Romains 6 et Apocalypse 21 - Qu'y a-t-il de neuf?
Romains 6 et Apocalypse 21 - Qu'y a-t-il de neuf?
« Nous avons donc été ensevelis avec lui dans la mort par le baptême, afin que, comme Christ est ressuscité d’entre les morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie. »
Romains 6.4
« Celui qui était assis sur le trône dit : Voici, je fais toutes choses nouvelles. Et il dit : Écris, car ces paroles sont certaines et vraies. »
Apocalypse 21.5
Deux mots du Nouveau Testament grec désignent ce qui est nouveau. « Kainos » traduit ce qui est neuf en nature, dans sa qualité et dans sa forme, tandis que « neos » indique ce qui est moderne, ce qui est neuf dans le temps.
La nouveauté de vie dont il est question dans l’Évangile, et notamment dans le texte de Paul, est celle de la vie radicalement neuve en sa qualité, mais aussi en sa forme renouvelée. C’est à elle que Jésus-Christ, assis sur son trône, se réfère dans son message adressé à l’Église : « Voici, je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21.5).
Dans l’Ancien Testament, la promesse de la nouveauté concernait l’Alliance. Elle sera, annonçait le prophète Jérémie, une Alliance nouvelle, écrite non sur la pierre, mais sur la chair de vos cœurs. Le Christ est la source unique, exclusive et définitive de cette nouveauté-là, aussi bien de celle prédite dans l’Ancien Testament que de celle annoncée et réalisée dans le Nouveau Testament.
C’est pourquoi il s’adresse à une Église particulière, celle de Laodicée, pour lui dire : « Je suis l’amen, le témoin fidèle et véritable, le commencement de la création de Dieu » (Ap 3.14). Le Christ est l’origine et la source de la nouvelle création, non pas au sens de premier, le premier d’une série, mais en tant que commencement absolu. C’est en lui et par lui que tout a été créé. Non pas en même temps que lui, mais à cause de lui, car il est l’Agent créateur de Dieu, sa Parole créatrice. Ceci est d’autant plus significatif que le Christ s’adresse à l’Église de Laodicée, celle qui, précisément, avait succombé à la tentation d’adorer des puissances et des autorités inférieures. « Tout a été créé par lui, et rien de ce qui est fait n’a été fait sans lui », rappelle l’Évangile de Jean (Jn 1.3).
C’est donc lui, Dieu le Fils, qui s’était engagé dans la création de telle sorte que celle-ci ne peut subsister, même pas un seul instant, en dehors de lui. Détachée de lui, elle ne peut être ni comprise ni interprétée. De la même manière, la nouvelle création, celle que nous attendons avec fermeté (même si pour l’instant un soupir profond s’échappe encore de nos cœurs), sera une création nouvelle, appelée par lui et à cause de lui. La Parole de Dieu, qui au commencement avait créé à partir du néant l’univers que voici, va créer à partir de la ruine du monde ancien une terre nouvelle et de nouveaux cieux. « Car il dit et la chose arrive » Ps 33.9). Les yeux émerveillés de notre foi reconnaissante s’élèveront au milieu des cendres et des ruines d’un univers consumé, et au milieu de la poussière et des ruines de cet univers périmé nous pourrons dire avec Job : « Oui, je sais, oui, nous savons que notre Rédempteur est vivant » (Jb 19.25).
Notre salut, les grâces qui se renouvellent chaque jour, la victoire que nous remportons sur le mal et sur le péché font partie de cette universelle régénération. Le nom donné à Jésus la garantit : Il est « celui qui sauvera son peuple de son péché » (Mt 1.21) et qui, Rédempteur et Rénovateur, l’affranchira de tout joug. Il démolit le mal, brise les chaînes de la maladie et va jusqu’à dévitaliser la force de la mort.
Des signes de cette nouveauté-là avaient déjà eu lieu à la naissance de l’enfant de Bethléem; Siméon, le prenant dans ses bras dans le temple, reconnaissait en lui le signe de Dieu clair, suffisant, nécessaire et définitif offert au regard des hommes. Il montrera à ceux venus l’interroger que le seul signe de liberté authentique, de salut total, de nouveauté radicale et de puissance réelle est sa personne et sa Parole, sa mort et sa résurrection. Le chant des anges le reconnaissait déjà : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, paix sur la terre parmi les hommes qu’il agrée » (Lc 2.14). Les anges ont chanté le dessein de Dieu et annoncé son bon plaisir, non celui des hommes. Dieu a entrepris de renouveler le monde et, comme signe authentique et sceau définitif, il a envoyé son Fils. Lui, qui était à l’origine de l’ancienne création, sera la source de la création nouvelle et finale, d’une création parfaite, tant dans sa nature que dans sa forme; création qui n’est rien de moins que le fruit de sa mort sur le Calvaire et de sa victoire sur la tombe. Parce qu’il a purifié nos souillures et qu’il a écrasé le prince des ténèbres, Jésus-Christ, le Fils de Dieu, a pu devenir notre Sauveur et faire toutes choses nouvelles.
Il fallait nous rappeler une fois de plus ces vérités élémentaires, mais combien essentielles! Non parce que nous serions au seuil d’une étape nouvelle, mais, plus simplement, parce que ces vérités-là sont vitales pour chacune de nos journées. Elles sont d’une portée immédiate; souvenons-nous que la nouveauté de l’Évangile est l’objet de la foi et non d’une expérience épidermique.
Regardons pourtant autour de nous. Avec quel acharnement les hommes s’attachent-ils à leur passé et avec quelle frénésie courent-ils vers ce qu’ils appellent l’avenir! Les uns voient, avec un sentiment d’infinie désolation, détruire tout ce qui faisait leur vie antérieure. Valeurs, culture, idées, morale… Il leur semble que tout est sur le point d’être déraciné et que le sol est déjà jonché des débris d’anciens trésors émiettés et piétinés… Aussi est-ce dans l’angoisse qu’ils s’interrogent sur l’avenir.
Une grande partie de l’Église chrétienne est à son tour prise d’une telle désolation et en proie à l’angoisse. Le matérialisme athée, cet humanisme impitoyable, a balayé sur son passage les vieilles et bonnes certitudes de jadis. Que reste-t-il entre les mains des fidèles, voire dans leurs cœurs? Certains d’entre eux répètent les propos du psalmiste : « Quand les fondements sont renversés, le juste, que ferait-il? » (Ps 11.3).
Mais voici qu’au cœur même de cette désolation, partagée par les chrétiens et les non-chrétiens, nous entendons l’appel impératif du Maître et Créateur : « Laissez les morts ensevelir leurs morts, et vous, suivez-moi! » (Lc 9.60). Ce qui vient du passé est mort; peut-être même est-il bon parfois qu’il en soit ainsi… Ne tournons donc pas nos regards en arrière; souvenons-nous de la femme de Lot!
Nous sommes le peuple nouveau de Jésus-Christ, « du témoin fidèle et véritable », un peuple en marche dans et vers une nouveauté qui, chaque jour, nous vient comme la rosée et s’empare de tout notre être autant que de l’univers créé.
Plutôt que de nous lamenter sur des ruines et de garder la nostalgie du « bon vieux temps », sachons vivre dans l’unique nouveauté véritable : celle qui resplendit au regard de la foi et qui n’a rien à voir avec les clinquantes, mais fragiles et éphémères, valeurs de ce monde. Contemplons donc Jésus, « l’Alpha et l’Oméga, le commencement et la fin; celui qui est, qui était et qui vient » (Ap 1.8).
Gardons-nous aussi de nous tourner vers le futur comme si le salut, la guérison ou le miracle devaient venir du lendemain. Des hommes arrogants prétendent, une fois de plus, bâtir cet avenir par la seule force de leurs bras. Mais peut-on construire quelque chose de fiable avec des gravats et du plâtre ramassés sur des ruines?
L’avenir se trouve, lui aussi, entre les mains de Jésus-Christ, et c’est de lui seul que nous le recevrons. Sa bonne volonté et sa toute-puissance le préparent, et aucune force du mal ne saurait prévaloir contre lui ni menacer les siens.
Son règne est annoncé et son Royaume imminent, en pleine expansion. Lorsque nous prions : « Que ton règne vienne », nous savons que notre prière est exaucée, car il déclare : « Oui, je viens bientôt. » Nous accrocher au passé ou nous précipiter devant le temps, anticiper l’avenir, c’est oublier que Jésus-Christ est devenu notre « nouveauté ». Plutôt que de nous préserver de menaces imaginaires ou de nous mettre à l’abri de périls inexistants, préoccupons-nous chaque instant d’une seule chose : « En quoi ma vie, mes pensées, mes discours, mes gestes sont-ils conformes avec cette nouveauté? Comment puis-je refléter la nouveauté de vie? »
Je crois fermement, sans que cela soit signe de fatalisme ni même de « résignation », que tout au long de notre carrière terrestre nous serons confrontés à des questions difficiles et peut-être même à des problèmes insolubles. Il en sera ainsi parce que tel est le bon plaisir de Dieu, parce que de la sorte il nous tiendra constamment en éveil, cherchant et luttant, surmontant la difficulté et remportant des victoires. Le signe et l’assurance de cette victoire nous ont déjà été accordés : la résurrection du Fils de Dieu.
J’ose même dire que, si périls et menaces il y a sur la tête des hommes, si jugement suspendu au-dessus d’eux, c’est bien de la sentence de Jésus-Christ et de ses jugements saints qu’il s’agit. Lui, qui est la pierre d’angle, est en même temps la pierre d’achoppement. Et malheur à celui qui y achoppe! Le jour vient où celui qui s’oppose à lui sera brisé à jamais.
Pourquoi alors nous attarder, reculer, nous figer dans l’angoisse? Le temps, celui que nous mesurons, celui qui semble apporter progrès, nouveauté et modernité, n’est rien en soi. Il devrait nous rappeler l’éternité de Dieu. Pèlerins de la foi, c’est vers elle que nous avançons, emportés par celui qui est le chemin, mais qui, de manière étrange, nous porte sur ses bras jusqu’à la destinée finale.
À cause de cette certitude, nous pouvons refuser de nous laisser séduire par le clinquant d’une modernité qui jaunit aussitôt que nous tournons la feuille de notre calendrier… Aussi importantes que puissent paraître à nos yeux la science ou la technologie moderne, voire l’économie, notre avenir n’en dépendra pas. Car si elles avaient pu décider de notre sort, le vingtième siècle aurait dû être le plus heureux de tous les siècles dans les annales de l’histoire. Nous en sommes bien loin, hélas… Voyez avec quelle angoisse nos contemporains envisagent ce troisième millénaire!
Ils s’imaginent que ce qui se passe à l’instant même c’est du neuf, signe de progrès, conquête sur le passé… D’où l’engouement frénétique de tant de gens de notre époque pour l’actualité, la futurologie et toutes les illusions et surtout désillusions qui les accompagnent.
Les perpétuels changements et mutations, les adaptations, l’instabilité et l’incohérence du comportement des idolâtres modernes sont, eux aussi, le signe sûr et certain d’une décadence mortelle, d’une mort qui dévore chaque journée vécue loin de Dieu… Le monde passe toujours ainsi, et aussi sa convoitise…
Mais plus grave encore, parce que cela nous touche de plus près, est le fait que nous autres chrétiens, nous soyons pris au piège de l’énorme malentendu, pour ne pas dire de l’immense illusion, de certains renouveaux actuels. Parce que le décibel des voix monte ici et là et que des chrétiens bavardent dans une intolérable cacophonie, il semblerait qu’il y ait du neuf « du côté du Saint-Esprit ». Et alors nous sommes parfois les témoins surpris et affligés d’étranges exhibitions psychoreligieuses de la part de certains frères chrétiens. Pensent-ils que la vie chrétienne et l’Église de Jésus-Christ doivent ressembler à ce grand magasin parisien où, à chaque instant, « quelque chose s’y passe »?
Le Christ nous a engendrés pour une vie nouvelle, et celle-ci n’a rien à voir avec une quelconque modernité sujette au temps qui s’évanouit. Elle est d’une qualité tout autre. De telle manière que, même si la forme extérieure de cette vie se détériore, malgré ses rides, les infirmités ou même la difformité de notre corps, notre être se transforme « de gloire en gloire » (2 Co 3.18). Le Christ opère comme lors de la première création, durant la nuit même qui précède le jour nouveau. Il le prépare en dépit des ténèbres.
Que les questions que nous posons ne soient plus : « Quoi de neuf? » ou « Avez-vous entendu les propos du nouveau chef du parti, de l’État, de l’Église? », mais plutôt : « Savez-vous que le Christ a déclaré, une fois pour toutes : Je fais toutes choses nouvelles? »
Alors notre préoccupation essentielle consistera à nous interroger : « Comment m’aligner sur cette nouveauté-là? », car « Jésus-Christ reste le même, hier, aujourd’hui, éternellement » (Hé 13.8).