Les paradoxes de l'Écriture
Les paradoxes de l'Écriture
- Des contradictions?
- La tentation de l’hérésie
- Proposer des exemples
- Le monde est bouleversé
- L’intelligence selon Dieu
- Le bon usage de l’Écriture
1. Des contradictions?⤒🔗
Une des manières de ne pas recevoir ce que dit la Bible est de décréter qu’elle contient des contradictions. Son message ne serait donc pas homogène et on serait autorisé à choisir, dans ce qu’elle dit, ce qui nous paraît fiable, et à écarter ce qui ne le serait pas.
Or, une des affirmations fortes des réformateurs du 16e siècle, c’est au contraire l’unité profonde du message de la Bible; en fait, il y a un seul message, décliné de diverses manières selon les temps et les auteurs. Leur recommandation formelle est justement de ne pas choisir dans la Bible ce qui nous convient, de ne pas constituer, en quelque sorte, une Bible dans la Bible. Le pasteur Jean Cadier1 écrit :
« L’hérétique, c’est celui-là qui, dans la Parole, choisit si peu que ce soit la vérité conforme à ses circonstances et à celles de son époque, à son esprit, à son tempérament. »
Trouver des exemples observés ou personnels.
2. La tentation de l’hérésie2 ←⤒🔗
Le marcionisme3, par exemple, considérait que le message central de la Bible était l’amour de Dieu et qu’il fallait rejeter l’Ancien Testament. Remarquer combien cette attitude est fréquente aujourd’hui4. Mais n’est-ce pas aussi, d’une certaine manière, le problème des confessions qui retiennent tel ou tel aspect de l’Écriture pour le mettre en exergue, au risque de passer sous silence d’autres vérités tout autant bibliques?5
Par contre, il y a dans la Bible des paradoxes6, ou plus exactement des antinomies. Qu’est-ce qu’une antinomie? C’est une contradiction apparente, deux aspects opposés d’une même réalité7.
3. Proposer des exemples←⤒🔗
« Aucun malheur ne t’arrivera » (Ps 91.10). « Le malheur atteint souvent le juste, mais l’Éternel l’en délivre toujours » (Ps 34.20). Ce n’est pas pareil… Voir aussi Ps 91.14-15.
« Ne réponds pas à l’insensé selon sa folie. […] Réponds à l’insensé selon sa folie » (Pr 26.4-5). Là, c’est le style littéraire qui explique cette double affirmation.
Dans un même message, Jésus dit de « ne pas juger » (Mt 7.1) et de « ne pas jeter les perles devant les pourceaux » (Mt 7.6), ce qui revient à exercer un jugement…
La Bible — Jésus lui-même — demande aux disciples de devenir « comme de petits enfants » (Mt 18.3), mais aussi de « devenir des maîtres » (Lc 6.40) ou « des hommes faits » (1 Co 14.20). Est-ce conciliable?
Jésus est décrit comme un homme de douleur (És 53), mais il dit que sa joie est parfaite (Jn 15.11; 17.13). Que retenir?
Dans un seul verset, Jésus dit : « Soyez prudents comme des serpents et simples comme des colombes » (Mt 10.16). Comment est-ce possible? Faut-il choisir? Mais n’est-ce pas aussi une nécessité, en tout cas dans le monde tel qu’il est devenu?
Pour ne garder que ce dernier verset, remarquez combien les deux affirmations sont justifiées, nécessaires, chacune pour des raisons différentes, certes. En un sens, toute l’éducation des enfants y est contenue, mais aussi une grande partie de la tâche pastorale. Ce monde est dangereux et le chemin est parsemé de pièges. Combien la prudence est nécessaire : tout n’est pas vrai, tout n’est pas bon, surtout si cela brille… Et cependant, Dieu veille sur ceux qui le craignent, et il nous invite au repos : ne vous inquiétez pas du lendemain…
4. Le monde est bouleversé←⤒🔗
Une des raisons fondamentales qui explique cela, c’est que le monde n’est pas tel que Dieu l’a créé : il est bouleversé par la corruption. Cependant, Dieu n’en est pas absent. En un sens, ce monde fonctionne sans Dieu, et cependant Dieu demeure souverain sur tout ce qui arrive. Ainsi, nous pouvons lire que « la colère de Dieu se révèle du ciel contre toute injustice des hommes » (Rm 1.18); mais aussi que « la bonté de Dieu remplit la terre » (Ps 33.5). C’est un paradoxe.
C’est d’ailleurs pour cela que la foi n’est possible que par révélation, par un don de Dieu (Mt 16.16-17; Hé 1.1-2), et non pas par une déduction logique ou rationnelle.
« La dernière démarche de la raison, dit Pascal, est de reconnaître qu’il y a une infinité de choses qui la surpassent. […] Il n’y a rien de si conforme à la raison que ce désaveu de la raison » (Pensées 267 et 272).
5. L’intelligence selon Dieu←⤒🔗
Il y a donc une attitude empreinte d’humilité, de défiance par rapport à soi, de révérence vis-à-vis de Dieu, d’amour de la vérité, qui favorise ce que la Bible appelle l’intelligence, la compréhension des choses cachées.
« Enseigne-moi le bon sens et l’intelligence, car je crois à tes commandements. Avant d’avoir été humilié, je m’égarais; maintenant, j’observe ta parole » (Ps 119.66-67).
« La révélation de tes paroles éclaire, elle donne de l’intelligence aux simples. » (Ps 119.130). « Ne sois point sage à tes propres yeux » (Pr 3.7).
« Heureux l’homme qui a trouvé la sagesse, et l’homme qui possède l’intelligence! » (Pr 3:13).
« La crainte de l’Éternel est le commencement de l’intelligence, de la sagesse, de la science » (Ps 111.10; Pr 1.7; 9.10).
« Les hommes livrés au mal ne comprennent pas ce qui est juste, mais ceux qui cherchent l’Éternel comprennent tout » (Pr 28.5).
6. Le bon usage de l’Écriture←⤒🔗
Il ressort de tout cela que nous devons veiller à faire un bon usage de l’Écriture, en tenant compte du style littéraire (on n’interprète pas de la même manière les Psaumes, l’Évangile de Luc, la lettre aux Romains ou l’Apocalypse). En tenant compte du contexte et de l’intention de l’auteur. En évitant d’utiliser un texte pour lui faire dire ce qu’on veut8…
Notes
1. Jean Cadier fut un des principaux acteurs du Réveil de la Drôme (1923-1933). Je recommande la lecture de son livre Le matin vient.
2. Le mot grec eiresis signifie choisir.
3. Marcion, 85-160 apr. J.-C.
4. Voir l’article du professeur William Edgar : « La discipline dans l’Église et l’hérésie de l’amour », La Revue Réformée, Aix-en-Provence, no 137 (1984/1). Voir le théologien Eugène Drewermann : Dieu est amour, rien qu’amour.
5. Certains pasteurs, souvent de conviction calviniste, choisissent, pour éviter cette tentation, de pratiquer la « prédication séquentielle » du texte biblique (appelée aussi « prédication exposition ») : prêcher sur tout le texte biblique, passage après passage.
6. Le professeur Paul Wells le dit volontiers.
7. Il peut y avoir d’autres définitions de ce terme.
8. La « théologie de la prospérité », par exemple, ne retiendra que les textes prometteurs, souvent hors contexte. En général, une lecture rationnelle dit moins que le texte; une lecture « magique » dit plus que le texte… Je recommande le petit livre de John Stott : Pour une foi équilibrée (Excelsis, 2016).