevée dans l’Église et qui est reconnu comme l’auteur d’une autre épître. Jude de même que Jacques ne font pas partie du collège des Douze.
Le Nouveau Testament mentionne cinq personnes portant le nom de Jacques :
- Jacques, le fils de Zébédée et le frère de Jean (Mt 4.21; 10.2; Mc 10.35; Ac 12.2);
- Jacques, le fils d’Alphée (Mt 10.3; Lc 6.15);
- Jacques, le mineur (Mc 15.40);
- Jacques, le père de Jude (Lc 6.16; Ac 1.13);
- Jacques, le demi-frère de notre Seigneur (Mt 13.55; Mc 6.3; Ga 1.19).
Au début du ministère public de Jésus, aucun de ses frères, pas plus que d’autres membres de sa famille, ne crut en sa mission messianique (voir Jn 7.5). Ce ne fut que bien plus tard que Jude, à son tour, vint à la foi. Nous n’avons pas d’autres renseignements sur sa personne, excepté ce qui est dit dans 1 Corinthiens 9.5, où il apparaît comme un homme marié et comme un missionnaire itinérant. En revanche, les témoignages relatifs à sa lettre sont nombreux. Des théologiens de la première comme de la deuxième génération, tels Tertullien, Origène et Jérôme, le mentionneront dans leurs écrits. D’après Jérôme, la raison de son inclusion plutôt tardive dans le canon s’explique par le fait que la lettre contient des allusions à des écrits apocryphes et pseudépigraphes, même s’il ne s’en inspire pas ni ne les tient pour canoniques. Nous notons également avec les anciens auteurs chrétiens que le langage de Jude est proche de celui des livres apocalyptiques.
Jude est le seul écrivain du Nouveau Testament qui nous donne une précision quant à ses liens familiaux. Il pourrait souligner sa parenté personnelle avec Jésus, mais il ne le fait pas, par modestie sans doute. On peut supposer que son association avec Jacques lui fournit l’occasion de faire reconnaître son écrit, d’établir son autorité et d’être considéré digne d’être reçu et respecté.
S’il n’écrit pas explicitement qu’il est le frère de Jésus, il ne manque pas d’établir un lien d’une nature différente avec le Seigneur. Il se déclare serviteur, « doulos » de Jésus-Christ et non « uperètes », aide ou assistant (consulter pour « doulos » les passages suivants : Rm 1.1; 1 Co 7.22; Ga 1.10; Ép 6.6; Ph 1.1; Col 4.12; 2 Tm 2.24; Jc 1.1; 2 Pi 1.1).
L’arrière-plan de ce terme est pourtant honorifique, l’équivalent du terme juif qui désigne des conducteurs tels qu’Abraham (Ps 105.42), Moïse (Né 1.7; Ap 15.3), David (Ps 89.4); Daniel (Dn 6.21). Il peut parfois être appliqué à des chrétiens (1 Pi 2.16; Ap 7.3) ou utilisé par les apôtres (Tt 1.1).
Littéralement, le terme original grec « doulos » signifie esclave. Jude se lie donc à sa racine. Il semble que cette relation spirituelle soit bien plus importante à ses yeux que les liens du sang qui l’unissaient au Sauveur. Rappelons-nous qu’au Calvaire, en confiant sa mère à Jean, le disciple bien-aimé, le Sauveur crucifié prenait définitivement distance par rapport à sa famille naturelle. Il subordonnait les liens naturels à la communion spirituelle; désormais, sa mère deviendrait un membre ordinaire de l’Église et, comme tout autre membre, elle devrait se soumettre à l’autorité apostolique. La même subordination des liens familiaux à la relation spirituelle est en vigueur à cet endroit. Le frère de Jésus selon la chair rend clair, une fois de plus, cet ordre de choses. Le passage laisse entendre que l’auteur prend distance par rapport aux liens humains, pourtant bien réels, qui l’ont uni à Jésus, pour s’attacher au Christ de la foi, le Seigneur universel, afin de mieux témoigner de lui et de mieux le servir. Il parle du Christ à la manière dont l’Ancien Testament traitait Jahvé. Ainsi, il souligne davantage le caractère absolu de sa consécration que la force contraignante de son service.
Même si l’appellation de « doulos » qu’il se donne constitue de sa part la preuve d’une véritable humilité, elle n’en est pas moins le signe, la marque suprême de la dignité de sa personne, de la fonction qu’il exerce et de la mission qu’il accomplit.
Tout disciple authentique du Christ est d’ailleurs son serviteur, son « doulos ». Ayant été affranchi du joug et de la tyrannie dégradante de son moi, il choisit de se placer désormais sous l’autorité de son Libérateur devenu son Maître incontesté, le « Despote » dont il sera question plus loin. Jadis proie de la mort, mais arraché à présent aux griffes de l’ennemi de son âme, racheté définitivement par le sang précieux du Sauveur, il a été transporté dans le Royaume de l’amour du Fils bien-aimé, à qui, dans une entière consécration, il doit soumission. Il lui appartient exclusivement tant dans la vie que dans la mort.