Vivre chrétiennement
Vivre chrétiennement
« Comment trouver un mode de vie chrétien? », m’interroge dans une de ses lettres un auditeur de Perspectives Réformées. Ne pouvant pas traiter ici en long et en large de la vie chrétienne et de toutes ses implications, je voudrais simplement en souligner quelques points susceptibles d’être développés et approfondis, aussi bien pour la réflexion que pour la pratique de la foi et de la piété chrétiennes.
Décrire la vie chrétienne dans sa totalité revient à rendre compte de chacun de nos instants, de chacune de nos réflexions, de chacun de nos actes et de chacun de nos discours. Nous ne le dirons jamais assez : Notre vie tout entière est religion ou elle n’est rien!
Permettez-moi de nommer tout d’abord la prière, ce point saillant de la vie chrétienne. Je ne pense pas seulement aux moments précis où nous nous recueillons dans la présence de Dieu, mais à ce mode d’existence proposé et décrit par l’apôtre lorsqu’il exhorte : « priez sans cesse » (1 Th 1.17). Comme le Christ intercède sans cesse au ciel auprès du Père, ainsi son disciple ici-bas priera sans répit.
La prière est la substance, le souffle même de la vie. On a pu dire d’Hénoc, de Noé, d’Abraham, comme de chacun des témoins de la foi : « Il fut un homme de prière »… Quelle belle description pour un chrétien! Elle indique la proximité de Dieu et le degré d’intimité dans laquelle il vit avec son Seigneur. Une question le préoccupe : « Seigneur, que veux-tu que je fasse? » Vivre ainsi c’est vivre chrétiennement jour après jour la vie chrétienne. Les paroles de notre bouche et les méditations de notre cœur seront alors acceptables devant Dieu. Dans cet abandon à la volonté du Seigneur croîtra l’arbre qui portera de nombreux fruits en l’honneur de Dieu (Ga 5.22-23).
La piété est l’autre point qui marquera notre marche dans la foi. C’est vers elle que conduit nécessairement l’exercice de la prière incessante. Vous ne pourrez « prier sans cesse » à moins d’avoir des moments et des heures régulièrement respectées pour la prière. Il y a l’excellente habitude chrétienne de rendre grâces avant le repas; d’autres se mettent à genoux avant de se coucher pour se remettre et remettre toutes choses entre les mains de Dieu. D’autres chrétiens consacrent les premières heures de la journée à cette intimité avec Dieu. Quiconque confesse le nom du Christ prêtera attention à son conseil : « Toi, quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte et prie ton Père qui est dans le lieu secret » (Mt 6.6). Si nous sommes trop occupés pour accorder à Dieu quelques instants dans la journée, qu’en sera-t-il de nous dans l’éternité, qui se passera dans sa présence? Si nous n’avons pas de temps pour lui ici-bas, il se pourrait qu’il n’en ait pas pour nous plus tard…
La Parole de Dieu et son écoute constitueront l’autre point que je voudrais mentionner. Une conversation entre deux amis n’est jamais un monologue, mais toujours un dialogue. Nous ne devons pas seulement parler à Dieu, mais encore l’écouter. Dieu nous parle de diverses manières : dans notre conscience, certes; parfois au sommet d’une montagne majestueuse; certains prétendront que c’est dans l’introspection et le mysticisme; d’autres encore, par l’intermédiaire d’une belle œuvre d’art. Mais là où il s’adresse à nous de manière claire et intelligible, c’est dans sa Parole.
La Bible est cette Parole, car Dieu en est l’auteur. Nous y entendons sa propre voix. C’est lui en personne qui nous instruit, nous exhorte et nous prévient (Jc 1.18-25). En l’écoutant, nous écoutons Dieu lui-même et devenons des êtres plus vrais.
Nous savons que la Bible contient la loi de Dieu. Nous pensons peut-être qu’il s’agit là d’un texte rigide, austère et sévère, qui exige de nous une perfection absolue… Oui, elle est ainsi, et c’est cette loi qui sert de mesure à notre comportement. La loi de Dieu reste valable pour notre existence chrétienne (Ga 3.24). Mais elle est aussi loi de liberté et de libération, source d’inspiration et guide infaillible. Nous ferons donc notre possible pour conformer notre conduite chrétienne à ses normes pour témoigner envers Dieu notre reconnaissance.
Qu’en est-il du travail quotidien? Il constitue la plus grande partie de notre vie. Quelle sera la profession que nous choisirons pour gagner notre vie et subvenir aux besoins des nôtres? Nous pensons parfois qu’il est possible de diviser la vie chrétienne en deux parties : l’une religieuse et spirituelle, l’autre terre à terre. Comme si un mari pouvait être l’époux de sa femme pendant la moitié de la journée seulement ou que l’élève pouvait cesser d’être élève dès qu’il quitte les bancs de l’école…
Le travail quotidien est partie intégrante de notre vie chrétienne, et la Bible s’en occupe énormément. Ainsi, le choix d’un métier sera déterminé du point de vue chrétien. S’il est vrai qu’il n’y a pas de sot métier, comme l’affirme le dicton populaire, il faut toujours examiner les motifs de nos choix. Les raisons pour choisir telle ou telle profession sont-elles uniquement motivées par l’appât du gain, du prestige, de la situation sociale, ou bien en tout premier lieu par le service de Dieu et du prochain? Comme devant tout autre choix, le chrétien doit se demander dans ce domaine : Comment puis-je glorifier le Seigneur de ma vie? Comment puis-je utiliser le mieux les talents reçus?
Cela dit, je voudrais insister sur le point suivant : Aucun jeune chrétien ne devrait se poser la question du métier sans se poser tout d’abord la question de savoir s’il pourra exercer sa profession au service de Dieu. Car chaque enfant de Dieu est sauvé en vue du service qu’il doit tout d’abord à son Seigneur et ensuite à son prochain. Tout chrétien, sans qu’il doive être nécessairement pasteur ou évangéliste, pourra servir le Seigneur, aussi bien dans son travail professionnel que dans sa famille, son Église ou sa cellule de prière. Au lieu de chercher des loisirs à tout prix, combien d’heures ne pourrions-nous pas mettre à la disposition du Seigneur de notre vie!
Parmi les points les plus importants de notre vie chrétienne, il y aura nécessairement l’argent et les biens matériels. Beaucoup de gens ne travaillent que pour gagner de l’argent. C’est la raison pour laquelle le travail, même dans les meilleures conditions, ne fait plus le bonheur de personne et l’argent gagné encore moins, quoiqu’on puisse penser à ce sujet. Le travail a cessé d’être, pour la plupart des gens, un moyen d’accomplir une œuvre pour glorifier Dieu et pour servir le prochain…
La Bible nous parle souvent de l’argent en très mauvaise part et oppose deux modes de vie : soit servir Dieu, soit servir Mammon, c’est-à-dire l’argent divinisé. En opposant Dieu et Satan, Jésus l’a fait en termes de « Dieu et Mammon ». « Il est plus facile de passer par le trou d’une aiguille que pour un riche de s’introduire dans le Royaume… » Pourtant, le mal ne se trouve pas en l’argent comme tel, mais dans la manière dont nous nous le procurons et l’usage que nous en faisons. Son amour excessif est la racine de tout mal (1 Tm 6.10) et même source de grands malheurs.
En revanche, rien n’égale la joie de donner pour l’amour du Seigneur. « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Ac 20.35). « Dieu aime celui qui donne avec joie » (2 Co 9.7). Y a-t-il une règle fixe pour notre offrande? Dans l’Ancien Testament, la loi stipulait que chaque Israélite ayant de quoi vivre devait donner la dîme pour l’œuvre de Dieu. Dans le Nouveau Testament, nous ne trouvons pas de règles fixes à ce sujet et le don semble être laissé à la discrétion du croyant. Beaucoup de chrétiens pensent que chaque personne et chaque famille ayant une situation matérielle pouvant être considérée comme normale dans la société dans laquelle ils vivent devraient continuer à donner la dîme de leurs revenus. D’autant plus que les bénédictions qui sont les nôtres après la croix du Christ sont infiniment plus riches que celles dont bénéficiaient les Israélites de l’Ancienne Alliance. Nous pensons que ces chrétiens-là ont raison et que celui qui a reçu des biens matériels en abondance peut donner bien au-delà de la dîme… Nous sommes d’avis, pourtant, de ne pas imposer la dîme comme une règle fixe à ceux qui ont de réelles difficultés d’ordre matériel et qui sont incapables de pourvoir décemment aux besoins de leurs familles. Que ceux-ci trouvent, dans la prière et dans la Parole, le chemin de l’obéissance dans ce domaine.
Nous avons connu des personnes qui, ne pouvant pas donner de l’argent dans telle époque de leur vie, ont donné une partie de leur temps et de leur travail à l’œuvre du Seigneur. Ce faisant, ils se sont acquittés de leur devoir vis-à-vis du Royaume, et peut-être mieux que ceux qui étaient en mesure de donner de l’argent.
Nous devons signaler en passant que, malheureusement, la parcimonie (et même l’avarice) d’une certaine catégorie de membres d’Église est telle que, par leur faute, les œuvres de l’Église et de la mission connaissent les plus grandes difficultés…
Certes, Dieu n’a pas besoin de nos richesses ni de nos dons, mais il veut faire de nous ses associés dans l’œuvre du Royaume, se servir de ce que nous possédons; et il promet aux croyants généreux : « Je déverserai sur vous la bénédiction, au-delà de toute mesure » (Ml 3.10; voir 2 Co 9.6-15).
Parlons à présent des loisirs, qui ont pris une part si importante dans les pensées de nos contemporains et qui sont, de ce fait, devenus un véritable casse-tête! Quelle dérision, n’est-ce pas? À tel point qu’il est plus raisonnable de parler, si le jeu de mots est permis, de « décréation » que de récréation au sujet des heures où nous faisons, la plupart du temps, tout et n’importe quoi au lieu de nous ressourcer. Et nos problèmes deviennent alors plus insolubles encore! Sur ce point-là aussi, le mode de vie chrétien sera tout autre que le mode de vie séculier. Je sais qu’il est parfois dangereux d’établir des règles rigides : ce qui est un loisir acceptable pour les uns peut devenir sujet de scandale pour les autres…
À défaut de règles fixes, voici quelques recommandations. Face au choix des loisirs, comme face à tout autre choix, nous devrions nous poser la question : Est-ce que mon attitude et mon comportement plaisent au Seigneur? Accordent-ils un crédit supplémentaire à ma profession de foi? Honorent-ils mon Église? Ou bien ne fais-je que gaspiller mon temps et mon argent? Mes loisirs me profitent-ils, physiquement et moralement, émotivement et mentalement? Après tout, nous ne sommes pas nos propres maîtres, mais les serviteurs de Dieu, et nous n’avons pas le droit de nous adonner à quoi que ce soit qui nuit à notre santé, à notre témoignage ni au service que nous devons à Dieu et à notre prochain, notamment dans notre travail et au sein de notre famille et de notre Église. Enfin, mes loisirs sont-ils occasion de chute pour ceux de mes frères dont la foi est plus faible? Servent-ils à mon édification et à celle de mon entourage? Il existe parfois des détails insignifiants qui engagent pourtant toute notre responsabilité spirituelle à l’égard du prochain (1 Jn 3.10-12).
Je voudrais encore souligner un point essentiel de la vie du chrétien : celui du mariage et du foyer. On pourrait écrire des volumes à ce sujet, mais ces volumes ne devraient s’inspirer que des considérations suivantes : le mariage reflète l’image des relations entre Dieu et nous-mêmes, d’où sa grande importance (Ép 5.31-32). La famille est décisive pour la formation de notre personnalité présente ou future, et surtout pour celle de nos enfants. Elle est une cellule, une pierre d’angle pour l’Église et pour la société. Il n’est donc pas étonnant que la deuxième Table de la loi commence par un commandement qui touche à la vie familiale. Le rôle que le chrétien joue dans son foyer, comme adulte ou comme enfant, est tellement important que, même s’il devenait président de la République, sa responsabilité ne serait pas plus grande…
C’est au sein de notre foyer que notre comportement sera le meilleur ou le pire. Il est à craindre qu’il n’y ait actuellement aucune différence entre nombre de foyers chrétiens et les foyers non chrétiens. Les conversations, les repas, les plaisanteries, voire les chansons, y sont à peu près les mêmes… (consulter Rm 12.1-12 et 1 Pi 2.9). Le Seigneur nous commande de l’aimer de tout notre cœur, et il ajoute à ceci la recommandation d’enseigner tout ce qu’il ordonne à nos enfants (Dt 6.5-7). Peut-on vraiment dire de notre foyer : « Le Christ est le chef de cette maison, l’hôte invisible de nos repas, l’auditeur silencieux de chaque conversation »? C’est pourtant à cette absolue obéissance que l’Esprit et la Parole nous invitent.
Une telle vie chrétienne vécue sur terre est la préparation même de la vie éternelle. Là, nous atteindrons parfaitement la réalité que nous avons essayé d’atteindre ici-bas imparfaitement. Mais la vie éternelle commence au moment même où nous entrons dans la vie chrétienne. « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle » (Jn 3.36). Même la mort n’est qu’une entrée vers la communion totale avec le Seigneur. Le disciple de Jésus-Christ ne meurt pas, car son Sauveur est la résurrection et la vie (Jn 11.25). Ainsi, la vie éternelle n’est pas une suite interminable de moments de temps linéaire, mais principalement qualité de vie nouvelle dans la proximité de Dieu où il n’y a ni mal ni péché, ni maladie ni mort, mais bienheureuse béatitude sous le regard de Dieu (Ap 21.4-27).